Mémo – Cours de paléoanthropologie au Collège de France Jean-Jacques Hublin

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Mémo – Cours de paléoanthropologie au Collège de France Jean-Jacques Hublin

Introduction

I Première sortie d’Afrique :

Émergence de Homo erectus.

Le chapitre notamment sur l’endurance qui serait devenu un avantage pour erectus :

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2014-2015.htm

Apparition du feu à 400 000.

II Néandertals et Denisoviens

A/ Diversification du pléistocène moyen (780 000 à 126 000) :

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2015-10-06-17h00.htm

Retour sur Homo erectus :

Où on apprend qu’Homo erectus est le premier hominine s’étant d’une part aventuré hors d’Afrique, qu’il est le premier également à avoir supplanté toutes les autres espèces d’hommes qui s’étaient développées en Afrique, qu’il est contemporain d’un affaiblissement de la diversité de gros carnivores en Afrique de l’Est (sans doute parce qu’il cessait d’être d’une part lui-même du gibier pour ces carnivores, mais aussi parce qu’il devenait un tel concurrent que les autres prédateurs ont disparu dans son milieu naturel — en Eurasie cependant, là où il s’aventurera, ces grands prédateurs persisteront encore longtemps).

Homo erectus aurait, en quelque sorte, préparé le terrain pour Homo sapiens (et les autres genres Homo sortis d’Afrique avant lui) à la fois en Afrique comme ailleurs (mais sapiens ne sera pas le seul hominine à profiter de ces avantages) (interprétations personnelles). Par ailleurs, sa réussite est aussi contemporaine d’un certain chaos climatique puisque rapidement plusieurs âges glaciaires se succèdent à d’autres âges plus tempérés avec des fluctuations plus importantes que par le passé (ce qui aurait pu favoriser Homo erectus, devenue espèce invasive particulièrement adaptée à tout type d’environnement et de climat — interprétation personnelle).

À cette époque marquée par de fortes variations climatiques, le Sahara alterne des périodes de désert et de savane, le nord du continent est bordé par une mer intérieure plus grande que la Méditerranée, la Paratéthys, et qui laissera place à la mer Noire, Caspienne et mer Aral. Mais le Sahara lui-même durant ses périodes « vertes » possède des lacs, comme le lac Méga-Tchad.

B/ Origine du Néandertalien :

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2015-10-13-17h00.htm

Sud de l’Europe avec des caractères archaïques néandertaliens trouvés notamment en Espagne. Forte influence climatique qui avec ses fluctuations interglaciaires provoque une diminution de la diversité des populations humaines en Europe, et par conséquent l’apparition de traits morphologiques non pas apparus à l’occasion d’une adaptation à un environnement, mais du fait de la pression démographique, généralisant des traits morphologiques présents dans les populations, mais peu significatifs et les perpétuant au gré des diverses extinctions de groupes de populations lors de ces époques.

La morphologie de l’homme de Néandertal se serait alors fixée à cause de son isolement en Europe (la mer Caspienne était alors plus grande, un réseau de fleuves rendant probablement difficile le passage de l’Asie à l’Europe) (la même séparation géographique serait à l’origine des Dénisoviens en Asie).

C/ Dénisova, le grand frère asiatique de Néandertal :

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2015-10-27-17h00.htm

Difficulté à identifier formellement cet homme de Dénisova, car les seuls travaux génétiques effectués et rendus possibles par des conditions de conservation rares en Asie sont ceux de cette grotte de Dénisova dans l’Altaï. Or, c’est une région sans doute très septentrionale et probablement pas l’environnement le plus commun de ces populations humaines contemporaines de Néandertal : on a retrouvé des traces génétiques surtout dans les populations dans l’extrême sud-est de l’Asie, très peu en Asie continentale. Les Chinois restent assez hermétiques à l’idée d’étudier leurs propres collections archéologiques à la lumière des nouvelles techniques et avancées de ces dernières années dans le reste du monde s’appuyant pour beaucoup sur la génétique (quand elle est possible) ou d’autres techniques avancées.

D/ l’expansion de Néandertal en Eurasie :

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2015-11-03-17h00.htm

Présence humaine dans des territoires avec des affleurements de roches de silex, avec une forte concentration de karsts pour s’abriter (mais aussi pour préserver fossiles et artefacts). Paradoxalement, l’homme de Néandertal favorisait durant ces périodes de fortes variations climatiques ni les périodes totalement glaciaires ni totalement « chaudes », mais c’est peut-être un biais statistique qui force la mise en évidence de sites plus préservés. Une préférence pour la moyenne montagne avec assez peu de sites en plaine et des sites saisonniers plus on monte en altitude. Quelques populations néandertaliennes au Proche-Orient durant des périodes plus froides et suivant probablement la faune qu’il chasse, tandis que dans un même temps, les populations humaines originaires du nord de l’Afrique y retournent : pendant longtemps, ces deux groupes humains ont tour à tour habité le Proche-Orient sans cohabiter. Globalement, l’Eurasie est très peu peuplée à cette époque du pléistocène, seulement quelques centaines à quelques milliers d’individus.

E/ Paysages et faunes de l’Europe pléistocène

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/seminar-2015-11-03-18h00.htm

(J’aurais aimé ce type de conférence, en parallèle avec celle sur l’endurance, pour éclairer un peu plus l’environnement qui était celui d’Homo erectus, et en particulier voir de plus près s’il y a effectivement un rapport avec la disparition des grands prédateurs de l’Est africain au moment de l’émergence de ce premier primate bipède – notamment savoir s’il en serait en partie responsable ou si cela a été au contraire une opportunité pour qu’il puisse prendre la place de ces prédateurs).

Pendant les périodes glaciaires, le climat est alors continental avec des hivers semblables à la Sibérie, et les étés très chauds avec la végétation qui reprend ses droits (steppes) et qui voit également la migration des grands herbivores. Confirmation que l’homme de Néandertal était un excellent chasseur (surtout des gros herbivores, un charognard à l’occasion, extrêmement nomade, et qui utilisait les peaux découpées pour se vêtir).

F/Biologie de Néandertal :

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2015-11-17-17h00.htm

On sait que l’activité physique peut infléchir le développement des os chez les hommes ; par ailleurs, on sait que Néandertal menait une vie particulièrement physique, mais puisqu’on remarque déjà chez ses nouveau-nés des os robustes, cela signifie que cette robustesse n’est pas liée à leur activité.

Caractéristiques donc : bourrelet derrière le crâne, front fuyant, face projetée à l’avant en son centre, large et profond thorax, bassin très large, globalement des os longs et épais, et plus spectaculaire, une musculature imposante. Il avait des besoins énergétiques énormes (il faut les nourrir ces muscles), surtout en période glaciaire. 5000Ca par jour (le double nécessaire à sapiens). Un renne adulte à manger par jour pour un groupe d’une vingtaine d’individus. À signaler aussi que le cannibalisme était monnaie courante (et l’a toujours été depuis 500 000 ans).

G/ Cognition et technologie chez Néandertal

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2015-11-24-17h00.htm

Néandertal a un gros cerveau (aussi gros que celui de sapiens) et, en rapport avec sa masse corporelle, son cerveau reste gros. Un organe aussi gros a besoin de beaucoup d’énergie ; s’il a besoin d’autant d’énergie, c’est donc qu’il présente un avantage évolutif certain.

Intelligence basée sur l’objet, l’industrie d’outil (prolongation de ce qui se fait depuis toujours dans les lignées d’hommes). Beaucoup d’utilisation de bois (qui se conserve mal) pour former des lances et tuer éléphants ou chevaux par exemple. Utilisation parcimonieuse des éléments tirés des animaux : les peaux, mais peu d’outils avec les os (possibilité que cela soit apparu chez les populations néandertaliennes au contact des hommes sapiens qui ont une industrie de ce type plus développée et plus ancienne).

Pas d’art figuratif, pas d’instruments de musique, inhumations simples (mais sapiens ne fait pas forcément mieux à la même époque en Afrique).

H/ La complexité comportementale néandertalienne

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/seminar-2015-11-24-18h00.htm

Néandertal se nourrit également de petits animaux, reptiles, oiseaux, mais aussi des végétaux dont certains sont cuits, ainsi que des crustacés. Ils avaient des ornements, même avant l’arrivée de sapiens, mais rien ne permet de dire avec certitude que ces parements possédaient pour eux une valeur symbolique, signe qu’ils avaient les mêmes capacités de sapiens à se représenter le monde de manière abstraite et figurative. Ils avaient également un usage avéré de l’ocre rouge sur divers objets qui pourraient laisser penser à des parures, mais l’ocre était aussi utilisé comme insecticide par les chasseurs ou pour le tannage de peau. La question reste ouverte concernant le rapport aux morts en particulier si ces humains faisaient une différence entre un enterrement et des funérailles.

III Homo sapiens : l’espèce orpheline

A/ Modèles d’apparition d’Homo sapiens

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2016-10-04-17h00.htm

Pour Hublin, le facteur principal qui explique la grande réussite de sapiens, c’est sa capacité à tisser des liens culturels, sociaux, voire cultuels ou même linguistiques, avec un grand nombre d’individus (favorisant probablement les échanges et les savoirs technologiques, l’apprentissage, etc.).

Au temps des lumières, on opposait deux idées de l’origine de l’homme : une inspirée de la Bible expliquant que tous les hommes sur terre auraient une origine commune, le monogénisme, et une autre, le polygénisme, supposant que ce qu’on considérait alors comme des races humaines avait des origines animales différentes.

Au XIXᵉ siècle, on trouve les premiers fossiles de Néandertal, il faut donc se faire à l’idée qu’il puisse y avoir eu d’autres hommes. Il faut attendre 1973 pour que s’impose la vision monocentrique de l’origine de l’homme. Et c’est la décennie suivante que la biologie génétique donne la preuve d’une origine africaine de tous les hommes sur terre à travers l’étude de l’ADN mitochondrial. C’est ce qu’on a appelé le modèle Out of Africa. (J.J Hublin lance un teasing en promettant de parler de quelle(s) origine(s) africaine(s) de l’homme : on est en 2016, une année avant ses publications sur l’origine multirégionale africaine de sapiens).

Première sortie d’Afrique, estimée à −100 000 ans ; les hommes auraient alors mis 50 000-75 000 ans pour coloniser tous les continents. Il faut attendre ensuite les années 2000 pour parler d’introgressions génétiques, c’est-à-dire une intrication même minime de certaines espèces hominines entre elles : on découvre par exemple qu’il y a une faible part génétique de Néandertal chez sapiens (autour de 2 %). On parle alors de remplacement des espèces archaïques par sapiens.

B/ Formes archaïques africaines

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2016-10-11-17h00.htm

Sapiens : crâne court et élevé, front étroit et élevé, menton osseux et saillant, denture réduite.

L’ancêtre commun d’Homo sapiens et de Néandertal, c’est Homo rhodesiensis (parfois appelé heidelbergensis). Il y a un continuum entre des formes d’Homo sapiens archaïques chez qui on retrouve une partie seulement des caractères prédéfinis constituant la définition de l’homme moderne, et donc Homo sapiens qui compte toutes ces caractéristiques.

Sapiens a conservé un grand nombre de caractéristiques héritées de Homo rhodesiensis (pommettes rondes et non droites vers le maxillaire comme Néandertal, ce qui fait de ce dernier une forme « plus évoluée » par rapport à sapiens pour cette caractéristique, signe que certains traits archaïques persistent chez sapiens et que parler d’homme moderne peut induire en erreur).

L’homme de Jebel Irhoud daterait d’avant 160 000 (J.J Hublin reste prudent, on est en 2016 avant sa publication qui réévaluera cette datation à 300 000*) et possède déjà une face très « moderne » qui ne surprendrait pas « dans le métro ». Ce qui change en revanche, c’est sa boîte crânienne qui conserve des caractères primitifs.

Ces caractères arrivent au même moment que le Middle Stone Age en Afrique (250 000) durant lequel Homo sapiens perfectionne son industrie lithique.

*https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/Conference-de-presse-de-Jean-Jacques-Hublin-Les-enfants-de-Jebel-Irhoud-6-juin-2017.htm

C/ Les premiers « hommes modernes »

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2016-10-18-17h00.htm

Le plus ancien crâne d’Homo sapiens non archaïque (avec une boîte crânienne proche des hommes actuels) a été trouvé en Éthiopie et est estimé à 195 000 (en 2017, il parlera de 300 000 ans pour Jebel Irhoud).

Au-delà 70 000, on trouve des traces, essentiellement en Afrique du Sud, d’une modernité qu’on peut cette fois qualifier de culturelle, avec la production de ces éléments lithiques perfectionnés (emploi du feu pour améliorer la qualité ou les propriétés des lames), d’ocre, d’éléments de parure (coquillage percé) ou de gravures symboliques. Toutes ces avancées accompagnent la période du Middle Stone Age en Afrique.

On retrouve également l’émergence d’échanges de longue distance, d’activité minière, de pêche, de pointes de lames pour des flèches, des lances ou autres (activité à laquelle est associé l’usage de mastic élaboré selon des recettes précises), d’utilisation de meules ou de récipient destiné à transporter de l’eau (ou autre type de vaisselle), on s’abrite dans des grottes (toutes ces activités n’existent pas en Europe avec les Néandertaliens à la même époque).

Tous ces développements techniques sont accompagnés de développements plus cognitifs liés à l’intelligence sociale et symbolique, cela implique une sophistication dans les rapports intergroupes, par exemple dans la gestion des ressources naturelles, dans la planification, assigner à des lieux certains usages et s’en rappeler, assigner à certains individus du groupe certaines tâches, développement du langage pour communiquer des expériences, partager des informations, notamment à travers des métaphores ou des récits, développer des rapports compassionnels. (Tout cela est expliqué dans la conférence du Professeur Parkington.)

D’un point de vue plus génétique, les indices d’une origine commune et géographique des hommes penchent plutôt vers une origine dans la corne de l’Afrique ; mais ces conclusions étaient basées sur une étude mitochondriale des gènes, et une autre étude cette fois effectué sur les gènes atomiques penche pour une origine en Afrique du Sud. J.J Hublin est lui peu convaincu par ces méthodes parce que selon lui, ces méthodes mettent en évidence un ancêtre commun de tous les hommes vivants aujourd’hui, or cette méthode ignore tous les ancêtres disparus n’ayant pas eu de descendance et qui n’en sont pas moins des hommes. Cette méthode ignore également les réalités migratoires des populations prenant exemple des populations de chasseurs-cueilleurs habitant le Sahara lors des épisodes de Sahara vert : soit toutes ces populations ont disparu, soit, ce qui est plus probable, elles ont migré vers le nord ou le sud ; difficile dès lors de leur affecter une origine géographique puisqu’elles ont de fait migré, parfois plusieurs fois, au cours des dizaines de milliers d’années.

Pour Hublin, la présence de coquillages percés d’un bout à l’autre des côtes africaines, du sud au Maroc (les Atériens) est un indice qui va dans le sens de l’existence de grandes voies de communication culturelles dans toute l’Afrique à cette époque du Middle Stone Age et donc de l’apparition simultanée des hommes modernes dans toute l’Afrique (en contradiction avec l’idée d’une origine unique géographique dite du Jardin d’Éden). Ce qui revient à reproposer une forme de multirégionalisme, mais seulement à l’échelle de l’Afrique.

J.J Hublin souligne enfin la forte probabilité qu’à 40 000 ans des hommes soient venus repeupler l’Afrique du Nord via la Sicile (le niveau des mers était alors plus bas et aurait pu permettre le passage pour des populations maîtrisant le cabotage) : ce qui explique qu’on trouve des traces même minimes de gènes néandertaliens au Maghreb. On appelle ces hommes les ibéromaurisiens qui auraient remplacé les anciennes populations atériennes (hommes archaïques).

D/ La sortie d’Afrique

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2016-10-25-17h00.htm

Par où ? La plus probable, c’est par l’isthme de Suez, mais le passage via le sud de la mer Rouge n’est pas mis de côté. On pense que c’est pendant les épisodes de Sahara vert que les hommes ont pu s’étendre et suivre leurs proies jusque vers la péninsule arabique, puis vers l’Asie Mineure (soit depuis l’intérieur, soit depuis les côtes).

La première fenêtre possible pour cette sortie serait 120 000. Cette fenêtre de passage rendue possible par le climat aurait pu se reproduire plusieurs fois. On a des traces en Israël estimées à plus de 100 000 ans avec des hommes modernes présentant encore des traits archaïques avec des sépultures. On ne trouve malheureusement pas de fossiles humains dans la péninsule Arabique (il y avait une présence humaine, mais pas certains de son caractère « moderne »), mais étonnamment, la production lithique de l’époque, des deux côtés et de l’autre de la mer Rouge, est identique.

Certains soutiennent l’idée qu’il y avait déjà des hommes modernes en Inde dès 70 000. En Australie, les hommes seraient arrivés dès 50 000 ans.

Le problème de la génétique, c’est qu’elle donne des informations des populations anciennes à travers les populations actuelles (les rescapés de l’histoire si on veut). On n’a par conséquent aucune trace des populations sorties d’Afrique qui se sont éteintes.

E/ Le remplacement

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2016-11-08-17h00.htm

Sapiens remplace (assimile pour une faible part) Néandertal et Dénisova (ainsi que les dernières lignées d’homme issues d’Homo erectus en Asie comme Flores) vers 40 000. C’est une période très instable sur le plan climatique avec de très grandes variations. L’assimilation (ou hybridation) s’est faite toujours en diminuant la part du génome néandertalien dans les nouvelles populations sapiens (étude du génome d’individus selon les différentes époques depuis 50 000 ans). Si on ajoutait la part du génome dont tous les Européens disposent de Néandertal, soit 2 % en moyenne, on arriverait jusqu’à 40 % du génome de Néandertal, autrement dit, tout le monde ne dispose pas de la même part du génome néandertalien. Les mâles hybrides transmettaient peu de gènes attribués à leur part néandertalienne à leurs descendants.

Une première vague d’introduction en Europe de l’Est apparaît autour de 50 000 ans (Bohunicien, en Europe centrale). Vient ensuite un peu plus tard (47 000 — 39 000) une nouvelle vague avec ce qu’on a appelé le protoaurignacien caractérisé par l’emploi d’armes de jet plus perfectionnées avec une distance de tir décuplée.

À l’ouest de la France, le Châtelperronien est une preuve, entre 44 000 et 40 000, de l’usage chez Néandertal d’objets et outils généralement attribués à sapiens (objets de parure par exemple), signe des mélanges qui devaient avoir cours à cette époque (même s’il est possible que les Néandertaliens aient suivi un même processus d’évolution que sapiens venant à opérer les mêmes changements comportementaux et artisanaux).

F/ Les peuplements modernes de l’Europe

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2016-11-15-17h00.htm

Vers 21 000, l’Europe est recouverte pour une bonne partie par du pergélisol saisonnier ou non. L’occupation humaine à cette époque se situe surtout alors au sud de l’Europe. L’Europe est ainsi coupée en deux, entre l’Europe à l’ouest des Alpes et l’Europe des Balkans à l’est. À l’ouest se développe ainsi à partir de 20 000 une période appelée Solutréen qui voit l’apparition d’une industrie lithique. À partir de 15 000, le climat se réchauffe, c’est le magdalénien (fin du paléolithique).

Utilisation intense des matières dures animales pour construire des armes, des parures, des objets mobiliers ou d’outils, et même d’instruments de musique. Apparition de l’art rupestre (Chauvet).

Anecdotique ou pas, ces nouveaux arrivants (sapiens) ont gardé très longtemps (jusqu’à 15 000 sans doute) une couleur de peau mate (avec des yeux clairs).

G/ Peuplement de l’Australie

Une arrivée, forcément, et à tous âges en fonction même des alternances de niveaux de mers, faite par voie maritime dès 50 000 (à la même époque que la première vague en Europe). Passage via un chapelet d’îles et avec un maximum de 80 km à faire depuis le Timor. Du fait de son isolement, l’Australie connaît beaucoup d’espèces endémiques, dont une mégafaune spectaculaire, que les hommes rencontreront à leur arrivée.

En passant par l’Indonésie, les Homo sapiens rencontrent une branche d’Homo erectus s’étant développé dans ce Sud-Est asiatique, Homo floresiensis (qui restera dans la région jusqu’à 46 000).

Alors qu’il faut attendre le néolithique pour voir de la pierre polie en Europe, en Australie, cette technique est utilisée depuis plus longtemps (40 000). Beaucoup d’art rupestre également. Ce qui implique, en dehors de l’hypothèse de la synchronicité d’événements que cet art rupestre aurait une origine, au moins depuis la séparation des hommes au Levant (Moyen-Orient), voire à l’intérieur de l’Afrique. On a des exemples aussi de sépultures parmi les plus anciennes du monde : 43 000. Et dès 42 000 ans, on voit les hommes modifier considérablement l’environnement en Australie, notamment à travers l’utilisation des feux de brousse. Et il aurait fallu moins de 4 000 ans aux hommes pour décimer la mégafaune australienne (disparition dès 41 000).

Concernant le peuplement des îles pacifiques, on sait à travers une étude linguistique qu’il aurait débuté depuis le continent asiatique sans doute depuis Taïwan.

H/ Les premiers américains

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2016-12-06-17h00.htm

À l’est de la Sibérie, on trouve des traces de présence humaine dès 31 000.

Passage des hommes vers 21 000 via le pont découvert au plus bas des mers au niveau du détroit de Béring, pont, ou bande de terre, qu’on appelle aujourd’hui Béringie. La mer recouvre ce territoire vers 10 000 ans et referme donc le passage vers les Amériques.

Un immense glacier recouvre les actuelles villes canadiennes et nord-américaines lors du maximum glaciaire vers 24 000 ans. Un corridor entre la Béringie et l’ouest de l’Amérique se serait constitué aux alentours de 14 000 rendant possible le passage vers le sud. Un autre corridor vers 15 000 aurait été possible entre le glacier et l’océan Pacifique. Même chose qu’en Australie, l’arrivée de l’homme en Amérique aurait précipité l’extinction de la mégafaune locale (vers 10 000).

L’hypothèse Clovis, qui a la faveur des archéologues états-uniens, est une industrie lithique dont on trouve des traces dans toutes les plaines à l’est des Rocheuses et estimée à 12 000. Et selon les tenants de cette hypothèse, toutes les populations d’Amérique seraient issues de cette culture Clovis.

J.J Hublin fait mention d’un site au Texas et d’un article publié dans Science (journal américain, il faut le préciser ; à opposer à Nature qui est britannique et qui se montrera plus ouvert aux hypothèses de peuplement plus anciennes) et qui serait estimé à 15 000. Un autre site au Chili donnerait des preuves de présence humaine à 14 500.

En 2016, une étude danoise semble remettre en question l’hypothèse du corridor à l’intérieur des terres, car ils ne trouvent aucune trace de vie possible lors du corridor supposé aux alentours de 12 600. Leur conclusion, c’est donc que les hommes auraient dû passer par le corridor plus au sud le long du littoral et lui possible aux alentours de 14 700.

D’autres hypothèses ont vu le jour avec des peuplements plus anciens, rarement avec des traces d’objets lithiques concluants selon J.J Hublin (j’attends de voir s’il révise son jugement en 2020), mais également avec des comparaisons génétiques qui sembleraient indiquer une proximité entre certains peuples amérindiens avec les aborigènes australiens, mais d’autres avec également des peuples sibériens ayant un fort lien… européen (plus d’Europe que de Han).

I/ La dispersion de l’homme moderne en Eurasie septentrionale

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/seminar-2016-12-06-18h00.htm

Avant Homo sapiens, Néandertal est venu s’installer en Europe, puis en Asie sans dépasser l’Altaï, plus vers le sud, Homo erectus avait déjà colonisé l’Asie du Sud-Est. Puis Homo sapiens aurait utilisé deux routes pour rejoindre l’Asie : une première au sud le long du littoral, très tôt vers 50 000 (traces en Australie très anciennes), et une autre plus tardive qui aurait pris la suite de Néandertal dans les couloirs de steppes. Les peuples de Sibérie seraient ici d’une migration encore plus tardive après des premières tentatives dont les populations se seraient éteintes.

J/ L’aube de l’Anthropocène

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2016-12-13-17h00.htm

Deux particularités chez les populations humaines : c’est un prédateur qui chasse beaucoup des proies plus grandes que lui, et généralement chasse des proies adultes (ce qui n’est pas le cas chez les autres prédateurs).

L’humanité a connu un accroissement de la prédation (la chasse) autour de 2 millions d’années. C’est associé à Homo erectus et au développement d’industrie lithique (acheuléen). Or, à la même période en Afrique de l’Est où se situent ces populations de chasseurs qui ne se contentent plus de charognage épisodique, c’est la diminution importante des grands carnivores de la région (certains félins qui disparaissent dans ce coin de l’Afrique par exemple persisteront dans des régions en Europe ou l’homme n’est pas encore parvenu). La raison de ce déclin, c’est la concurrence avec un nouveau prédateur, l’homme. Il s’agit donc ici d’Homo erectus (ou d’autres hominines primitifs), mais on retrouve le même processus en Australie où la mégafaune endémique disparaît peu après l’arrivée des premiers Homo sapiens, ou encore en Amérique. En Europe, il y avait par exemple encore des macaques quand elle était occupée par Néandertal qui disparaîtront à l’arrivée de l’homme moderne.

D’autres soutiennent que cette perte de la diversité, et en particulier la disparition des animaux tout en haut de la chaîne alimentaire, serait due à une accélération des fluctuations climatiques. Pourtant, argument contre : depuis 50 000, c’est essentiellement la très grande faune qui disparaît.

L’émission de gaz à effet de serre serait concomitante avec le début de l’utilisation de l’agriculture par l’homme, bien avant donc le début de l’ère industrielle, autrement dit, l’homme modifie l’atmosphère depuis plus longtemps qu’on pourrait le croire.

 

IV/ Traits de vie et contraintes énergétiques au cours de l’évolution humaine

A/

Soleil > énergie des végétaux par photosynthèse > énergie pour les herbivores qui ingèrent ces végétaux > une partie de cette énergie retourne aux végétaux sous forme de déchets par le biais d’agents de composition qui nourriront à leur tour les végétaux > énergie pour les carnivores pour qui les herbivores sont des proies. À tous les échelons de ce système, il y a perte d’énergie sous forme de déperdition de chaleur. À chaque niveau, il y a déperdition du taux d’énergie par mètre carré, ce qui implique qu’en haut de la chaîne, au niveau des grands prédateurs, il faut un grand territoire pour répondre à ses besoins énergétiques. Le territoire d’un chasseur-cueilleur par exemple pouvait être de 200 km sur 300 km sur une année.

60 % de cette énergie consommée est utilisée par l’organisme pour se maintenir en vie : c’est ce qu’on appelle le métabolisme basal. Cela comprend 20 % dédié aux muscles (même au repos), 19 % pour le foie, 17-20 % pour le cerveau (le cerveau, c’est 2 % du poids, il consomme à poids égal, dix fois plus que la plupart des autres organes). Une partie de l’évolution chez l’homme a été de réallouer une partie de l’énergie consommée par différents organes (les muscles surtout) au profit du cerveau.

Trois grandes fonctions dans cette répartition d’énergie au cours de la vie : d’abord la croissance, puis la reproduction, et enfin la réparation (c’est-à-dire la maintenance du corps, ce qui comprend donc le métabolisme basal).

Les espèces ont mis en place différentes stratégies pour répondre à ces grandes fonctions : chez l’éphémère par exemple (insecte), les larves vivent plusieurs mois dans le milieu aquatique et ne vivent qu’une journée au stade adulte pour se reproduire ; au contraire, les éléphants ont investi beaucoup d’énergie dans la croissance, ils vivent longtemps et n’ont que peu de petits.

Il y a des espèces qui ont des capacités d’extraction de l’énergie qui sont bien plus importantes que d’autres. L’homme en fait partie.

L’investissement dans le temps à l’échelle d’une vie est important : certaines espèces vont investir beaucoup de temps à la croissance par exemple et moins à la reproduction ou vice versa.

Stratégie r (taux de reproduction) : une stratégie adoptée en général dans les milieux instables et imprévisibles qui consiste à multiplier ses chances de voir une infime partie de sa progéniture arriver à maturité. Elle consiste à une maturation rapide et à une entrée en reproduction à un jeune âge, une vie courte, un grand nombre de petits en une fois, reproduction rare ou unique, forte mortalité (en particulier des petits), et un investissement parental minimum.

Stratégie K (capacité porteuse) : adoptée dans les milieux plus stables au moment de la reproduction avec faibles risques : maturité lente et première reproduction tardive, longévité importante, peu de petits et période de reproduction longue, faible mortalité et faible mortalité des petits, fort investissement parental.

Plus on a affaire à des mammifères de grande taille, plus la longévité est importante. À taille égale, les oiseaux ont une meilleure longévité, car le vol leur procure un avantage sélectif les mettant à l’abri des prédateurs.

Quand on compare les courbes de croissance de l’homme et du chimpanzé, l’homme investit beaucoup plus d’énergie au début de sa croissance (enfance) pour le développement du cerveau, et une fois que le cerveau atteint son poids adulte (6 ans), puis pour la dentition ; entre 6 ans et 12 ans, la croissance est en pause et les enfants consolident leur cerveau et sont en phase d’apprentissage (période très longue), la puberté entre 12 et 16 ans va investir beaucoup d’énergie dans la croissance afin d’atteindre le plus rapidement possible la taille adulte. Chez les primates, donc chez l’homme, la compétition entre mâles peut être violente, donc on pense que les adolescents passent vite à une taille adulte pour ne pas être désavantagés face à des mâles adultes. La vie reproductive est relativement courte chez les hommes (en particulier pour les femmes) par rapport à sa durée de vie (communément, on dit qu’on entre tardivement dans la « vie active »). C’est rendu possible par le fait que les jeunes sont sevrés beaucoup plus tôt chez les hommes, ce qui permet aux femelles d’avoir plus d’enfants pendant leur vie active (des enfants moins matures, mais dont le développement sera assuré par l’ensemble de la communauté tandis que chez les autres primates, c’est la mère qui s’occupe exclusivement de son petit, et ça implique aussi que les enfants humains grandissent en fratrie en apprenant donc à interagir avec les autres individus du groupe). Très longue survie des femmes après la période de reproduction : les grands-parents vont s’impliquer dans le développement des petits de leurs propres enfants (on retrouve le même schéma de type K chez les baleines où les femelles ménopausées mènent le groupe). Ces explications sur la durée de vie après l’âge de reproduction ne sont que spéculatives, car basées sur des simples corrélations, et on peut expliquer de la même manière ce trait évolutif par le fait que ce serait les mâles mûrs dominants qui dirigeraient le modèle de sélection, auraient accès aux jeunes femelles, et ainsi cette hypothèse de la grand-mère serait en fait le reflet d’une sélection privilégiant des mâles mûrs (la sélection naturelle ne faisant par la part dans la même espèce entre les mâles et les femelles).

B/ Grandir avec un grand cerveau

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2017-10-24-17h00.htm

Il y a une relation entre la masse corporelle et le cerveau. C’est avec Homo erectus que le cerveau des hommes commence à prendre une plus grande part par rapport à ce qu’elle devrait être en comparant aux autres animaux. Et c’est depuis 500 000 ans que cette part explose (à titre de comparaison, les débuts de l’utilisation du feu, c’est 400 000). Le pourcentage du métabolisme basal chez l’enfant alloué au développement du cerveau dépasse les 20 % de la consommation d’énergie chez un adulte qu’il alloue à la maintenance de ce cerveau. À cinq ans, près de 70 % du métabolisme basal est ainsi voué au cerveau (c’est l’âge auquel le cerveau de l’enfant atteint ses dimensions adultes !).

Ce développement du cerveau s’est fait au détriment du tube digestif. C’est donc le changement d’alimentation qui a permis ce transfert : ajout de nourriture carné (énergie rapidement disponible). Mais aussi au détriment de la masse musculaire (utilisation d’outils, voire la coopération). La locomotion serait par ailleurs particulièrement efficiente ce qui permet une augmentation du territoire exploité. L’homme augmente également cette efficacité en stockant de l’énergie sous forme de graisses.

Un dilemme se pose dans le modèle bipède de l’homme : sa stature a pas mal d’avantages, mais il oblige à recourir à un bassin relativement étroit pour une marche efficace et pour éviter tout simplement que les organes passent au travers, or, cet élément ajouté à l’augmentation de la taille du cerveau oblige les nouveau-nés à adopter une posture particulière à la naissance et favorise les risques de complication. Ce qui explique que les hommes mettent au monde des enfants avec des cerveaux relativement immatures, un cerveau qui se développera beaucoup plus à l’extérieur, ce qui dans un sens lui permettra d’opérer à toutes sortes d’apprentissages qui lui procureront à nouveau un avantage sélectif.

Jusqu’au début de l’âge adulte, les hommes sont des consommateurs nets d’énergie, une énergie qui leur est procurée pendant tout ce temps par les adultes, et pour que ce schéma soit viable, une fois adulte, ils se mettent à surexploiter leur environnement afin que les individus dont ils ont la charge du développement puissent se développer.

C/L’alimentation

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2017-10-31-17h00.htm

Les dents se conservent, elles sont donc un bon indicateur de ce que les hommes et leurs ancêtres mangeaient, et elles sont porteuses de beaucoup d’informations. Les fouilles présentent un biais en proposant beaucoup d’os et laissent ainsi penser que les populations qui les ont jetés consommaient prioritairement des proies ; or, s’ils mangeaient des végétaux, on en aura moins de traces fossiles, c’est donc un facteur en prendre en compte.

Grâce à l’étude isotopique du carbone et de l’azote, on peut déterminer la nature des végétaux consommés. En étudiant la part isotopique azotée par exemple, on connaît la place à qui appartient l’échantillon prélevé dans la chaîne alimentaire. Mais là encore, ces études tendent à favoriser la part de l’alimentation carnée dans le régime.

Les origines : chez les grands singes, la plus grande part de l’alimentation est assurée par les végétaux, mais il y a déjà une petite part d’alimentation carnée. Insecte, larve, mais déjà un peu des comportements de chasse. Chez les chimpanzés, il n’y a pas de partage : les meilleurs chasseurs mangent la viande (ils ont les meilleurs taux d’isotope azoté).

Entre 2,5 M et 3 M, les objets lithiques sont apparus aidant à la découpe de viande (charognage pour beaucoup sans doute au début) chez australopithèque. Chez ce dernier, la main diffère des autres primates, car elle semble pour la première fois modelée, ou adaptée, dans le but d’empoigner des objets.

Exploitation dès 2 M chez Homo erectus de nourriture issue du monde aquatique qui sera utile pour le cerveau à son développement, car elle est riche notamment en acide gras.

La productivité de la chasse a un coût qu’on peut calculer par un rapport de calories par minutes passées à chasser ; or il semblerait qu’il n’y ait pas d’avantage productif à chasser des proies de grande taille. Pourquoi les hommes ont-ils alors chassé ces grandes proies ? Peut-être par préférence culturelle. Les grosses bêtes vont être partagées dans le groupe. Le feu, dès 400 000, a permis aux hominines de mieux assimiler la nourriture, en la prédigérant en quelque sorte, ce qui a permis d’allouer moins d’énergie à la digestion pour la réallouer au cerveau. Mais il n’y a pas que le feu capable de préparer les aliments à la digestion : lacération avec un outil par exemple. En Europe, la différence entre Néandertal et sapiens, c’est que ce dernier ajoutait à son régime alimentaire des proies issues du milieu aquatique (eau douce notamment). Le foie a un potentiel limité le permettant de digérer un certain volume de protéine d’origine animale par jour, il faut donc obligatoirement y ajouter des graisses végétales.

D/ Le coût de la bipédie

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2017-10-31-17h00.htm

Locomotion arboricole (suspension) > marche sur les phalanges (chez les singes les plus proches de l’homme) à cause de l’augmentation du poids > chez les singes, le grimpé en position verticale a pu être une prédisposition favorable à l’apparition de la bipédie > bipédie occasionnelle chez les singes.

La main de l’homme s’est adaptée à la position redressée (enfin, position… on trouve des positions verticales chez nombre d’animaux, il vaut mieux parler de locomotion bipède). Longueur des doigts diminuer pour favoriser la saisie et la précision. Le pouce s’agrandit pour faciliter cette saisie en servant d’opposition au reste de la main.

Le bassin s’adapte également à la bipédie : les viscères tomberaient en position verticale sous la force de gravité donc le bassin se resserre et soutient comme une charpente les organes du tronc.

La colonne vertébrale présente un certain nombre de courbures qui va opérer comme une sorte de ressort.

Pendant la marche, les muscles inférieurs sont sollicités jusqu’à s’étendre jusqu’à leur maximum. Les fesses par exemple sont un muscle très développé chez l’homme.

Adaptation du pied : le pouce du pied n’est plus opposé et ne peut donc plus se saisir d’objet. Réduction de la longueur des orteils. Le pied au niveau de la plante est rigidifié grâce à un grand nombre de ligaments nécessaire à supporter les forces mises en œuvre lors de la marche et encore plus de la course et même capables d’opérer comme un ressort en restituant de l’énergie au moment de la course.

La bipédie n’est pas seulement adaptée à la marche, elle permet aussi une efficacité lors de la course, et cela est possible grâce à des particulières différentes de la marche : lors de la marche, le poids du corps repose en permanence sur au moins un pied. Alors que dans la course, l’appui n’est pas permanent, c’est une succession de sauts.

Durand la course, la souplesse du tronc par rapport au bassin permet d’équilibrer les mouvements du bassin (le buste dodeline de gauche à droite dans le sens contraire des mouvements du bassin).

La particularité de la course humaine, c’est son endurance, capacité à courir très longtemps à faible vitesse. Une particularité qui aurait été très utile dans une optique prédatrice, les premiers bipèdes fatiguant leurs proies sur la durée (chasse par épuisement). Les capacités de thermorégulation, à travers la transpiration, favorisent cette particularité et un mode de chasse basée sur l’endurance. (C’est Homo erectus qui aurait développé ces techniques dans le milieu ouvert de la savane.)

Le problème de se baser sur les fossiles, c’est que beaucoup de lignées d’hominidés se sont éteintes et que ces traces fossiles, si elles forment une évidente preuve du développement de la bipédie chez ces espèces, rien ne dit qu’elles sont liées à nos ancêtres.

C’est chez l’australopithèque (Lucy, 3,2 M) qu’on trouve les premières preuves de bipédie. Avec un bassin réduit et une oblicité de l’alignement entre des os de la cuisse permettant une marche avec la jambe parfaitement étendue.

Avec Homo erectus (1,5 M), on entre pleinement dans une bipédie proche de celle de l’homme moderne. On a notamment trouvé de nombreuses traces de pas beaucoup plus proches de l’empreinte d’un homme que de celles trouvées d’australopithèques où la voûte plantaire était peu marquée et où le poids était plus marqué sur le talon alors que chez Homo erectus pour la première fois on voit l’appui sur les doigts de pieds.

E/ Thermorégulation

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2017-11-21-17h00.htm

Température fixe (homéothermie). Le centre de la régulation est dans l’hypothalamus. Contre la chaleur, trois mécanismes de refroidissement : la ventilation qui permet une disparition de chaleur, la dilatation des vaisseaux sanguins superficiels (du sang est envoyé à la surface du corps, peau, extrémités, pour le refroidir), et la transpiration. Contre le froid : frissonnement, les vaisseaux sanguins se contractent (moins d’échange d’énergie avec l’extérieur, accélération de la respiration, puis mis en jeu de la « graisse brune »).

La température idéale n’est pas homogène sur tout le corps : 37° au centre du corps, 34° sur les cuisses, 32° sur les bras et le bas des jambes, 28° aux extrémités. Quand il fait chaud, la température est plus homogène sur tout le corps (pour le refroidir). Quand il fait froid, il faut à tout prix maintenir une température de 37° pour le cœur et pour le cerveau.

C’est seulement depuis environ 2M d’années que les hominines avec Homo erectus ont quitté l’Afrique et ses températures clémentes.

À la place de la pilosité se sont développées des glandes sudoripares vouées à la transpiration.

On arrive à déterminer l’époque où les hommes ont développé des vêtements et ont perdu les poils en cherchant un ancêtre commun aux puces de cheveux et aux puces du pubis. Australopithèque aurait déjà une pilosité réduite, donc cette tendance à transpirer pourrait dater de très longtemps.

Les petits animaux ont des échanges thermiques plus importants que les gros, et de ce fait sont plus vulnérables aux changements de température. Ce qui implique que quand on monte en latitude, on observe une augmentation de la masse corporelle.

Le corps humain change également pour favoriser les échanges thermiques : on sait que les animaux près de l’équateur vont avoir un corps petit et des membres, des queues et des oreilles de grande taille pour favoriser la déperdition de chaleur, et plus on monte dans les latitudes, plus le corps sera massif et concentré. (On remarque d’ailleurs encore aujourd’hui que les populations d’Afrique ont des segments longs alors que celles du nord comme les Esquimaux sont plus trapues.)

C’est seulement vers 500 000 que les hommes, à la faveur d’un réchauffement climatique, dépassent le 40ᵉ de latitude nord et arrivent en Europe. Les néandertaliens restent en Europe dans des latitudes relativement basses ne s’explorant qu’épisodiquement et tardivement vers le nord (au-dessus du 50ᵉ). Cette acclimatation ne peut se faire que grâce à l’usage de plus en plus répandu du feu (développement vers 400 000).

La graisse brune contient beaucoup de mitochondries, et elles sont capables de dissiper de la chaleur en brûlant cette graisse. Elle est surtout importante au début de notre vie : les bébés en ont beaucoup autour du cou (ça descend en forme de triangle pointant vers le bas jusqu’au nombril) et sur l’arrête dans le dos. C’est très important pour l’enfant d’en avoir parce qu’il n’a pas les mêmes capacités que les adultes, à cause de sa petite taille, à lutter contre le stress thermique. Les Inuits ont gardé une très grande proportion de graisse brune par rapport à de la graisse blanche, ils auraient hérité d’un gène dénisovien.

Les cavités nasales changent en fonction du climat : milieu tropical avec des nez larges et bas, et dans les climats plus froids, les nez se font plus étroits.

Au paléolithique, 40 000 ans, quand les hommes arrivent sur le territoire de Néandertal, ils amènent avec eux des techniques plus développées leur permettant d’affronter des températures plus rudes encore. On pense qu’ils avaient des sortes de yourtes avec un foyer à l’entrée très élaboré. Dernière invention ayant rendu possible l’acclimatation : l’aiguille à chas (à coudre) et par conséquent l’invention de la couture.

F/ L’évolution humaine : une construction de niche

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2017-12-05-17h00.htm

Une construction de niche, c’est quand un animal modifie son environnement pour accroître son succès reproductif. Deux facteurs ont été mis à l’œuvre au cours de l’évolution des hominines pour cela : la biologie et la complexité sociale. Concernant les hommes, dès Homo erectus, cette mise à profit de l’environnement s’est faite au détriment d’autres prédateurs de grande taille. Bien avant l’invention de l’agriculture, les hommes utilisaient des mollusques, et on remarque comme pour les grands prédateurs terrestres une pression sur l’environnement des hommes ayant comme conséquence une diminution de la taille des coquillages. Autre facteur de modification de l’environnement : le feu, utilisé pour la nourriture ou la préservation de la nourriture, est aussi utilisé pour faire des feux de brousse afin de modeler un paysage qui leur soit favorable. Pour leur développement, les hommes ont développé les animaux domestiques, pas tant en nombre d’espèces, mais d’individus. Une mutation génétique aurait favorisé l’intensification de l’usage de combustion (feu) à des fins alimentaires ou de façonnage de l’environnement : une mutation dont les Denisoviens et les Néandertaliens seraient dépourvus. Le même principe pour la digestion du lait.

L’interaction et la coopération sociales sont des facteurs importants.

Théorie du cerveau social, le nombre de Dunbar : il structure les possibilités d’interaction avec d’autres individus du plus étroit au plus large, et arrive à un chiffre, 150, qui serait le nombre maximum avec lequel un individu pourrait avoir d’interactions sociales. Ce chiffre correspondrait par exemple à celui du nombre d’habitants des premières cités. Même chose sur les réseaux sociaux. Il a même calculé qu’il fallait 40 % du temps passé à entretenir son cercle social, et propose que le langage soit apparu pour réduire et rendre plus efficace le temps passé à communiquer : le langage permet de faire autre chose en même temps et de s’adresser à plusieurs interlocuteurs (récit, enseignement).

V/ L’homme prédateur

A/ La consommation de viande chez les grands singes

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2018-10-30-17h00.htm

Pourquoi manger de la viande quand on est primate et quand la base alimentaire des primates sont les végétaux ? A/ parce qu’on aime ça. B/ L’apport énergétique de la viande. C/ riche en protéines, en acides aminés, en vitamine B3, du fer facilement assimilable, acide gras oméga 3 et 6. D/ bénéfice social de la chasse autour d’une même pratique et du partage d’une source d’énergie commune.

Cette quête de viande représenter un coût : en matière de temps et d’énergie, de risques.

Parmi les grands primates, le gorille est le plus végétarien : fruits, racines et tubercules, feuilles, pousses de bambou, écorces et insectes. Résultat : gros abdomen donc grosse dépense d’énergie dédiée à la digestion, et beaucoup de temps passer à manger.

Chez les chimpanzés, une grande variété du régime alimentaire parfois dû à une culture ou pratique locale. En général, ils occupent la moitié de leur temps occupé à la nourriture pour cueillir des fruits, un peu moins d’un tiers pour des graines, 12 % pour des feuilles, 2 % des insectes, et 2 % pour de la viande. La préférence de ces chimpanzés va essentiellement vers des petits mammifères. Ces chasses sont collectives, sinon aucune chance d’attraper pour un seul individu un petit singe par exemple. C’est surtout le fait des mâles. Les meilleurs chasseurs, ceux qui attrapent les proies même si la chasse est collective, mangent les proies, avec un peu de partage. Et ces meilleurs chasseurs peuvent consommer beaucoup de viande (les valeurs isotopiques montrent qu’ils sont en haut de la chaîne alimentaire du groupe). Les femelles vont plutôt avoir des comportements opportunistes et chasser des proies isolées se trouvant sur leur chemin (petite antilope) et peu participer aux chasses collectives, car moins sujettes à prendre des risques et susceptibles de se faire voler des proies acquises lors des chasses collectives par un mâle plus fort. Le partage de viande à l’issue de la chasse est rarement actif (don) et plus volontiers passif (on laisse un autre individu prendre des morceaux une fois qu’on a soi-même bien entamé la proie, on répond à un individu qui quémande de la viande). Il y a aussi l’hypothèse qu’un don à une femelle par exemple pourrait accroître de la part de cette femelle les chances d’attirer ses faveurs sexuelles. On fait don également à des alliés au sein du groupe afin d’en renforcer les liens. Dans certains groupes de chimpanzés évoluant dans des savanes au Sénégal, les femelles sont beaucoup plus actives dans la pratique de la chasse et utilisent même des outils (des armes donc). Ce dernier cas représente peut-être un meilleur modèle pour se faire une image des comportements des hominines devenus experts dans les techniques de prédation (est-ce que l’outil n’aurait pas favorisé le fait d’inclure des individus moins adeptes des risques qu’implique habituellement la chasse ? Et donc est-ce que l’outil aurait favorisé les femelles hominines à s’impliquer auprès des mâles dans les pratiques de chasse ?). Les singes pratiquent également le cannibalisme et l’infanticide.

B/ Aux origines de la chasse :

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2018-11-06-17h00.htm

On peut remonter l’origine de la chasse des hommes au moins jusqu’à notre ancêtre commun avec les autres primates (cf. chapitre précédent) (viande occasionnelle, mais aucune trace possible archéologique).

Chez les hominines, preuves d’opportunisme avec consommation de viandes d’animaux plus gros, et transport de viande afin de la consommer plus tard et potentiellement de la partager avec d’autres individus du groupe. À 1,5 M, apparition en Afrique de l’Est de valeur isotopique illustrant une plus grande variété de consommation dans le genre humain. À la même époque en Afrique du Sud, on note l’apparition d’outils en os dont on pense qu’ils servaient à casser des termitières (tout outil en bois antérieur ne laisserait aucune trace fossile). Possibilité d’utilisation d’outils en pierre par australopithèque (3 M), mais c’est controversé. Autour de 2,5 M, trace de découpes (mais très peu) sur les os et de percussions. En Éthiopie (oldowaien), dès 2 M, traces de restes de nourritures maritimes à une grande échelle. Deux techniques de charognages possibles : attente que les prédateurs aient fini leur déjeuner ou un charognage actif où le prédateur est chassé (dans le sens poussé à partir) pour s’emparer de sa proie (impossible à prouver). Cela a déjà été dit, mais c’est sans doute l’adaptation à la course d’endurance qui a rendu possible l’accès à certaines proies dans des milieux très chauds (courses à l’épuisement).

C/ Adaptation biologique à la prédation

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2018-11-13-17h00.htm

Foisonnement Homo autour de 2 M d’années : rudolfensis, habilis (apparu probablement avant, et la proposition a même été faite par certains anthropologues de les sortir du genre Homo), puis ergaster et enfin erectus. Tous ces genres Homos ont probablement été contemporains (coexistence en Afrique de l’Est) à un moment donné (avant qu’Homo erectus s’impose autour de 1,8 M). Une idée qui irait plutôt contre l’image chronologique, linéaire d’un développement vers Homo sapiens.

Plus grosses canines chez habilis que chez australopithèque, signe d’une alimentation carnée. Mais si habilis sort finalement du genre Homo (il deviendrait en quelque sorte une forme de singe savant, habile comme un singe… et c’est tout), c’est chez erectus qu’il faut peut-être voir les premières apparitions morphologiques significatives : un bourrelet dans l’os du crâne qui existera chez sapiens et pas avant, un bassin qui s’arrange pour pouvoir accueillir le reste du poids.

Ces modifications morphologiques chez Homo erectus s’accompagnent d’une transformation au niveau de l’industrie lithique : le Oldowayen, puis l’Acheuléen. Homo erectus est alors le premier du genre Homo à se répandre jusqu’en Asie. Les proportions entre les bras et les jambes d’individus du genre Homo erectus en Géorgie vers 1,8 M semblent indiquer des proportions similaires aux hommes actuels, et beaucoup de ses particularités morphologiques font penser qu’il était très adapté à la course (et que cette course représentait un avantage dans une optique de chasse diurne).

Pour la course, il faut un corps plus élancé : la longueur des jambes permet d’augmenter la longueur des foulées, la thermorégulation est plus efficace en milieu chaud, la rotation du buste contraire au mouvement des jambes apparaît pour garder l’équilibre (le cou devient plus mobile, mobilité du buste et rétrécissement, ainsi que pour le bassin), l’oreille interne évolue aussi pour permettre à la tête de rester stable lors de la course, la tête est en équilibre sur la colonne vertébrale, un ligament renforce également la stabilité de la tête en maintenant le haut du crâne avec les épaules (ligament nucal postérieur), des muscles dans le dos et les fesses renforcent la posture, les vertèbres sont plus massives pour supporter le poids du corps, les articulations des membres inférieurs se renforcent également tandis que le col du fémur se réduit. Afin d’amortir les chocs quand le pied se pose lors de la course, le tendon d’Achille augmente, la voûte plantaire se stabilise, et le talon se renforce. La transpiration et la réduction de la pilosité jouent aussi un rôle dans cette nécessité chez erectus de courir. Le système digestif s’adapte aussi pour digérer des protéines.

D/ Chasseur ou proie.

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2018-11-20-17h00.htm

Devenir carnivore pour Homo ne signifie pas qu’il n’est plus la proie des autres carnivores : en concurrence, il n’est pas rare que des prédateurs carnivores rentrent en compétition et se dévorent éventuellement entre eux. On compte différentes interactions entre les hominines et les carnivores : confrontation directe (risque d’être attaqué), éventuellement une dépendance quand il est question de charognage, une compétition pour l’acquisition de proies (coévolution : quand il y a plusieurs carnivores ceux-ci se spécialisent et ne s’attaquent pas forcément aux mêmes proies ou ne les acquièrent pas de la même façon), une compétition pour l’accès aux grottes, prédation des carnivores sur les hominines (proie), une chasse aux carnivores, puis enfin du commensalisme (deux espèces ayant un intérêt à vivre « ensemble ») et la domestication.

Avant que les hominines bénéficient, ou modifient en partie, de la niche écologique à l’Est de l’Afrique, la diversité de grands carnivores dans leur milieu est importante, et cette diversité se trouvera sur le chemin, dès Homo erectus, dans toute l’Eurasie (dont des félins et des hyènidés ; partout où il y a des mammouths à chasser).

Même jusqu’à la période de l’homme de Néandertal, des carnivores consommaient régulièrement des hominines, ce n’était donc pas toujours les hommes qui s’en sortaient encore à cette époque. Tandis que vers 14 000, l’homme gagne presque toujours la bataille et commence à exterminer ses concurrents prédateurs (lions, ours pour beaucoup).

E/ Nourritures aquatiques

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2018-11-27-17h00.htm

(Théorie de singe aquatique ? Adaptation passée d’abord par le milieu aquatique.)

L’importance de la nourriture aquatique pour l’homme : source d’oméga 3 (plus généralement, c’est une source d’acides gras insaturés) ; le milieu marin ou aquatique procure une grande quantité de nourriture à disposition et permet ainsi aux populations côtières de se développer ; ces populations sont peu mobiles et cette sédentarité permet un développement de nouvelles technologies dédiées à la pêche ; ce qui implique de facto une complexité et une différenciation sociales avec une allocation de tâches particulières à certains individus.

Premiers sites supposés de l’exploitation du milieu marin : Kenya vers 2 M, donc des Homo erectus avec un régime fait pour moitié d’animaux terrestres et pour moitié d’animaux marins (poissons, petits crocodiles et tortues). Les poissons par exemple étaient probablement ramassés dans des mares lors des saisons sèches (à une époque où les animaux terrestres chassés ne procurent pas le même intérêt nutritif n’étant plus aussi gras).

Des traces de pas fossilisés vers 1,5 M au Kenya autour d’un lac asséché montrent une grande activité des hommes dans ces zones par rapport à d’autres animaux terrestres (époque où le cerveau se développe fortement). À Java, vers 500 000, premières traces d’exploitation par Homo erectus de mollusques (ouvertes avec des dents de requin). La marée a sans doute joué un rôle important pour permettre aux hommes d’aller sur la rive recueillir des crustacés, or en Méditerranée, la marée est faible ; par ailleurs, pour expliquer le faible attrait de Néandertal pour la nourriture aquatique, il faut rappeler que les côtes étaient alors parfois à plus de cent mètres des côtes actuelles : on trouve des traces cependant en Espagne (côtes est) (les Néandertaliens utilisaient également les coquilles comme outils).

Concernant Homo sapiens, on trouve des preuves multiples de consommation et utilisation (cette fois symbolique pour les coquillages) des animaux marins, notamment au Maroc (250 000 ans) et en Afrique du Sud (120 000). À Pinacle Point en Afrique du Sud, naissance supposée pour certains de la notion de « modernité culturelle » avec à la fois une complexité sociale et une utilisation symbolique des coquillages à des fins ornementales (170 000) ; il y aurait par ailleurs une exploitation stratégique du milieu marin avec une connaissance des phénomènes de marée (donc les dates en fonction d’un « calendrier lunaire ») pour exploiter les mollusques les plus éloignés au moment du plus fort repli et de ne plus faire seulement preuve d’opportunisme dans le glanage des mollusques, mais des prévisions pour laisser le reste du temps à exploiter le territoire terrestre.

F/ Chasse et société :

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2018-12-04-17h00.htm

Rappel : la notion de capacité porteuse, qui est le potentiel d’un environnement à supporter au sein d’un même territoire plus ou moins de population (ce potentiel varie énormément en fonction du climat). Les sociétés ne peuvent donc s’affranchir de l’environnement dans lequel ils évoluent et par conséquent de sa capacité porteuse. La densité de la population au sein d’un environnement dépend donc de plusieurs facteurs principaux : le climat (plus c’est chaud et humide, mieux c’est), la qualité de la diversité au sein des autres groupes d’animaux, et la faible exposition à des pathogènes (pathogen stress) (dans les zones tropicales par exemple, la productivité primaire liée au climat est forte, mais le potentiel infectieux pèse sur les populations à maintenir une grande densité de population).

À titre d’exemple, chez les groupes de populations actuelles, il y a une grande diversité de ces groupes quant à l’exploitation de la taille du territoire dans lequel ils évoluent. Ça peut aller d’un peu plus de 1 km² (une île par exemple) à 65 000 km² pour des chasseurs nomades évoluant en zone arctique.

Au cours du temps, la capacité porteuse d’un environnement peut avoir des valeurs fluctuantes et peut potentiellement affecter la densité de population. Pour amortir ces fluctuations impactant leurs rendements, les chasseurs-cueilleurs ont mis au point des stratégies de conservations de la nourriture. Si ces fluctuations sont trop importantes, elles peuvent alors provoquer des famines, des tensions au sein des groupes, et réduire alors la densité de population. Plus la sédentarité est importante, plus les groupes de population exercent une pression sur l’environnement (souvent sur les côtes). Il y aurait également une corrélation entre cette densité et le niveau de complexité socio-économique (moins les sociétés seraient complexes, plus elles seraient égalitaires : la complexité favorise les riches !). Il semblerait également qu’il y ait une corrélation entre niveau de densité de population et capacité d’innovation, spécialisation et transmission des savoirs (exemple de la Tasmanie où les populations ont été séparées du reste du continent australien et se sont contentées de quelques outils, et donc ont subi une perte de complexité technique). Pour certains anthropologues, sur la même idée, le boom technologique qu’ont connu les premières populations d’hommes modernes est lié à leur grande densité démographique (théorie discutée, exemple contraire : les Inuits, qui avec une faible population ont su mettre au point de nombreuses techniques pour s’adapter aux contraintes de leur environnement).

Des études suggèrent, puisque dans certains groupes de chasseurs-cueilleurs actuels étudiés il n’y aurait pas forcément un avantage énergétique à chasser de gros gibiers, que les mâles de ces groupes continueraient à pratiquer ces chasses, parfois dangereuses, et pas si valorisantes énergétiquement parlant (plus c’est gros, plus c’est long avec un résultat final incertain), pour leurs seuls avantages culturels : les hommes tireraient du prestige, au sein d’une compétition entre mâles, à abattre une grosse proie et venir à la partager avec tout le groupe (on trouverait paradoxalement — ou pas — des enfants mieux nourris chez les meilleurs chasseurs, et cela ne serait pas dû au fruit de leur chasse, mais au fait que le prestige gagné attirerait… les meilleures femmes, autrement dit les femmes travailleuses — mais là encore, une théorie discutée).

D’un simple point de vue reproductif, il est à souligner qu’au-delà de la polémique de savoir qui, de l’homme ou de la femme, est plus favorable au groupe (ou à sa famille), il semble bien qu’il y ait un poids sélectif allant vers les « meilleurs chasseurs ». Tout cela ramène à l’épineuse question de quand se serait produite la division sexuelle des tâches : elle se serait produite autour de 50 000 ans où on remarque en Europe et au Moyen-Orient une diversité de la taille des proies, alors qu’avant les hommes ne chassent que du gros gibier, après les « hommes » se mettent à chasser des animaux de taille intermédiaire souvent plus facile à chasser, et ce rôle de chasse des proies intermédiaires serait dévolu aux femmes du groupe (ce qui signifie que cette division serait très récente et irait par conséquent à l’encontre de l’image qu’on se fait habituellement : les femmes, et même les enfants, devaient participer avec les hommes aux chasses de gros gibiers).

Qui dit territoire chez l’homme, dit violence. Là encore, aucune certitude possible, l’image d’Épinal des chasseurs-cueilleurs pacifiques semble assez remises en question avec la preuve de multiples sépultures ou fosses de massacres au sein de populations humaines relativement récentes (avant l’apparition de l’agriculture).

VI/ Paléoanthropologie de l’Asie

A/ Histoire de la paléoanthropologie asiatique

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2019-10-01-17h00.htm

Quand on parle d’Asie d’abord ici, on parle essentiellement d’Asie centrale et de l’Est, mettant à part l’Asie Mineure qui a plus un développement paléoanthropologique en lien fort avec l’Afrique.

Darwin pensait déjà en observant les primates africains que l’origine des hommes était en Afrique. Son contemporain Ernst Haeckel peut être considéré comme le père de l’anthropologie asiatique, et était un fervent défenseur de la théorie de l’évolution des espèces, mais pense plutôt que le rôle essentiel dans le développement humain s’est joué davantage en Asie, plus précisément dans un continent qu’il situe au sud de l’Inde, Lemuria, d’où serait à la fois partie tous les hommes, mais aussi toutes les langues. Il nomme cet homme originel le pithécanthrope alalus (homme-singe muet). Sur la base de ces hypothèses (dont on sait qu’elles sont partiellement fantaisistes aujourd’hui), un Néerlandais, Eugène Dubois part à la recherche du pithécanthrope sur l’île de Java en Indonésie. Il y trouve des fossiles préhumains grâce à de vastes travaux menés avec l’appui de forçats. Il nomme ces fossiles en hommage à Haeckel : le pithecanthropus… erectus. Personne ne le prend au sérieux, et il range ses découvertes. Quelques décennies plus tard, un Allemand, Ralf von Koenigswald retourne à Java et trouve d’autres fossiles de ce qu’on appellera bientôt Homo erectus.

En Chine, les fossiles de dents sont connus depuis toujours et utilisés dans la pharmacopée traditionnelle. On y trouve un « gisement » important de fossiles à la « colline aux os de dragons ». Des fossiles humains sont nommés sinanthropus pekinensis, et seront plus tard reconnus comme étant là encore appartenant à Homo erectus. En 1950, on ne connaît alors Homo erectus qu’en Asie ! On pensait alors aussi qu’il y avait une origine polycentrique de l’homme, jusqu’à ce que dans les années 80 la communauté s’accorde pour faire de l’Afrique le berceau unique de tous les hominines. Mais cette vision a encore ses partisans et on parle de multirégionalisme. Or, cette vision fera des petits en Chine et reste un modèle très couru chez les paléoanthropologues chinois.

En Ouzbékistan, de restes de Néandertal sont retrouvés.

B/ Cadre environnemental et premiers peuplements

https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2019-10-08-17h00.htm

Deux passages de peuplement de l’Extrême-Orient : le sud en contournant l’Himalaya par l’Inde et les côtes, ou par l’intérieur du continent en contournant l’Himalaya par le nord. La remontée au cours des cent derniers millions d’années de la plaque indienne vers la plaque asiatique implique aussi de fortes variations climatiques : ce qui est en dessous de la chaîne himalayenne est humide, et froid et sec au-dessus. La mousson inonde ainsi une grande partie du Sud asiatique et implique donc en environnement tropical propice aux écosystèmes riches.

Pendant les périodes glaciaires, le niveau d’eau dans les océans est plus bas et permet ainsi notamment à l’Australie d’être pratiquement reliée au continent asiatique. Au cours de ces périodes glaciaires, les variations sont spectaculaires sur des périodes de plusieurs dizaines de milliers d’années.

Entre 110 000 et 10 000, le nord de l’Asie connaît une grande steppe à mammouth, mais où la diversité parmi les mammifères est identique à celle trouvée à la même époque en Afrique (capacité porteuse très importante). Cette diversité importante et cette présence massive de la faune asiatique auraient joué un rôle important pour l’implantation des hominines dans ces hautes latitudes et utiles ainsi pour le passage plus tard des premiers hommes vers l’Amérique du Nord.

Pendant la période de Sahara vert, la péninsule arabique profite du même climat avec des rivières et des lacs (impliquant une présence humaine importante).

Au pléistocène, présence en Asie du Sud-Est d’un primate, gigantopithèque (apparenté à l’orang-outang) profitant comme d’autres grands primates du climat tropical (on pense qu’Homo sapiens préférait les territoires plus ouverts, mais biais dû à l’absence de traces dans un environnement peu propice à la préservation).

Les premiers Homo erectus sont trouvés à Java. Avant ça, la première preuve de présence d’hominines en Asie se situe en Géorgie (1,7 M).

C/ Homo erectus

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Rappel : le premier Homo erectus (dans l’histoire, pas le plus ancien) a été trouvé par Eugène Dubois en Extrême-Orient à Java en 1891. À la même époque en Afrique, alors qu’Homo erectus en est originaire, on n’en trouve pas de traces, il faudra attendre 80 ans. Pendant toute la première moitié du XXᵉ siècle donc, on trouve d’autres spécimens en Extrême-Orient et l’espèce est donc considérée comme une espèce asiatique.

Ce premier spécimen trouvé par Dubois possède la moitié de la capacité crânienne d’un Homo sapiens, le front est plat, avec bourrelet sus-orbitaire, os occipital très anguleux, bourrelet également juste en dessous avec un épaississement de l’os de l’arrière du crâne, le crâne a une forme pentagonale vue de derrière à cause d’une sorte de crête au sommet du crâne et avec un élargissement à la base du crâne. Chez Homo sapiens, la forme est également pentagonale, mais le cerveau s’élève et donc l’élargissement se situe plus haut avec des bosses saillantes sur les côtés (on parle de forme en tente pour erectus et en forme de maison pour sapiens). La face est prognathe avec une face un peu en avant par rapport à la boîte crânienne : cependant, la face est relativement plate (comparée aux hominines antérieurs) (chez Néandertal, c’est le milieu, le nez, qui est projeté en avant). Leur nez est presque déjà celui de sapiens.

Vu la rareté des spécimens trouvés en Afrique et du fait de la plus grande ancienneté de ces spécimens par rapport aux autres trouvés en Asie, certains proposent alors d’intégrer ces ossements (très rares) à un nouveau type d’Homo : ergaster. Ces différences pourraient simplement être le fait d’une très grande période d’existence d’erectus qui court sur près de 2 M d’années.

On a donc à 1,78 M, les premiers Homo erectus en Géorgie. Ces spécimens ont cependant une faible capacité crânienne, très proche d’australopithèque. Leurs proportions corporelles sont très proches des hommes actuels : c’est la première fois qu’on voit une adaptation pour la course d’endurance.

Les autres spécimens sont trouvés à Java. En Chine, l’homme de Ngandong est à la fois le plus récent, mais aussi celui avec un volume crânien le plus important. Possiblement, hors du continent, ces Homo erectus auraient pu persister jusqu’à une époque pas si lointaine (200 000 ans, alors qu’à la même époque sur le continent, c’est l’âge des denisoviens).


En bonus, quelques questions farfelues sur le sujet :