Un village de campagne de la Chine occupée par le Japon pendant la seconde guerre mondiale. Des inconnus viennent remettre à un villageois deux sacs à garder jusqu’à leur retour. Les deux sacs contiennent un Japonais et un traducteur chinois. Les villageois les cachent des Japonais en attendant qu’on vienne les réclamer, mais on ne viendra jamais et ces deux cadeaux commencent à leur empoisonner sérieusement la vie.
Le film est tout du long très drôle, commençant comme une farce italienne. On croirait voir les bêtises de Vittorio Gassman et de ses compères de bras cassés dans Le Pigeon. Ils sont stupides, mais on ne peut s’empêcher d’avoir une grande sympathie pour eux, parce qu’ils n’ont pas de mauvaises intentions, ils se sentent juste coincés avec ce cadeau encombrant, et toutes leurs tentatives pour s’en débarrasser d’une manière ou d’une autre finiront par échouer.
Le charme du loser.
La dernière tentative pourrait être la bonne, et en fait elle va faire glisser le récit vers une absurdité tragique, implacable. Toutes ces folies paraissent à la fin vaine, à l’image de la dernière image du film et de cette tête coupée du misérable paysan qui continue de rire jaune de son sort, de l’infâme, terrible et funeste inhumanité ; comme s’il ne servait à rien de se débattre ou de se défendre, parce qu’on était déjà coupable de vivre. Et vivre, ça se résume à asservir ou à être asservi, vaincu ou vainqueur. Pas de place au libre arbitre. Toutes nos décisions, nos actions entraînent une vague de conséquences imprévisibles et coupées de ce pour quoi on a essayé de les provoquer. Vivre, c’est un peu comme tenter de garder le cap dans une tempête : on ne peut pas être sûr qu’un coup de gouvernail nous l’y fasse tenir…
Il n’y a pas de bons et de méchants, il n’y a que des crétins, des misérables, quel que soit leur rang ou leur grade, qui n’ont aucune emprise sur la marche du monde, sur les événements et sur le sort. Leurs vaines tentatives pour trouver une issue seraient comme des vagues parmi mille autres perdues dans la tempête de la guerre. Une guerre est faite pour être pourrie, injuste, cruelle, et vaine. Il n’y a pas de traître, il n’y a pas de collaborateur, il n’y a que des hommes qui se retrouvent le cul à l’air et entre deux chaises. On pourra toujours ériger des principes, prétendre rendre la justice. Il n’y a qu’une seule vérité pendant la guerre : celle du chaos. Il n’y a de justice que de celle du vainqueur. Traîtres, héros, collaborateurs, vainqueurs, vaincus, on est tous un peu tout ça en même temps et ce sont les circonstances qui font qu’on apparaît aux yeux des autres tantôt l’un, tantôt l’autre. Encore une fois, toutes nos tentatives pour essayer de garder un cap juste seront à la fois vaines, et susceptibles plus tard d’être interprétées contre nous. Le paysan obligé de tenir captifs ces ennemis est tout autant qu’eux pieds et mains liés ; il a tout pouvoir sur eux, décider quoi en faire, au final, ce sont les circonstances qui décideront pour lui, tout comme elles décideront de faire de lui un héros ou un traître. Vraiment de quoi rire jaune. La guerre est un chaos absurde, surtout pour ceux qui n’ont aucun pouvoir d’agir, le film en est encore un excellent exemple.

Les Démons à ma porte, Jiang Wen 2000 Guizi lai le | Asian Union Film & Entertainment, Beijing Zhongbo-Times Film Planning, CMC Xiandai Trade Co
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