L’universitaire et le zététicien

ou la rencontre improbable entre la tenante de la « science folle » (historienne du cinéma amoureuse de Freud) et le réalisateur amateur qui tel Monsieur Jourdain fait du cinématographe sans le savoir

Commentaire, donc, suite à la vision de la table ronde « Les films qui disent la VERITE ».

La vidéo : 


Rencontre étonnante et improbable de deux mondes rarement appelés à se rencontrer. Il y a quelque chose d’assez truculent à voir jaillir tout d’un coup la croyance d’une intervenante en une pseudoscience dans une conférence dédiée aux dérives de la désinformation. Ou comment foutre un gros malaise au détour d’un commentaire que l’on croit anodin et qui met presque en perspective l’idée d’emprise mentale propre aux dérives sectaires. C’est aussi d’un côté une sorte de Madame Jourdain qui applique sans le savoir les méthodes des pseudosciences et de l’autre un Monsieur Jourdain, s’amusant avec une caméra pour moquer les codes des faux documentaires, et à qui on dit qu’il est cinéaste. « Par ma foi, il y a plus de quarante ans que je fais du cinéma sans que j’en susse rien, et je vous suis le plus obligé du monde de m’avoir appris cela. »

Pour illustrer le sujet de la table ronde, un documentaire contenant des passages parodiques des documentaires complotistes réalisé par l’équipe de la Tronche en biais est donc présenté. Après le film et quelques minutes d’échanges, de manière quasi anodine, Ania Szczepanska (historienne du cinéma, maîtresse de conférences et visiblement spécialiste des documentaires du monde de l’Est) questionne le choix jugé problématique de mêler tout à coup vrai et faux* en prenant comme exemple le discours d’un des intervenants expliquant qu’il avait commencé à déconstruire ses propres croyances quand il a douté de la psychanalyse. Idée qui semble bien saugrenue à notre universitaire, troublée que l’on puisse considérer la psychanalyse comme une pratique à laquelle il faudrait se détourner. Un échange un peu surréaliste commence alors avec Alexis Seydoux (vice-président de l’Association de Lutte contre la Désinformation en Histoire, Histoire de l’art et Archéologie) et Thomas C. Durand (« réalisateur » du film en question, créateur de la chaîne La Tronche en Biais et membre de l’Association pour la Science et la Transmission de l’Esprit Critique).

*Le documentaire est pourtant assez clair. Il reproduit plus ou moins les codes des documentaires de télévision (plus rarement de cinéma) dans lesquels divers experts sont amenés à être interrogés sur un sujet spécifique. Et pour illustrer la crédulité des spectateurs à croire en des théories alternatives, le film est ponctué par des séquences censées, elles, reprendre les codes des faux documentaires (c’est une parodie, une exagération, la part documenteur du documentaire). Les intentions du film sont clairement définies en présentation, puis rappelées en guise de conclusion, face caméra. Ce n’est pas un film d’art, mais bien en document à visée éducative : les auteurs du film partagent les orientations des experts sélectionnés, mais le discours est bien celui des experts, et en dehors des impératifs du montage qui par essence ne peut produire l’intégralité d’un discours, on peut difficilement suspecter une intention de travestir leurs propos ou une volonté d’en tirer un discours propre. Aucun sens caché, donc, à chercher derrière les effets produits, les choix de mise en scène, les cadrages, etc. Le film est à voir ici.

Thomas Durand semble totalement décontenancé par la défense d’une pratique dont il s’applique depuis des années à relever le caractère non scientifique et qu’il ne pensait sans doute pas trouver ainsi aussi bien défendue lors d’une conférence dédiée à la désinformation. L’autre intervenant semble moins surpris, peut-être plus habitué à voir des tenants de la psychanalyse dans les cercles universitaires. Aidée par quelques étudiants outrés dans la salle, Ania Szczepanska vient alors à questionner le travail de Thomas Durand sur le film et la pertinence de choisir son film pour introduire la table ronde. Le Youtubeur se trouve alors sommé de justifier ses choix de mise en scène (sic), et le voilà, expliquant un peu incrédule qu’il n’est pas professionnel du cinéma, que les sujets ou les intentions qu’on lui prête en tant que réalisateur ne sont pas les siennes. On lui rétorque qu’en tant que réalisateur, son devoir serait d’être conscient des effets qu’il produit… Il aura beau expliquer, tel un lapin aux yeux ahuris qui ne comprend pas ce qu’il se passe quand une voiture lui fonce dessus, qu’il n’est question que d’une… parodie, d’un film qui ne se prend pas au sérieux et qu’il n’a aucune prétention « artistique », le malentendu est consommé. Deux mondes ne parlant pas la même langue se rencontrent et ce n’est pas beau à voir.

Une réalisatrice de films documentaires pour le service public vient un peu à la rescousse du vulgarisateur cueilli par les critiques déplacées dont il fait l’objet, mais le mal est fait si on peut dire, et ces interventions lunaires de « sachants » montrent à quel point, encore, le monde universitaire est gangrené par une logique interprétative des œuvres qui se voudrait objective alors que c’est impossible. Tous les ingrédients des déviances que l’on pourrait retrouver dans la psychanalyse.

Quand je vois que ce petit monde est encore autant imprégné par cette idée que l’étude d’un film se fait uniquement à travers les signes, les symboles ou les intentions révélés de ceux qui font les films, interrogeant perpétuellement l’auteur et non le film même, s’interdisant d’accepter l’idée que leurs interprétations ne puissent être que purement spéculatives, le plus souvent sans aucun rapport avec les intentions parfois exprimées des cinéastes, je me dis qu’il y aurait encore pas mal de travail à faire pour « débunker » ces dérives au sein de ce milieu. J’en parle souvent ici, mais ce discours hautement interprétatif qui baigne aussi tout le milieu critique du cinéma pose un véritable problème tant il est envahissant, voire exclusif quand il est question d’analyser ou de parler des films. C’est ce qui arrive quand on ne maîtrise aucune technique de l’art qu’on commente, qu’on refuse obstinément de se placer à la même hauteur que n’importe quel spectateur, et que pour légitimer son droit à présumer des intentions d’un auteur, du message d’un film ou de la nature universelle des effets produits, on en vient à développer toute une « science » ne reposant sur rien. La ressemblance avec la psychanalyse est ironiquement… troublante. Pas mieux qu’une conférence où l’on se fait rencontrer deux mondes pour parler de désinformation pour mettre en lumière l’absurdité de cette « science folle » que peut parfois être l’exégèse cinématographique. (Je dis bien « parfois », car les universitaires ou les critiques, quand ils en viennent à analyser l’esthétique d’un film, sa forme, ses techniques, peuvent au moins faire reposer leurs commentaires sur des éléments concrets, lesquels peuvent ainsi être réfutés ou questionnés. Mais comment réfuter quelqu’un qui prétend étudier les « signes », les intentions ou le message d’un film oubliant qu’une œuvre d’art n’est pas un discours ? Et cela, encore plus quand il est question d’un documentaire de forme télévisuelle où le discours s’attache à reproduire au plus près à celui des experts : pas de voix off, pas d’effets de mise en scène, une structure à l’arrache et des intentions clairement définies qu’on peut difficilement suspecter de chercher à faire dire autre chose de ce qui est montré à travers un montage ou une mise en scène prétendument porteuse de sens forcément caché…)

On n’aura jamais aussi bien démontré, à travers une simple rencontre que l’on pensait anodine, en quoi certaines méthodes d’analyse des films dans le milieu universitaire et critique ressemblent à celles utilisées par la psychanalyse. Il serait temps que le milieu « critique » du cinéma procède à une évaluation de ses propres méthodes. Ce qui reste hautement improbable : comme dans n’importe quel milieu de ce type, faire la critique de ceux qui vous précèdent, c’est s’en exclure automatiquement. Seuls ceux qui obéissent au dogme, en acceptent les règles de l’entre-soi peuvent prétendre à en faire quelques critiques. Mais elles ne viendront jamais bousculer les principes qui reposent sur du flan : faire de l’auteur l’élément central d’un film (et non le film lui-même, voire celui qui le regarde, voire le contexte dans lequel il a été produit) et axer toute son analyse sur ce que celui-ci aurait « voulu dire ». Une fois qu’on a décidé que l’art avait toujours un discours, même caché, la partie est finie. Et pour justifier cette erreur (ou cette prétention) initiale, tous les instruments que l’on déploie pour appuyer ses prétendues analyses n’ont plus aucun sens. Et dès lors, ironiquement ou perversement, les critiques venant seules de l’intérieur finiront par créer… de nouvelles obédiences, avec de nouvelles propositions d’interprétation, mais avec jamais aucune remise en question du fondement infondé sur lequel repose tout cet univers. En psychanalyse, on voit alors Jung, puis plus tard Lacan débarquer. Mais ça reste les mêmes balivernes. Nul doute que l’on connaît les mêmes querelles de chapelle dans le milieu de l’analyse filmique.

L’incapacité à sortir de cette logique interprétative expose ceux qui en sont esclaves à sortir des âneries qu’une personne extérieure décèlerait tout de suite (voire à se protéger mutuellement, comme dans toute logique sectaire). On le voit par exemple ici. L’universitaire et les étudiants mélangent les différentes formes de « documenteurs » en ignorant, volontairement ou non, qu’il y a tout simplement des films qui ont vocation à tromper (s’il est question de parler des intentions des auteurs, ça la fout mal) et qui sont l’œuvre de charlatans ou de manipulateurs, et des films qui ont vocation à tromper pour parodier ou pour mettre en garde contre la crédulité du spectateur. En principe, un documenteur, c’est un film qui ne ment pas sur ses « intentions » : il fait du documentaire, il use des outils et des codes du documentaire, mais n’affirme pas que ce qui est présenté dans le film est vrai. Le film d’un charlatan a au contraire vocation à révéler des réalités cachées et prétend donc être dans « le vrai » (sans l’être). Pas étonnant, remarque, que des tenants de la psychanalyse aient quelques problèmes pour distinguer « pseudo ou faux documentaire » et « documenteur », tant leur perception du vrai et du faux pose problème… Ça interroge aussi leur capacité à comprendre les « intentions » des auteurs alors que c’est le cœur de leur travail et alors même qu’ils sont incapables de distinguer les intentions implicites d’un documenteur et celles d’un documentaire réalisé par un escroc.

Il y a également une confusion entre documentaire et films de propagande quand il est question des films d’Eisenstein : il faut que l’autre universitaire lui rappelle que le cinéaste soviétique réalisait des… fictions. Quand on en arrive à ce niveau de confusion, c’est qu’on a beau déployer tous les efforts pour construire un discours cohérent, tout ne sera jamais qu’illusion et prétentions. Triste monde, et tristes étudiants condamnés à errer toute leur vie dans les limbes d’un univers parallèle qui ne les connectera jamais au monde réel. Une secte, en somme. Belle ironie quand on voit le sujet du jour.


Table ronde & débat organisé à l’Institut National d’Histoire de l’Art (Les films qui disent la VERITE)



Autres articles cinéma :


L’Étrangleur de Boston, Richard Fleischer (1968)

La 13e Femme de Barbe-Bleue

Note : 3 sur 5.

L’Étrangleur de Boston

Titre original : The Boston Strangler

Année : 1968

Réalisation : Richard Fleischer

Avec : Tony Curtis, Henry Fonda, George Kennedy

Je ne suis décidément guère convaincu par les variantes chez Fleischer des étrangleurs…

Le film est étrangement construit, ce qui peut facilement s’expliquer : en suivant le cours des événements tels qu’ils se sont réellement passés, il est prisonnier d’une structure imposée par le hasard (celui du réel), non par des nécessités narratives. Les histoires vraies (et sordides) font rarement de bonnes histoires (à moins de prendre des libertés avec les faits). L’un des principaux écueils qu’une telle adaptation pose, c’est l’absence d’un personnage principal au centre des attentions. Il n’est pas impossible de concentrer son récit sur plusieurs personnages, mais dans une fiction, on cherche au moins un équilibre ou une logique narrative dans l’apparition et l’usage des personnages. Imaginons par exemple que dans la réalité, un enquêteur meure d’un accident et que cet accident n’ait strictement aucun rapport avec l’enquête qui deviendra plus tard le sujet d’un film : si on retranscrit telle quelle la réalité, le spectateur cherchera forcément une logique, un design secret, derrière cette mort. Alors que ce ne serait qu’un malheureux hasard.

Le film est ainsi conçu autour de trois parties distinctes, qui, elles, sont bien déterminées par la volonté d’un auteur de basculer d’un point de vue à un autre. Mais c’est encore une maigre intrusion (même si elle est importante), ou liberté, que peut s’autoriser la fiction dans l’univers imposé des événements.

D’abord, les débuts de l’enquête, la paranoïa en ville, puis la désignation d’un super enquêteur qui aura la somptueuse idée de faire appel à un médium pour trouver le coupable… À la lecture d’un scénario, s’il n’y avait aucun rapport avec une réalité des événements, on ne manquerait pas de trouver toute cette partie anecdotique et donc inutile. Le fait que cela se soit réellement passé, on se trouve alors face à un dilemme : soit on en fait l’économie et on se prive de deux ou trois séquences amusantes, soit on décide que ce n’était pas significatif et on se prive d’une certaine matière qui pouvait au moins avoir comme atout qu’elle illustrait le fait que les enquêteurs étaient tellement dans la panade qu’ils étaient prêts à suivre n’importe qui prétendant pouvoir les aider… Dans une fiction, tout doit être logique et proportionné. Dans la réalité, les choses peuvent n’avoir aucun sens, sembler irréelles ou absurdes.

On passe dans un second temps au contrechamp de l’affaire, tout en restant dans une continuité temporelle et en adoptant le point de vue du tueur en série. L’approche est plutôt originale, car bien que ne nous mentant pas sur les agissements du tueur (largement supposés, ce qui pose la question des limites de la fiction et de l’interprétation dans ce qu’on prétend être une reconstitution fidèle des événements), on sort là encore des archétypes et de l’image préconçue que l’on pourrait se faire d’un tel criminel, car très vite s’impose à nous la question de l’état psychologique du meurtrier. On est déjà loin du code Hays et de ses impératifs de la représentation à l’écran des criminels, mais cette empathie, voire ce côté didactique de la description mentale d’un criminel, malgré ses intentions évidentes (et plus tard explicites) de compréhension des crimes à travers un exemple devenu célèbre, aurait de quoi décontenancer le spectateur déjà troublé par l’absence d’unité narrative. Jusque-là, pourquoi pas, mais la multiplication des « expérimentations » narratives et didactiques du film m’a assez vite laissé sur le carreau (et peut-être qu’à la revoyure, mettant de côté cet aspect, passés la surprise et l’inconfort que cela produit, me laisserais-je convaincre par les autres aspects du film).

Enfin, un troisième acte s’occupe de mêler tout ça. Là encore, la réalité des événements aurait de quoi étonner le spectateur. Les coïncidences au cinéma, on aurait plutôt l’habitude de mal les accepter. Le fait que ce soit par un étrange hasard que les enquêteurs tombent dans un ascenseur sur le suspect, on peut l’accepter si l’on sait que le film dépeint des événements issus de la réalité ; il n’en reste pas moins que dans une fiction, a fortiori dans ce qui reste un crime film (une enquête policière), cela produit sur le spectateur une étrange impression. Tout cela est cependant assez conforme aux habitudes de Fleischer et à son goût pour les expérimentations. Mais il y a certaines audaces qui prendront toujours le risque de laisser certains spectateurs sur le bas-côté. Il faut donc croire que s’agissant des films criminels (ou plus spécifiquement des films sur des tueurs en série), le spectateur que je suis a une préférence pour le conventionnel… À moins que ce soit en réalité le sujet qui, quoi que le film propose par ailleurs, produise chez moi une certaine défiance ou un désintérêt. Il me semble pourtant que l’approche humaniste du film pourrait se rapprocher de celle du Fils du pendu qui au contraire de beaucoup d’autres m’avait plutôt emballé (peut-être justement parce qu’on n’a pas affaire à un tueur en série et qu’on n’est pas du tout sur le terrain de la psychologie, mais de la perception des criminels).

Même tributaire des caractéristiques d’un film inspiré de faits réels, le film, dans sa première partie, répond à un certain nombre de codes du genre tout en effectuant quelques propositions qui seront vite (ou étaient déjà) adoptées. Le fait de ne pas savoir où chercher un criminel, par exemple, amène à adopter une vision hyperpériphérique, presque sociale, multipliant les points de vue pour contextualiser au mieux « l’époque » qui agitait la ville. L’influence de la télévision dans les foyers permet également de dépasser l’espace local qui cantonnait les films noirs à des localités plus réduites, à une plus grande confidentialité des événements. Le temps de l’information est également chamboulé : ce qui apparaissait alors dans les journaux du soir ou faisait l’événement du lendemain peut être traité en direct sur les chaînes de télévision. C’est grâce à ce moyen de diffusion rapide que le genre se fait naturellement plus paranoïaque : si les informations passent mieux et s’étendent plus largement dans toutes les strates de la société, la peur aussi. Je n’ai pas souvenir qu’il y ait eu par le passé des films capables de simuler ainsi une panique ou une agitation à différents niveaux d’une société, sinon à l’échelle d’une plus petite ville dans Les Inconnus dans la ville qui, du fait de la taille limitée de l’espace, son isolement, adoptait (au moins sur ce point) plus les codes du western. On retrouve ce principe dans de nombreux polars des années 70 et cela reviendra souvent de Zodiac, à Gone Girl, en passant par Seven (même dans ses autres films, Fincher adopte presque toujours cette vision périphérique du récit : les espaces visités doivent être denses et multiples pour donner cette impression que les événements contaminent presque un espace étendu — cela marche aussi avec le nombre de seconds rôles). Entre le thriller paranoïaque et le thriller panoramique, il n’y a qu’un pas.

Richard Fleischer semble même s’amuser à expérimenter les nouvelles possibilités offertes par la télévision. Alors que le film est donc censé retracer fidèlement des faits réels, sur le plan formel, il s’autorise quelques innovations, parfois étonnantes. Je parle un peu plus tard du split screen (ou « écran fragmenté »), mais on peut évoquer aussi cette interview du super inspecteur interprété par Henry Fonda qui à peine nommé est interrogé par un journaliste, depuis son bureau, au milieu des enquêteurs. Le dispositif employé est manifestement celui de la télévision, mais les codes appartiennent à quelque chose d’autre : pas de caméra apparente, mais un regard caméra assez troublant (en général, on répond à un journaliste hors-champ) et un retour en plateau derrière le journaliste et en grand écran. On se croirait presque à ce moment dans Soleil vert ou dans n’importe quel autre film d’anticipation.

Toute cette première partie, basée donc sur une enquête qui fait chou blanc, je me demande si elle ne finit pas par fusionner avec un autre genre (et on sait que Fleischer adore le mélange des genres). J’ai parlé de la multiplicité des espaces, mais allons plus loin : le polar n’est-il pas en train de devenir (ou n’était-il déjà pas) un road movie déguisé ?

Formellement, la suite est, de mon point de vue, beaucoup moins intéressante — grossièrement, dès que Tony Curtis entre en jeu. La performance de l’acteur est exceptionnelle, tout en retenue, en hésitation et en fragilité (le sens psychologique et l’humanisme de Fleischer parlent sans doute ici, comme en attesteront les dernières phrases du film), mais Fleischer laisse peut-être justement trop de place au talent de l’acteur. C’est long, c’est lent, c’est répétitif, on regarde Curtis, on a du respect pour ce qu’il propose, mais il n’y a plus aucune fascination pour un personnage ayant perdu sa part d’inconnu et surtout de danger. Le suspense et le mystère retombent, et on passe d’un film d’enquête à un film psychologique qui a au moins le mérite d’annoncer certains films futurs au lieu de se ranger du côté des films névrotiques excessifs de la décennie. Mais ce manque d’unité dessert de mon point de vue le film : il n’y a pas d’action unique, pas de personnage principal, c’est donc assez déroutant pour le spectateur.

Je finis sur l’usage du split screen* qui est loin de me convaincre. Si dans Suspense de Lois Weber, l’effet se justifie et permet de concentrer l’action en opposant deux événements appelés à se rencontrer, la réinvention et surtout l’amélioration du procédé lors de l’expo de Montréal en 1967 avec le film Dans le labyrinthe semble avoir donné des idées à la fois à Norman Jewison et à Fleischer qui l’adopteront chacun pour leur prochain film. Si l’effet me semble pertinent dans un générique ou dans un film documentaire (William Greaves l’adopte la même année dans Symbiopsychotaxiplasm), grâce à ses qualités illustratives, quand il officie en revanche comme un montage-séquence, en en reprenant tout le ressort narratif sans en montrer la même créativité, sans avoir les mêmes exigences, cela apparaît comme une facilité technique et narrative qui a certes le mérite d’avoir été testé, mais qui fait justement la preuve de son inefficacité narrative. Et si dans le film de Weber, le procédé sert à concentrer une action en temps réel, l’usage qui en est fait ici sert au contraire à diluer l’action et à atomiser le suspense. Non seulement il n’est qu’illustratif, mais en plus il est utilisé comme un autre procédé (le montage-séquence) avec une efficacité moindre. Principe du rasoir d’Ockham : si un procédé avec des propriétés narratives similaires a vocation à en remplacer un autre, aucune raison qu’il le remplace s’il n’apporte aucune plus-value significative et s’il réclame au spectateur une attention décuplée. Et il ne l’a jamais remplacé.

*Note : le split screen a également été employé dans Kohraa, un sombre film indien de 1964.


L’Étrangleur de Boston, Richard Fleischer 1968 The Boston Strangler | Twentieth Century Fox

La société se moque-t-elle des victimes des pseudo-sciences ?

 

Les capitales   

Science, technologie, espace, climat    

 

Réponse à ce tweet :

https://twitter.com/AntoninAtger/status/1627029015360946176

Ça m’a tout l’air d’être un faux dilemme. Pourquoi devrions-nous choisir entre ces deux propositions ? Personne ne se moque, c’est consternant. Consternant surtout pour la société qui favorise ces pratiques.

Quand quelque chose dysfonctionne dans une société, on aurait tout à gagner, non pas à pointer du doigt les victimes ou les profiteurs, mais ceux que l’on charge collectivement de nous représenter et d’émettre des lois et des règles en notre nom.

Mieux, ce sont aux sociétés savantes de faire leur part de travail afin que les pouvoirs publics agissent dans le sens de la collectivité.

D’ailleurs, je suis désolé de vous dire que dans mon entourage, si j’ai connu des personnes usant de charlatanerie, je ne me suis jamais moqué, ai exprimé mes doutes, mais aucunement je n’ai pu comprendre.

Pardon, mais quand une personne se fait arnaquer par un professionnel, quel qu’il soit, fait-on reposer sur la victime le poids d’une faute supplémentaire ? Il n’y a ni à comprendre ni à moquer les victimes d’arnaques.

Donc moi je vous propose deux options supplémentaires non excluantes : Les sociétés savantes doivent sanctionner tous les praticiens et chercheurs se réclamant de la pseudo-science. Le législateur doit mieux contrôler ces pratiques afin que cessent de prospérer ces techniques.

Or, en la matière, ça n’arrivera jamais. Parce qu’en matière de santé, on estime que la charlatanerie ne doit pas être remise en question. Il faut rester confraternelles entre personnes de même caste.

On remarque d’ailleurs ce même désintérêt des personnes « bien informées » face à celles qui ne le sont pas quand il est question de la promotion ou de l’adoption des bonnes pratiques d’hygiène de vie. Les pauvres et la malbouffe, avec la cigarette, etc.

Les riches, les « personnes bien informées », se portent bien. Donc si les pauvres sont ignorants ou trop bêtes pour suivre les bonnes pratiques, de la même manière que mémé victime d’une arnaque téléphonique : c’est de leur faute !

Il y a deux options de société possibles. On cherche le bien commun. Chacun se débrouille comme il peut. Je vous laisse décider quelle option est la plus pertinente.

Les Secrets d’une âme, Georg Wilhelm Pabst (1926)

Note : 2.5 sur 5.

Les Mystères / Secrets d’une âme

Titre original : Geheimnisse einer Seele

Année : 1926

Réalisation : Georg Wilhelm Pabst

Avec : Werner Krauss, Ruth Weyher, Ilka Grüning

Amusant de voir, presque un siècle après, toutes les vertus qu’on pouvait alors prêter à la psychanalyse…

Moins amusant, et hasard des programmations, le film est projeté à la Cinémathèque française (rétrospective Pabst) le jour d’une manifestation contre ce que certains appellent désormais des féminicides. Or, le film commence précisément par le meurtre d’une femme, hors champ, qui semble avoir réveillé un instinct de tueur chez un mari bien comme il faut. Un bon petit-bourgeois donc, qui prendra lui-même conscience que point en lui, depuis le meurtre de cette voisine, une étrange attirance pour les couteaux, et une perverse pulsion à chercher à les fourrer dans le ventre de sa femme… Joli symbole phallique, on est bien chez docteur Freud…

Là où ça devient assez original, il faut le reconnaître (mais hautement improbable), c’est qu’après avoir exposé les troubles et pulsions meurtrières de ce bon monsieur, celui-ci a la bonne idée, assez rapidement comme on décide d’aller chez le coiffeur, de faire appel à la psychanalyse pour le soigner. Est-ce qu’on a déjà vu un meurtrier courir chez le psy lui avouer ses pulsions intimes ? Hum… Autre chose amusant à cet instant, c’est que la raison pour la laquelle ce bon petit-bourgeois part courir voir le psy, c’est qu’il a pris conscience des conséquences que ça entraînerait pour lui de tuer sa femme. Incommodant, c’est sûr, un meurtre, ce n’est jamais innocent, ça doit être en tout cas plus problématique que de perdre son salaire aux jeux. Un crime est si vite commis… Le type n’a pas une petite poussée moralisante lui disant que tuer c’est mal, non, ce qui lui fait prendre conscience de la situation, c’est, bon sang… qui repassera mes chemises et me préparera la soupe si je la tue ! C’est certain, il y a plein de maris violents qui ne se sont jamais posé la question comme ça… Tous les assassins d’ailleurs ont des pulsions de meurtre qu’ils répriment comme une mauvaise envie de pisser, et les nouvelles sciences du comportement nous expliquent que tout cela est lié à des causes bien déterminées enfouies profondément dans notre subconscient (sic).

Attention, on pourrait penser que le film, ou la société dépeinte d’alors, celle qui estime que ce serait vraiment trop bête de se passer d’une repasseuse de chemises, soit un chouïa sexiste, notons qu’à un moment, dans un flash-back censé expliquer les sources enfantines de ce mal meurtrier, la future femme de notre petit-bourgeois, alors âgée de six ou sept ans, a préféré donner une poupée à son cousin et non à son futur mari ! Une… poupée. Une poupée… à un garnement, à un mâle ! Et sans que cela ne pose problème ni à la société d’alors, ni… à notre docteur Freud de circonstance qui écoute tout ce récit depuis l’hypnose qu’il est en train de mener sur son patient. Bref, le féminisme n’est pas le sujet ici, mais plutôt le traitement psychanalytique qui va dès lors se mettre en place : de cet événement réveillé par l’hypnose, on en déduira que le mari souffre depuis cet épisode traumatisant d’une jalousie inconsciente vis-à-vis du cousin tant aimé par sa petite femme ; et peut-être même que ce traumatisme a eu un effet castrateur sur lui devenu adulte, puisque, voyez-vous, la psychanalyse (comme l’astrologie autrefois) a toujours réponse à tout. Alors, si notre bonhomme, assassin refoulé et conscient de l’être, n’arrive pas à avoir d’enfant avec sa femme, s’il a des envies de meurtres à son attention, et s’il est un peu jaloux inconsciemment de son cousin, tout cela n’est que la conséquence logique de ce traumatisme enfantin durant lequel sa future épouse offrait une progéniture symbolique à son cousin plutôt qu’à lui-même… La vie est tellement simple, merci à la psychanalyse d’éclairer le monde, et ainsi depuis un siècle de guérir les meurtriers ou autres patients de divers troubles désireux de faire chuter les statistiques de la criminalité… Oh, wait.

Heureusement, puisque la psychanalyse est là, tout est bien qui se finit bien. Le mari violent, ou psychopathe, ou… on ne sait pas trop parce que sa pathologie est hautement imaginaire (je doute que la jalousie pathologique se manifeste de cette façon…, réveillée par la connaissance un peu troublante d’un meurtre commis chez des voisins…), guéri, à la fois de ses pulsions de meurtre, mais aussi (ô gloire à la psychanalyse !) de son impuissance, puisque l’épilogue nous le montre tout ragaillardi par un « heureux événement ». Voilà un bambin qui ne manquera pas à son tour de refouler ses banales pulsions meurtrières après une non pas moins banale déception amoureuse, histoire que la psychanalyse puisse sauver le monde et les gros frustrés encore pendant des siècles…

(On remarquera encore avec amusement qu’un psychanalyste peut aussi avoir du bon sens et proposer des idées qu’un siècle après on n’arrive toujours pas à mettre en œuvre : la mesure d’éloignement du mari susceptible de…, ben, de tuer sa femme. Un mari violent, c’est lui qui dégage et retourne chez maman. Pas le contraire. Et ça, je ne sais pas si c’est une idée du docteur Freud, j’en doute même, mais s’il y avait une bonne idée à tirer de tous ces tours de charlatans, c’est bien celle-là.)



 

 

 

Sur La Saveur des goûts amers :

Les Indispensables du cinéma 1926

 

Liens externes :


 

Psychomagie, un art pour guérir, Alejandro Jodorowsky (2019)

Psycho-escroquerie

Note : 0.5 sur 5.

Psychomagie, un art pour guérir

Année : 2019

Réalisation : Alejandro Jodorowsky

Les artistes sont des escrocs salvateurs, en général, mais quand des escrocs se prennent pour des artistes, ça devient dangereux pour la société, et en premier lieu pour les personnes fragiles, désespérées ou vulnérables. Jouer avec la pensée magique, bien, se dire que ça peut même avoir des effets placebo, pourquoi pas, faire des petits actes symboliques en espérant y trouver des effets positifs, c’est très bien… Mais c’est très bien quand on est conscient des limites du procédé et qu’on ne voit pas ça entouré d’un gros discours nauséabond, fait de belles paroles et des principes antiscientifiques, capables, surtout, de nous détourner des traitements qui seuls peuvent nous sauver la vie. La dérive est là, si les gesticulations masturbatoires et prétentions New Age sont en soi inoffensives pour les « patients » du gourou Jodorowsky, il y a un risque de voir des personnes dans le doute, la détresse physique ou psychique, plonger à pieds joints dans les belles promesses incantées par le réalisateur et pseudo-guérisseur.

Tout cela serait en effet joli si ce n’était que de l’art, des expériences de pensée ou dédié à agir sur de simples petits maux de la vie quotidienne. Jodorowsky prétend guérir (c’est dans le titre et tout le film repose sur une démonstration, cas après cas, de l’efficacité thérapeutique de son “art”) des patients atteints de troubles réels qu’il décrit lui-même avant d’entamer « l’acte thérapeutique » psychomagique, puis d’en présenter les effets spectaculaires. Des difficultés d’un couple à communiquer à un bègue ou à une violoncelliste, ses manipulations physiques et psychologiques peuvent revêtir un intérêt certain : oui, un patient, ou simplement quelqu’un qui se sent mal, peut bénéficier de l’écoute, de l’attention, voire du discours rassurant (et pas très rationnel) de Jodorowsky. Inutile pourtant pour ça d’entourer ces gestes, actes, paroles d’attentions, de tout un discours d’une prétention folle (mais Jodo se référant à la psychanalyse, il aurait été difficile d’en être autrement : les pratiques niaises et frauduleuses pouvant difficilement engendrer des pratiques saines et rationnelles) : les petits actes symboliques, chacun d’entre nous peut en faire l’expérience, et comprendre qu’ils peuvent trouver un intérêt, encore faut-il aussi qu’ils ne flirtent pas avec des délires psychanalytiques qui laisseraient là encore penser que derrière des symboles simples se cache toute une science de l’inconscient dont certains charlatans seuls seraient capables d’en comprendre les tenants et les aboutissants (les happenings pour jouer une seconde naissance, c’est déjà à mon avis d’une portée symbolique plus que limitée, mais quand Jodo se lance dans des expériences, ou des actes comme il les appelle, en lien avec le sang, ça sent bon le délire cacathartique).

Là où ça devient extrêmement problématique et grave, c’est quand Jodorowsky prétend guérir une femme atteinte de multiples cancers, qui grâce à son intervention (digne des pires prédicateurs-guérisseurs américains dont les méthodes s’inspirent des spectacles de divination truqués très à la mode il y a un siècle) aurait trouvé la voie de la guérison lors d’un spectacle au Chili où il officiait. Inutile d’expliquer en quoi cette dérive, en tout cas en France, pourrait faire l’objet d’un signalement auprès des autorités, ça paraît évident. Enfin, évident…, pas pour tout le monde, puisque la sortie du film coïncide avec la décision, justement, de saboter l’organisme chargé de combattre les dérives sectaires. En effet, la MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) devrait disparaître. Une bonne nouvelle sans doute pour Jodorowsky et toute sa bande d’apprentis escrocs. Lui, qui se dédouane encore de toute pratique sectaire ou thérapeutique en expliquant qu’il ne gagne aucun sou dans ses « actes de psychomagie » (en partie aussi pour éviter d’avoir à répondre aux processus de validation scientifique par lesquels toutes les pratiques thérapeutiques doivent passer : il pourra alors sélectionner lui-même les expériences qui ont « réussi » et cacher les autres, tout en prétendant, ou en faisant dire à son producteur en préambule, que rien n’est truqué et que par conséquent tout est vrai) pourra peut-être bientôt proposer des « actes » de psychomagie contre rémunération. Il jouit déjà d’un public conséquent, ébloui par son discours neuneu et sa forte sympathie, nul doute qu’il saura, et sait déjà, en tirer d’une manière ou d’une autre profit.

Je termine sur la mission écologico-bobo dont il se sent investi autour de ses interventions, parce qu’elle est d’une hypocrisie écœurante. Voilà un type qui, grand sourire, nous explique en quoi il faut que chacun d’entre nous (enfin, ses millions de followers) doive planter des arbres pour compenser la perte de la forêt amazonienne, mais qui dans son film passe son temps à créer des déchets pour mettre en scène ses « actes » fabuleux : vêtements déchirés, bouteilles de lait aspergées sur un corps nu (oui, c’est subtil), assiettes cassées en pleine nature, citrouilles explosées à la masse dans un coupe-gorge parisien, chaînes en acier abandonnées aux pieds d’arbustes dans un square. Jodorowsky ne brasse pas que du vent ou ne souffle pas seulement des idées délirantes dans la tête de personnes fragiles et vulnérables à sa charlatanerie, c’est aussi un imposteur écologique. Un escroc doublé d’un connard pour le dire simplement.

Comme le disait ma grand-mère, on n’a jamais vu d’escrocs tirer des tronches d’enterrements : les meilleurs d’entre eux ont de larges sourires, on leur donnerait le bon Dieu sans confession, et n’ont rien, mais vraiment rien en apparence, d’escrocs. Pour un artiste, ça passe ; tromper son monde, en mettre plein la vue, c’est le principe même de l’art. Pour un guérisseur…



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Conjuring : Les Dossiers Warren, James Wan (2013)

Baptisez-vous mécréants !

Note : 1 sur 5.

Conjuring : Les Dossiers Warren

Titre original : The Conjuring

Année : 2013

Réalisation : James Wan

Le film d’épouvante a de particulier qu’il obéit en général à la même trame qu’un film de boules. Toutes les scènes de cul, ou d’épouvante, sont intercalées de séquences explicatives qui n’ont qu’un seul but : nous faire entrer dans un nouveau décor, une nouvelle situation, jusqu’à ce que les vêtements tombent ou les portes claquent. Et puis, plus ça va, moins on s’embarrasse avec une situation, on va direct à l’essentiel, jusqu’à une longue scène finale, ici d’épouvante, sorte de méga partouze avec le diable. On joue le jeu, chacun sait pourquoi il vient, parce qu’en réalité, on ne vient jamais… pour l’histoire.

Les problèmes commencent quand on vient nous expliquer qu’une histoire, il y en a une. Pire, qu’elle est vraie (enfin, racontée par des mythomanes qui ont fait leur blé sur la crédulité des gens fragiles — non, je ne parle pas de Hollywood). On voit ça ironiquement évoqué dans The Nice Guys que je n’ai pas commenté, mais où, grosso modo, des professionnels du porno prennent prétexte de faire un film de boules dans le but de faire passer un message autrement plus politique… Personne ne peut prendre ça au sérieux. Pourtant, si, dans The Conjuring, on se prend tellement au sérieux qu’on nous rappelle en introduction, et en conclusion, que tout cela est vrai. Même, cerise sur le gâteau, que Dieu et le diable existent (peut-être bien qu’ils ont vu le film ensemble d’ailleurs, relaxes sur le canapé). Des démons, j’en n’ai jamais rencontrés, en revanche, des escrocs qui prétendent en avoir vu, ça existe, et je pourrais (con)jurer sur la Bible qu’on en trouve une bonne pelletée derrière ce film.

C’est du cinéma, ça ne fera peur qu’aux enfants et aux personnes fragiles. Les autres hausseront les épaules et continueront leur chemin, lentement, vers le cimetière d’où ils auront la certitude de ne jamais revenir. Et de ne plus emmerder qui que ce soit. Seuls hantent nos villes, les escrocs de passage qui tapent à la porte et spéculent sur nos peurs. Fuyez, diable !



 

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Into the Inferno, Werner Herzog (2016)

Note : 2.5 sur 5.

Into the Inferno

Titre français : Au fin fond de la fournaise

Année : 2016

Réalisation : Werner Herzog

Coq à l’âne géo-mystique explosant le bilan carbone de son réalisateur.

Les passages “humains” dans lesquels Herzog laisse des indigènes déblatérer leurs croyances tout en trouvant ça sans doute fort spirituel, sont prodigieusement ennuyeux pour le rationnel que je suis. Le passage en Éthiopie est incompréhensible (énorme digression archéologique) ; l’autre en Corée du Nord a au moins l’avantage de présenter un intérêt historique (je n’avais aucune connaissance de ce volcan, de sa caldeira et de l’éruption qui les ont constitués il y a mille ans, et bien sûr encore moins de l’importance symbolique pour les Coréens de ce lieu).

On peut aussi noter que les excès personnels et habituels d’Herzog, sa passion pathologique pour les hommes un peu perchés (la fascination du cinéaste pour les hauteurs), contaminent ici ses sujets à dose homéopathique : c’est peut-être peu de chose, mais perso ça m’agace de voir un archéologue grande gueule américain tailler un arbre de la brousse éthiopienne pour pouvoir y faire passer plus aisément son 4X4 (on est dans le désert, hein, le bois que tu coupes, tu n’es pas sûr de le voir repousser spontanément ailleurs — oui, parce que les Éthiopiens sont aussi les champions du monde du replantage, mais avec quel résultat…) ; ou encore voir un autre type balayer de ses doigts nus les pages d’un vieux codex en ruine pour faire joli devant la caméra.

Bref, des passages ici ou là pour Werner pour un film qui ne fait que passer.


 

 


 

La méthode scientifique à l’épreuve de… la method

Les capitales

Science, technologie, espace, climat

Réponse à un numéro du poscast Podcast Science (mai 2019) intitulé « Et si la méthode scientifique n’était pas la seule manière de construire de la connaissance ? » par Nicotupe :

(En réalité, il est surtout question de théâtre)

Pas mal d’approximations historiques dans ce podcast.

D’abord, j’ai du mal à saisir l’approche consistant à rapprocher les méthodes de jeu à une certaine forme de connaissance scientifique… Il est question de « techniques » ou « d’esthétiques » et on est plus près de l’artisanat que de la science. Un artisan, quand il met au point un objet, une œuvre, il obéit à certains principes « méthodiques » qu’il tient d’un maître ou de sa propre expérience. C’est de la « technique », pas de la « science ». Bref, passons.

En matière de « connaissances », en science, comme en technique ou en art, on peut se référer à l’histoire pour faire un éventail plus ou moins détaillé et juste de tous les prédécesseurs ayant dû répondre aux mêmes questions avant nous. Une histoire des techniques de l’acteur en l’occurrence ici. Et la connaissance de l’intervenant lors de cette émission me semble plutôt sommaire, voire inexacte donc. En techniques de jeu comme en science, il vaut mieux ne pas partir sur des idées reçues ou de mauvaises informations, à défaut de quoi ses « connaissances » n’en sont plus.

Du peu que j’en connaisse de l’histoire de ces techniques, quelques mises au point. Il est faux de dire (je paraphrase) qu’il y aurait une sorte d’axe Stanislavski-Actors-Studio ayant inventé à lui seul une technique de jeu à la fois moderne, réaliste et largement répandue parmi les acteurs actuels. Ceci a même été accompagné de l’assertion selon laquelle si le cinéma américain avait gagné une telle importance, que c’était parce qu’elle avait été en quelque sorte à l’avant-garde (ou s’était faite le relais) de ces techniques inventées en Russie par Stanislavski…

D’abord, Stanislavski ne s’est pas réveillé un matin en se disant que les méthodes de jeu de la fin du XIXᵉ siècle n’avaient rien de réaliste. Le théâtre bourgeois, partout en Europe, à l’époque, déjà réclamait plus de « naturalisme » qu’avec les pièces classiques, elles-mêmes parfaitement adaptées à leur époque, aux salles dans lesquelles elles étaient jouées, à leur public et aux traditions auxquelles elles se référaient. Stanislavski devaient à cette époque mettre en scène (une notion qui alors n’existe pas encore me semble-t-il) Tchékhov. Et du Tchékhov, ce n’est pas vraiment ce qu’on pourrait appeler du théâtre déclamé. Il y a donc pas mal du contexte qui impose à un « régisseur » de l’époque à adopter de nouvelles techniques pour mettre en scène un tel auteur. Je doute par exemple qu’Ibsen ait été joué à l’époque à la manière des acteurs de théâtre classique, mais bien avec des techniques adaptées à la nature (réalistes, psychologiques) de ses textes…

Par la suite, Stanislavski n’est pas resté un « savant » isolé en Europe (on se rapproche légèrement ici du mythe de Galilée et du génie seul contre tous) vite récupéré par les Américains. L’Europe, et en particulier l’Europe de l’est et la Russie fourmille d’idées, de propositions esthétiques, de théories de jeu, de méthode, entre les deux guerres. Piscator, Meyerhold sont parmi les plus connus. Et eux aussi auront une influence sur les acteurs et metteurs en scène new-yorkais de la génération suivante. En France, ça discute ferme aussi à cette époque, et le chantre du naturalisme s’appelle André Antoine (également cinéaste, on peut voir quel degré de « vérité » il atteignait sans pour autant adopter des techniques stanislavskiennes dans ses films).

Aux États-Unis, d’abord à New-York (même si le cinéma à Hollywood bénéficia aussi très tôt, non pas des recherches locales en matière esthétique, mais de l’apport de tous ces réfugiés qui fuyaient l’Europe alors : ici pas de Stanislavski, mais on peut évoquer par exemple Boleslawski qui tout en se disant adepte de Stanislavski allait sans doute peut-être plus à ses acteurs américains transmettre ses propres principes) on hérite des interrogations foisonnantes en Europe. Et si Stanislavski peut peut-être alors tenir le haut du pavé quant aux types de « méthodes » les plus populaires ou discutées, il n’est pas le seul messie à cette époque. En fait, s’il apparaît si important aujourd’hui, c’est principalement grâce à la renommée de l’Actors Studio se revendiquant de lui. Mais perso, je relie pas mal cela au téléphone arabe : ce n’est pas en lisant ses deux manuels de techniques de l’acteur qu’on peut se représenter ce que lui voulait voir sur scène, surtout quand on sait que son approche a évolué au fil du temps, comme pour tout le monde d’ailleurs (sauf pour les ayatollahs de la « method » qui arriveront un peu après).

Des acteurs connus qu’on liera par la suite à l’Actors Studio, et donc à Stanislavski, ont par ailleurs étudié, expérimenté, pris connaissance d’autres « méthodes » ou « techniques » issues de ce foisonnement européen. Et c’est seulement, d’abord avec le succès de Elia Kazan au cinéma avec Brando en tête d’affiche mettant là encore un cinéma (comme autrefois le théâtre réaliste de Tchékhov) réaliste adaptant Tennessee Williams, puis surtout avec deux ou trois acteurs dans le cinéma du Nouvel Hollywood (Al Pacino et Robert de Niro) que cette méthode, et cette école, a été popularisée. En aucun cas, cela signifie qu’il y a un consensus autour d’elle, qu’elle est largement suivie et répandue, même aux États-Unis, ou pire, qu’elle explique ou précède la réussite ou l’hégémonie américaine en matière de cinéma. Il faut comparer ça avec l’expansion du christianisme : à l’antiquité, les messies étaient nombreux, et c’est sa lignée, son héritage qui s’est propagée par la suite en en modifiant probablement pas mal le sens.

Et de fait, puisqu’il a été question dans le podcast de sociologie, il serait intéressant de proposer une photographie sociale de ce que pensent les acteurs majeurs du cinéma et du théâtre actuels de cette « méthode ». Je ne serais pas loin de penser qu’on ne serait pas loin des réactions des physiciens quand on leur évoque l’adjectif « quantique ». L’Actors Studio, c’est un peu la méthode du jeu d’acteurs pour les nuls. Et on est un peu tombés là-dedans dans cette émission.

Bref, merci pour les autres podcasts de qualité.

(Aucune réponse, mais j’ai l’habitude des monologues. C’est pourquoi aussi je recycle ici.)

Le Visage, Ingmar Bergman (1958)

Ansiktet

Note : 4.5 sur 5.

Le Visage

Titre original : Ansiktet

Année : 1958

Réalisation : Ingmar Bergman

Avec : Max von Sydow, Ingrid Thulin, Gunnar Björnstrand, Naima Wifstrand, Bengt Ekerot, Bibi Andersson, Gertrud Fridh, Lars Ekborg, Erland Josephson

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Ainsi fond, fond, fond, le masque envoûtant des apparences…

Duel quasi ogival entre le visage d’une science miraculeuse et une autre, moderne. Comme le passage en surimpression d’un monde à un autre.

Bergman et son goût pour les troubadours, les escrocs, les masques… Je ne suis pas un grand admirateur de La Nuit des forains, mais on y aurait trouvé la distribution du Visage que ç’aurait peut-être tout changé (avec Max von Sydow en clown notamment). On y trouve là peut-être, en dehors d’Harriet Andersson et de Liv Ullman, tous les meilleurs acteurs du maître suédois. Une concentration de talent exceptionnelle. Bergman et son chef opérateur (le même que celui des Fraises sauvages, de Jeux d’été ou de Sourires d’une nuit d’été, avec cette jolie surexposition champêtre qu’on retrouvera également dans La Source) baignent tout ça dans une atmosphère à la fois mystérieuse et pleine de fantaisie qui manquait peut-être à mon goût pour La Nuit des forains. Sans compter que celui-ci est beaucoup plus concentré, théâtral, car tourné en adoptant quasiment le principe du huis clos (tout se passe dans une grande maison bourgeoise). Des troubadours sédentarisés, c’est bien ça aussi la réussite étrange de cet opus, intense par ailleurs d’un bout à l’autre.

Une tragédie comique basée aussi sur un principe dramaturgique vieux comme le monde : la mise en parallèle de deux lignes dramatiques, l’une générale, contextuelle, avec un objectif défini et annoncé, et l’autre plus intime qui viendra chahuter la première jusqu’à ce qu’elles finissent dans un dénouement par se mêler.


Le Visage, Ingmar Bergman 1958 Ansiktet | Svensk Filmindustri


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Rationalisme et scepticisme, méthode scientifique, doute

 

 

 

 

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Réponse apportée à la question du scepticisme

Il faudrait sans doute commencer l’apprentissage des sciences par le commencement, c’est ça qui est un peu idiot et qui entraîne des comportements assez peu “conforme” à l’esprit scientifique. L’histoire des sciences (et donc des “paradigmes”), la logique, les pièges de la rhétorique, les biais cognitifs, l’histoire des supercheries, l’épistémologie, etc. En fait, on commence par les mathématiques, ce qui est une base logique (elles mènent à la philosophie et à la physique) et très vite apparaît l’enseignement de la physique ; c’est un peu un contresens. Si tu n’enseignes pas le doute, l’esprit de recherche, la connaissance de l’importance des erreurs dans l’histoire, tu es incapable d’avoir ce recul “sceptique” sans quoi il n’y a pas de méthode scientifique. On enseigne aux petits la physique comme on enseigne le coran dans une madrasa, ce qui peut bien sûr provoquer par la suite une approche dogmatique de leur pratique.

Cependant, il me semble que la recherche se fait en équipe et que dans une discipline particulière on parle toujours de « communauté scientifique ». Or, si individuellement, on peut imaginer que certains éléments de cet ensemble puissent manquer de “scepticisme” (pour faire court), il n’en reste pas grand-chose au niveau du discours “officiel” (comme aiment à le décrire certains), c’est-à-dire quand la “communauté” s’entend sur un consensus. On peut difficilement penser qu’à ce niveau, il reste encore des dogmes, l’expression d’intérêts ou de biais personnels. La question des “scientifiques” a surtout un sens quand on la comprend entant que communauté, parce que prise individuellement, finalement, si certains ont des “croyances” ou manquent de discipline rationnelle, il n’en restera rien dans ce qui est essentiel pour la recherche : l’expression d’un consensus (et avec cette idée de consensus, c’est déjà les idées de dogme, d’aboutissement, de certitudes, qui volent en éclats). Si l’ensemble de la communauté respecte les principes de la méthode scientifique, il n’y a aucune raison de penser que cette communauté puisse dans son ensemble manquer de scepticisme. Après, il y a peut-être une différence fondamentale entre sciences dures et sciences humaines…

Il y a une confusion souvent en français avec le terme de “sceptique” qui dans le langage courant signifie “douteux” et qui pour les « sceptiques scientifiques » seraient plus synonyme de “scientisme” (perso, je préfère parler de scientisme quand on est dans le dogme, à l’absence d’ouverture, donc le refus de toute possibilité de “doute” — une des grandes “vertus” pourtant de la science est d’être capable de dire qu’elle n’a pas réponse à tout, ou qu’elle ne sait pas, on ne sait pas encore avec certitude) ou de zététique.

N’étant pas scientifique moi-même, j’essaie d’appliquer ce “scepticisme” dans mes “croyances” personnelles et cela jusqu’à la perception de l’art et en particulier du cinéma, et là aussi on me reproche souvent mon “nihilisme”. En l’occurrence ici, en l’absence de méthode ou de paradigme, chacun forge un peu tout seul ses propres conceptions, et on se heurte trop souvent à celles des voisins (mais c’est bien cette absence de “canon” qui participe à l’intérêt de l’art, et ça ne me semble pas si éloigné de la science, chaque artiste devant chercher à créer sa propre cohérence à l’intérieur de son œuvre).

En revanche, les reproches faits aux sceptiques scientifiques vont très souvent bien au-delà de leurs certitudes. Bien sûr, le scepticisme n’est pas une discipline en soi ; c’est une posture, une méfiance rationnelle, qui se veut rigoureuse, une modération, un recul… (une forme d’ascétisme, si j’osais). Il doit donc se pratiquer dans sa vie de scientifique, tous les jours et pour toute chose, en particulier quand il est question de juger de son propre travail et de celui de ses pairs. Mais pour les côtoyer parfois en dehors de ce cadre (encore une fois je n’ai aucune formation scientifique), ils sont surtout amenés à s’exprimer, ou à exprimer ce “scepticisme” dans le cadre des discussions scientifiques ou pseudo-scientifiques ouvertes à tous et qui se sont multipliées depuis Internet. Or là, il y a de très nombreuses critiques à faire concernant ces “dialogues” ou “échanges” qui vont donc bien au-delà des simples certitudes de quelques-uns. D’abord, l’expression de ce “scepticisme” s’exerce le plus souvent en dehors de leur champ de compétence (on ne sait d’ailleurs jamais qui est spécialiste de quoi, et souvent les intervenants n’ont aucune formation particulière — ça a en revanche une vertu, celle d’échapper à pas mal d’arguments d’autorité, même si au final, l’autorité devient celle de la renommée — ce n’est donc pas forcément mieux). On peut voir ça comme un problème parce qu’on entend souvent dire qu’on est “sceptique” dans un domaine qu’on connaît, a fortiori dans son domaine de prédilection ou sa spécialité, et qu’on peut ne pas l’être dans un tout autre domaine (par manque de connaissance, à cause de préjugés, etc. ici les scientifiques dans des domaines qui ne sont pas les leurs ne seront pas forcément mieux armés que les non scientifiques — c’est en tout cas une forme de scepticisme qu’ils expriment souvent eux-mêmes). Par ailleurs, on peut voir ces échanges interdisciplinaires comme des pratiques ou des exercices enrichissants justement parce qu’ils permettent d’être confrontés à des logiques ou des méthodes différentes (donc prendre du recul sur ses propres pratiques, avoir un regard critique sur sa discipline, etc.) On peut donc voir ça comme des forums (au sens presque premier) où tout sujet devient prétexte à un exercice d’échange, de débats, et… d’engueulades. Plus que des certitudes, ce qui leur est reproché, c’est surtout une absence de volonté d’échanger, d’expliquer ; et ça peut se comprendre, avec des pseudoscientifiques ou des naïfs venant faire part de leurs interrogations (ou formidables découvertes). Le “scientifique” ici finit par manquer de patience et peut donner en effet l’impression qu’il a la tête faite de plein de certitudes ; mais je pense que c’est surtout une fatigue de devoir « faire la leçon » à des apprentis savants, des rigolos, des ignares, et même souvent des fous. Or — et là je me fourvoie peut-être complètement — mais il me semble qu’il y a là, dans ces échanges, un formidable outil de promotion, à la fois de la science, mais aussi et surtout de l’esprit scientifique, de la rigueur, du “cartésianisme” (au sens populaire). Et Dieu sait si notre monde fourmille d’idées à la con, de croyances rigolotes mais potentiellement dangereuses, et pour lesquelles ces échanges, parfois confus, qui n’ont évidemment rien de scientifiques (et souvent même rien de sceptiques, il faut être honnête — il y a des idiots partout, les “sceptiques” n’échappent pas à la règle), sont des mines.

Cet enseignement, ce savoir, si on ne nous le transmet pas dans les premières années de notre vie (on a bien des cours d’éducation civique, on pourrait aussi avoir des cours d’éducation logique…), il n’est pas inutile de pouvoir découvrir certains principes plus tard, si ce n’est donc à travers une pratique sérieuse de la science, à travers de tels “forums”. Étant “littéraire” à la base, je peux dire que je n’ai eu aucune de ces notions qui sont propres à la méthode scientifique ; et les découvrir, même en simple observateur, en dilettante, je crois, entant que citoyen ou qu’homme, m’a été très utile (même si bien sûr, je serai toujours incapable de raisonner avec une logique “scientifique”).

Peu importe donc si certains effectivement font preuve de certitudes, d’un faible esprit pédagogique, manque de patience, ou se révèle comme certains pas du tout “sceptiques”. L’important en les côtoyant est de s’interroger sur soi-même sur ce à quoi on croit, sur notre capacité à douter, sur notre capacité à reconnaître certaines erreurs, certaines méprises, les supercheries, à se pousser à raisonner rationnellement, justement en évitant les certitudes… Et pour reprendre la phrase que je citais précédemment, là où ça devient intéressant, là où les “sceptiques” et de manière générale les “scientifiques” deviennent encore plus utiles (ou font comprendre leur utilité — combien de fois on peut entendre dire « à quoi ça sert ces trucs, franchement ? »), c’est quand ils appliquent leur scepticisme… non pas à eux-mêmes, mais aux autres. Pour les autres, pour la collectivité, pour la connaissance (populaire). Qu’ils soient sceptiques, j’aimerais dire « j’espère bien ! c’est la moindre des choses », mais qu’ils aident la société à l’être un peu plus, voilà qui devient “intéressant”.

(J’ai essayé de faire un effort de concision au début, et puis… Comme j’ai souvent les idées qui se faufilent sur les routes comme un grand jour de départ en vacances, c’est l’embouteillage.)


 

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