Don’t Look Up : déni cosmique, Adam McKay (2021)

Échauffements médiatiques

Note : 3 sur 5.

Don’t Look Up

Année : 2021

Réalisation : Adam McKay

Avec : Leonardo DiCaprio, Meryl Streep, Jennifer Lawrence, Timothée Chalamet, Cate Blanchett, Mark Rylance, Tyler Perry, Jonah Hill, Rob Morgan

Satire poussive qui a peut-être au moins le mérite d’exister. Ou pas. Ce qui a le mérite d’exister, c’est que la satire se double d’une allégorie sans grandes concessions d’un monde incapable de faire face à la réalité d’un réchauffement climatique. Le problème, c’est que si l’allégorie est claire, et si elle emploie le genre difficile de la satire, elle n’a en définitive rien de drôle, et si le film est parsemé d’infinis petits détails bien sentis et cruels, il plonge le spectateur le plus souvent dans une consternation gênée et muette.

La satire est le genre le plus compliqué qui soit, alors quand elle s’attaque en plus à un sujet tragique en gestation lente comprimé ici en quelques mois, le geste est certes louable, mais elle peine largement à convaincre.

L’allégorie donc est simple et plutôt bien trouvée : pour évoquer le réchauffement climatique (cela vaudrait tout aussi bien pour une pandémie), et le quasi-désintéressement du monde face à un désastre annoncé, le film met en scène la quête de deux astronomes cherchant à convaincre la population de la réalité d’une catastrophe imminente, celle qu’une comète foncerait sur la terre et dont l’impact prévu six mois plus tard assurerait à l’humanité une fin certaine. Le ton du film navigue alors tour à tour entre réalisme et farce, et c’est un des soucis du film, à chercher d’abord à reproduire plus ou moins bien la manière dont une telle découverte pourrait être faite puis amenée à la connaissance des instances dirigeantes, et par la suite, opposer ces éléments avec d’autres beaucoup plus clairement inscrits dans la farce. C’est ce mélange de sérieux et de farce, puis de sentimentalisme, qui perd un peu le film. Si le personnage de Meryl Streep, dans sa combinaison de présidente entre Trump et Hillary Clinton, est plutôt convaincant dans ses outrances et son ridicule, si Leonardo DiCaprio l’est tout autant dans un premier temps dans un rôle de scientifique gauche, on s’écarte définitivement du sujet quand son personnage perd inutilement les pédales et se grise face à sa popularité naissante. En temps de pandémie, surtout en France, cette transformation aurait eu un sens, mais concernant le réchauffement climatique, j’avoue ne pas comprendre le message, ou la référence… Les scientifiques alertant sur les menaces à venir, ou déjà bien présentes, ont le défaut de ne pas être entendus ou pris au sérieux, pas vraiment de tomber dans les travers décrits dans le film.

Les autres personnages ne sont guère plus convaincants. On ne sait trop sur quel pied danser avec ce personnage de la doctorante découvreuse de la comète tueuse : difficile de plaisanter à son sujet, c’est pourtant ce que le film cherche à faire en jouant avec elle avec un comique de répétition aussi peu drôle que malvenu. Il est question à un moment d’appuyer sur le sexisme dont elle est victime et dont son professeur tire profit, mais à l’image du reste du film, il finit par tomber dans ce qu’il dénonce : Leonardo DiCaprio s’étonne une seconde qu’on ne prenne pas plus attention à son étudiante… puis assume volontiers le rôle de leader et de caution scientifique (rôle que son étudiante semblait pourtant bien partie pour assumer — du moins, c’est ce que laisse entrevoir Jennifer Lawrence dans son interprétation — avant de devenir la risée des réseaux sociaux), ce qui permet à l’acteur de prendre la lumière, et à Adam McKay, du même coup, d’étouffer dans l’œuf une des propositions intéressantes du film.

Avec celui de la présidente, le portrait fait de la présentatrice télévisée joué par Cate Blanchett est ce qu’il y a de plus féroce, seulement je ne prête pas à l’actrice le même talent que Meryl Streep pour la comédie, encore moins la farce. Elle était déjà insupportable dans un Woody Allen de triste mémoire, et c’est à se demander si pour le coup prendre une réelle bimbo de la télévision dans le rôle n’aurait pas mieux fait l’affaire. On devrait pouvoir rire de ses outrances, de son masque biotoxé, pas avoir de la peine pour une actrice correspondant malheureusement un peu trop à la caricature proposée… La satire, comme la comédie, est toujours affaire de bonne distance. (Et allez savoir pourquoi, après un début de carrière convaincant, je n’ai jamais pu supporter Cate Blanchett… C’est comme si elle choisissait en permanence des personnages contre-nature.)

Le personnage du fils de la présidente quant à lui, s’il a peut-être le mérite au moins de jouer les bons faire-valoir auprès de sa mère, il s’oppose surtout bêtement à la doctorante. Ce n’est pas assez drôle pour être réellement de la farce, et l’acteur lui-même ne semble pas bien à l’aise à situer la nature ou le registre de son personnage. Un autre acteur est lui aussi perdu dans son rôle, c’est Mark Rylance : le personnage semble être un mix entre Elon Musk, Jeff Bezos et Steve Jobs, mais ses allures de télévangéliste endormi jettent le plus souvent un froid, et la farce supposée jaillir d’une telle caricature d’entrepreneur high-tech patine affreusement dès qu’il a trois phrases à dire.

Deux autres personnages inutiles complètent cette riche distribution : le chef d’une organisation censée gérer les implications d’une telle découverte (personnage tellement inutile que les scénaristes, dans leur bonté, choisissent d’en faire un célibataire sans vie personnelle, sans famille, mais… avec un chat soudain devenu superflu le jour du grand soir — ne l’appelez pas Schrödinger, mais Oglethorpe), et un jeune délinquant joué par Timothée Chalamet dont l’unique utilité dans le film consiste, lui, à appuyer lourdement sur une des seules concessions faites par les auteurs du film à un monde en perte de sens total : … la religion. Tout le monde en prend pour son grade, même Hollywood (petite séquence d’autocritique), même les scientifiques qui n’y sont pour rien, et qu’elle est la seule chose qui est préservée dans ce grand dérèglement médiatique ? La religion. On ne peut pas mieux se prendre les pieds dans le tapis. Vive l’Amérique… C’est vrai quoi, si les scientifiques avaient un peu plus la foi, on n’en serait sans doute pas là tout de même…

Bref, parfois de bonnes idées, de bonnes intentions (difficile d’aborder l’aveuglement de nos sociétés face au grand défi de notre siècle dans un film autrement qu’à travers une satire), mais un résultat mitigé. L’image renvoyée de notre société est consternante, certes, mais ni drôle, ni parfaitement mordant comme il faudrait.


 

Don’t Look Up : déni cosmique, Adam McKay 2021 | Netflix


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