État de terreur

Les capitales

Violences de la société

État d’urgence prolongé. Autant dire qu’on organise la terreur. Vive le populisme. Il faudrait peut-être comprendre qu’on n’empêche pas (plus) un malade d’agir quand il l’a décidé. Les flics interviennent avant, après enquête, ou après, en intervention. Aucun flic au monde posté comme un piquet et faisant de la surveillance passive ne pourrait déjouer un attentat.

L’urgence est ailleurs. Il faut d’abord virer les flics, l’armée et les vigiles, des rues, des entrées et sorties des bâtiments. Un surveillant sera la première victime d’une attaque. Un piquet avec marqué “Police” ou “Sécurité”, ce n’est pas un bâton magique censé pouvoir hypnotiser un assaillant. Le tout sécuritaire, c’est la terreur. Parfaitement inefficace en termes de sécurité pour un déploiement de moyens humains et financiers hors norme. Seulement, c’est visible, ça rassure la vieille dame et l’imbécile qui se croient en état de siège permanent. Contre la terreur, la peur, on doit réagir rationnellement et ne pas entretenir au contraire cette terreur. « Vous avez raison d’avoir peur ! » L’urgence, la terreur, ne rassure pas, parce que la population n’a ni besoin d’être protégée ni d’être rassurée. Seulement raisonnée.

On n’arrête donc pas un terroriste qui a décidé d’agir et qui rejoint son « terrain d’action ». C’est trop tard. Il aurait fallu combien de vigiles au Bataclan pour stopper trois terroristes ? Il aurait fallu combien de policiers pour protéger l’entrée de Charlie Hebdo ? Il aurait fallu combien de barrières et combien de flics pour stopper un camion ? Il aurait fallu combien de policiers en civil dans chaque wagon pour éviter des tueries dans des trains ? Foutez des portiques, des fouilles, à l’entrée des aéroports, des bâtiments ou des fans zones, et le terroriste ira agir dans la rue. Foutez des barrières pour rendre impossible l’accès à des voitures, et le terroriste ira prendre un 20 tonnes.

Ces mesures sont non seulement inefficaces, mais ne font qu’aggraver un peu plus les tensions tout en donnant du crédit, et de la publicité, face aux misérables qui décident d’agir. Un terroriste veut instaurer la terreur : bravo, il l’a, grâce à toute cette agitation organiser pour le pouvoir sécuritaire. Un terroriste veut dresser des pans d’une population contre une autre : bravo, c’est ce qu’on laisse faire et ce qu’on provoque en « menant une guerre ». Un terroriste agit parce qu’il ne peut pas faire la guerre contre un ennemi : bravo, on tombe dans le piège, et on lui dit qu’un pays entier est en guerre (contre qui, on ne sait pas, mais on a la rage, et on va tout faire péter, c’est-à-dire nous).

Qu’est-ce qu’un terroriste ? Un individu qui s’est laissé perdre, seul, ou embobiner par des agitateurs, des gourous. Tous ces individus sont d’anciens détenus, des condamnés, des misérables. Ce qui pousse un individu à agir, ce n’est pas une idéologie, c’est la misère dans laquelle il se trouve. La misère sociale d’abord, puis la misère carcérale et la misère psychiatrique. Nos prisons sont les pires d’Europe. Pourquoi ? Parce qu’on y rencontre des djihadistes ? Non. Parce qu’elles sont vétustes et surpeuplées. Au lieu de balancer des bombes à droite et à gauche, au lieu de foutre un flic à chaque coin de rue, les moyens, c’est là qu’il faut les mettre. Éducation, réinsertion, prisons, assistances sociales et psychologiques… Une société qui organise la misère, l’entretient, la fructifie récolte ce qu’elle sème. Au bout du bout, un délinquant se voit proposé quoi comme alternative ? Tu sors le bâton, et celui qui ne se voit offrir plus aucune alternative sort la bombe. Ce n’est pas qu’il aura raison, mais il sera, ainsi traité, toujours le plus fort. À la société de voir s’il apparaît toujours pertinent de brandir le bâton…

Ne confondons pas « état d’urgence » et « état de terreur ». L’état de terreur, c’est ce que nous vivons, et elle profite à ceux qui l’organisent. L’état d’urgence, elle est contre la misère, et on se complaît à ne pas vouloir la voir, parce que c’est une guerre sale, une guerre de l’ombre, et une guerre qui ne se fait pas à coups de déclarations et de communication.

Marre.