Guillaume Meurice et sa blague « polémique » sur Blast

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Antisémitisme, dépréciation, humour et verticalité

Réponse à une vidéo de Blast où l’humoriste revient sur une blague jugée antisémite ayant fait le buzz sur les réseaux sociaux et dans les médias :

À demi-mot, on comprend que Salomé Saqué souscrit à l’idée que cette blague puisse être antisémite, et encore une fois, désolé de le dire, ça entretient le confusionnisme et par conséquent l’antisémitisme. Les mots ont un sens, si tout devient antisémite, plus rien ne l’est, et par conséquent, comme dirait quelqu’un de Blast le jeudi, on fait de l’antisémitisme.

L’humour vise à tordre certaines réalités (parfois les simples mots) pour en démasquer d’autres. C’est précisément ce qu’a fait Guillaume Meurice avec cette blague : par son astuce elle traduisait la réalité du gouvernement israélien, à savoir que c’est un gouvernement d’extrême droite. Le caractère dépréciatif de la blague, il concerne l’extrémisme de la personne visée, pas du tout sa religion ou son ethnie. Au contraire, pointer du doigt qu’une population n’est pas uniforme et possède également des extrémistes, c’est la normaliser. En faire un bloc intouchable, c’est nier son caractère humain, la déshumaniser, et par conséquent se rapprocher, là, d’une forme d’antisémitisme. Tous ceux qui souscrivent par conséquent à l’idée que cette blague puisse être antisémitisme font eux-mêmes de l’antisémitisme.

J’ajoute que l’humour est vertical. Il est odieux quand il vise à déprécier des personnes « en dessous de soi ». Le bouffon se moquait du roi, pas du petit peuple. Qu’il s’agisse de blague sexiste, homophobe, raciste, antisémite, pauvrophobe, il est toujours question d’une dépréciation de groupes placés en position de faiblesse ou d’infériorité. Quand Guillaume Meurice se moque d’un puissant, il lève les yeux pour se moquer de lui et le ramener à sa hauteur, il ne déprécie pas une personne placée en position d’infériorité.

Cela rappelle assez les polémiques concernant des textes de Sardou ou quand Gérard Darmon jouait Othello. Ces vagues de fausses indignations, souvent relayées par la gauche, c’est en fait à la fois ne pas comprendre l’essence même de la représentation artistique et son rôle dans la société, mais aussi faire la promotion d’une censure qui n’a rien de libéral. J’avais évoqué Sardou ici et Darmon, ici.

Non aux sondages d’opinion

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Pour la fin des sondages à la con

Réponse à un tweet réclamant que la méthode d’un sondage de l’Ifop sur les personnalités préférées des Français soit révélée :

L’Ifop est une entreprise privée. Elle n’a donc pas à partager quoi que ce soit parce que ce qu’elle propose, c’est un produit, pas de la connaissance. Comme toute entreprise privée, son but est de développer son chiffre d’affaires, pas d’informer. D’où des sondages à la con. Ici, un “baromètre” annuel à la con, forme de marronnier comme toutes les entreprises savent en imposer dans l’espace public souvent confondu avec un espace publicitaire, et comme certains médias à la con s’en font parfois le relais.

Traditionnellement, ce sondage est « fait pour » le JDD. Les marronniers, c’est toujours du win win : tu crées un produit à la con que personne demande, mais tout le monde en parle, surtout ceux qui ne s’y intéressent pas.

On notera « comme par hasard » l’apparition opportune de Bardela alors que le JDD est désormais un canard d’extrême droite. On se rappellera comment les sondeurs et les médias associés avaient créé de toute pièce « l’ascension » de Macron et de Zemmour.

On ne veut pas savoir le détail de la méthode des sondeurs, on s’en fout. Parce que les sondeurs, c’est comme la drogue, les fausses nouvelles, la communication, la publicité, les jeux d’argent : c’est de la merde. Leur toxicité sur la société n’est pas à démontrer. Mais comme c’est bon pour le saint PIB, pour certains, ce sont des activités licites.

Seuls l’INSEE et des chercheurs agréés obéissant à des règles strictes à la fois sur la protection des données et sur le partage de certaines autres devraient être autorisés à faire des sondages. Pour les sondages électoraux, il existe une commission des sondages, probable que ça fonctionne comme le RSA ou les normes CE, i.e. avec une politique du on s’en bat les couilles : on a personne pour contrôler, donc contrôlez-vous vous-mêmes.

Il existe des associations de résistance à (l’agression) la publicité, des associations de défense du consommateur, des associations de lutte contre la malbouffe, manque une association qui fasse la promotion du trollage des sondages. Avec potentiellement du piratage de sondage. Objectif : « Mimie Mathy* en tête des intentions de vote pour les présidentielles. » (*ou n’importe quelle “personnalité” participant à « l’association de lutte contre les sondages à la con » et pouvant ainsi prétendre à intégrer la liste après une vraie fausse présentation.)

C’est pas gagné. Pour pirater les sondages, il faut une crédibilité, des passeurs. Or, y a peu de rebelles dans ce pays. Chacun travaille précieusement à son propre PIB. Apparaître dans ce type de sondage à la con, c’est déjà un peu comme recevoir un crédit d’impôts, un César ou une Légion d’honneur. Un sésame pour les dividendes futurs. Quand tu n’y es pas, ces tops n’ont aucune valeur, quand tu y es, flatté, tu renonces à les critiquer. Et par conséquent à les saboter. Mais on peut rêver.

Chères personnalités, simples items désincarnés dans des produits de sondage à la con, l’histoire ne retient rien des sondés, des courtisans et de tous ces flonflons. Êtes-vous fait pour le bal musette ou vous sentez-vous l’âme d’un pirate ?

Et à tous les autres, larguez les sondages, y en a marre ! Répondez, trollez, faussez, décrédibilisez, piratez, pour qu’on en finisse avec les entreprises dont « le produit, c’est nous » et que tous les médias partenaires meurent de honte ! Ipsos finito facto. Ifop, y flop.


Enthoven, l’intelligence artificielle, le conformisme et la peur de la mort

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Éducation

Science, technologie, espace, climat

Réponse à ce film, et plus précisément à ce tweet : 

C’est pour ça que je n’ai jamais rien compris à la philosophie. Ce qui est à la portée de tous, c’est un exercice de conformisme. Philo, comme autre chose, on te pose un cadre, et tu ne dois jamais dépasser ce cadre. C’est précisément ce que font les machines, et ce que je n’ai jamais réussi à faire. Mon logiciel de pensée, c’est de toujours réfléchir en travers. On me pose un cadre, et j’étudie la question à travers mon strabisme intellectuel. Ce qui me fait rater l’évidence, mais ce qui me permet aussi et surtout de gambader vers des voies nouvelles. Souvent des voies sans issue, mais pas toujours.

Si j’ai bien compris le principe de la conclusion en dissertation, c’est d’ouvrir la question initiale vers une problématique proche. C’est ce que j’ai toujours fait dès la première phrase. J’explore, je traverse, j’erre, bref, je ne fais que du hors sujet. Et ça me va.

Parce que, contrairement à ce que dit ce monsieur, une machine, si on lui dit s’exprimer des émotions, une peur de la mort ou de tout autre chose, si on lui invente un discours qui mimerait la nécessité pour elle de préserver un corps qu’elle n’a pas, elle sera un jour, comme c’est déjà un peu le cas aujourd’hui, capable de nous en donner l’illusion. Dire qu’on a peur de la mort, ce n’est pas une preuve qu’on a peur de la mort. Et ça, les robots conversationnels ont déjà démontré qu’ils étaient capables de le faire (parfois avec des excès).

La spécificité humaine, c’est moins la peur de la mort (d’où il sort ça, sérieux) que la capacité à sortir, aussi, des cadres prédéfinis. Le plus souvent, on appellera ça des erreurs, des écarts, et puis, dans un autre contexte, on dira que c’est de la créativité. Elle est là la spécificité humaine. La capacité à ne pas se formaliser, sortir du cadre, dire non, ouvrir ou remettre en question… la question, poser immédiatement sa légitimité ou sa pertinence.

La vie, plus généralement, se distingue du monde inerte par sa capacité à se reproduire mille fois à l’identique, tout en autorisant les erreurs de copie. Ce sont ces erreurs qui font ce que nous sommes, parce qu’aucune vie n’échappe à l’extinction en reproduisant sur des millions d’années des copies initiales.

Monsieur pense que l’humain se distingue par sa capacité à avoir peur de la mort, alors que précisément, la vie est ce qu’elle est parce qu’elle est imparfaite et… mortelle. Les machines sont des clones, des monstres de conformité. Tu leur dis quoi faire : ils le font. L’humain, en revanche, peut rendre une copie vierge et réussir un jour son examen. Il est le fruit de milliards d’années d’évolution, parce que la vie tente sa chance, fait des erreurs et en meurt. Son sacrifice bénéficiera à ceux pour qui la conformité sera devenue une impasse. Ses erreurs, ses tentatives, ses approximations, ses explorations profitent toujours à ceux qui prennent sa place.

Donc, puisqu’une dissertation est un travail de conformité, il y a fort à parier que très vite (si ce n’est déjà le cas), l’intelligence artificielle soit capable de produire une copie conforme aux attendus de ces chers professeurs. J’attendrai encore, pour ma part, qu’on valorise les erreurs volontaires, les échecs constructifs ou les hors sujets d’exploration, au moins une fois dans une vie. Ça doit être un ratio tout ce qu’il y a d’acceptable avant, sans peur, de laisser sa place à d’autres. Humains ou machines.

La France, pays des droits de l’homme ou pays du féminisme ?

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Orthographe

La France, pays de La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789

Fun fact :

La France qui se vante d’être le pays des Droits de l’Homme… ne l’est pas. Cette périphrase sous-tend qu’il y aurait une valeur universelle dans ce qu’on image faire référence ici à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ou que la France aurait initié avec ce texte quelque chose avant les autres démocraties du monde (c’est faux).

Par contre, le mot “féminisme” naît en France au 19ᵉ siècle.

Il est adopté ensuite dans le monde anglo-saxon (en supprimant le “e” final) et sans doute ailleurs.

Or, nommer, les choses, ça permet aussi d’accompagner, promouvoir ou développer les idées qu’elles définissent à travers un terme nouveau. Ce n’est donc pas rien. Les « droits de l’homme » ? Ah ? Lesquels ? Le “féminisme” ? Oui-oui, it’s french (avec l’accent).

La curiosité avec les périphrases, c’est qu’elles peuvent se transformer avec le temps (façon téléphone arabe) avant, éventuellement, s’ancrer dans la mémoire collective en se figeant en une forme syntagmatique assez simple pour servir d’étendard ou d’expression. On peut ainsi imaginer que pour parler métaphoriquement de la France on ait parlé à un moment du « pays de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen », et que par simplification, cela soit devenu « pays des droits de l’homme ».

Un peu comme quand le Pierre Adams dit publiquement en 1935 que « Paris est la plus belle ville du monde, dommage qu’il y ait des Parisiens » et que… les Parisiens se trouvent assez parisiens pour figer la périphrase qualifiant leur ville « la plus belle ville du monde » en une expression capable de satisfaire leur égo (périphrase qui n’est par ailleurs utilisée qu’en France).

De l’autre côté, l’apocopation du « e » de « féminisme » par les anglo-saxons ne dénature pas le sens du terme original…

Revenons à la périphrase « pays des droits de l’homme ». Chacun ses combats : se vanter d’être une “Lumière” éclairant le monde (la France n’est pas plus le « pays des Lumières » — des Lumière, à la rigueur, des frères Lumière) alors que… même-pas-vrai ; ou “invisibiliser” une invention bien réelle qui pourrait ou devrait nous rendre fiers (remplir le point médian si nécessaire). Le terme « féminisme ».

Alors, est-ce que le « pays des droits de l’homme » n’aurait pas à gagner à devenir le « pays du féminisme » ?

(Même si on chipoterait encore à se vanter de l’invention du terme dans un pays ayant offert si tardivement le vote aux femmes et où un ministre reçoit des faveurs sexuelles de ses administrées.)

Probable d’ailleurs que comme cela arrive souvent (comme pour « trou noir » par exemple), le terme ait d’abord eu une connotation péjorative avant d’être adopté avant d’être revendiqué pour définir un mouvement émancipateur des femmes.

Connotation péjorative qui est donc apparue dans un film de 1948 avec Errol Flynn qui est à l’origine de cet article : Les Aventures de Don Juan. En plus d’être donc employé péjorativement, on peut aussi noter qu’il s’agit dans le film d’un parfait anachronisme. On produit désormais des documentaires avec des Cléopâtre noires, pourquoi Hollywood n’aurait-elle pas eu le droit au milieu du 20ᵉ siècle de proposer un Don Juan féministe ?…

Ce Don Juan serait-il… féministe ! (Les Aventures de Don Juan, Vincent Sherman, Warner Bros. 1948)

Le dilemme du mauvais et du bon poison

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Image générée par Midjourney

Variation sur la peste et le choléra : le dilemme du mauvais et du bon poison.

Un matin, Emmanuel se dit qu’il se verrait bien Président des Gens. Il construit un programme dans lequel, entre autres, il propose de filer du poison à chaque individu une fois arrivé à 65 ans.

Pendant la campagne, rares sont ceux qui remarquent cette idée à la con, mais puisque tous les programmes concurrents proposent de bouffer en diverses proportions de la mort aux rats, les Gens appelés à voter envoient Emmanuel au second tour.

Face à lui, au second tour, à l’extrême-droite du ring, Marine Méphistophélès : elle pen un peu à faire oublier qu’elle est la fille du diable, mais son truc, c’est quand même que les Gens de souche s’abreuvent de sang impur.

Entre la peste et le choléra, les Gens se sentent un peu obligés de choisir pour celui qui semble proposer le moindre mal.

Emmanuel se dit obligé d’être investi d’un devoir d’unification des Gens, mais comme son truc, c’est d’aboyer des « Je vous ai compris » sans rien comprendre, personne ne se fait d’illusions, et les Gens savent parfaitement que le Prince les enculera à la première occasion.

Et comme les Gens ne sont pas dupes, un peu suspicieux aussi, ils se disent qu’élire une assemblée capable de proposer un contre-pouvoir à leur Prince capricieux, ça empêchera qu’il ait le champ libre pour leur mettre profond. L’Horizon est bouché, aucune majorité à l’Assemblée, mais Emmanuel pense qu’être Prince, c’est diriger son pays sans Borne. On ne le sait pas encore, mais serviteurs de l’État, députés, sénateurs ne sont que des soldats de plomb dans le jeu d’Emmanuel, parce qu’Emmanuel sait bien que les institutions ont une faille : quand tu n’as pas de majorité pour faire passer tes idées à la con, la majorité, c’est toi ! Et plutôt 49.3 qu’une.

Là, Emmanuel, puisqu’il est un peu sadique (c’est le fait du Prince), propose tout de suite de faire passer sa proposition électorale la plus conne, celle que personne n’a vue un peu trop occupé à faire barrage contre la Marine à voile (ou sans, je sais plus) :

Filer du poison aux plus de 65 ans !

Borne nous explique qu’il y en a une (de borne), et qu’elle doit être fixée, sinon on va tous mourir heureux et bien portant. Il faut donc euthanasier tout le monde à l’âge anniversaire fatidique de ses 65 ans.

Plus merveilleux encore, ceux qui partiront avant pour avoir été plus méritants que les gratte-papiers chargés de pondre tous les jours des idées toujours plus connes les unes que les autres (ceux qui ramassent les poubelles pleines de brouillons d’idées à la con), eh bien ceux-là seront en plus maudits pour ne pas participer aux cotisations des plus vieux qu’on achèvera à 65 ans.

Tout le monde trouve la proposition complètement conne. Elle n’a aucun sens. Marine propose qu’on tue les Gens avec du gaz moutarde produit à Dijon et Horizon bouché se pince le nez en l’ajoutant à sa réforme, histoire de gagner les voix des Mariniers pour le vote. Mais patatras, finalement, ces couillons ne semblent pas vouloir voter pour une réforme aussi con (ou pas assez con, on ne sait plus).

Les gens défilent dans la rue. Ils disent ne pas vouloir être euthanasiés à 65 ans. Amnesty International dit que quand même, le gaz moutarde produit à Dijon, ça va un peu loin. Mais rien y fait. Dans la constitution, il est dit que quand Borne n’atteint pas la majorité, elle peut s’en laver les mains et sortir un joker “démocratique” : le quarante-neuf-trois (du bas italien « quarente-nuvo-ceco-tre », signifiant « quarantaine princière). Chiffre magique multiple de 666. Nombre premier du foutage de gueule.

Il y a une astuce écrit en tout petit comme dans les contrats d’assurance qui te fait penser que tu as un recours en cas de pépin, mais qui n’est qu’une ligne à la con en bas de page écrite en tout petit : la motion de censure.

Or, rarement mise en mouvement, la “motion” (parce que ce sont les serviteurs de l’État qui votent, et s’ils votent, ils perdent leur job et ils n’auront plus assez de trimestres pour leur cotisation à la retraite) n’a aucune chance de passer.

La réforme à la con passe. Et le lendemain, Emmanuel vient à la télévision narguer les jeunes et dire aux vieux qui ont voté pour lui et qui ne sont pas concernés par sa réforme à la con : « Nananère, vous avez voté pour moi. La réforme était dans mon programme. Vous lisez jamais les petites lignes écrites en petit ? Vous êtes trop cons. »

Les Gens : « Connard. T’avais pas dit « ce vote m’oblige » ? »

« Hi, hi. « Noblesse oblige ». »

Un poison est un poison.

La désinformatrice, le satiriste et le fact-checker

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Violences de la société/ réseaux sociaux    

Aka, quand hoaxbuster défend Myriam Palomba face aux pitreries de Vincent Flibustier

Contexte : à l’occasion d’une émission de télévision où elle est chroniqueuse, la spécialiste de fake news et antivax Myriam Palomba lance des accusations extravagantes sur des personnalités en se faisant écho d’une rumeur antisémite concernant un produit qui serait extrait à partir du sang d’enfants. L’humoriste et vulgarisateur, créateur du site parodique Nordpresse Vincent Flibustier fait une vidéo où il lance une rumeur absurde visant à se moquer des méthodes des désinformateurs. En parallèle, un hashtag tout aussi absurde mentionne la journaliste people en collant son nom à celui du terme « pédosataniste ». Le jour suivant, Guillaume HB, créateur du site de fact-cheching hoaxbuster.com publie un tweet dans lequel il critique… non pas sa consœur habituée des fausses nouvelles, mais l’humoriste.

C’est un exemple, d’autres personnalités de la sphère zet/débunkage ayant exprimé leur doute quant à la pertinence de la démarche de Vincent Flibustier.

Je réponds globalement et brièvement à ces critiques.


La satire est tout aussi utile, voire plus, que le débunkage dans une société où les fausses informations circulent à une vitesse folle. Chacun est dans son rôle. Le journalisme pète-cul qui débunke ne convaincra que les convaincus. Vincent Flibustier utilise l’humour, l’esprit de contradiction, la caricature et la psychologie inversée. Tout cela pour rire, mais pas seulement : pour tenter de faire prendre conscience aux personnes qui sont victimes des désinformateurs quels sont les mécaniques de pensée qui les trompent.

Le débunkage apporte de l’éclairage, de la nuance. La satire imite les mécanismes à l’œuvre dans les théories des complots ou ici dans les rumeurs. Je pense donc au contraire que cette « expérience sociale et satirique » est un parfait exemple de leçon en matière de vulgarisation et d’éducation aux médias.

D’ailleurs, la situation est si grave dans ce monde où la prime est si facilement faite aux fakes news et aux désinformateurs, que toutes les propositions pour en déconstruire les mécanismes nocifs à la société sont bonnes à prendre.

Encore une fois, Vincent Flibustier est identifié comme un humoriste dont la spécialité est précisément la fake news consciente d’entre être une. Façon Gorafi. Personne ne pourra ainsi le suspecter d’autre chose que d’un canular : tout y est, le ton, la caricature, voire les vidéos suivantes où il explique sa démarche. Donc le canular a une dernière vertu : elle donne la preuve que les propagateurs de fausses nouvelles (ce sont tous ici les désinformateurs qui se sont fait un nom avec la crise de la covid) se font volontairement passer pour des victimes pour attirer l’attention de leur public parce qu’ils ne vivent que de ça. Vous préférez quoi ? Que des désinformateurs puissent en toute tranquillité répandre leurs fakes news avec des conséquences parfois graves pour leurs suiveurs ou qu’un satiriste puisse vivre de ce pour quoi on le suit : faire le clown ?

Moi je pense que les clowns ont un rôle plus bénéfique à la société que les escrocs et les usurpateurs.


Ajouts :

La caricature, la satire, la parodie ou la simple moquerie sont des armes absolument nécessaires contre les dérives complotistes. Moins pour les complotistes d’aujourd’hui que pour ceux qui pourraient en être victimes demain.

Parce que la caricature, la satire ont une valeur éducative, culturelle et historique bien plus grande que tous les efforts possibles en matière de fact-checking et de débunbkage.

Journalistes et experts tendent à décrire le monde tel qu’il est… au présent. Les clowns tendent à décrire leurs contemporains tels qu’ils sont, souvent en appuyant là où ça fait mal. Or, quand on regarde le passé, on a surtout besoin de voir des pages de l’histoire traitée par l’œil décalé des satiristes et des clowns. Il n’y a rien au monde qui explique mieux le nazisme que Le Dictateur de Chaplin. Un monde où plus aucune moquerie ne serait possible ne peut être un monde sain et libre.

En revanche, le comique de répétition a ses limites. Il n’y a aucune raison, humoristique ou autre, de continuer à se moquer de Myriam Palomba. Surtout après l’humiliation d’hier. Le complotisme n’est pas l’affaire d’une seule personne. Tu as fait ton Dictateur, change de planche à dessin et trouve une autre cible tout aussi légitime.

Puis des “gens” commentent le montage et les allusions transsexuelles dont Myriam Palomba fait l’objet :

Joli déni de réalité. Certains diraient les pires bêtises pour se faire passer pour des chevaliers blancs. Les mêmes méthodes en somme que les conspirationnistes. L’important est d’être bien vu par ceux que l’on dit défendre, mais que l’on trompe.

Ces montages font directement référence à l’intérêt que porte Myriam Palomba pour les rumeurs de ce (trans)“genre”.

Attaquer la transphobie, c’est tout à fait légitime, encore faut-il bien avant de monter sur ses grands chevaux s’assurer qu’il ne s’agit pas d’autre chose.

En revanche, oui, la répétition des moqueries à l’encontre d’une même personne n’a rien de drôle et il serait bon de changer de disque. Parce qu’à la longue, oui, la moquerie se mue en harcèlement, et beaucoup ne font même plus le lien avec l’idée d’origine qui est de caricaturer des pratiques menant aux dérives complotistes. Le harcèlement et la transphobie, là oui, on les retrouvera chez ceux qui répètent comme des idiots les blagues d’un autre qu’ils ont mal compris.

Mais ici encore, ce n’est pas le problème de la caricature, mais des réseaux sociaux.

Et :

C’est amusant ça. L’arroseur n’en finit plus d’être arrosé.

De mémoire, elle a dit : « Il y a des juifs antisémites ». On appelle ça une insinuation. Ce n’est guère bien brillant comme méthode, mais l’insinuation, c’est précisément une des portes d’entrée du complotisme.

Ou encore du confusionnisme ou du mauvais journalisme.

Dans le même genre, il y a l’insinuation portée à travers une question qui n’a rien d’innocent. La préférée des raisonnements complotistes : « Je ne fais que poser une question ».

Phrase qui par ailleurs revient systématiquement dans la bouche de Myriam Palomba pour justifier toutes les fake news qu’elle propage à n’en pas douter depuis des années et surtout depuis qu’on l’entend sur la pandémie.

Un des exemples étant la couverture du magazine dont elle est responsable sur une femme connue en évoquant la rumeur qu’elle soit un ancien homme. Un titre avec un point d’interrogation.

Myriam Palomba n’est pas journaliste, elle insinue, elle « ne fait que poser des questions ». Autant de positionnements faussement naïfs qui participent aux rumeurs et aux fake news.


Puis :

Les fact-checkers défendent leur pré carré, n’apprécient pas le clown qui parodie les complotistes et posent la question de la légitimité des clowns à venir empiéter sur leur domaine :

Le journalisme pète-cul ne pourra jamais accepter que la culture, les clowns et la satire aient plus d’impact sur les consciences que leur travail de gratte-papier.

Dénigrer les clowns, surtout quand ils aident à faire tomber les masques, ça va jamais dans le bon sens.

Et peut-être aussi que les clowns, que la satire ou la caricature à la Charlie ou à la Guignols, ça leur arrive de dépasser les bornes, de heurter, mais c’est justement leur rôle : aider à définir les limites. Parce qu’il y a une énorme différence entre quelqu’un qui n’est pas dans la dérision ou la culture et qui dépasse les norme et un clown : l’objectif premier du clown, c’est de caricaturer le monde pour lui offrir une image déformée de lui-même. La limite dépassée est un miroir qui aide à prendre conscience de ces limites.

Une caricature est toujours dans l’excès, parfois elle n’est pas du tout légitime, parfois, pour certains, elle ne dévoile rien et sert d’exutoire et se perd à tomber dans ce qu’elle dénonce. Mais, sans les clowns, ce serait pire, parce qu’ils sont parfois plus efficaces que n’importe qui d’autre à dévoiler la nature du monde de leurs contemporains pour leurs contemporains et les suivants. Et c’est peut-être de ce pouvoir que les « personnes sérieuses » luttant avec d’autres armes contre les mêmes fléaux sont un peu jaloux.


La question des limites est bien posée notamment dans cet extrait qui a largement été critiqué :

https://twitter.com/Qofficiel/status/1639361441542336514

D’une manière générale, on peut supposer qu’une des limites possibles pour avoir toute légitimité à moquer une personnalité, c’est celle du rapport « haut vers le bas » ou « bas vers le haut ». Un peu comme pour la qualité d’une source, la question de savoir qui est à l’origine du commentaire (censé être humoristique, ici) peut faire la différence. On pourra alors plus légitime de moquer les personnes favorisées que les personnes discriminées ou en difficulté. C’est aussi le souci de chercher à développer un humour personnalisé : il est sans doute plus légitime de moquer les influenceurs dans leur ensemble que deux influenceuses en particulier.

Mais imaginons qu’ici, la cible ait été les influenceuses, force est de constater que l’humour se porte davantage sur leur physique ou leur sexe et sur leur légitimité à participer à des manifestations que sur les facilités de certains de ces influenceurs à se faire du fric sur une population captive des clichés qu’ils véhiculent, par exemple. La cible était peut-être la bonne, mais ce n’était probablement pas sur leur engagement politique (moqué probablement ici pour ne pas être de bonne foi) ou sur leur physique qu’il fallait les moquer.

Est-ce qu’il faut se garder en revanche de moquer de telles influenceuses ? Non. Mais il faut le faire sur leur travail et sur l’image de la femme qu’elles véhiculent. À défaut de quoi ce n’est ni drôle, ni bien finaud. Est-ce que c’est dramatique ? Non. Mais le mieux quand on rate une blague et qu’on manque sa cible, c’est de s’excuser.

Rien à voir avec les pitreries de Vincent Flibustier : il moque les dérives d’une émission et d’une chroniqueuse qui a largement plus d’audience que lui et il caricature précisément les outils employés par la chroniqueuse elle-même directrice de média ou par la complosphère.

Ainsi, par exemple, les détournements jugés transphobes des photomontages dont Palomba a été la cible et qui ont été partagé par les suiveurs de Flibustier, sont transphobes, oui, mais c’est parce qu’ils prennent directement référence à un événement ayant tourné dans la complosphère qui laisse entendre qu’une personne publique pouvait être un homme et non une femme. Quand on joue l’Avare, on dévoile son avarice, on la met en scène, on fait l’illustre à travers des propos et des comportements.

Pour un détournement, c’est pareil (toute œuvre est par ailleurs un détournement : les auteurs ne souscrivent jamais aux propos ou actions des personnages qu’ils décrivent) : pour moquer les excès transphobes, on est obligé de les exprimer, de les illustrer à travers des propos transphobes. Mais c’est justement leur caractère caricatural qui permet de faire la différence entre ce que pense le caricaturiste et le sujet moqué qui lui tient de tels propos au premier second… C’est toujours le degré ou la nature du détournement qu’il faut apprécier. Et ce n’est pas toujours clair. Ces caricatures ne visent donc pas la communauté trans, mais les complotistes ou les tabloïds qui lancent de telles rumeurs transphobes. Le détournement permet justement d’en démontrer l’absurdité et leur caractère injuste. (En revanche, la répétition est lourde. Là encore, cela peut dépendre de l’émetteur de la caricature : parfois, ce ne sont pas des détournements, mais des moqueries à prendre au premier degré.)

Le travail était-il une corvée ?

 

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Violences de la société   

 

Le travail, est-ce d’abord l’expérience de la subordination ?

Réponse au post Mediapart de trineor (Alexis Dayon)

Oui et non. Tu vois la société à travers ton prisme d’intellectuel communiste sans doute et oublies peut-être ton expérience de jeune adulte à trimer. Chez beaucoup de travailleurs pauvres, il y a une forme de “subordination” volontaire. Pour eux, c’est le prix à accepter pour des gens, des amis, de nouvelles têtes, c’est se sociabiliser. Pour eux, le travail n’est pas monolithique : ils arrivent à tout faire en même temps, répondre à des objectifs émanant de la “hiérarchie”, mais échanger aussi avec les autres.

Pour ceux-là comme pour les autres, je ne suis pas sûr que s’apitoyer sur leurs conditions de travail change leur manière de voir les choses. Pire, considérer qu’il y aurait différentes formes de travail, le travail des nantis et celui des parias ne ferait que confirmer leur impression qu’une partie de la société les stigmatise et ne les respecte pas. Paradoxalement. Et au contraire, au lieu de définir leur travail comme une « corvée », je pense qu’aucune personne exerçant ces travaux difficiles acceptent que leur job soit ainsi qualifié négativement.

Non, leur travail a autant de valeur que celui des autres, que celui d’un ministre. En revanche, il faut prendre soin à ce que la société valorise leur travail. Et cela ne se fait pas avec de la communication gouvernementale qui d’un côté vante les valeurs du travail en usine, mais qui d’un autre laisse entendre qu’il serait inégalitaire de laisser perdurer des régimes spéciaux, des avantages (sic). Faire passer les plus pauvres pour des nantis, ça participe à ce mépris de classe, à rogner la confiance dont je parlais plus haut. Un comble. La classe qui a déjà fait payer la crise du début du siècle dont ils étaient responsables à la communauté tout entière et qui voudrait encore rogner des marges sur le dos des plus pauvres.

Les pauvres ont besoin qu’on les respecte pour le travail qu’ils font et qu’ils soient payés justement et reconnus pour cela. Ils n’ont pas besoin que l’on verse une petite larme parce qu’ils « triment dur ». Travail contre considération, justice. C’est aussi simple que ça.

Il paraît que les pyramides n’ont pas été du tout construites par des esclaves, mais par des citoyens de la cité pour qui participer à de tels projets était comme un rite et un travail saisonnier entre deux récoltes. S’ils érigeaient de tels édifices sans y être forcés, c’est donc sans doute qu’ils avaient un avantage social et personnel à le faire. Peut-être estimaient-ils gagner ainsi leur place dans l’autre monde, peut-être ces travaux étaient-ils l’occasion de grandes rencontres et de fêtes (on pense aujourd’hui que ces fêtes, plus anciennes encore, c’est ce qui a poussé les premiers humains à créer les premières cités), peut-être y gagnait-on un statut, y était-on justement contribués en nature lors de festins à la charge du souverain, etc. Quoi qu’il en soit, c’était peut-être une forme d’esclavage volontaire, mais… c’était volontaire. Le problème n’est pas d’appeler ces travaux des corvées, de l’esclavagisme, de la subordination, mais que les individus privilégiés qui en sont les instigateurs parviennent à maintenir en quelque sorte une forme de paix sociale.

Et cela ne peut se faire que si la part que l’on réserve à ceux qui “triment” est justement établie. Le problème n’est donc pas de nommer les choses, mais que la société, quand il y a des crises, fasse le choix d’abord de préserver ce qui est “réservé” à ceux qui triment.

Par le passé, on a imaginé que certaines sociétés s’effondraient parce que les élites cherchaient à préserver leur part à eux plutôt que celles des gens de la base. La tentation de la droite a pourtant toujours été de faire payer d’abord à ceux qui tiennent la pyramide.

La société se moque-t-elle des victimes des pseudo-sciences ?

 

Les capitales   

Science, technologie, espace, climat    

 

Réponse à ce tweet :

https://twitter.com/AntoninAtger/status/1627029015360946176

Ça m’a tout l’air d’être un faux dilemme. Pourquoi devrions-nous choisir entre ces deux propositions ? Personne ne se moque, c’est consternant. Consternant surtout pour la société qui favorise ces pratiques.

Quand quelque chose dysfonctionne dans une société, on aurait tout à gagner, non pas à pointer du doigt les victimes ou les profiteurs, mais ceux que l’on charge collectivement de nous représenter et d’émettre des lois et des règles en notre nom.

Mieux, ce sont aux sociétés savantes de faire leur part de travail afin que les pouvoirs publics agissent dans le sens de la collectivité.

D’ailleurs, je suis désolé de vous dire que dans mon entourage, si j’ai connu des personnes usant de charlatanerie, je ne me suis jamais moqué, ai exprimé mes doutes, mais aucunement je n’ai pu comprendre.

Pardon, mais quand une personne se fait arnaquer par un professionnel, quel qu’il soit, fait-on reposer sur la victime le poids d’une faute supplémentaire ? Il n’y a ni à comprendre ni à moquer les victimes d’arnaques.

Donc moi je vous propose deux options supplémentaires non excluantes : Les sociétés savantes doivent sanctionner tous les praticiens et chercheurs se réclamant de la pseudo-science. Le législateur doit mieux contrôler ces pratiques afin que cessent de prospérer ces techniques.

Or, en la matière, ça n’arrivera jamais. Parce qu’en matière de santé, on estime que la charlatanerie ne doit pas être remise en question. Il faut rester confraternelles entre personnes de même caste.

On remarque d’ailleurs ce même désintérêt des personnes « bien informées » face à celles qui ne le sont pas quand il est question de la promotion ou de l’adoption des bonnes pratiques d’hygiène de vie. Les pauvres et la malbouffe, avec la cigarette, etc.

Les riches, les « personnes bien informées », se portent bien. Donc si les pauvres sont ignorants ou trop bêtes pour suivre les bonnes pratiques, de la même manière que mémé victime d’une arnaque téléphonique : c’est de leur faute !

Il y a deux options de société possibles. On cherche le bien commun. Chacun se débrouille comme il peut. Je vous laisse décider quelle option est la plus pertinente.

Zététique, quand l’excuse du classisme mène au clanisme

Les capitales

Réseaux sociaux

Nouvelle entrée à faire figurer au rayon de mes explorations résosocialesques. Tout commence par une enfilade relayée par deux vulgarisateurs sceptico-scientifiques que je suis : ‘Hygiène mentale’ et Tana Louis. Je ne connais pas l’auteure du fil, ça tombe bien, j’aime bien découvrir de nouveaux contenus, et les commenter si nécessaire. L’auteure du fil est donc une Youtubeuse qui partage son expérience, et plus précisément sa réception, au sein de ce qu’elle appelle la communauté « zet ». Beaucoup de considérations personnelles et une vision polarisée de la société qui ne serait partagée qu’entre deux catégories : les privilégiés et les soumis. Étant entendu que naturellement les premiers s’appliqueraient à dénigrer et rabaisser les seconds.

Je n’ai rien contre les témoignages pointant du doigt les problèmes de classisme dans de nombreuses sociétés, notamment savantes (pas plus tard que la semaine dernière, j’ai pu voir, et ai commenté, un exemple de dénigrement de ce type sur les réseaux sociaux), en revanche, ça me paraît fort problématique quant à l’intérieur de ces témoignages on en vient autant à caricaturer des rapports de force et des situations loin d’être simples et aussi manichéens… Car de la dénonciation légitime du classisme au clanisme, il n’y a qu’un pas.

L’autre aspect qui me pose problème dans cette démarche, c’est le profil personnel de la personne qui se met ainsi en avant, pour ne pas dire « en scène ». Je l’ai découvert plus tard, mais cette Youtubeuse s’était déjà fait remarquer par le passé en accusant un autre Youtubeur de l’avoir violée. Je ne rentre pas dans les détails sordides, les histoires personnelles ne me regardent pas (j’avais été étonné de voir l’ampleur du truc à l’époque et m’en étais vite écarté) ; je ne suis pas juge, mais spectateurs. Sur la forme, en revanche, on peut remarquer que cette personne (tout autant que celui qu’elle dénonce) fait commerce, à travers sa chaîne et son compte Twitter, de sa vie privée. On pourrait se demander, à ce stade, en quoi tout cela a-t-il un rapport avec la communauté « zet », car c’est ni plus ni moins que de la téléréalité. Autrement dit la mise en spectacle d’affrontements purement personnels auxquels on demande au public de prendre parti (on remarquera que le génie de l’Internet 2.0 ayant pondu le phénomène metoo est probablement l’héritier du même génie populaire mais télévisuel qu’étaient les émissions de téléréalité).

Car pour se convaincre qu’on est loin de la zététique, un petit coup d’œil sur la première page de la chaîne indique que l’objet des vidéos est en réalité un sujet que le nom de la chaîne met d’ailleurs très bien en exergue : ‘Concrètement moi’ (moi je, moi, moi, moi). Et ce qui saute rapidement aux yeux, c’est le visage de l’auteure de ces vidéos présent sur toutes les capsules. On ne peut pas être plus clair. Ce qui n’est pas mal en soi d’ailleurs, cela donne juste une indication sur la nature du contenu.

Si la forme laisse assez peu à désirer, regardons le contenu. Malheureusement, il fallait s’y attendre, toutes les vidéos sont dans le même ton que l’enfilade sur Twitter : des plaintes et du ressenti. Autant dire, qu’on est un peu à l’opposé de ce qu’on pourrait attendre d’une chaîne sur la zététique. Car ce n’est pas sur la zététique, mais sur « mon histoire avec la zététique » et « mon histoire avec les zététiciens ». Tout comme son premier fait d’armes avait été une série sur son « histoire de viol avec un autre Youtubeur ». Rien de mal en soi toujours, on est sur YouTube, il faut souvent incarner un personnage pour fidéliser un public et lui faire découvrir des sujets de la manière la plus ludique possible. Rien de mal donc sauf que c’est très mal fait, que cela a un intérêt très limité parce que le contenu est en réalité très pauvre (un spectateur comme moi n’y apprend strictement rien, et pour cause la personne en question n’est pas une spécialiste, mais, on pourrait dire, une fan). Et la personne en question particulièrement antipathique : se plaindre sans cesse, se perdre en permanence dans des ressentis personnels, des références à telles ou telles personnes, aucun travail de mise en forme (un paradoxe pour un contenu qui s’attache autant à la mise en forme), bref pourquoi devrais-je m’infliger un tel supplice…

Je me l’inflige parce qu’en réalité cette exposition est symptomatique d’une époque et d’une société qu’on trouve sur les réseaux sociaux ou le contenu n’a en réalité aucun intérêt et où tout passe par la personnification, le culte de soi et l’indignation permanente qui doit se trouver chaque jour une victime à soutenir et un bourreau (à défaut, un groupe social) à dénoncer. Et ce qui a suivi ne fait que renforcer ma conviction qu’au-delà de problèmes sociétaux bien réels, on adopte des comportements non pas (ou pas seulement) fortement influencés par notre classe sociale, mais par le groupe auquel on se définit ou cherche à appartenir. Du classisme au clanisme.

Voici la réponse que j’avais postée :

 

De tout ce que j’ai vu depuis quinze ans que je butine ce que tu appelles des “mets” sans en être, c’est qu’il n’y a pas de communauté. Ça va des forums plus ou moins de sciences aux contenus vidéos en passant par les associations. Il n’y a donc pas de communauté, mais des communautés se rapprochant plus ou moins à ce qu’on pourrait définir comme des « zets ».

C’est vrai que les profils que tu décris sont largement surreprésentés. Toutefois, je remarque aussi systématiquement le même type de profils chez les femmes : soit des femmes qui surjouent la scientiste obtuse* et qui adoptent les comportements que tu décris (et pour être franc, de mon côté, je ne vois pas de domination des hommes, pourtant majoritaires, dans ces comportements), soit des femmes qui se plaignent de fournir des contenus mal perçus par une soi-disant commu. Et à chaque fois, ce qui m’a mené à tomber sur ce type de contenu, c’est venu du partage d’un ou plusieurs « gros poissons » connus pour leur empathie envers les créateurs de l’ombre.

Parce que je vais être franc : en même pas deux minutes sur ta chaîne, ce qui saute aux yeux c’est que pour quelqu’un de curieux comme moi, ton contenu propose aucune plus-value ou intérêt particulier.

Il faudrait peut-être que les personnes comme toi cessent de se plaindre qu’ils sont mal reçus par la commu ou invisibilisé parce que tes paires, manifestement, te mettent en avant. Si ton contenu par ailleurs n’est pas vu, c’est tout simplement parce qu’il n’est pas de qualité.

Je veux bien croire qu’il y ait des biais parmi les personnes qui regardent ce genre de vidéos, ou que, c’est un fait, la plupart des créateurs et visionneurs soient des hommes. En revanche, je suis sûr d’une chose : si un contenu est bon, quel que soit l’âge, la couleur, le sexe la formation ou même les divers petits défauts que chacun peut avoir et qui pourraient sembler être un frein au départ, eh bien ce contenu trouvera sa place sur YouTube ou ailleurs.

C’est la loi du nombre sans doute plus que celle des discriminations. Avant de trouver du contenu proposé par des femmes qui soit en même quantité que celui des hommes (je ne parle pas de qualité parce que du contenu de qualité proposé par des femmes eh bien il y en a et à ce moment-là, désolé, mais je me fous du sexe, de l’âge ou de la couleur de la personne), il faut commencer à voir plus de femmes s’intéresser à ces domaines. A faire comme tout le monde : avant de proposer des contenus, en être consommateur.

Arrête de chercher à t’insérer dans une commu qui n’existe pas. Propose du contenu de qualité. Ce qu’on, désolé de le dire, ne trouve pas particulièrement sur ta chaîne où la première chose qui saute aux yeux c’est ton visage en gros plan sur toutes les vidéos. Ton sujet, ton centre d’intérêt, c’est pas la “zet”, c’est toi. (Faire une vidéo et une enfilade pour te plaindre de ta réception auprès d’une commu qui n’existe pas mais à laquelle tu tiens tant appartenir n’en est qu’un exemple parmi d’autres.)

 

* Et à y repenser, je rapprocherai son profil plutôt à celui d’un Esteban à qui j’avais consacré déjà cet article : L’histoire du canard à trois pattes qui voulut se faire plus gros que le bœuf. Un profil de personnes avides de reconnaissance, obnubilées par l’opinion des autres sur leur personne, narcissiques maladifs (attention whores), rappelant à envie que les échanges les épuisent émotionnellement mais incapables de s’en défaire, et paradoxalement soumises aux postures d’autorité remarquant leur présence (tous deux sensibles au discours de deux Youtubers connus leur adressant la parole) (alors même que le cœur de leur discours est de pointer du doigt l’injustice des « sachants » à leur égard, ou des stars du milieu résosocialesque dans lequel cherchent à peser). On obéit peut-être un peu tous à un certain niveau sur les réseaux sociaux à ce profil, vu que tout y est fait pour favoriser un culte des échanges et du « moi », mais certains y sont manifestement beaucoup plus sensibles. Et on a foncièrement tort à mon avis d’encourager leur dépendance toxique à ce miroir aux alouettes que sont les réseaux sociaux.


Ce qui m’est donc reproché ici, c’est mon manque d’empathie. Je le reconnais : ce n’est pas nouveau, quand je commente un contenu, je mets de côté les sentiments (du moins j’essaye). Les miens comme ceux de celui ou celle qui pourrait être amené à lire ces commentaires. Je revendique, je commente, j’analyse, le plus froidement possible. Pourquoi ? Parce que je chercherais à adopter un comportement faussement « sceptique » ? Non, c’est parce que j’ai fait mes classes au théâtre, et que j’ai compris très vite que pour avancer il fallait être capable de recevoir la critique aussi dure soit-elle à recevoir. Les compléments, surtout quand ils sont hypocrites, ne vous amènent jamais à apporter un regard différent sur ce que vous faites. Il n’est pas question d’être dur ou froid pour le plaisir ou par manque d’empathie, mais d’essayer de se rapporter à des éléments factuels, voire personnels mais reliés à une perception du spectateur, pour être utile à la personne qu’on critique. Je ne suis d’ailleurs moi-même pas tout à fait exempt d’émotions, car je n’ai aucun souci à exprimer, en tant que spectateur ou créateur de contenu, mon agacement face à l’existence d’un tel contenu. J’ai le même type de réactions quand je commente sous le partage d’une vidéo où Thomas Pesquet partage une vidéo avec deux Youtubeurs décérébrés, mais c’est tout à fait mon droit d’exprimer, en tant que spectateur, ma désapprobation.

Est-ce du dénigrement ? Sans doute. Mais si je prends souvent cette liberté, c’est que j’estime aussi que c’est un luxe d’être commenté. Certains voudraient qu’il n’y ait que des commentaires positifs, pourtant, ce type de personnes n’existe et ne vit qu’à travers les polémiques auxquelles ils sont toujours à l’origine. ‘Concrètement moi’ augmente sa popularité sur les réseaux en faisant une vidéo et une enfilade sur sa mauvaise intégration dans le milieu masculin et bourgeois de la zététique, c’est mon droit le plus naturel d’y poster une contradiction et d’estimer que la prétendue mauvaise intégration dont elle a été victime est plus le résultat de la qualité de son contenu que de la classe sociale à laquelle elle appartient. Admettons que son sexe, niveau culturel ou bagage scientifique aient pesé dans sa réception compte tenu des clichés propres à cette société, si son contenu est pauvre, mal fichu ou hors de propos, cela ne rendra jamais son contenu utile à la communauté à laquelle elle veut appartenir. Car dans une société, en réalité, c’est inexact de penser que l’on se vaut tous : l’expertise ici me semble être un facteur important dans l’autorité qu’un de ces membres peut acquérir auprès « des siens ». Mettre en avant les contenus par exemple de la chaîne ‘Scilabus’ parce qu’elle pourrait éventuellement souffrir d’une moins bonne visibilité que d’autres vulgarisateurs (éventuellement, parce que ça ne me semble pas être le cas), cela pourrait être justifié parce que son travail est de qualité. Promouvoir des contenus faibles de personnes qui par ailleurs pourraient tout à fait souffrir des clichés liés à leur classe, sinon accentuer ces clichés, je n’en vois pas l’intérêt…

J’en viens aux réactions, car elles sont pour le moins là encore symptomatiques de ces comportements de groupe qui visent à exclure des éléments perçus comme nuisibles afin de cimenter ou renforcer une entente nouvelle de groupe. On remarque ça d’ailleurs dans toutes les « communautés » sur les réseaux sociaux : plus on vient à s’exprimer et découvrir des affinités ou des contradictions, plus un groupe auparavant perçu comme uni tendra à se scinder.

On avait donc ici un groupe (ou au moins perçu comme tel, car à mon avis, il n’existe aucune communauté de ce type) de zététiciens qu’on oppose entre eux : c’est selon les époques ou les circonstances, parfois on pose les zététiciens tenant de la science dure aux zététiciens tenant des sciences sociales, ici on a donc une opposition entre un groupe de zététiciens dominants ou oppresseurs appartenant à un même groupe social et un autre groupe de zététiciens qui serait brimé par les membres du premier groupe.

Il est ainsi amusant de faire remarquer la systématisation du rabaissement, dénigrement, moquerie ou insultes par un même groupe (qui se connaissent tous, se suivent, font autorité parmi une certaine « société » et qui sont par ailleurs « adeptes » de la bienveillance prônée par leur maître à tous : ‘Hygiène mentale’) par ce même groupe se plaignant de tels comportements de la part d’un autre groupe censé les opprimer.

Et j’en ai fait l’expérience après mon commentaire. J’aurais un profil évoquant explicitement l’appartenance à ce « groupe » de dominants, va encore, mais j’ai un pseudo — comme deux prénoms — auquel je tiens, qui est épicène, ma photo de profil représente une actrice qui danse, rien n’indique que je suis donc un homme ou que j’appartiens à un quelconque groupe de zététique dans mon profil, et j’avais donc même précisé suivre tout ça de loin depuis des années sans en être. Mais le simple fait de ne pas aller dans le sens de celle qui revendique son statut de victime et en fait commerce, est pour eux la marque que j’appartiens bien au groupe désigné comme oppresseur. Ce qui est surtout la preuve d’une instrumentalisation de la place de victime à des fins personnelles.

Le statut de victime, une posture ici, vous assure une adhésion rapide du peuple. Une adhésion dont on espère tirer profit. C’est aussi un signe révélateur qu’ils n’auront jamais à remettre en question ni la mise en scène grossière de la victimisation de l’une d’entre eux ni mon appartenance au groupe dominant car ça ne collerait pas tout à fait avec le narratif qui consiste à prétendre que le monde des zet est séparé en ces deux catégories et qu’aucun autre juste milieu n’est possible ou mise en doute de la parole de la personne qui se plaint, comme le fait d’accepter que des clichés puissent circuler mais ne pas être convaincu que celle se présentant comme en étant victime le soit vraiment. Non, impossible. Dans la dénonciation du classisme chez les zets comme dans le mouvement metoo, on ne discute jamais la parole de la victime ; refuser de prendre parti et par conséquent douter devient en soi suspect et ouvre à la possibilité de toute mise en accusation comme réponse. Si tu n’es pas avec nous, tu es contre nous. Un principe fondateur des totems de l’idéologie (expliqué dans cet article).

On a donc ainsi cette première réaction de Gaël Violet, un bonhomme qui a plus de mille abonnés (c’est moi le dominé dans ce secteur) et qui se présente comme rédacteur d’un blog de zététique :

 

Jusque-là, ça va, je fais une différence entre définir les propos de quelqu’un de « conneries » et dire que c’est un « con ». Mais puisque je trouve ça ironique venant de personnes prônant la bienveillance, je réponds (toujours succinctement comme je sais le faire dans une série de tweet — pour moi-même) :

Accessoirement, voilà pourquoi je préfère palabrer dans mon coin sans souci d’être lu (et quand je le suis d’être moqué). Je trouve très touchant cette nécessité qu’ont certains d’appartenir ou de se créer des communautés fictives et ainsi de se trouver le besoin de se serrer les coudes en ayant ainsi aucun souci à adopter des comportements qu’ils réprouvent chez les autres. Je le redis : je n’aime pas les communautés parce qu’elles nous enferment dans ce type de comportements [sectaires].

Les réactions sexistes décrites dans l’enfilade en question appartiennent à un même type de comportements et d’usages qui sont propres aux communautés, toutes les communautés. C’est ce que j’explique perso à travers ce que j’appelle les « totems de l’idéologie ». On s’invente des ennemis qu’on aime croire qu’ils appartiennent à une même idéologie, et pour lutter contre ce réflexe de protection, on se retrouve auprès d’une même “communauté” et de mêmes totems autour d’une idée, d’une identité, que l’on croit commune, ou de symboles : des idéologies.

Ici, ceux appartenant à la commu des “zets”, ou qui s’y identifient, voient en mon commentaire une attaque [d’un de ces oppresseurs]. N’ayant aucune visibilité et étant difficilement identifiable à une communauté opposée (je « danse sur les tables », une communauté assez restreinte), ceux amenés à lire ce commentaire l’ignoreront, mais d’autres se feront un devoir d’illustrer ce qui est décrit dans l’enfilade d’origine décrivant ces dérives sexistes, mais appliqué cette fois à un individu jugé par ailleurs tout aussi inférieur (dans leur esprit) et dont on se pensera ainsi avoir toute légitimité à rabaisser pour se sentir unis et plus forts (contre).

Un coup d’épée dans l’eau, mais ça fait toujours du bien une petite pique envers un plus faible que soi.

Pourquoi mon enfilade précédente était-elle justifiée ? Parce que je ne suis personne justement. Je n’appartiens à aucune « commu zet », je juge du contenu comme peut le faire n’importe quel visionneur qui habituellement regarde sans rien dire (ou pas, mais moi je prends soin d’expliquer pourquoi je ne suis pas d’accord ou pas intéressé au lieu d’insulter ou de dénigrer en une phrase).

Qu’est-ce qui me donne [encore] la légitimité de répondre ? D’une part, je n’appartiens pas au type de personnes visées (ce n’est pas un simple dénigrement sexiste qui est décrit mais un rapport d’inférieur à dominé) : je suis un nobody qui donne son avis à une personne qui a cent fois plus de visibilité que lui et qui se plaint d’être une nobody dans la « commu des zets ». Je ne lui fais donc pas sentir sous mon commentaire tout le poids de ma supériorité supposée afin d’écraser un peu plus son complexe d’infériorité, je lui dis qu’en tant que public de ce genre de contenu de se concentrer sur [une] production [zet] plutôt que sur la perception qu’auraient ses paires (qui ironiquement la mettent en avant) de son travail. Tu veux être perçu comme un producteur de contenu zet ? Produis du contenu zet de qualité au lieu de créer un contenu sur la perception de ton contenu…

D’autre part, il se trouve que je suis également créateur de contenu. Non pas zet, mais d’autre chose. Je n’ai par ailleurs aucune visibilité et donc autorité dans le milieu, ou la commu, auquel je devrais appartenir. Et il ne me viendrait jamais à l’idée de me plaindre de la réception ou de la non-réception de mon contenu. Je ne cherche pas à appartenir à une commu, je pense même avoir fait comprendre que je m’en gardais bien, parce qu’en tant que créateur de contenu, j’estime primordial de m’attacher à ce contenu et non à la réception de ce contenu. On appelle ça la passion. Être créateur de contenu, c’est être passionné par ce qu’on fait, pas chercher à jouir d’une situation ou d’une autorité qu’on viendrait alors regretter ne pas avoir [si c’était le cas], tout en se plaçant dans une position de victime [dans le but de s’attirer les faveurs cette commu].

Quand on se fout du regard des autres et qu’on produit quelque chose, on est focalisé sur ce qu’on fait, et si les lauriers doivent venir ils viendront. Ce qui est déplacé, ce n’est pas quand on est un nobody d’exprimer son désintérêt, mais de quémander de l’attention quand on estime ne pas en avoir suffisamment alors qu’on ne produit rien par ailleurs. Un créateur, ça crée, et ça ferme sa gueule. (Si je l’ouvre, c’est que mon rapport à l’autre, ou au monde, c’est un peu le sujet, ou l’angle, de mes productions.)

Raconter n’importe quoi, faire beaucoup de commentaires, danser sur les tables dans une bulle à neige, c’est donc mon fonds de commerce. On ne saurait me faire [ainsi] meilleur compliment. Et quand la neige aura cessé de tomber, je me figerai dans le silence. Fin.

Ah, et j’ajoute qu’évidemment, ma réponse est masquée sous son tweet. Les totems de l’idéologie, c’est aussi invisibiliser sur les réseaux sociaux les commentaires n’allant pas dans le sens du vent. [suppression d’une phrase idiote] [oui, je pourrais tout autant tout supprimer, mais j’aime archiver]

En revanche, se démener pour prétendre qu’on est victime d’une certaine classe sociale dans un milieu, ça expose pas mal : en quelques jours, elle gagne des centaines d’abonnés. Y a pas à dire, l’indignation, l’affichage, ça rapporte mieux que la qualité d’un contenu.

Et là, on retrouve en effet le dédain fièrement affiché par ces mâles privilégiés quand ils s’expriment à des personnes qu’ils estiment être de moindre valeur qu’eux (un dédain dont j’avais déjà fait l’expérience avec un neurologue du Net qui s’était de manière assez peu habile aventuré dans un commentaire cinéma : ici)

Le bonhomme me pourrit ailleurs en répondant à une autre personne, je lui fais alors comprendre que je garde archivées ce qui devient des insultes.

Quand on me dit ne pas vouloir recevoir de réponses, en général je n’insiste pas. En revanche, continuez à m’insulter publiquement et vous ne ferez que vous délégitimiser. Pour archivage, monsieur zet :

(Tout cela parce que j’ai livré un avis négatif envers une de ses copines. Tu le sens le clanisme pour défendre un des siens quitte à aller contre les principes qu’on défend et contre les comportements rabaisseurs dont on se dit être victimes ? Le clanisme tue la cohérence des pourfendeurs du rationalisme — comme tous les clanismes, on ne s’attaque ni aux totems ni à leurs zélateurs.)

Et comme, monsieur zet n’aime pas qu’on lui mette le nez dans son caca, il m’insulte de plus belle.

Fascinant ce spécimen venant à la rescousse d’une femme en danger en insultant une autre personne. Ça me rappelle un acteur fameux. On ajoute donc ceci puisque le garçon semble y tenir :

Et puis, il y a ça :

À quoi je réponds amusé :

Ah, ah, c’est nouveau ça. Je suis un oppresseur qui opprime une personne avec plus de trois mille abonnés. Vous prenez tellement au sérieux votre science de la victimisation que vous en venez à traiter les nobody d’oppresseur.


Entre-temps, Madame ‘Concrètement moi’ lit mon long commentaire et fait ce qu’elle fait de mieux : se plaindre d’être mal traitée. (J’aurais peut-être dû expliquer qu’elle n’est pas la seule créatrice de contenu à qui je donne un avis… Car non, donner un avis contraire ou négatif, ce n’est pas « rabaisser ». Period.)

Tout cet étalage de faux sentiments, s’en est troublant. Ces imposteurs disent qu’ils souffrent, puis passent à un autre commentaire sur Twitter comme si de rien était. Étrange conception de la souffrance : les commentaires Twitter me font souffrir donc je continue de lire des commentaires sur Twitter, et puis je souffre, mais tout de suite après je ponds un autre thread pour me plaindre à travers lequel aucune souffrance ne transparaît. Fascinant.

On appelle ça du chantage affectif. Ou de l’imposture, au choix.

Voilà ce qu’elle pond ensuite pour se plaindre auprès de sa communauté (on est en plein dans la logique metoo cela dit — ah, et j’insiste pour que ce soir clair : on peut, et on doit, questionner ce mouvement de dénonciations publiques, tout en étant contre les violences ou discriminations sexuelles ou sexistes ; se plaindre ne fait pas de vous automatiquement une victime, c’est la base du droit et de l’impartialité.)

Ce n’est pas à moi qu’elle répond afin d’alimenter un nouveau thread de plaintes et de fausses souffrances, mais ç’aurait pu.

Non, tu souffres alors qu’on n’est pas d’accord avec toi, ce n’est pas notre problème, on n’est pas là pour gérer tes souffrances personnelles surtout quand tu montres aucun indice de cette prétendue souffrance. Quelqu’un qui souffre ne passe pas son temps sur un réseau social. Un réseau social est un lieu d’échanges, si certains commentaires ne nous conviennent pas ou nous font souffrir, on n’y répond pas. Se servir de ces commentaires négatifs pour alimenter une nouvelle salve de complaintes et de likes, c’est ça l’indécence. Pas y répondre négativement. Parce qu’il faudrait peut-être apprendre que quand quelqu’un s’expose ainsi, ça n’a qu’un but : vous soutirer indûment des émotions et de l’attention.

J’y plante donc mon dernier commentaire :

Arrêtez de vous faire abuser. Cette femme va très bien, elle cherche piteusement votre attention en usant de chantage affectif. Elle voit que plus vous soutenez son chantage, plus elle gagne en visibilité. Pas très zet tout ça. Exemple de l’absurdité de sa démarche. Lunaire :

Et là, une autre zet du clan à 1400 abonnés, Dominique Vicassiau (autre contact d’Hygiène mentale, gourou de la zet bienveillante — envers soi, pas envers les autres), répond (et récolte les likes pour son infinie bienveillance et rationalité sans doute, à moins que ce soit du clanisme) à un commentaire qui me répondait :

J’aurai droit au même meme. La zet bienveillante, c’est donc ça, dire à des petits de fermer leur gueule. Comment dire… c’était bien la peine de nous pondre toute une vidéo et tout un fil pour nous expliquer en quoi la zététique était remplie de dominants malveillants envers les petits pour nous en donner exactement l’illustration. Qui est pris qui croyait prendre. Plouf.

Les Assurancetourix de l’Éducation nationale

Les capitales

Éducation

Billet écrit à la suite de l’écoute d’une émission de La Méthode scientifique intitulée Enseignement des sciences : comment trouver la bonne formule :

Je vais encore être désagréable avec les profs. Je retrouve typiquement chez ces deux intervenantes spécialistes de l’éducation la prosodie ronflante des profs qui pour moi est en partie responsable du défaut d’attention de certains élèves et donc de leur décrochage inéluctable.

J’ai toujours été un mauvais élève, et cela dans toutes les disciplines, je me sens donc un peu légitime pour pointer du doigt certaines des causes expliquant qu’il y aura bien souvent toujours une partie de la classe hermétique au discours du professeur.

Il se trouve qu’en parallèle de l’école, dès mes dix ans, je prenais des cours de théâtre. Or, une des choses étranges qui m’a toujours frappé durant mon douloureux passage dans la scolarité, c’est que ce que j’apprenais au théâtre n’était pas appliqué par les professeurs.

On me dira que diriger une classe ce n’est pas la même chose que jouer en public. Peut-être, mais les principes de transmission et d’expression sont les mêmes. Or je crois avoir compris qu’on s’appliquait à l’Éducation nationale à faire exactement comme si un cours n’était pas une représentation.

Derniers Jours, Angelo Morbelli (Villa Reale di Milano)

D’un côté on a des professeurs qui vont partir dans ce qu’on appelle au théâtre des tunnels (de longs monologues sans relief qui perdent le spectateur), de l’autre, des professeurs qui rameront à chercher un contact avec chacun des élèves et à les faire participer un à un ou à tour de rôle.

Ces deux modes de relation expliquent en partie pourquoi les professeurs ont toujours réclamé qu’on baisse le nombre d’élèves par classe. Quand on fait des « tunnels », on est incapable d’adapter sa prosodie au volume de la salle et au nombre d’élèves. Quand on cherche un contact direct avec les élèves pour les impliquer dans le cours, on arrive à le faire en général qu’avec quelques élèves, du premier rang, les autres sont exclus. On explique parfaitement ça au théâtre : interagir avec une partie de la salle, c’est exclure l’autre.

Ça s’explique assez facilement d’ailleurs : on peut accepter une certaine forme de connivence entre un « groupe » contre un autre si on est inclus dans ce groupe. Si on coupe la classe en morceaux, en cherchant volontairement ou non à instaurer une forme de connivence avec certains élèves, cette connivence sera automatiquement fondée sur le rejet de ceux qui deviennent spectateurs de cette connivence. Elle se fait donc avec une classe en tant qu’entité unique, ou elle ne se fait pas.

Ainsi, durant ma courte carrière d’élève endormi au dernier rang, je n’ai jamais vu un professeur adopter correctement les codes que j’apprenais au même moment dans mes cours de théâtre. Jamais. Or, désolé d’insister, faire un cours c’est savoir parler en public.

Je veux bien croire que la pédagogie soit une science, et que tous ces spécialistes de l’éducation aient des méthodes fort élaborées pour savoir ce qui est censé marcher pour améliorer l’écoute et les performances des élèves ; moi, j’y vois de mauvais acteurs. Parce qu’un acteur, avant de savoir composer son personnage, doit savoir se faire comprendre.

C’est aussi le rôle d’un professeur. Et rares sont les professeurs capables de se faire entendre par une classe entière.

On ne s’adresse pas, jamais, à des élèves en particulier (sinon brièvement et en gardant toujours contact avec les yeux avec le reste de la salle). Au théâtre, on dit qu’on « projette » (c’est une image) sa voix jusqu’au dernier rang (la quasi-totalité des professeurs ont la tête baissée et s’adresse aux deux premiers rangs excluant ainsi les élèves du fond). Quand on parle à quelqu’un à cinquante mètres, on ne fait pas autrement. Pas besoin de crier, mais le débit, le timbre, le souffle, la projection de la voix s’adaptent à la position de son (ou de ses, dans une classe) interlocuteur. La tête et les yeux « balayent » la salle sans jamais s’arrêter (ou rarement) sur un spectateur / élève.

Si toutefois on a besoin d’interpeller un élève en particulier, on le regarde, mais le corps et surtout la voix continue de porter jusqu’au dernier rang. Car il faut toujours entretenir cette connivence avec le reste de la salle. Interpeller un élève, ce n’est pas l’interpeller individuellement, c’est le prendre comme support à sa « démonstration » ; l’élève en question est un intermédiaire avec les autres élèves. On individualise un élève (comme un spectateur), et c’est la confiance, l’écoute, du reste de la classe qu’on perd. Et avec des élèves, je dirais qu’il faut que ça reste très furtif.

Quand on décide de s’adresser ainsi à un élève en particulier, par ailleurs, on évite de changer tout à coup de voix quand on s’adresse à un élève du fond… D’une part, parce que c’est le signe que le professeur jusque-là ne s’adressait qu’aux premiers rangs, et surtout, ça donne l’impression qu’il se rend compte tout à coup qu’il y a des élèves situés au fond. Paradoxalement, en cherchant à les inclure… on ne fait que les exclure un peu plus.

Et j’insiste : la priorité, c’est de parler pour les élèves au fond de la classe. Quand vous parlez dans une salle pour les personnes assises au dernier rang, vous parlez également pour celles assises au premier. Quand vous parlez en revanche dans une salle aux personnes du premier rang, vous excluez tous les autres (ce n’est pas techniquement impossible de parler au premier rang, mais je le répète, il faut alors garder en permanence le lien avec le reste de la salle).

Je sais que le fond de la classe a toujours valeur, à la fois pour certains élèves et pour des professeurs qui pensent ne pas être dupes, de refuge pour les mauvais élèves. Si un professeur avait conscience que s’adresser à une classe entière, c’était s’adresser pour ceux du fond (en y adoptant donc les techniques de voix et de regards décrites plus haut), aucun élève ne s’y sentirait soit tranquille soit à l’écart.

Le débit, le rythme, l’accentuation, bref tout ce qui constitue la prosodie chez un orateur, doit être adapté à la salle. D’une manière générale, je dirais qu’il vaut mieux en faire plus que pas assez. Sur scène, quand on « s’adresse » au public, indirectement ou non à travers des monologues, et qu’on déclame son texte, les mauvais acteurs ont tendance à réciter (en tout cas, à ne pas maîtriser les diverses techniques qui permettent de faire illusion et de s’assurer l’écoute du public). Un professeur n’est pas confronté à cette situation (quoi que, à force de ressortir les mêmes schémas de cours et qu’ils tombent dans le ronron monotone des acteurs qui « s’installent », on y est presque), en revanche, quand il est mauvais (ils le sont pratiquement tous), il adopte à peu de chose près la prosodie d’un acteur qui récite :

– débit monocorde

– rythme constat qui coule comme un flot ininterrompu (impression que c’est le flot qui contrôle l’orateur, pas le contraire)

– pas d’accentuation (tout est au même niveau et ça donne l’impression de faire des arabesques mélodiques pour faire joli ou semblant de structurer sa pensée)

– pas de pauses

– impression de surplace (quand on parle, on est poussé par une intention : toutes nos phrases sont construites pour s’orienter vers une fin de phrase où est censée se trouver une intonation mettant un point final à la couleur que l’on a choisi de donner à notre pensée)

– regard flou et fixe (voire un regard qui rebondit d’un point fixe à un autre : parce qu’il n’est peut-être pas inutile de dire qu’une personne qu’on écoute, c’est une personne qui se laisse regarder d’une part – regarder fixement, c’est souvent un refuge, là, pour le mauvais orateur –, mais aussi une personne qui grâce à la vivacité d’un regard toujours en mouvement, « balayant », laisse pénétrer sa « pensée » ou son « imagination » ; en réalité, le spectateur n’a évidemment pas accès à sa pensée, mais son visage est un peu comme un livre ouvert, ses yeux sont expressifs et le spectateur non seulement comprend mieux ce qui vient d’être dit mais arrive mieux à prévoir la suite – car souvent, puisque la pensée est censée précéder la parole, l’œil indique souvent la nature de ce qui va suivre – c’est pas de la magie, c’est ainsi que l’être humain fonctionne),

– gesticulations (oui, on parle aussi avec son corps, et en l’occurrence ici souvent le piège, c’est d’avoir le corps qui commente mollement le flot de parole)

Il y a d’autres problèmes que je retrouve exactement dans la parole de ces deux spécialistes de l’éducation et qui m’ont toujours interpellé : c’est la confusion, l’abstraction, la profusion de détails ou de détours inutiles dans le discours du professeur.

J’adore Proust, mais écouter les cours « magistraux » de certains professeurs, c’est un peu parfois être embarqué dans des tunnels alambiqués et creux. On pourrait dire que c’est la beauté de l’esprit français, et je serais sans doute le premier coupable en la matière, puisque déjà, dans les copies, on me reprochait ma « confusion ». Seulement, ça me faisait rire, parce que je trouvais justement terriblement confus le propre discours de ces professeurs. Quand on ne maîtrise pas les règles relationnelles avec une salle décrite plus haut, on essaie au moins d’être concret, précis et succinct dans son discours. Ce défaut qu’on reproche souvent, à raison, aux politiques ou aux hauts fonctionnaires (à tous ceux qui, paradoxalement, semblent prendre des cours de communication), je le trouvais déjà chez mes professeurs, et je le retrouve dans la manière typique de ces deux spécialistes à la radio.

On passe souvent pour évaluer les élèves, d’après ce que j’ai compris, dans d’autres pays, par des QCM. Et c’est très critiqué ici. C’est pourtant pour moi le signe que leur méthode d’apprentissage se base sur davantage de concret, sur des faits : tu connais ces éléments de connaissance, tu le démontres dans un QCM, point. Au moins jusqu’à un certain point, afin de définir des bases, ça me semble nécessaire de passer par ce travail. On va à l’essentiel.

En France, au contraire, on aime commenter, agrémenter une information de « pédagogie », autrement dit, on cherche à la rendre ludique, à expliquer le contexte ou que sais-je encore… Peut-être qu’avec de bons professeurs ça marcherait. Avec des mauvais, c’est un enfer. L’impression d’être Malcom McDowell dans Orange mécanique à qui on oblige de regarder Mister Bean raconter une blague en alexandrins. Un supplice.

Et à chaque discipline, j’ai eu cette impression.

En terminale par exemple, j’étais tout excité à l’idée de découvrir les cours de philosophie. Je me disais : « cool, on va apprendre des concepts nouveaux, on va en savoir plus sur l’histoire de la pensée ». Résultat ? Les dix premières heures ont été consacrées à l’étude d’un texte imbitable de Kant. Qui était Kant, ce qu’il pensait (en général), dans quel contexte (précis, pas vaguement pour « illustrer » ou égayer son cours), c’était pas important. Et je retrouvais exactement le type de cours de lettres qui déjà m’ennuyaient à mourir.

Preuve qu’un cours, ce n’est pas s’adresser à chacun de ses vingt élèves en animant sa classe comme dans Le Cercle des poètes disparus, les meilleurs cours auxquels j’ai pu assister, c’était des cours, pour le coup, magistraux, dans une grande salle.

Vous regardez des conférences d’Étienne Klein ou des cours de Jean-Jacques Hublin au Collège de France, micro ou pas, à leur manière de s’exprimer, je n’ai aucun doute sur le fait qu’ils aient conscience que parler à un public, c’est s’adresser à une entité, pas à des individus qu’il faut prendre un à un par la main. Qu’il y ait vingt ou trois cents personnes, c’est la même chose. (Et je parle uniquement de la relation dans la salle, je ne demande pas à des profs de corriger cent copies par classe.)

De manière générale, c’est assez cocasse de remarquer que ceux qui sont amenés à s’interroger sur nos méthodes de transmission du savoir, sont précisément toujours ceux qui sont les moins armés pour transmettre ces savoirs.

La formation à la française…

Je peux écouter des heures Étienne Klein sans comprendre le dixième de ce qu’il raconte, j’en tirerai toujours quelque chose, ne serait-ce que… du plaisir. Sans plaisir, on ne retient rien. Sans plaisir, pas de soif d’apprendre.

Et j’ai rien appris à l’école. Rien.


Jour de fête à l’hospice, Angelo Morbelli (Musée d’Orsay)