Ministre de la Défense, Black Panther et ironie

Le fascisme afro-américain guidant le peuple : Black Panther : Wakanda Forever, Ryan Coogler 2022 | Marvel, Disney

Un ministre de la Défense s’insurge de l’image faite de l’armée française dans un film de fiction (Black Panther), on ironise en rappelant que depuis Shakespeare la fiction se permet de telles « irrévérencieuses » historiques. Je réponds :

C’est bien d’ironiser, sauf que c’est une forme de soft-power qui a ses effets. Même quand Billy se moquait de Jeanne d’Arc, ça avait ses conséquences. On nourrit ainsi des stéréotypes qui peuvent avoir des conséquences bien réelles. Si des idiots peuvent s’appuyer sur le Coran et adopter tout un narratif antifrançais pour faire des attentats, un narratif Disney a ce même pouvoir.

En revanche, effet Streisand oblige, la remarque du ministre est stupide parce qu’on répond à du soft-power défavorable en développant son propre soft-power, surtout pas en remettant une pièce dans la machine qui nous est défavorable.

En matière de soft-power, la vérité a peu d’importance. Seules comptent les cibles. L’Amérique se rachète une conscience en tapant sur ceux que Bill moquait déjà : les Français. Après les stéréotypes sur les Noirs, les Noirs américains se vengent sur les “Français”. Les Blancs américains tapaient sur les Noirs parce qu’ils les savaient sans défense. Le Noir américain (ou Wakandien) se doit désormais d’adopter les mêmes stéréotypes virilistes de ses frères US en tapant sur un bouc-émissaire sans défense : le Français. On ne rit pas. Dans l’imaginaire culturel américain, le Français, c’est le stéréotype du soft (pas power) et du guerrier qui bat retraite. C’est dire si l’imaginaire Disney pue du cul : le Wakanda, c’est une promotion pour les Noirs du fascisme.

Au lieu de s’en prendre, dans leur imaginaire, à des cultures qu’on associe à la puissance comme la Russie ou la Chine, on s’attaque à une autre qui a la réputation d’être faible. Le Wakanda n’a rien d’une nation africaine colonisée, c’est une version noire de l’Amérique fasciste rêvée par l’extrême-droite. Comme son pendant réel (l’Amérique, mais comme toutes les nations fascistes), le Wakanda a besoin d’ennemis pour justifier de son existence. Elle n’a même pas le courage de s’inventer des ennemis à sa mesure. On tape sur la pucelle d’Orléans comme on tapait sur les Noirs dans le Sud américain. Le fasciste est toujours très courageux.

Qu’un ministre réponde à ça, c’est ridicule. Reste que la critique des stéréotypes antifrançais dans ces séquences reste justifiée. Comme on peut trouver justifié de ne pas rire de la Jeanne d’Arc de Shakespeare après plusieurs siècles ou du traitement fait des Arabes et des Chinois au cinéma.