Analyses et fiches techniques

Mémo & synthèse
Prononciation et lecture : Les liaisons
Précisons d’abord qu’une liaison se prononce subtilement : pour les pluriels, par exemple, il convient de ne pas prononcer un « z » fort. On distingue ainsi « trop heureux » et « trop peureux ». Le fait de provoquer une pause à l’oral implique que la liaison ne se fasse plus (il n’y a que les hommes politiques qui font des pauses pipi au milieu du gué).
Trois cas de figure : les liaisons obligatoires, les liaisons facultatives, et les liaisons interdites.
Les liaisons obligatoires
Dans un groupe nominal, la liaison doit se faire entre le substantif (commençant par une voyelle) et le déterminant (article ou adjectif) qui le précède, entre l’article et l’adjectif et entre les deux adjectifs s’ils précèdent le substantif.
— Avec un article défini et un substantif :
« les_enfants » ; « soutien aux_hôpitaux »
— Avec un article indéfini et un substantif :
« un_être humain » ; « un_ami dévoué » ; « des_étrangers » ; « des_arrondissements »
— Avec un adjectif démonstratif et un substantif :
« cet_arbre » ; « ces_enveloppes »
— Avec un adjectif possessif et un substantif :
« ton_ami » ; « son_épouse » ; « tes_habitudes » ; « mes_appels » ; « ses_interrogations » ; « vos_oncles » ; « nos_usages » ; « mon_enfant » ; « leurs_armes »
— Avec un adjectif numéral et un substantif :
« un second_apprenti » (prononcé t) ; « deux_histoires » ; « trois_épées » ; « dix_épisodes » ; « les sept cents_entrées » ; « cent_euros » ; « quatre-vingts_ans »
— Avec un adjectif indéfini et un substantif, avec un adjectif indéfini et un autre adjectif :
« aucun_imbécile » ; « les_autres_hommes » ; « un certain_égoïsme » (prononcé comme le féminin) ; « certains_accords » ; « à différentes_adresses » ; « divers_avantages » ; « maintes_et maintes fois » ; « les mêmes_horaires » ; « plusieurs_entrées » ; « quelques_éphémères pensées » (adj.) ; « de tels_épatants caractères » ; « avec de tels_atouts » ; « tout_avantage » ; « tout_au plus » ; « toute_histoire a une fin »
— Avec un h muet :
« une_hirondelle » ; « une habitude » ; « cet homme »
— Entre un adjectif qualificatif et un substantif :
« un savant_anglais » (« savant », ici, est adjectif ; si c’est « anglais » l’adjectif, placé après, pas de liaison) ; « un long_entretien » (prononcé k) ; « petit_oiseau » ; « premier_ordre » ; « méchant_avertissement » ; « dernières_heures »
— Entre un adjectif interrogatif ou exclamatif et un substantif ou un verbe :
« quels_escrocs ! » ; « quels_outils sont nécessaires ? » ; « quels_ont été… » ; « dans quelles_activités… »
— Entre un verbe et un pronom sujet inversé reliés par un tiret :
« estiment_ils… » ; « part_on ? »
— Dans un groupe verbal entre un pronom sujet et le verbe :
« on_habite » ; « vous_attendez » ; « nous_avions » ; « ils_épousent »
(quand, dans un groupe verbal, le sujet est un substantif, pas de liaison : « les chiens / aboient »)
— Après les prépositions, adverbes à une syllabe : sous, sans, dans, chez, en, dès, très, bien, etc. :
« sous_un pont » ; « sans_animosité » ; « heureux en_amour » ; « dès_aujourd’hui » ; « chez_un » ; « très_aimable » ; « ma bien_aimée »
— « Quand », sauf dans une question inversée avec un t euphonique (« quand / a-t-il… ? ») :
« quand_est-ce que » ; « quand_ils » ; « quand_elle aura le temps »
— Dans certaines locutions ou expressions figées :
« trop_aimable » ; « tôt_ou tard » ; « d’un moment_à l’autre », etc.
Liaisons facultatives (en fonction du style plus ou moins soutenu), voire discutées
Selon Pierre Delattre (Principe de phonétique française), il y aurait quatre types de conversation : un style familier, soigné, la conférence et la récitation de vers. Dans la prononciation de « des hommes illustres », la liaison marque l’appartenance à tel ou tel type de conversation.
Il convient de ne pas insister sur la liaison en évitant d’y placer un accent tonique (dire plutôt « vouz’ avez entendu ? » — en évitant la deuxième liaison identique — que « vouz_Zavez_Zentendu ? ») (Source : cours de théâtre de Jean Darnel.)
— Quand l’adjectif suit le substantif, la liaison est facultative au pluriel (et sauf locution nominale) :
« les goûts amers » ; « des histoires extraordinaires »
— Le substantif suivi de l’article défini pluriel aux.*
La liaison peut se révéler nécessaire pour préciser la nature plurielle du groupe nominal, mais on évitera alors les répétitions de sons disgracieux.
Ainsi on pourrait dire « il lui mit les mains_aux fesses » dans un langage soutenu (bien qu’impoli, monsieur), mais il conviendra de ne pas insister sur « les larmes’ aux yeux » (indispensable en vers en accentuant sur le e de « larme » et non sur le z à cause de la répétition) ; mais avec un singulier « les armes / à feu », la liaison serait déconseillée surtout que « arme à feu » constitue un syntagme plus courant au singulier (cf. moulins à vent).
Une liaison servant à lier deux mots grammaticalement imbriqués, pour savoir si une liaison est possible, il faut se demander à quel autre terme se rapporte le plus un mot. Un adjectif par exemple sera naturellement plus lié au substantif auquel il est rattaché. Avec « à », les syntagmes peuvent parfois être plus liés entre eux qu’avec le substantif, mais leur forme la plus commune est le singulier, il est préférable donc à mon avis de s’abstenir de faire la liaison (sauf pied à respecter dans un poème en vers) : « des lettres difficiles à lire ». Même principe avec « au » : « levant les mains au ciel ».
*discutable. À lire cet article pour en savoir plus.
— Le cas des adverbes en deux syllabes comme jamais, partout, parfois.
S’il y a consensus pour faire la liaison avec les adverbes courts et les plus longs, ça se complique avec les adverbes de deux syllabes. Le Grevisse parle des adverbes de négation et de degré, et l’exemple y est donc pris de « ne jamais_oublier ». « Jamais » étant étroitement lié au verbe qui suit, c’est en tout cas logique. La liaison serait moins obligatoire pour « elle n’a jamais oublié » (on peut écrire : « jamais, elle n’a oublié », et ne pas faire la liaison permet d’insister sur l’adverbe) ou « il n’est jamais ébloui ». Dans ce cas, les liaisons me semblent conseillées, mais ce ne serait pas une faute de les éviter.
C’est plus discutable pour partout et parfois. Sans références disponibles, je les mettrais plutôt dans les liaisons à éviter, mais cela a été justement discuté. Ainsi dans « partout autour de lui » ou dans « parfois aussi », la liaison pourrait être correcte. En revanche, je serais plus dubitatif sur la répétition dans « partout_où il va ».
— Après les verbes composés autour des auxiliaires être et avoir ou verbes fréquents comme aller, devoir, falloir, pouvoir, vouloir… :
« Ils sont autant que » ; « tu vas aux… » ; « je dois attendre » ; « je veux un thé » ; « je veux et j’exige » ; « j’avais été » ; « nous étions abandonnés »
— Après un gérondif :
« prenant appui sur » ; « en venant à elle »
— Entre un pronom et un adverbe :
« nous_aussi » ; « pas vous enfin ! »
— Avec un adjectif numéral nominalisé :
« le premier arrivé » ; « les premiers arrivés »
— Après les prépositions, conjonctions, adverbes et locutions associées après, alors, avant, devant, beaucoup, trop, mais :
« après elle » ; « d’après une légende » ; « alors aussi », « avant un autre » ; « beaucoup apprécié » « mais aussi » ; « mais il » ; « mais enfin » ; « trop aimable »
— Fort adverbe et adjectif :
Si la liaison de fort en tant qu’adjectif même antéposé ne semble pas être conseillée, elle n’est pas forcément plus indiquée (mais possible) avec fort comme adverbe :
« un fort / alcool » ; « fort_/intéressant » ; « fort_/aimable » ; « fort_/utile »
Liaisons interdites
— Dans un groupe verbal, entre le nom et le verbe :
« le marchant / arrive » ; « les hommes / organisent »
— Dans un groupe verbal, après le verbe (autre qu’un verbe fréquent) :
« tu portes / une jolie écharpe » ; « ils entrent / ensemble » (sauf dans des vers)
— Dans un groupe verbal, après un participe passé :
« ils sont_entrés / ensemble » ; « il lui a mis / une droite » ; « nous nous sommes_embrassés / au sol »
— L’adjectif au singulier à la suite du substantif :
« goût / amer » ; « président / aveugle » ; « un temps / idéal »
— Dans des locutions nominales mises au pluriel :
« des moulins à vent » ; « des arcs-en-ciel »
— Prépositions « vers », « hors » et adverbes de plus de deux syllabes :
« vers / elle » ; « toujours / abasourdi » ; « aussitôt / arrivés » ; « bientôt / établis » ; « envers / elle », etc.
— « Quand » et « comment » dans une phrase inversée :
« quand / est-il venu ? » ; « quand / a-t-il vu… ? » ; « comment / est-il ? »
— Après les adverbes longs en « ent » :
« c’est vraiment / interdit ! » ; « heureusement / il » ; « diversement / apprécié » ; « directement / en touche »
(à noter qu’avec une sonorité similaire — les gérondifs « en …-ant » —, la liaison est possible)
— Entre un substantif et un adjectif placé après au singulier :
« un savant / anglais » ; « un marchant / avare »
— Devant un « h » aspiré :
« un / haricot » ; « les / héros » ; « des / hiboux » ; « une / haute distinction »
— Le r raboteux enchaîné :
après un r, certaines consonnes en s, d ou t disparaissent :
« un lourd habit » ; « un court instant » ; « un vers estropié » ; « envers eux » ; « toujours est-il »
— à voir :
« quelques jours après », « eux aussi »
sources : diversement variées et diversement officielles, parmi lesquelles :
http://research.jyu.fi/phonfr/20.html
http://monsu.desiderio.free.fr/curiosites/liaison.html
et le https://www.cnrtl.fr/ éternelle source des sans ressources
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