
Paris, Texas

Année : 1984
Réalisation : Wim Wenders
Avec : Harry Dean Stanton, Nastassja Kinski, Dean Stockwell
— TOP FILMS —
Journal d’un cinéphile prépubère : le 30 mai 1997 (non revisité)
(Les scénaristes du Rain Man semblent s’être inspirés de la situation du début entre les deux frères. Bref.)
Tout se limite aux séquences finales : retrouvailles émouvantes, filmées simplement sans sophistication. L’essentiel du génie se trouve dans la transparence, l’humilité et l’intelligence de la mise en scène qui axe le propos sur la relation entre les deux personnages, leur psychologie, et la situation mélodramatique.
Le brut d’une situation extraordinaire dans un style réaliste doit être transmis avec des artifices esthétiques peu essentiels (?!). Rarement un film est parvenu à un tel degré d’émotion. Le style réaliste y est pour quelque chose, il trouve sa réelle valeur dans ce genre de situations rendues paroxysmiques par sa lenteur, sa langueur, et uniquement là. C’est un(e) apogée remarquable qui ne nécessite aucune intellectualisation. C’est une magie dont les coulisses nous sont inaccessibles pour rester émus. C’est le but de cet art, sa portée inconsciente et humaniste est bien plus efficace que la recherche intellectuelle d’un sens quelconque. Le sens n’est là qu’anecdotique, l’émotion c’est toujours une forme, quelque chose d’imperceptible, d’inexplicable, une ambiance, une impression, un état d’esprit : ce n’est pas la rencontre en elle-même qui est émouvante, sinon on serait émus rien qu’en lisant les pages du script, mais c’est la manière, la réaction des personnages placés l’un en face de l’autre et amenés à se redécouvrir. Assez de Freud qui tue la magie ; hourra à l’invisible !

Paris, Texas, Wim Wenders (1984) | Road Movies Filmproduktion, Argos Films, Westdeutscher Rundfunk (WDR)
C’est un film plus spectaculaire (regardable), et plus populaire, et par conséquent meilleur qu’Au fil du temps. Le thème du film est concret : thème éternel et donc clair, amenant l’identification immédiate, celui de l’amour, ou de l’après amour, il est suggéré durant toute la première partie où Wenders comme Bresson ne montre que les effets ; la transition avec la dernière partie fait naître un suspense, qui est la mère ? Pourquoi le couple s’est-il déchiré ? Et surtout comment s’effectueront ces retrouvailles s’ils ont lieu ? Les réponses à ces questions explosent dans la séquence du peep-show. Mimétisme incroyable quand on cherche à déceler les réactions de la mère, ou la scrute. Et quand s’effectue le dénouement, la libération par le verbe, quand la bombe explose enfin, c’est plus le fait que tout soit libéré plutôt que ce qui est libéré qui importe, et qui alors nous émeut. La preuve, la mère explique tout, mais le spectateur n’y prête pas attention, ce qui l’intéresse c’est de guetter les réactions du personnage vers l’autre, les comprendre, comme disait Kieslowski ; et Wenders et N. Kinski arrivent à ne pas prêter attention au contenu du script en allant droit, le plus simplement du monde : l’interprétation se lit plus sur le visage de l’actrice que sur ce qu’elle dit. Chez Wenders, la bombe explose, elle le peut, car l’explosion dure peut-être vingt minutes, donc être concret dans le scénario, mais pas trop, car on perd toute émotion en inscrivant tout à l’avance.