Rationalisme et scepticisme, méthode scientifique, doute

 

 

 

 

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Réponse apportée à la question du scepticisme

Il faudrait sans doute commencer l’apprentissage des sciences par le commencement, c’est ça qui est un peu idiot et qui entraîne des comportements assez peu “conforme” à l’esprit scientifique. L’histoire des sciences (et donc des “paradigmes”), la logique, les pièges de la rhétorique, les biais cognitifs, l’histoire des supercheries, l’épistémologie, etc. En fait, on commence par les mathématiques, ce qui est une base logique (elles mènent à la philosophie et à la physique) et très vite apparaît l’enseignement de la physique ; c’est un peu un contresens. Si tu n’enseignes pas le doute, l’esprit de recherche, la connaissance de l’importance des erreurs dans l’histoire, tu es incapable d’avoir ce recul “sceptique” sans quoi il n’y a pas de méthode scientifique. On enseigne aux petits la physique comme on enseigne le coran dans une madrasa, ce qui peut bien sûr provoquer par la suite une approche dogmatique de leur pratique.

Cependant, il me semble que la recherche se fait en équipe et que dans une discipline particulière on parle toujours de « communauté scientifique ». Or, si individuellement, on peut imaginer que certains éléments de cet ensemble puissent manquer de “scepticisme” (pour faire court), il n’en reste pas grand-chose au niveau du discours “officiel” (comme aiment à le décrire certains), c’est-à-dire quand la “communauté” s’entend sur un consensus. On peut difficilement penser qu’à ce niveau, il reste encore des dogmes, l’expression d’intérêts ou de biais personnels. La question des “scientifiques” a surtout un sens quand on la comprend entant que communauté, parce que prise individuellement, finalement, si certains ont des “croyances” ou manquent de discipline rationnelle, il n’en restera rien dans ce qui est essentiel pour la recherche : l’expression d’un consensus (et avec cette idée de consensus, c’est déjà les idées de dogme, d’aboutissement, de certitudes, qui volent en éclats). Si l’ensemble de la communauté respecte les principes de la méthode scientifique, il n’y a aucune raison de penser que cette communauté puisse dans son ensemble manquer de scepticisme. Après, il y a peut-être une différence fondamentale entre sciences dures et sciences humaines…

Il y a une confusion souvent en français avec le terme de “sceptique” qui dans le langage courant signifie “douteux” et qui pour les « sceptiques scientifiques » seraient plus synonyme de “scientisme” (perso, je préfère parler de scientisme quand on est dans le dogme, à l’absence d’ouverture, donc le refus de toute possibilité de “doute” — une des grandes “vertus” pourtant de la science est d’être capable de dire qu’elle n’a pas réponse à tout, ou qu’elle ne sait pas, on ne sait pas encore avec certitude) ou de zététique.

N’étant pas scientifique moi-même, j’essaie d’appliquer ce “scepticisme” dans mes “croyances” personnelles et cela jusqu’à la perception de l’art et en particulier du cinéma, et là aussi on me reproche souvent mon “nihilisme”. En l’occurrence ici, en l’absence de méthode ou de paradigme, chacun forge un peu tout seul ses propres conceptions, et on se heurte trop souvent à celles des voisins (mais c’est bien cette absence de “canon” qui participe à l’intérêt de l’art, et ça ne me semble pas si éloigné de la science, chaque artiste devant chercher à créer sa propre cohérence à l’intérieur de son œuvre).

En revanche, les reproches faits aux sceptiques scientifiques vont très souvent bien au-delà de leurs certitudes. Bien sûr, le scepticisme n’est pas une discipline en soi ; c’est une posture, une méfiance rationnelle, qui se veut rigoureuse, une modération, un recul… (une forme d’ascétisme, si j’osais). Il doit donc se pratiquer dans sa vie de scientifique, tous les jours et pour toute chose, en particulier quand il est question de juger de son propre travail et de celui de ses pairs. Mais pour les côtoyer parfois en dehors de ce cadre (encore une fois je n’ai aucune formation scientifique), ils sont surtout amenés à s’exprimer, ou à exprimer ce “scepticisme” dans le cadre des discussions scientifiques ou pseudo-scientifiques ouvertes à tous et qui se sont multipliées depuis Internet. Or là, il y a de très nombreuses critiques à faire concernant ces “dialogues” ou “échanges” qui vont donc bien au-delà des simples certitudes de quelques-uns. D’abord, l’expression de ce “scepticisme” s’exerce le plus souvent en dehors de leur champ de compétence (on ne sait d’ailleurs jamais qui est spécialiste de quoi, et souvent les intervenants n’ont aucune formation particulière — ça a en revanche une vertu, celle d’échapper à pas mal d’arguments d’autorité, même si au final, l’autorité devient celle de la renommée — ce n’est donc pas forcément mieux). On peut voir ça comme un problème parce qu’on entend souvent dire qu’on est “sceptique” dans un domaine qu’on connaît, a fortiori dans son domaine de prédilection ou sa spécialité, et qu’on peut ne pas l’être dans un tout autre domaine (par manque de connaissance, à cause de préjugés, etc. ici les scientifiques dans des domaines qui ne sont pas les leurs ne seront pas forcément mieux armés que les non scientifiques — c’est en tout cas une forme de scepticisme qu’ils expriment souvent eux-mêmes). Par ailleurs, on peut voir ces échanges interdisciplinaires comme des pratiques ou des exercices enrichissants justement parce qu’ils permettent d’être confrontés à des logiques ou des méthodes différentes (donc prendre du recul sur ses propres pratiques, avoir un regard critique sur sa discipline, etc.) On peut donc voir ça comme des forums (au sens presque premier) où tout sujet devient prétexte à un exercice d’échange, de débats, et… d’engueulades. Plus que des certitudes, ce qui leur est reproché, c’est surtout une absence de volonté d’échanger, d’expliquer ; et ça peut se comprendre, avec des pseudoscientifiques ou des naïfs venant faire part de leurs interrogations (ou formidables découvertes). Le “scientifique” ici finit par manquer de patience et peut donner en effet l’impression qu’il a la tête faite de plein de certitudes ; mais je pense que c’est surtout une fatigue de devoir « faire la leçon » à des apprentis savants, des rigolos, des ignares, et même souvent des fous. Or — et là je me fourvoie peut-être complètement — mais il me semble qu’il y a là, dans ces échanges, un formidable outil de promotion, à la fois de la science, mais aussi et surtout de l’esprit scientifique, de la rigueur, du “cartésianisme” (au sens populaire). Et Dieu sait si notre monde fourmille d’idées à la con, de croyances rigolotes mais potentiellement dangereuses, et pour lesquelles ces échanges, parfois confus, qui n’ont évidemment rien de scientifiques (et souvent même rien de sceptiques, il faut être honnête — il y a des idiots partout, les “sceptiques” n’échappent pas à la règle), sont des mines.

Cet enseignement, ce savoir, si on ne nous le transmet pas dans les premières années de notre vie (on a bien des cours d’éducation civique, on pourrait aussi avoir des cours d’éducation logique…), il n’est pas inutile de pouvoir découvrir certains principes plus tard, si ce n’est donc à travers une pratique sérieuse de la science, à travers de tels “forums”. Étant “littéraire” à la base, je peux dire que je n’ai eu aucune de ces notions qui sont propres à la méthode scientifique ; et les découvrir, même en simple observateur, en dilettante, je crois, entant que citoyen ou qu’homme, m’a été très utile (même si bien sûr, je serai toujours incapable de raisonner avec une logique “scientifique”).

Peu importe donc si certains effectivement font preuve de certitudes, d’un faible esprit pédagogique, manque de patience, ou se révèle comme certains pas du tout “sceptiques”. L’important en les côtoyant est de s’interroger sur soi-même sur ce à quoi on croit, sur notre capacité à douter, sur notre capacité à reconnaître certaines erreurs, certaines méprises, les supercheries, à se pousser à raisonner rationnellement, justement en évitant les certitudes… Et pour reprendre la phrase que je citais précédemment, là où ça devient intéressant, là où les “sceptiques” et de manière générale les “scientifiques” deviennent encore plus utiles (ou font comprendre leur utilité — combien de fois on peut entendre dire « à quoi ça sert ces trucs, franchement ? »), c’est quand ils appliquent leur scepticisme… non pas à eux-mêmes, mais aux autres. Pour les autres, pour la collectivité, pour la connaissance (populaire). Qu’ils soient sceptiques, j’aimerais dire « j’espère bien ! c’est la moindre des choses », mais qu’ils aident la société à l’être un peu plus, voilà qui devient “intéressant”.

(J’ai essayé de faire un effort de concision au début, et puis… Comme j’ai souvent les idées qui se faufilent sur les routes comme un grand jour de départ en vacances, c’est l’embouteillage.)


 

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