Homeland (Irak année zéro), Abbas Fahdel (2015)


Homeland

Note : 4 sur 5.


Homeland

Titre original : Homeland (Iraq Year Zero)

Année : 2015

Réalisation : Abbas Fahdel

(flexion et radotriage)

Combinaison réussie de ce qui fait un bon témoignage : l’approche personnelle forcément réductrice mêlée de ce qu’il faut de distance, de pudeur et d’artifice. L’utilisation du “je” quand il est tourné vers les autres permet de raconter, et de comprendre, la grande histoire à travers la petite.

Une des leçons du film ? Comprendre, c’est ne plus voir que l’absurdité du monde. Si les petites histoires n’ont aucune cohérence, c’est que chacun a ses raisons pour agir, et si la grande histoire est là encore un assemblage de ces petites histoires, il n’y a aucune raison de penser qu’elle puisse s’affranchir des mêmes maux.

Celui qui comprend et voit une cohérence dans une situation, dans l’histoire, est un escroc ou un naïf. Il y a plus de vérités, ou de “raisons”, cachées, que de faits clairs et objectifs. On ne fait qu’errer les yeux bandés dans un monde flou parmi des fantômes ; on ne fait que prétendre comprendre ce qui n’est qu’une mosaïque d’images sans but et sans cohérence. Et il n’y a que l’angle personnel qui peut nous montrer l’impossibilité d’y voir clair. Tout prend naturellement, et faussement, de la consistance quand on prend de la hauteur. Partir en guerre, déclarer l’histoire comme on écrit une formule magique pour lui donner l’apparence d’une cohérence propre, c’est en fait prétendre pouvoir recomposer la grande jarre brisée du monde : on s’acharne depuis toujours à en recoller les morceaux, ceux-ci s’agglomèrent par une force qui n’est pas forcément celle que les hommes tentent de lui imprégner, la jarre tient tant bien que mal, et puis quelques cow-boys étranges arrivent sur les grands cheveux, remarquent que la jarre est fêlée, qu’une partie de son liquide s’en échappe, et en un coup d’œil, ils pensent pouvoir y remédier. Ceux-là ne font que mitrailler les efforts passés en réduisant la jarre en de nouveaux morceaux toujours plus épars qu’ils laisseront à d’autres, à ces forces d’agglomération silencieuses, de reconstituer.

Ce ne sont ni les bonnes ni les mauvaises intentions qui mènent au chaos, ce sont les intentions seules. Gloire au non-agir.

Sur la grande jarre rapetassée du monde, on peut lire une vieille inscription quand elle se brise encore : « Il faut que tout cela se tasse. »

Homeland, à sa manière, nous fait la leçon sur qui dirige et sur qui sont les puissants en ce monde : personne. Le contrôle est un mythe. On ne fait jamais que détruire. Agir, c’est faire la preuve de son impuissance. Déclarer, promettre, c’est appeler le chaos.

Années zéro après années zéro… Nouvel opus : L’Amérique et ses grands sabots dans un magasin de porcelaine. Faites péter les tessons, l’oncle Sam se charge de tout rafistoler.

Homeland : Irak Année Zéro, Abbas Fahdel 2015 | Stalker Production


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