Fallait demander

Les capitales

Relations personnelles

Plaidoyer pour le partage des tâches dans la drague, ou quand la « charge mentale » du premier pas pèse sur l’homme.

À l’heure où il est question pour nos chères féministes de se plaindre de leurs bonhommes en théorisant la charge du travail domestique qui pèse statistiquement sur leurs épaules en nommant cette charge “mentale”, il serait temps aussi que les hommes fassent entendre leur voix pour se plaindre d’une autre inégalité.

‘- Inversion de la charge mentale. -‘

Qui drague, et qui a dragué l’autre, dans le couple ? Ma main à couper que dans la très grande majorité des cas, en France, c’est l’homme qui a fait le premier pas, qui a fait l’effort. Parce que culturellement, socialement, hommes et femmes veulent et pensent que ça doit se passer comme ça.

Le rôle du lourd dragueur, les lauriers pour le dragueur compulsif, le gendre idéal capable de sortir le grand jeu pour appâter sa dame avec la plus parfaite danse nuptiale, bref, celui qui se démène et qui est actif, qui prend les risques et les râteaux, qui doit faire preuve d’imagination, c’est globalement l’homme qui s’en charge. Pour la femme, le rôle de la draguée harcelée, de choisir, de se laisser séduire, tenter, changer d’avis, se sentir offensée quand l’homme ne lui plaît pas et flattée quand il lui plaît (le privilège quasi schizophrénique de se plaindre d’être constamment draguée tout en espérant l’être par un autre plus à son goût). Bref, l’homme est actif, la femme passive. La charge mentale repose sur l’homme. C’est lui qui commande, c’est lui qui assume, c’est lui qui propose.

Et c’est vrai qu’une fois les couples unis, il y a comme une inversion de la charge, que l’homme se repose, s’infantilise presque, et qu’il aurait envie de dire à sa douce : tu proposes de me donner quelque chose à faire, je disposerai.

Justement. L’égalité, ça vaut pour tout. Je doute que c’est en se plaignant d’une situation pour laquelle les deux sont responsables, et qui trouve ses origines non pas seulement dans la seule mauvaise volonté des hommes, mais bien de la manière dont les deux voient les rapports à l’autre dès… la rencontre, qu’on œuvre pour l’égalité, le partage des tâches ou autre chose, dans son couple. La rencontre, la drague, c’est elle qui doit donner l’impulsion. Si on accepte l’idée que c’est à la femme de se mettre en position d’attente et que c’est à l’homme de venir la séduire, on donne une mauvaise impulsion à son couple.

Alors voilà, les hommes (français) prendront peut-être l’initiative de laver les petites culottes de leur tendre ou d’acheter des yaourts pour les mioches, quand ils auront été élevés avant ça dans une logique où la charge mentale du premier pas dans la rencontre amoureuse ne pèsera plus uniquement sur leurs frêles mais viriles épaules.

S’il y a, on peut bien le croire, une incapacité des hommes à prendre l’initiative dans certaines tâches domestiques, c’est bien avant que l’inégalité s’opère, et elle n’est pas toujours forcément dans le même sens. Avant de prêcher pour leur paroisse et d’œuvrer pour l’égalité et l’harmonie des couples, il faudrait peut-être se demander si l’origine (ou une des) d’un tel déséquilibre n’est pas ailleurs. Pourquoi faudrait-il que ce soit forcément les hommes (ces goujats, ces machos qui s’ignorent) qui aient toujours mieux à faire, ou à faire autrement, pour trouver l’harmonie ? Les femmes auraient-elles toujours le comportement idéal… ?

À d’autres.

Il y a aussi la charge de la faute qui en permanence repose sur les épaules de l’homme. Comme pour bien autre chose, montrer du doigt les fautes (supposées) de l’autre, permet de détourner des siennes. Pointer du doigt les inégalités (réelles) en sa défaveur en se refusant de voir celles agissant en sa faveur (même minimes) relève de la malhonnêteté et de la manipulation. La charge mentale est un principe qui relève de cette idiotie. Si le constat est bon, il en est pourtant malhonnête car il culpabilise l’autre, et théorise donc légitime, la plainte. Le but recherché n’est plus l’égalité, le partage et l’harmonie dans le couple, mais le confort intellectuel de se croire victime du comportement inapproprié de son compagnon.

Alors mesdames, avant de réclamer à votre bonhomme qu’il prenne lui-même l’initiative d’une machine, commencez par vous demander si vous avez déjà dragué des hommes, fait le premier pas, invité à sortir. Là aussi « faut demander » ? En France, et globalement dans les pays latins, les femmes ne draguent pas. Ne draguent-elles pas parce qu’on leur interdit ou trouvent-elles que c’est vulgaire, déplacé ou… que ce n’est tout simplement pas à elles de faire le premier pas, et que c’est à ces hommes de le faire ? La charge mentale de la drague est-elle partagée ou repose-t-elle, culturellement, habituellement, sur les seules épaules de l’homme, ce dragueur, de ce lourd, casse-couilles qui vient aux femmes, maladroit, en recherche d’un peu d’amour (ou d’autre chose), mais qui “demande”, lui, quand les autres, elles « se laissent faire » ?

Faut demander, mesdemoiselles. Cela donnera peut-être une nouvelle impulsion à nos vies, aux relations hommes-femmes, pour une harmonie de couple que tous désirent.

Infantiliser les hommes en pointant systématiquement leur rôle dans le couple et lui imputant seul la charge mentale du manque d’harmonie, tout en acceptant les bons côtés que la charge mentale du travail domestique implique (quand on est le chef, on décide de la manière dont les choses doivent être faites, or si tant est que certains hommes se prêteraient aux efforts qu’on leur réclame, certaines argueraient toujours que ce travail est mal fait, reprenant, imposant même, alors la charge mentale à leur compte vu que l’autre, cet homme-enfant, serait incapable de l’assumer), n’aidera en rien les hommes et par conséquent les rapports qu’hommes et femmes entretiennent dans le couple. Si la charge mentale doit être certes partagée, elle ne peut passer que par une entente, un compromis, et un dialogue permanent. Reprocher à l’autre de s’y prendre mal, ou pas assez, théoriser ce qui relève de l’histoire commune et intime des couples, c’est toujours le moyen de se poser en chef du couple, comme la seule à être en mesure de déterminer ce qu’il faut ou manque dans le couple. Quand on se complaît à infantiliser son homme, à juger, à se plaindre, à se laisser influencer par la dernière théorie à la mode pour expliquer son mal-être, plutôt qu’à avoir un discours constructif et proactif pour faire en sorte que chacun aille vers l’autre, et qu’au final, ces tâches domestiques soient mieux partagées, on ne va pas dans le bon sens. On n’encourage pas un homme à changer de comportement si on lui dicte la marche à suivre et en le désignant comme responsable des inégalités dont on se sent victime.

Ça commence dès l’enfance…, je veux dire, dès la rencontre nuptiale. Si on accepte que, pour la drague, ce soit à l’homme de “gérer”, on accepte d’entamer une relation où l’idée que les tâches (pas seulement domestiques) incombent à telle ou telle composante du couple. Et on peinera par la suite à légitimer à son homme l’idée qu’il doive prendre un peu plus l’initiative puisqu’on s’est laissée depuis le départ influencer par des usages qui nous dépassent et qu’on reproduit sans avoir vu alors la nécessité de lutter contre.

Inversion de la charge mentale. CQFD. Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, vous savez ce qui vous reste à faire pour construire de nouveaux usages relationnels entre homme et femme au sein de votre couple. Ça commence là. Au premier regard, à la première rencontre. Le premier pas, c’est celui qui donne l’élan et laisse entrevoir l’harmonie. (Violons.)

Sifflez les hommes, mesdemoiselles, qui vous plaisent dans la rue, accostez ces mignons garçons qui s’effaroucheront alors de votre insistance. Draguez ! La charge mentale est pour tout le monde. Égalité pour tous. Et on en reparle dans cinquante ans pour faire les comptes.

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