Masque chirurgical et plume de chaleur

Les capitales

Science, technologie, espace, climat

Pour mémoire : réponse à ce témoignage d’une personne devant porter le masque pour préserver sa santé, confrontée aux regards et à l’intolérance des autres :

Les conséquences de l’individualisme à l’occidentale. On a vu avec la pandémie (et plus encore aujourd’hui que plus personne n’en a rien à faire) en quoi la mentalité occidentale est problématique. En Asie, on pense d’abord aux autres : mettre un masque, c’est respecter l’autre.

Parler d’ailleurs des différences entre cet esprit occidental et asiatique, c’est souvent aussi se heurter à un racisme anti-asiatique, qui sera d’autant plus accepté que les Asiatiques, c’est lointain, on n’en a pas chez nous, et de toute façon leur mode de vie est différent. Ben oui, on prend soin des autres, et on n’aime pas trop les gens qui sortent de la norme. C’est vrai, mais que ce soit l’héritage d’une culture d’une sorte de piété filiale ou de conservatisme social, le résultat c’est qu’en cas de crise, ils se serrent les coudes.

Nous, on s’arrache les rouleaux de PQ et les masques quand il n’en a pas, et on l’arrache à son voisin quand il y en a trop et qu’on y voit un signe d’asservissement au pouvoir.

Et le problème des crises, c’est qu’en plus de ne rien apprendre de celles dont on sort à peine, c’est qu’elles se multiplient si on n’apprend pas à les déjouer. C’est exactement ce qu’on fait avec le réchauffement climatique.

C’est toujours à l’autre de faire le premier pas, parce que dans une vision individualiste du monde où le bien commun est accessoire, voire un défaut, ce ne sont pas aux collectivités d’émettre de nouvelles normes d’usages pour régler un problème, c’est au particulier. Même discours qu’avec la pandémie : c’est de la responsabilité de chacun. Avec l’idée que les riches de toute façon échapperont encore le temps de leur existence aux conséquences du réchauffement climatique, et que les pauvres n’ont qu’à prendre des douches moins souvent.

Nos enfants et petits-enfants, ce sont les fragiles de demain, ce sont eux qui devront subir les conséquences du réchauffement climatique, d’une société grippée, alors pourquoi s’emmerder à se restreindre à « porter un masque » aujourd’hui. Pour nous, tout va bien.

Même à la météo, on l’a dit : « le temps se gâte ». Ah ? Il va encore faire grand soleil avec pas une goutte de pluie ?… Ah, non, au contraire : le temps se gâte = il tourne à l’orage. L’inverse existe : le temps s’améliore = il fait beau (sic).

Le culte du bien-être personnel toujours. Et temporaire. On est littéralement dans le « l’important c’est pas la chute, c’est l’atterrissage ». On sait que l’atterrissage, c’est surtout les générations suivantes qui vont se le prendre dans le pif. On sait qu’on a les moyens de réduire les dégâts à l’atterrissage, mais comme ce serait précipiter en quelque sorte notre chute en devant adopter des usages plus respectueux pour nos prochains (voisins ou prochains occupants sur la planète) et que ça limiterait nos libertés, on s’en tape.

Donc on en est là. On n’a pas réussi à s’en sortir ensemble face à une pandémie. Il n’y a aucune raison de penser qu’on fera mieux avec le réchauffement climatique.

Et ce n’est pas la faute des politiques : les politiques disent ce qu’on veut entendre. Ce n’est pas une question politique, mais une question culturelle, de mode de vie et de pensée. Le fait par exemple que la politique du zéro covid n’ait jamais été débattue est représentatif d’un manque de volonté de changer de mode de pensée. On ne prend pas soin des plus fragiles et on se fout du sort de la planète (et donc du devenir des générations futures) parce que c’est ce qu’on souhaite. C’est notre société qui est intrinsèquement égoïste. On la veut ainsi.

Coup de chaleur

Ça commence vers 7h. D’habitude, quand il fait chaud, je suis debout avant le lever du soleil pour rafraîchir un peu la chambre. Alors qu’il faisait 40° la veille, j’avais 26 à l’intérieur.

En aérant trop tard, j’ai tout de suite vu passer la température monter à 30°. Elle n’augmentera pas de la journée, pourtant il semblerait que j’ai commencé à souffrir de la chaleur sans m’en rendre compte avant le gros coup qui viendra plus tard.

À 17h, je me dis qu’il fait pas trop chaud pour remuer ma vieille carcasse de sédentaire. Je bois un bon verre d’eau et, au lieu d’aller marcher sous 40°, je me dis que je ferai un peu d’exercices de gym. Je mets le souffleur d’air devant moi, et je commence à m’agiter. Je prévois de boire. Mais au bout de quelques minutes, j’ai sans doute forcé un peu trop (je sautillais avec un poids spécial crevette de cinq kilos), et brusquement, ma vision se brouille, je me sens lourd, juste le temps de comprendre que je vais m’évanouir parce que j’ai déjà eu cette sensation avec des grippes notamment. Et donc, je tombe dans les pommes.

Aucune idée de combien de temps je suis resté inconscient, mais je me réveille allongé dans le machin qui sert à étendre le linge à deux doigts du coin de la margelle de la douche (si j’ai amorti ma chute et me suis couché, ça va, si je suis tombé comme un sac, la tête aurait pu se fracasser contre ce bord de douche, et ç’aurait fait une belle mort : quoi de mieux que de clamser inconscient ; ç’aurait été moins drôle pour les voisins qui auraient commencé à sentir l’odeur six mois après).

Aucune force pour me relever, j’ai la tête qui tourne, et je pisse la sueur comme il m’est arrivé rarement de le faire (je pense qu’il y a que les crises d’angoisse qui m’ont fait autant suer, sans doute pour les mêmes raisons, l’hyperventilation, sauf là, je respire sans doute pas à fond pour rien). Je suis conscient, je panique pas, je laisse couler la sueur, je cherche pas à bouger parce que ça m’accapare des forces que je n’ai pas, et je comprends que j’ai encore fait une connerie avec mes limites donc je fais profil bas (je fais des sprints parfois dans le bois, comme ça, pour rien, parce que j’aime bien la sensation presque de voler quelques instants, je sais que c’est dangereux et que j’ai l’air con, mais je le fais quand même).

J’ai même pas la force de me traiter de couillon, dans ces moments, on écoute son corps, et on attend.

Au bout de quelques minutes, j’arrive à m’asseoir contre le mur. Je sue encore un max, mais ma respiration semble être moins profonde. Le pouls, lui, n’a pas arrêté de monter les escaliers. Je peux toujours pas me lever, ça servirait à quoi d’ailleurs.

Après quelques instants où je perds manifestement la notion du temps, je rampe vers un fauteuil, et je vois l’heure : si on imagine que j’ai gigoté vingt minutes ma graisse, je suis resté couché plus d’une heure parce qu’il était 18h45 passé.

Après m’être reposé quelques secondes, je grimpe sur le fauteuil, je lève les jambes sur une chaise de bar parce que je me dis qu’il vaut mieux que le sang aille vers le cerveau, et je me repose. Je suis dans les vapes, je m’endors peut-être, me réveille quelques fois. Et puis je crains d’être en hypoglycémie, donc je me dis qu’il serait peut-être pas idiot d’aller bouffer un sucre (c’était idiot, mais je ne le savais pas encore). Il doit être un truc comme 20h, j’arrive à marcher, j’ai pas faim, pas mal à la tête, juste aucune force.

Je retourne m’asseoir. Je mets bien dix minutes à avaler le morceau de sucre. Je me rendors sur le fauteuil (ou tombe dans les vapes, mais je suis pas sûr de faire la différence, contrairement à ma chute, je ne me “sens” pas perdre conscience).

21h et des poussières, ça semble aller mieux. Avec toute la sueur que j’ai perdue, je me dis qu’il serait sage de boire un peu. J’ai toujours pas mal à la tête, et j’ai aucun problème musculaire (ce qui m’étonne parce que j’ai des troubles musculo-squelettiques, et il faut pas grand-chose pour que mes muscles s’enflamment). Je vais boire, aucune soif. Je commence à avoir des nausées, des vertiges. Je connais ça encore bien, ça ressemble à une migraine… sans mal de tête.

Je vais dans la salle de bains : première série de vomis. Je me vide pas mal, et en voyant tout mon déjeuner passer à peine digéré, je commence à comprendre que le coup de chaud n’est pas venu d’un coup : à une époque, manger par fortes chaleurs, ça me provoquait des migraines. Et quand j’ai des migraines… je ne digère pas.

Vomir a comme conséquence de me sentir mieux (avec effet immédiat comme pour les migraines). Je comprends encore pourquoi je n’ai ni faim, ni soif : avec la chaleur, je digère au ralenti, donc à 17h, c’était comme si j’avais tout juste commencé mon repas. Le sucre servait à rien.

Je pense que c’est fini, je prends une douche, et retourne me reposer.

Quelque temps après, j’essaie de boire à nouveau et rebelote : nausée, vertiges, nouvelle série de vomis. Toujours un plaisir de voir un déjeuner vieux d’une dizaine d’heures à peine digéré. Mais c’est bien, l’occasion une fois encore de me rendre compte que je ne mâche pas assez et me demander pourquoi le vomi trouve un moyen de passer par les narines. Je suis mal fichu ou c’est pareil pour tout le monde ?

La prochaine fois, je prends des photos et je fais un catalogue de morceaux.

Dernière chose. Quand je me balade à 35° dans un air ultra-sec, j’ai aucune sensation de soif (ça, c’est pas nouveau), mais surtout il semblerait qu’il fasse tellement chaud et sec que je ne sue pas : en réalité, je sue, mais la sueur sèche de suite. Conséquence, je dois perdre plus d’eau que je l’imagine, et le manque de sueur n’aide pas à m’alerter sur les premiers signes de coup de chaleur. À savoir pour la suite. Parce que ça ne va pas aller en s’améliorant.

‘Le chat qui fume’ édition et DVD durables

Les capitales

Réseaux sociaux

Il n’est jamais bon de se lancer dans des discussions sur Twitter (ou ailleurs sur les réseaux sociaux). D’habitude, quand je pose des questions innocentes, on ne me répond tout simplement pas. Au mieux, on ne me lit pas, au pire, on me prend pour un troll. Mais quand on me répond, j’avoue que je ne retiens jamais cette promesse que je peux me faire à moi-même quand je me retrouve embarqué dans des discussions qui n’en sont en fait pas vraiment. Les gens défendent leur gagne-pain. Leur cerveau est configuré en fonction de leur porte-monnaie. Donc quand on ose remettre en question une partie de ce qu’ils font, ils n’hésitent pas à raconter n’importe quoi, et au lieu de vous répondre, finissent par utiliser la méthode classique du retournement (entre autres) pour déplacer le problème que vous soulevez dans votre jardin. Vous pourriez leur opposer tous les arguments du monde, ils ont leur bifteck à défendre, et ils déploieront toute la mauvaise foi imaginable pour ne pas voir la réalité à laquelle vous tentez de les soumettre.

Je devrais essayer une fois de plus de me rappeler qu’aucune discussion n’est possible, où que ce soit, avec qui que ce soit, et que la réalité des échanges entre personnes sur les réseaux ou ailleurs doit strictement se constituer d’amabilités. Et comme c’est loin d’être mon truc, il serait bon que j’arrête tout bonnement de discuter. Cependant, je me connais, je suis curieux, et je pense malgré tout que certaines questions méritent d’être posées (tandis que les réponses profitent toujours in fine à celui qui ne veut pas y répondre).

Gardons ça là, pour mémoire.

Ici, il est question de l’utilisation du terme « durable » dans une pétition regroupant le monde de l’édition physique de films DVD. Je n’ai rien, a priori, contre les éditeurs de DVD, la plupart sont également distributeurs dans des cinés d’art et d’essai, mettent en lumière certaines œuvres rares ou méconnus, et participent ainsi à faire connaître des auteurs, des univers, des cinéphilies en marge ou du « patrimoine ». Quand ils se contentent d’être des marchands en profitant du talent des autres, c’est déjà moins ma tasse de thé, mais impossible de faire un tel procès d’intention quand on ne connaît pas les structures ou les personnes qui les constituent — et même à ce stade, je veux bien concevoir que leur profit particulier puisse également bénéficier à ceux qu’ils mettent en lumière ou à qui ils « délivrent » leurs produits.

Là où ça commence à me poser problème, c’est quand on prétend, en plus de ce que je viens de mentionner et qui est louable (salut à toi, feu Vidéo Futur), qu’on est un secteur « durable ». La phrase qui attire mon attention, c’est « [La vidéo physique] propose de beaux objets, durables, transmissibles et qui répondent à une envie unique, à l’opposé de la culture au débit ».

« Durable », c’est quoi ? Depuis quelques années déjà, quand on parle de « durable », que ce soit les produits ou leurs moyens de production, c’est relatif à l’environnement. Et sans trop être spécialiste, on comprend depuis un moment déjà que c’est pour qualifier un produit ou un moyen de production vertueux, à opposer à un autre qui serait polluant, énergivore ou rapidement obsolète.

Je pose donc ma question en toute innocence, adressée au compte de celui qui a partagé la page de la pétition où tout ce petit monde de la distribution demande de l’aide en ces temps de crise :

Juste une question : « Elle propose de beaux objets, durables, transmissibles » En quoi, le support physique est-il durable ?

Le chat qui fume, c’est le nom de l’éditeur DVD, répond :

Ah bon, c’est une si étrange question de demander en quoi un DVD est-il un produit durable ? Ça coule de source, non ?

Là, je lui explique qu’un DVD, c’est fait principalement en plastique, et ironiquement, je lui dis que s’il est « durable », c’est dans le sens où il peut potentiellement rester durablement dans la nature. Autrement dit, ce n’est pas biodégradable. Bref, je lui dis que ça se recycle mal (les boîtiers sans doute plus que les DVD eux-mêmes qui sont constitués de plastique et de métaux, et là, aucune technologie n’est capable de recycler à 100 % un tel produit, et si c’était possible, ce serait immensément cher et énergivore ; et puis, loi de l’entropie oblige, on ne revient jamais à un état précédent, c’est irréversible, donc en soi, le recyclage, c’est mieux, mais ce n’est pas la panacée qui rendra la société de consommation… « durable »). Et j’insiste sur le fait que, que ce soit après dix jours ou dix ans, un tel produit, on va bien finir par s’en débarrasser, et pour la planète, ça revient strictement au même. Tu stockes trente ans ton plastique sur des étagères, tu meurs, ben, à l’échelle géologique, c’est comme si ça retournait tout de suite dans la nature. Et le pétrole, il ne va pas retourner à la nature sous forme de nappe d’hydrocarbure piégée dans un sous-sol saoudien, il va se répandre dans l’air ou sous forme de microparticules dans les océans. Tu regardes ton film de deux heures, tu le laisses vingt ans dans ta bibliothèque, avec un peu de chance, il suit un cycle de recyclage, puis peut-être, ô miracle, un autre, au final, ton produit d’origine, il ne va pas retourner bien au chaud dans la poche où il était piégé depuis des millions d’années. Donc oui, ironiquement, on peut dire que c’est « durable ». Une pollution durable.

Il ne comprend pas l’ironie, donc pour lui il n’y a pas débat : je reconnais que c’est « durable ». OK.

Là, je deviens moins poli, Esther.

Ici, le petit pollueur en herbe repousse sa responsabilité écologique sur le grand épouvantail de notre époque, la Chine.

Oui, parce que si le racisme, c’est moche, j’aimerais bien comprendre un jour pourquoi le racisme anti-jaune est toujours aussi bien accepté. Parce qu’ils sont loin et ne peuvent se défendre s’en doute. Plus t’es loin, plus t’as tort. Après, je veux bien croire que la Chine soit le plus gros pollueur du monde, mais non seulement c’est pas le sujet, mais ce n’est pas ce qui est dit. Et pour faire dans le personnel, des t-shirts chinois, j’en ai justement renouvelés mon stock, il y a quatre ou cinq ans, et ils sont d’excellente qualité (après, c’était pas tout à fait 3 €, mais à ce prix-là, faudrait que je teste dans dix ans pour ma prochaine garde-robe… — oui, parce que chez moi, les t-shirts, même chinois, ça me fait vingt ans ; il me reste même quelques affaires achetées il y a 30 ans et qui font pour certaines un lavage tous les mois).

Ma réponse :

Je le traite de pollueur et de xénophobe, normal de ne pas apprécier. En retour, il paraît que ça le fait marrer de voir un mec aussi stupide que moi.

Je le fais peut-être marrer, mais là il a raison. Faudrait que j’arrête de tweeter.

En revanche, il faut oser dire que mes tweets et mon site polluent plus que son usine à plastique. Oui, mes activités polluent, j’en suis le premier désolé. Mais 1/ j’essaie tous les jours de réduire mon impact et je crois pas trop me tromper en disant qu’il est relativement faible en comparaison avec les hommes de mon âge vivant dans la même région… 2/ c’est pas ma consommation d’énergie qui pose problème, je suis pas à prétendre que je fais du « durable » (sauf si on considère que les longs articles, c’est « durable »…).

Je réponds :

(Quand je commence à appeler un mec « mec », c’est pas bon signe, mais on est d’accord pour dire qu’un « mec » qui se fout aussi ouvertement de ma gueule, ça mérite pas beaucoup de considérations, si ?)

Non, je ne le dis pas, parce que :

Dans l’article en question, ça dit bien qu’il y a des voies pour tenter de recycler les DVD, mais d’une part, c’est très limité, ce n’est pas obligatoire, et surtout, ben… c’est pas effectif. Dire qu’un objet est recyclable, ça ne veut pas dire qu’il sera recyclé. Et encore une fois, même si une bonne part de ces objets « non durables » était recyclée, elle ne pourrait pas l’être ni en totalité, ni à l’infini.

Mais je pense qu’il n’apprécie pas mes aphorismes récessionnistes.

Le pollueur qui dégrade la planète sans le savoir doit apprécier Molière pour balancer autant d’apartés. Ce sera sans doute le seul point commun qu’on pourrait se trouver.

Après, sa question m’interroge… On peut vraiment penser qu’il faut polluer pour se cultiver ?! On se cultive seulement depuis la révolution industrielle ? Depuis l’apparition du… DVD ? Depuis qu’on pollue ?… Ah.

Et puis, jolie tentative d’attaque ad hominem concernant ma culture personnelle. On dirait un gamin dans une cour de récré qui tente de filer un coup de pied aux couilles d’un camarade, le rate, et se retrouve les fesses au sol. Même Milou a plus de repartie.

Mais d’accord, ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est le « durable », hein. Mais comme je suis stupide, je me fais piéger par son concours de bites, et je continue sur sa lancée au lieu de revenir au point initial :

Ensuite, c’est lui qui pose une question intéressante :

C’est beau cette naïveté, feinte ou non, du pollueur qui demande comment sauver le monde s’il ne peut pas le polluer. Mais oui, comment ?!

(Et puis, maintenant, je sais qu’on écrit DVD avec des capitales, parce que c’est CULTUREL.)

Les DVD, c’est du plastique et du métal, y a besoin de quoi d’autre comme argument pour lui faire comprendre que c’est pas « durable » ? C’est si difficile à comprendre ou on est à niveau de greenwashing qui ne convaincrait même pas un actionnaire Total.

Alors comme je ne suis pas un troll, mais un emmerdeur attaché au sens des mots, soucieux du devenir de la planète (un peu plus que les hommes — et quand je dis « planète », je pense surtout aux autres animaux, à toutes les richesses végétales, voire minérales, qu’on est en train de saloper en un clin d’œil), je lui réponds :

Et pour compléter, honnêtement, je ne vois pas où pourrait être son piège. Si c’est le détail écolo-bobo qu’il fournit par la suite, c’est, disons… assez pathétique : ils vendent leurs DVD donc… dans des boîtiers en carton. D’un coup, je me sens transporté dans un magasin Nature & Environnement, je suis impressionné.

Maintenant, c’est lui qui trolle :

C’est amusant, quoi qu’on fasse sur cette planète, c’est toujours « utile ». C’est probablement ce qu’ont toujours essayé de dire ceux qui travaillaient dans des secteurs dépassés pour convaincre leurs contemporains de continuer à faire appel à eux. « Utile. »

Le bonhomme essaie de me tendre des pièges sur ma propre consommation. Je rappelle que c’est un type qui parle au nom d’une boîte de produits de consommation, et qu’il répond à un particulier qui lui demande en quoi son secteur est « durable » en lui demandant, à lui, si sa consommation est vertueuse…

« Monsieur Total, vous polluez ! » « Et toi, petit Africain, tu crois que tu pollues pas ! »

Pour répondre, je sors ma plus belle paire de grolles :

Bon, les normes de grandeur sont un peu exagérées. Tout le monde n’est pas forcément capable de garder des chaussures si longtemps ou de rafistoler à l’infini comme je le fais… Mais l’idée est là. Un DVD, il est « utile » combien de temps à celui qui l’achète comparé à une paire de chaussure ?… Sans compter que, si de plus en plus souvent on se chausse en pétrole, le cuir est encore très largement utilisé, et pour plusieurs raisons : c’est de meilleure qualité, ça dure bien plus longtemps et ça peut être rafistolé. Mais pour sûr, on trouve moins de bonus avec des grolles confectionnées bêtement en cuir.

J’ai ensuite droit à du haut niveau :

Réponse :

Sa réponse :

Ne pas voir la différence entre le papier et le DVD, c’est un peu flippant quand même.

Et puis j’ai droit à la plaidoirie habituelle (quoi que j’ai échappé à d’autres arguments du genre parfois utilisés : « je suis entrepreneur, je fais travailler des gens, nous sommes dans le local, si vous ne nous aidez pas, ce sont les multinationales qui gagneront », etc.) :

C’est très bien tout ça, mais ça répond à la question ? Est-ce que c’est pour autant durable ? J’ai aucun problème avec le fait de dire qu’il faut qu’il y ait des animateurs de la vie culturelle. Mais est-ce que c’est « durable » ? Si je vends du pâté, je vais pas en plus prétendre que c’est bon en lotion énergétique pour le corps. Ici, le problème, c’est pas de polluer dix ou cent, mais de dire ou non si c’est « durable ». Oui, je suis chiant. Mais on peut faire des trucs (par ailleurs légitimes) sans raconter de la merde, non ?

Je réponds donc :

Je pose une question légitime : en quoi est-ce “durable” de faire de l’édition de DVD. Tu vis sur une autre planète pour ne pas être concerné par les enjeux environnementaux ou ça te fume et tu préfères regarder ailleurs en prétendant que le problème vient… des Chinois ?

Et c’était ma dernière intervention. Ses réponses étaient tellement crétines que j’ai commencé à me dire que j’allais surtout recopier tout ça dans un article pour me calmer, tout en me promettant d’essayer à l’avenir d’arrêter de mettre les gens dans leur caca. Je suis mal élevé, non seulement ça ne se fait pas, mais surtout ça ne change rien et je passe pour un troll (doit y avoir du vrai, maman troll m’ayant toujours dit qu’il y avait pas grand-chose d’humain en moi).

Ses réponses pour finir, la première (celle en bas sur la capture) m’a tout de même fait éclater de rire.

Je le laisse deviner.

Bref, non seulement, pas question pour moi d’aider un secteur qui lâche des déchets dans la nature en prétextant qu’ils sont « la culture », mais si en plus je venais à tomber sur un film distribué par ce chat fumant, j’irais directement aller le télécharger pour avoir accès au film source (moi, j’aime la culture, l’originale) et pour boycotter des pollueurs qui nous enfument en prétendant faire du « durable ».

Les Trois Petits Cochons climatique et le Grand Méchant…

Il y a catastrophes naturelles et catastrophe naturelle. Comme dans Les Trois Petits Cochons, on est peut-être mieux armés pour faire face aux catastrophes climatiques qui s’annoncent, mais la véritable catastrophe naturelle, c’est l’extinction massive des espèces. Si les trois petits cochons ont les moyens de construire des maisons toujours plus solides contre les catastrophes, le vrai drame, c’est qu’il n’y a plus de grand méchant loup pour souffler.


La problématique du réchauffement climatique n’a aucun sens si elle n’est pas immédiatement reliée à une autre, celle de l’extinction massive des espèces

Les capitales

Science, technologie, espace, climat

Fatigué de voir toutes ces polémiques concernant le réchauffement climatique. Faire du réchauffement climatique une urgence absolue est un piège. Parce que ses conséquences et ses implications ne sont pas comprises. Le citadin, l’homme consumériste du XXIᵉ siècle, le réchauffement climatique, ça ne peut avoir dans sa représentation du monde qu’un impact anecdotique, ça se limite à modifier quelques habitudes de consommation histoire d’être citoyen, un peu comme on donne aux bonnes œuvres. Il n’y a alors pas plus d’urgence pour lui que pour la faim dans le monde ; c’est pour lui une sorte de marronnier citoyen, une problématique dont il a vaguement conscience, mais dont il refusera toujours de comprendre à long terme les réelles conséquences. Et presque à raison on pourrait presque dire. La planète se réchauffe ? On s’adaptera pense-t-il ; on ira moins dans certaines régions du monde ; on créera un budget climatisation pour les heures chaudes de l’été comme on a un budget chauffage en hiver ; et puis on acceptera en fonction de son implication des « petits » sacrifices de consommation pour « faire un geste pour la planète », un peu comme on décide de manger plus de légumes pour sa santé.

Parce qu’au fond, cet homme-là, il n’en a rien à foutre du réchauffement climatique. Et s’il s’en moque, c’est que les conséquences d’un tel dérèglement lui échappent.

Et là, c’est la faute des écologistes, des scientifiques, qui peinent à fixer les priorités de notre époque, à traduire pour l’imaginaire collectif, pour ce citadin du XXIᵉ siècle qui s’est forgé des habitudes de vie héritées du siècle passé, non pas l’urgence, mais la catastrophe environnementale déjà opérée grosso modo depuis l’ère industrielle. Quand on parle de « nature », de « planète », ou même comme je le fais ici « d’environnement », on ne parle pas de la catastrophe bien réelle qui se déroule sous nos yeux et pour laquelle on ne fait rien à force de parler du réchauffement climatique. « Nature », « planète », « environnement », ça sonne creux pour l’homme des villes, ce sont des concepts creux car éloignés de son propre environnement.

Cette catastrophe qu’il faudrait plus mettre en lumière, c’est l’extinction massive des espèces. Ce n’est plus une « urgence », c’est un fait, c’est une catastrophe, et la seule chose que l’homme peut encore faire, c’est en limiter l’impact à l’avenir. Et dans cette perspective, la lutte contre le dérèglement climatique, ce n’est qu’un aspect du problème. Le climat, il a toujours changé, oui, c’est un drame, oui, on peut agir sur lui, oui on peut espérer changer la tendance au prix d’énormes efforts, mais si on ne comprend pas l’enjeu bien plus dramatique qui se cache derrière, c’est une lutte perdue d’avance. L’enjeu, c’est le ralentissement de la disparition des espèces animales et végétales. Le climat change, les espèces les plus adaptées changeront avec lui. Seulement au rythme où nous allons, la seule espèce capable de s’adapter à une telle crise environnementale, c’est la nôtre. Le citadin n’a aucun souci à se faire, il est en haut de l’échelle, et au prix d’éventuelles crises sociales, il y a peu de chances qu’il disparaisse à moyen ou long terme. En revanche, c’est pour la diversité que c’est dramatique, pour les autres espèces, et là il ne faudrait pas croire que la disparition des espèces ça se limite à préserver les lions ou autres animaux de cirques ou de zoos. Parce que si encore une fois on se réfugie derrière des symboles, des arbres-écrans, c’est toute la forêt en péril qu’on ignore.

L’enjeu, c’est donc bien l’extinction massive des espèces. Pour une espèce qui s’adapte au stress environnemental, il y a cent, mille, dix mille, qui disparaissent, qui ont déjà disparu et qui disparaîtront encore. La terre se réchauffe ? « On » s’adapte. Mais les espèces disparues ne s’adaptent plus. Ce qui est perdu est perdu. Et ce qui est perdu, ce sont des espèces qui ont évolué en même temps que nous, qui sont parfois plus anciennes que la nôtre, qui sont les héritières d’une longue évolution, les survivants des précédentes extinctions de masse et les témoins du miracle de la vie.

Préserver la biodiversité, ce n’est pas non plus œuvrer pour maintenir une ressource éventuelle dans le cycle du vivant : les espèces ne sont pas au service de l’homme. Que nous puissions tirer profit à tous les niveaux et cela déjà depuis des dizaines de milliers d’années, de certaines espèces, c’est pour beaucoup ce qui nous a permis de nous élever en tant qu’espèce au-dessus de toutes les autres, oui. Mais si cette exploitation est réelle et doit pouvoir se maintenir dans des proportions raisonnées, elle n’est pas la finalité de la préservation des espèces. On mange de la viande, des végétaux, toute notre pharmacopée est tirée et dépend de cette richesse, mais on ne préserve pas la nature à notre seul profit. Autrement, on ne chercherait qu’à préserver les espèces dont on tire profit. Difficile à concevoir pour un homme citadin du XXIᵉ siècle que tout l’environnement de la planète ne doit, et ne peut être, formaté à son seul usage et profit. Ici, l’ennemi, c’est l’urbanisme grandissant. On ne préservera pas les espèces dans une logique de « réserves naturelles ». L’exception, il faudra le comprendre, c’est l’urbanisme. La règle devrait être la préservation des espaces naturels pour garantir l’habitat des espèces dans leur milieu d’origine. Le dérèglement climatique impose des migrations. Les hommes peuvent migrer. Les espèces séquestrées dans des réserves, non.

L’enjeu, il est là. L’intérêt supérieur de toutes les espèces peuplant encore ce monde. Des espèces, tout comme la nôtre, qui sont le fruit de millions d’années d’évolution, de crises, de catastrophes. Le danger, il n’est pas pour demain, il n’est même pas pour nos générations futures qui ne peuvent craindre que pour leur confort de grands consuméristes ; le danger, il est de voir disparaître toujours plus d’espèces de la surface de la planète et d’être continuellement au chevet d’une poignée d’autres qu’on aura décidé de préserver pour notre seul profit. Continuons à avancer avec des œillères, et ce ne sera pas notre environnement climatique qui sera chamboulé, mais bien la surface de la terre, ce qu’on appelle biomasse, biodiversité, le « vivant », et qui pourra alors se conformer à l’idée anthropocentriste qu’on se fait d’elle : entre les villes, il n’y aura plus que des routes et des terrains vagues stériles.

Une vérité qui dérange, Davis Guggenheim (2006)

« Je vous l’avait bien dit ! » leurre dira-t-il

Une vérité qui dérange

An Inconvenient Truth

Note : 3 sur 5.

Titre original : An Inconvenient Truth

Année : 2006

Réalisation : Davis Guggenheim

Heureusement que l’Amérique est là pour nous prévenir que la Terre est en danger. Vous verrez que dans cinquante ans, ils auront réécrit l’histoire :

« L’Amérique était la seule puissance internationale à dénoncer les abus de l’hyper-consommation. Nous allions droit dans le mur et nous avons été les premiers à réagir. Puisque tout le monde envie notre manière de vivre et nous écoute, tous les pays se sont finalement rangés de notre côté pour sauver la planète. »

Les USA ont au moins cette qualité de pouvoir changer radicalement de cap quand c’est nécessaire, mais aussi de s’approprier les idées des autres pour en tirer le meilleur. Je parie donc que dans 50 ans, les USA seront plus écolos que n’importe qui, et auront — eux — réussi à convaincre de changer les règles…

Ou pas. À mesure qu’un pays s’encroûte et s’embourgeoise, l’inertie politique augmente (selon le théorème Pitigros). L’autocongratulation aussi. Depuis le film, les démocrates sont repassés au pouvoir et rien n’a changé. Globalement, le réchauffement climatique, l’Américain n’en a rien à foutre. Quand on a toujours foi en l’avenir, on croit aussi qu’on sera toujours en capacité de s’adapter. C’est le problème de la question posée : on parle de réchauffement climatique et non de ses conséquences directes. La réponse de l’Amérique pourrait tout aussi bien être : « La clim’ pour tous ! ». Quand certains se chamaillent pour savoir s’il est légitime de lancer l’alerte ou oublie la conséquence principale du réchauffement : la perte de la diversité biologique. Même dit comme ça, ça ressemble à une revendication écolo, alors on va essayer une autre expression : sixième extinction massive des espèces.

Le début de l’extinction massive des espèces coïnciderait avec le développement des civilisations humaines. Elle s’est accentuée au rythme de l’expansion de l’homme sur la planète. Vue du ciel, l’empreinte de l’homme semble minime. La part des villes est ridicule. Seulement, partout les zones urbaines ne cessent d’augmenter. La vérité (qui dérange ou pas), elle se situe plutôt là. Est-on prêts à nous interroger sur le modèle de développement et en particulier sur le principe de croissance ? Parler uniquement du réchauffement climatique permet un peu trop facilement de pointer du doigt les industriels quand ils ne font que prospérer selon les règles établies par les sociétés. Il y a quelque chose de bien hypocrite là-dedans. La responsabilité, elle est politique, commune. Il n’y a pas d’un côté les méchants industriels qui seraient des profiteurs et des pollueurs, et d’un autre côté, des populations victimes. Jamais il n’y a eu autant de systèmes démocratiques, jamais la connaissance n’a été aussi facilement accessible, et c’est paradoxalement aujourd’hui que l’inertie est la plus grande. La mondialisation et la démocratie diluent les responsabilités et développent la bonne conscience individuelle face à la reconnaissance de notre propre incapacité à changer les choses. Alors, à y réfléchir, croire que l’Amérique puisse être ce guide attendu nous menant à la vertu c’est croire au Père Noël. L’Amérique, c’est une pisseuse qui voudrait se libérer de toutes les contraintes possibles. Comment croire que des décisions soient prises pour le bien commun dans un pays où cette notion est perçue comme le diable, et où pour beaucoup moins d’État, moins de politique, est toujours la meilleure option possible ? Est-ce qu’on imaginerait une Athènes antique rêvant de moins de politique ?… Est-ce que l’Amérique de Gore peut donc devenir tout à coup écolo ? Peu probable.

Peut-être justement parce qu’il y a deux Amériques. Irréconciliable. Les Lumières ont illuminé le monde en déchargeant leur carbone dans l’atmosphère… comment faire comprendre ce paradoxe aux obscurantistes qui profitent eux aussi de ces lumières ?…

Une vérité qui dérangerait, ce serait de voir que finalement, ceux qui seraient les mieux placés pour opérer et imposer ce changement, ce sont les Chinois. Parce qu’entendre Gore dire, dix ans après, qu’il y a une vérité qui dérange, ça ressemble plus à l’aveu du gosse de riches ayant repris l’affaire de papa révélant que son rêve aurait été d’être musicien. Ah oui putain, la vérité qui tue !… Dire que le monde va mal et qu’on ne va nulle part, ça dérange, Al ? C’est bien d’enfoncer les portes ouvertes. L’écologie de bobo, c’est l’écologie d’une élite éclairée, celle qui prétend détenir la vérité et les clés d’un monde meilleur. L’écologie elle s’impose à tous ou à personne. Si elle n’est pas une évidence pour tous, eh bien qu’on crève. Mais qu’on crève les yeux bien ouverts sur le monde qu’on est en train de créer. Qu’on en souffre jusqu’à notre dernier souffle. Et comme on plonge un doigt mouillé dans un verre d’eau en nous écriant « tempête ! », on pourrait aussi à l’image de ce qui se fait pour le tabac, planter le message « voter tue » sur les urnes électorales, « consommer tue » sur chaque ticket de caisse, « se reproduire tue » sur le cul de bébé. On pourrait aussi adopter comme devise « tout ce qui nous rend plus forts nous tue ». Bref, merci pour toute cette bonne conscience. On ne peut pas chercher à être Priam et Cassandre à la fois, ou à tour de rôle. « Après moi le déluge ». Oui, oui merci.


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