Poutine, l’irrésistible ascension, Vitaly Mansky (2018)

Un cheval… !

Note : 4 sur 5.

Poutine, l’irrésistible ascension

Titre original : Svideteli Putina

Année : 2018

Réalisation : Vitaly Mansky

On dirait l’ascension de Richard III. Eltsine obligé de lui céder le pouvoir pour qu’il le blanchisse, l’amertume le soir de l’élection quand Poupou oublie de lui passer un coup de fil, jusqu’au « ça sent le rouge » lâché au réveillon 2001 quand il entend la resucée de l’hymne soviétique. Eltsine avale toutes les couleuvres que Gloucester avait fait avaler aux futurs « fantômes » qui hanteront son sommeil. Y avait qu’une crapule pour le blanchir, il l’a compris bien trop tard.

Il y a même en arrière-plan tous les autres coups tordus de Gloucester : tentatives d’amadouer les médias / le peuple : « Regardez, il a un livre de prière à la main ! ». Le FSB qui planque des bombes, ça pourrait être le meurtre des enfants à la Tour. Toutes les futures « disparitions » des alliés de Poutine le soir de son élection : tous les alliés de Gloucester qu’il assassinera méthodiquement une fois attaché leurs services. Après l’agression de l’Ukraine, il n’y a plus qu’à se demander qui tiendra la vedette dans le dernier acte et viendra charcuter les jarrets de ce salopard.

Le soir même où Eltsine passe le relais à Poutine, la femme du réalisateur a déjà tout compris. Un soir du réveillon. Shakespeare n’aurait pas fait mieux. Le roi abusé qui fait un cadeau empoisonné au peuple à qui il avait, dix ans auparavant, rendu la liberté. Du grand art.

Ce qui est fou aussi, c’est de percevoir les fragilités de Poutine. On est dans la même classe des Zemmour, Goebbels et compagnie, de tous ces mâles complexés avec des rêves de puissance. Le réalisateur a presque pitié pour lui quand il essaie de gagner sa sympathie ou de le convaincre que le retour de l’hymne soviétique c’est une bonne chose, que le peuple a besoin de se rattacher à la fierté du passé. On sent un petit garçon déçu, pas très sûr de ses opinions, mais follement aussi contrarié de voir qu’un « intellectuel » dont il essaie de gagner le respect trouve ce qu’il fait parfaitement idiot voire dangereux. C’est un gamin, un type avec clairement un gros problème d’ego. Et avec zéro empathie pour les gens : le passage fabriqué chez son ancienne prof où on le voit presque aussi timide et froid qu’une Lady Di, puis faussement touché quand il se rend à l’anniversaire d’un attentat… C’est de la communication au ras des pâquerettes, pas encore de la propagande parce qu’on se doute que, derrière, les médias gardent encore un esprit critique, mais la population n’est pas armée pour apprécier l’exercice. Les larmes de crocodile, là encore ça rappelle tellement Richard III. Le type joue tellement grossièrement l’émotion qu’il ne peut pas être pris au sérieux, et pourtant si, un peu comme si on décelait déjà dans cette émotion feinte le tyran impossible à contredire qui se développera peu à peu.


 

Poutine, l’irrésistible ascension, Vitaly Mansky 2018 | Vertov SIA, GoldenEggProduction, Hypermarket Film


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