
Top des meilleurs vaisseaux spatiaux
… essentiellement dans les films et dans les dessins-animés (séries ou anime)
En réponse à un tweet de Nicolas Martin de La Méthode scientifique où il demandait quels étaient nos vaisseaux spatiaux préférés en vue d’une émission « vendredi SF » sur les vaisseaux spatiaux dans la culture, j’avais fait un petit top4. En attente de son émission (et accessoirement du lancement ce matin de la Crew2 de SpaceX en direction de la station internationale avec notre Thomas Pesquet national), j’agrémente donc mon choix de quelques entrées et commentaires.
Pourquoi est-ce que ce sujet vaut un petit top ? Eh bien, simplement pour la passion… Je crois faire partie d’une génération biberonnée à la culture SF avec La Guerre des étoiles et peut-être plus encore à celle des mangas (anime) qu’on nous refourguait sans trop de distinction d’abord à RécréA2 puis au Club Dorothée. Je regardais tout, à la fois les dessins animés pour les filles comme ceux pour les garçons (je l’ai déjà dit, mais pour moi, en plus de nous préparer à la violence, ces dessins animés faisaient exploser les codes de genres : Princesse Sarah, Candy, Jeanne et Serge, Gigi, Cats Eyes…, voilà une ribambelle de programmes destinés sans doute au départ, au Japon, pour des filles, mais qui étaient regardés en France sans trop de distinction par tous dans les cours d’école). À cette époque, c’est l’explosion des séries de science-fiction dans l’espace. Pour ne citer que quelques-unes de mes préférées : La Bataille des planètes, Albator, Capitaine Flam, Goldorak, Cobra, Robotech Macross, Jayce et les conquérants de la lumière, Ulysse 31, Silverhawks, puis d’autres évoluant sur Terre mais toujours SF : M.A.S.K, Les Chevaliers du zodiaque, Les Mystérieuses cités d’or (avec son vaisseau pas si éloigné du sujet, mais lui bien “terrien”), Cosmocats. Il y a dans le lot encore beaucoup de séries coproduites par les Américains (voire les Français), mais le gros du morceau se fera toujours plus du côté du Japon, et toujours plus du côté du merveilleux, de la SF, de l’histoire et de l’espace…
Au milieu de tous ces dessins animés, le cinéma, lui, fait assez pâle figure, je dois l’avouer. C’est pourtant probablement Star Wars qui a donné le ton pour les décennies suivantes, même s’il me semble que les anime ont pris leur essor grâce à une série antérieure, Astro Boy, dont j’ai probablement suivi la version upgradée de 1980. Avec le film de George Lucas, il n’y a guère que 2001 de Kubrick, tout ce qui précède paraît, et paraissait à l’époque, folklorique. Viendra ensuite la série des Alien. Mais globalement, les grandes réussites en matière de SF spatiale dans le cinéma sont extrêmement rares, et par conséquent les vaisseaux qu’on y trouve font assez peu rêver. Parce que oui, les vaisseaux, ça fait partie du décor, et peut-être même un peu plus dans un film de SF spatiale : un engin, parfois même des micro-cités, c’est parfois un personnage à part entière d’un film, c’est en tout cas un arrière-plan qui affecte plus que dans tout autre genre le premier plan. Ironiquement d’ailleurs, c’est la réalité qui risque de ressembler à ces images que l’on croyait vieillotte du spatial, puisqu’à regarder de plus près les formes envisagées du Lunar Spaceship de SpaceX, choisi ce mois-ci par la Nasa pour ramener des humains sur la Lune, rappelle finalement assez bien une des premières représentations de fusée sur la Lune, celle imaginée par Fritz Lang dans La Femme sur la Lune (1929).
Assez de blabla et place à ma sélection.
1. Le Super Dimension Fortress de Robotech Macross

Le Super Dimension Fortress, Robotech Macross (Big West, MBS, Studio Nue)
Le bien nommé SDF représente sans doute à lui seul ce qui me faisait le plus rêver dans les séries SF spatiales de l’époque : le gigantisme, l’inconnu (ou le mystère) et le secret. J’ai revu la série il y a une petite dizaine d’années et ma fascination pour cet objet était restée intacte (tout autant que des scaphandres de transformation vus dans une autre partie de la série). Voilà donc un vaisseau dont on ignore au début de la série l’origine et qui se pointe sur Terre avec toute sa technologie qu’on ne comprend pas encore. De mémoire, cet événement à lui seul oblige les humains de la planète à s’unir, à lancer des programmes de recherche pour apprendre à comprendre son fonctionnement et tout ce qu’on apprend de l’univers à travers lui. Le mystère, c’est que cette chose tombe littéralement du ciel comme un cadeau (du ciel), c’est le feu remis aux hommes par un Titan… et la punition ne tardera pas à venir (arrivée des extra-terrestres cherchant à s’emparer de la forteresse). Entre temps, les humains auront appris à étudier le mastodonte, et dans ma mémoire, ils arrivent à en construire une autre pour se lancer à leur tour dans l’espace. C’est là que le récit devient tout aussi fantastique (dans tous les sens du terme) puisque tel l’Odysseus de Ulysse 31 ou l’Enterprise dans Star Trek, le Super Dimension Fortress errera plus dans l’univers qu’il n’y voyagera. Ce ne sera plus simplement un vaisseau, mais une cité errante loin de la Terre (qui n’est plus, comme dans Albator, qu’une image rêvée et nostalgique). En plus de ça, la forteresse dispose d’un dispositif très à la mode au point que ça constituera le motif répétitif de nombreuses séries : la transformation. La transformation, sans tomber dans la psychanalyse, ç’a toujours été un élément de ces séries et univers qui m’a amusé pour être une allégorie évidente de la transformation physique que connaissent les enfants à cette époque (Gigi, Goldorak, les Transformers, puis Patlabor et plein d’autres…). Et en écrivant cela, je me rends compte que beaucoup de ces éléments se retrouvent dans l’histoire que j’espère un jour pouvoir finir… où on y retrouve un vaisseau tellement immense et vieux qu’il en possède des recoins et des secrets à découvrir (que j’appelle l’Amérodon), et que l’aspect errant du vaisseau-cité, je l’ai appliqué à une… planète errante. De ce vaisseau disposant d’armes secrètes et dont la construction et l’origine sont inconnues, on en retrouvait pas mal dans le vaisseau (bien marin cette fois) aperçu dans Les Mystérieuses cités d’or.
2. L’Odysseus, Ulysse 31

L’Odysseus, Ulysse 31 (DIC, TMS Entertainment, CLT)
La série a une saveur particulière pour moi. De mémoire, elle était diffusée en marge des autres séries animées (le soir sur FR3 dans mon souvenir), et son approche antique, mythologique, voire tragique faisait de cet assemblage SF-mythologie quelque chose à la fois de surprenant, mais aussi et surtout, de bien flippant pour l’enfant que j’étais. Longtemps pour moi, cette série a été une représentation adulte de l’espace. Fantasmée, certes, mais adulte. Cela peut paraître curieux parce que la série compte nombre d’éléments clairement destinés aux enfants (Nono, Télémaque, etc.), mais en réalité beaucoup de ces éléments m’effrayaient : les extra-terrestres, les dieux sans empathie à côté desquels les hommes étaient des nains et des esclaves, et plus encore les compagnons d’Ulysse plongés dans un sommeil permanent et maintenus en lévitation dans une même chambre, sorte de purgatoire à « ciel ouvert ». À côté de ces éléments effrayants, il y avait tout l’aspect high-tech qui attirait mon regard comme une poitrine opulente pour un vieux vicieux (celui que je suis devenu) et m’obligeait (en plus du générique en français) à me placer devant le petit écran pour une série qui m’effrayait : tout l’attirail personnel d’Ulysse (ceinture de propulsion et épée laser doublée d’un pistolet), ainsi que ce fabuleux vaisseau d’une esthétique si originale et mystérieuse (voire d’une symbolique qui m’échappe, et pour le coup, alors qu’on est souvent dans les références phalliques concernant les vaisseaux, ici, à moins que cela fasse au contraire référence à un vagin ou à un ovule, c’est surtout son œil qui questionne, et pas grand-chose de plus).
3. L’Arcadia, Albator

Arcadia, Albator, version stimulateur clitoridien (Toei Doga)
Je m’amusais à noter dans ma réponse sur Twitter que dans les réponses données, l’Arcadia revenait souvent, mais dans une tout autre version que je trouve plus agressive et donc moins à mon goût : celle avec la tête de mort sur le devant. La forme du vaisseau est beaucoup moins originale que les deux précédents de ma liste, et si Albator lorgne largement sur la grande époque de la piraterie en mer, son vaisseau fait plus volontiers référence aux bâtiments de la marine du XXᵉ siècle. Ici, c’est un mélange de cuirassier et d’avion, avec plus qu’un ou deux éléments rappelant les vaisseaux pirates classiques. Mais ce qui est le plus remarquable pour moi, c’est qu’on est ici en plein dans la projection masculine, voire dans la construction typique d’une masculinité passant par l’objet. L’objet étant… son phallus. Celui-ci ne se transforme pas (encore), mais il est puissant, longiligne et tire des missiles (…). Et donc, ce qui m’amuse bien le plus, c’est de voir à quel point la version avec la tête de mort sur le devant ressemble encore plus à un pénis gorgé de testostérone assez peu avenant, et que cette version, en forme de tête de requin, plus effilée (avec un “l”, je dis ça pour les lacanistes), plus que ressemblante à un pénis ferait, étrangement, plus penser à un godemichet affublé de ses petits stimulateurs clitoridiens sur le devant (on voit même en son centre combien la prise en main est idéale…).
En réalité, je triche un peu, je mets l’Arcadia aussi haut dans mon classement pour ce que cette image représente pour moi, mais aussi parce qu’Albator est sans doute ce qui se fait de mieux dans le genre (avec, dans un tout autre style, Cobra). L’Arcadia, c’est paradoxalement l’élément le moins réussi dans le lot (de mémoire, il y a un autre vaisseau, à voiles, plus fascinant dans la série, mais je m’y perds un peu). La série a surtout été marquante pour sa représentation très XIXᵉ siècle de l’espace et par ses personnages, qu’ils soient masculins ou féminins, très « révolution sexuelle » des années 70 (avec l’exploit pour le coup, en dehors des vaisseaux, d’avoir des références sexuelles quasi inexistantes) : des personnages androgynes aux cheveux longs, tous longilignes (en dehors des pitres de service — les plébéiens contre les aristocrates — et des enfants) et à la fois rock’n’roll et déprimés (la fin de la baba cool attitude avec le dernier choc pétrolier qui comme chacun sait a eu beaucoup d’impact dans le milieu interstellaire représenté dans la série). Malheureusement, j’ai des souvenirs parcellaires de la série, alors même que c’est sans doute l’univers qui m’a le plus influencé, et cela, faute des diffusions chaotiques et incompréhensibles (je devais être trop jeune pour les toutes premières diffusions) et un peu aussi des multiplications des versions (78, 84… c’est un peu comme les coupes du monde, on s’y perd un peu).
Je garde précieusement un vieux 33 tours dont la pochette a manifestement servi à moi et à mon frère de support de coloriage :
(On voit bien sur la page de gauche des gribouillis qui annoncent assez bien mon style futur : j’essaie de me conformer à la règle dans un premier temps, et puis je pars pour de bon dans des circonvolutions extravagantes sans fin et plutôt embarrassantes. Il faut déployer les barrières de la liberté !… Ah, non, ce n’est pas ça, je suis une mouette.)
4. La frégate Nebulon, L’Empire contre-attaque

Frégate Nebulon L’Empire contre-attaque (Lucas Films)
Avant même le Faucon millénium, j’avoue avoir un petit faible, encore pour un vaisseau collectif, appartenant même à une flotte, et c’est peut-être même cette flotte qui vaudrait une entrée dans ce classement. À la fin de L’Empire contre-attaque, Luke est blessé, à l’image de la Rébellion, qui ne se compose donc plus que de ces quelques vaisseaux errant dans la galaxie en attendant de pouvoir trouver un port d’attache loin des regards de l’Empire. C’est une fin à la fin très sombre, mais qui annonce aussi un nouveau départ, une revanche, un retour, celui du Retour du jedi. Tous les appareils ont la même teinte cendrée (le symbole…) et pourraient même faire penser à des fantômes chassés de leur maison. On retrouve dans cette image quelque chose du 2001 de Kubrick. Ici, l’espace est un grand désert, et un peu comme dans certaines mythologies, les Rebelles vont devoir y passer leurs quarante jours (leur traversée du désert). On retrouve aussi ici en partie une autre image plus commune à la mythologie américaine avec ces convois de pionniers se lançant à l’assaut de l’Ouest (même si cette image est rarement utilisée en conclusion).
C’est donc dans ce contexte qu’apparaissent pour la première fois une poignée de vaisseaux qui annoncent la richesse de la flotte rebelle du volet suivant. Avec La Guerre des étoiles, les techniques d’imagerie étaient balbutiantes et George Lucas avait pu intégrer à son film que très peu d’effets spéciaux. Une grosse partie de l’argent gagné avec ce premier épisode (qui deviendra par la suite le 4) sera réinvestie pour cet épisode. Et au lieu de mettre tout ce nouveau savoir-faire au profit de séquences de batailles spatiales, de courses poursuites comme il en a l’habitude, Lucas peaufine le décor (certains diraient qu’il invente des jouets pour pouvoir les revendre à Noël, ce qui deviendra, c’est vrai, une grosse source de revenu pour Lucas). Et ça donne donc, en plus de la Cité des nuages, cette dernière séquence de quelques secondes précédée d’une autre, véritable épilogue du film, prenant place (si je me rappelle bien) dans une chambre de cette frégate médicale où Luke se fait rafistoler la main. Dans un décor, a fortiori ici dans un vaisseau, ce qui fascine, c’est moins l’esthétique ou la représentation visuelle d’un objet qui marque, mais cet objet au milieu de quelques autres, placé au centre d’une histoire souvent encore tragique (pas dans son déroulé, mais dans ses origines, car il faut toujours une harmatia violente, un événement tragique originelle, pour déclencher la quête du héros). Au même titre qu’un personnage n’a aucune consistance sans situation, sans trajectoire et destin, sans volonté propre, sans conflits, un décor, un simple vaisseau, n’est rien s’il n’est pas intégré dans un univers qui lui donne un sens. Un vaisseau (mais ça peut être une maison, un lieu, une voiture, un bateau) influence le décor général d’un récit, mais le récit même, avec tous les autres éléments décoratifs (qui sont loin donc d’être “décoratifs”) participe à modifier sa nature et donc lui donner son aura. J’ai parfois pris cette comparaison avec les cartes postales : quand je vois certains louer les qualités visuelles d’un film (ou d’une série, etc.) en en présentant des images arrêtées sorties de leur contexte (narratif, historique, décoratif), bien sûr que je peux moi aussi trouver n’importe lesquelles de ces images jolies, mais ce qui compte, ce n’est pas leur aspect (même si cela peut aussi arriver et si une richesse visuelle participe à cette impression) qui importe, mais bien la manière dont ces images sont intégrées à une histoire. C’est l’effet carte postale : les films de Beneix ou de Besson, on a souvent dit, à une époque, qu’ils étaient esthétisants mais creux. C’est beau comme des cartes postales, mais il leur manque quelque chose, peut-être cet aspect tragique originel, peut-être quelques éléments mystérieux suggérés aussi… Bref, une image dans un film ne compte pas que pour elle seule, et une image comme celle d’une flotte errante à la fin d’un film tragique, elle tient sa force pas seulement par ce qu’elle donne à voir, mais aussi par ce qu’elle ponctue en illustrant tout le drame passé et tous les espoirs futurs qu’il va falloir réanimer dans la douleur. Cette flotte, c’est un convoi funèbre qui marche derrière ses espoirs perdus. Et le dernier espoir, on le voit bien illustré dans le tout dernier plan du film quand ce qui reste de nos personnages se réunit et regarde à travers cette grande baie vitrée d’une frégate médicalisée pour se tourner vers le vide spatial où se cachent à la fois les ressources capables de les voir redresser la tête et l’objet de toute leur attention : une galaxie captive de l’Empire.
5. Le vaisseau serpent-modulaire de Cobra

Vaisseau de Cobra (TMS Entertainment)
Le premier vaisseau réellement “individuel” de ma liste. Cet engin étrange fait référence sans doute moins à un vaisseau tel qu’on l’entend dans la marine, et peut-être plus cette fois à un véhicule terrestre modulaire et volant. Une caravane. Cobra est pour moi une image essentielle de l’univers de la fin des années 70 et du début des années 80. C’est, me semble-t-il, un univers faussement masculin, testostéroné jusqu’à la satire ou la parodie. Cobra est, certes, un être grossier comme le sera plus tard Nicky Larson ou GTO, et révèle sans doute un côté viril japonais hors de contrôle et hors limite, mais c’est un peu à l’image des satires japonaises des années 60 où la sexualisation, et donc l’oppression et l’agressivité des hommes sur les femmes, était montrée de manière outrancière. Tout est phallique dans Cobra jusqu’à l’absurde. Cobra a un bras qui se change en canon (Luke qui perd sa main à côté n’a plus qu’à se rhabiller) et bien entendu son vaisseau symbolise le pouvoir érectile infini du personnage dont rêvent bien sûr (ou pas) tous les petits garçons.
Le personnage aurait été inspiré par Jean-Paul Belmondo, celui de Pierrot le fou puis de celui des films populaires des années 70. Aucune limite, un rapport permanent à la drague, au sexe (sans jamais le faire), mais cet excès me paraît être loin d’être obscène. Pas plus que ne l’est Bébel dans Le Magnifique. On adhère parce que cette masculinité envahissante est clairement tournée en dérision. C’est un exercice compliqué la satire, mais quand elle est réussie, ça fait mouche. Et avec Robotech, Albator, Princesse Sarah, certains aspects de Goldorak, ou Les Mystérieuses cités d’or, ce sont des univers SF ou historiques (parallèles en tout cas) qui ont forgé ma culture naissante. Et ce qui est fascinant dans cette caravane de l’espace, au-delà de sa transformation, c’est, comme je le précisais plus haut, la manière dont elle s’intègre au contexte, aux décors et au récit de la série. Cobra, c’est dans l’espace, mais son terrain de jeu de référence, ce serait sans doute beaucoup plus le Nevada avec des casinos perdus aux quatre coins de l’État comme autant d’oasis de luxe et de mauvaises relations. D’où la caravane. Un peu plus tard, on retrouvera ce même repaire mobile planté au milieu de nulle part dans K2000 (la voiture se cache dans un camion) ou dans M.A.S.K par exemple. La seule différence ici, c’est que le désert de l’Ouest, qui autrefois aurait été la Méditerranée ou les déserts rencontrés le long de la route de la soie, est remplacé par l’espace, et les cités ou oasis, par des planètes ou des stations.
Il y a dans L’Empire contre-attaque, avant la frégate médicalisée, un espace, jamais vu jusque-là et plus jamais aperçu par la suite de la franchise : une banquette ou un lit pour ce qui semble être un petit coin réellement personnel du faucon millénium. C’est quand Luke tombe dans le puits jeté par son père et qu’il est recueilli par ses amis. Ce plan me fascinait pour sa rareté dans l’univers Star Wars et parce qu’il montrait ou suggérait ce qu’on ne devait pas voir : les héros ne dorment pas, quand ils se reposent, c’est pour mourir (c’est ainsi que meurt Yoda d’ailleurs, sur un lit). Or, dans Cobra, du souvenir que j’en ai, c’est qu’on est à l’exact opposé de cette vision. On se rapproche ainsi un peu plus de la vision réaliste, organique presque, d’Alien où les espaces intimes ne sont plus interdits et sont même des éléments décoratifs au centre de l’univers esthétique (le design) et de l’imaginaire. Si les espaces intimes sont prohibés dans Star Wars, le gros des autres décors d’intérieurs dans les vaisseaux se résume à des décors purement fonctionnels (c’est beaucoup moins le cas dans les nouvelles trilogies avec des vaisseaux moins fonctionnels et plus diplomatiques ou confortables). Si le faucon millénium est une navette dans un état déplorable, un radeau de la Méduse, l’engin personnel de Cobra est une vieille caravane tout aussi “populaire” et “personnel”. C’est son engin à lui, pas celui d’une organisation, et il n’a qu’une valeur utilitaire (même si les objets utilitaires, les accessoires, ont souvent une importance dans ce genre de récit, justement parce qu’ils participent à la mise en œuvre d’un décor, d’un univers cohérent fantasmé). « Est-ce que ton vaisseau a une histoire cachée, est-ce qu’il en impose dans le vide sidéral ? Non, mais c’est amusant, il peut se moduler et se réagencer sur la longueur comme un serpent… Ah, cool. » Comme disait l’autre, c’est parfaitement inutile donc totalement indispensable. Et c’est vrai que la SF a souvent recours à ces artifices, sans doute parce que les objets dans la vraie vie sont également un prolongement de notre moi fantasmé (« regarde, j’ai une grosse… voiture »). Et c’est vrai aussi que ces séries SF donnent un peu à penser souvent que ça se résume à des enfants jouant avec des “camions”, mais on pourrait répondre (non sans un peu de mauvaise foi) que dans Cobra, on joue aussi beaucoup à la “poupée”. (Oserais-je un jour faire un top des meilleures poupées, des meilleures potiches ou des meilleures James Bond Girl ?… Je noterais en tout cas que pour l’inspiration de mon roman dont on ne verra jamais la fin… c’est précisément une de ces “poupées”, Armanoïde, qui est à l’origine d’un de mes personnages…)
6. L’intérieur de l’Ikarie XB1

Intérieur de l’Ikarie XB 1 (Filmové studio Barrandov)
Je lâche quelque temps les anime pour proposer une nouvelle entrée cinéma. Avant même 2001, ce film tchécoslovaque a posé les bases pour les décennies suivantes de l’apparence des vaisseaux spatiaux. On est en 1963, alors que s’amorce seulement la guerre de domination spatiale entre le bloc soviétique et le bloc de l’Ouest, et Ikarie donne le ton pour tout ce qui va suivre. Le film n’est pas une franche réussite, l’aspect extérieur des vaisseaux rappelle encore la vision passée de l’espace (vaisseau d’un seul bloc à l’esthétique de suppositoire ou de voiturette italienne), mais l’intérieur claque comme jamais. Peut-on imaginer aujourd’hui un intérieur sans couloirs labyrinthiques avec des voûtes polygonales à mi-chemin entre galeries de mine et architectures annonçant presque déjà les excentricités gothiques d’Alien ?
7. Le faucon millénium de La Guerre des étoiles

Faucon Millenium (LucasFilms)
On a beaucoup plaisanté sur la nature ou la symbolique de ce vaisseau (l’olive posée sur une pizza), et en dehors de quelques aspects révolutionnaires de l’engin (on retrouve brutalement le véhicule particulier si cher à la culture américaine et qui avait sans doute disparu depuis l’époque de Buck Rogers, et ce qui est brutal ici c’est qu’on perçoit deux caractéristiques en principe opposées, mais qui le rendent pourtant réaliste : on sent son poids “réel” quand il bouge, et c’est censé être le vaisseau le plus rapide de la galaxie ; il faut donc mettre ça en opposition avec la vitesse des engins particuliers d’antan qui avaient l’impression de n’avoir aucune masse), il y a dans son aspect si particulier un petit quelque chose que je pourrais résumer ainsi : un disque contenu par un croissant fendu ou la tête d’une clé à molette. Bien sûr, un des aspects remarquable du vaisseau, c’est que de manière incongrue le poste de pilotage est situé sur le bord droit. Mais ce qui me fascine, moi, c’est bien ce disque contraint. Il y a sans doute quelque chose de sexuel là-dedans sans être obscène. Ce disque qui s’encastre dans un croissant fendu, ce qu’il y a de beau, c’est l’imbrication harmonieuse de ces deux éléments. On retrouve cette idée dans le double médaillon dans Les Mystérieuses cités d’or (un disque solaire pouvant s’imbriquer dans un croissant de lune), et oui, ça doit faire appel au cerveau reptilien, voir s’agencer des éléments “mâles” et “femelles” aussi parfaitement, ç’a quelque chose d’apaisant. L’avant du vaisseau suggère également qu’on pourrait y trouver un autre appendice à découvrir, et cela a fait l’objet de quelques spéculations pour les représentations à venir du vaisseau, et cela rappelle également un autre vaisseau que je vais inclure tout de suite dans mon classement.
8. La navette triple combinée de Ulysse 31

Navette Ulysse 31 (DIC, TMS Entertainment, CLT)
Bon, la capture est mauvaise, et j’avoue avoir eu du mal à retrouver l’origine de cette triplette qui hante ma mémoire. Il faut donc imaginer trois parties distinctes : un char ici en mode propulseur, un module en forme de disque, et un autre en forme de triangle. Ménage à trois surprenant. Quoi qu’il en soit, à l’image des transformations de Gigi dans la série éponyme, ces transformations, encore plus quand il s’agit de s’imbriquer l’un dans l’autre, ce sont ces petits moments de chorégraphies symboliques et sexuelles qui m’ont toujours fasciné dans les séries animées. Dans le même genre, il y a Goldorak, qui est encore plus explicité (un robot qui s’encastre dans un module volant qui pourrait tout autant être un vagin, un ovule ou une carapace de tortue, et qui, plus la série avançait, plus le robot en question faisait des infidélités à son attache d’origine pour venir s’encastrer dans des éléments toujours plus exotiques à commencer par le module du meilleur ami d’Actarus, Alcor — moi, j’y vois là du soft power involontaire peut-être, mais réel pour l’acceptation de l’homosexualité ; j’insiste pour les étourdis : Actarus pénètre symboliquement l’engin de son meilleur ami). (Je ne mets pas le vaisseau de Goldorak dans mon classement, mais on retrouve un petit bonus à la fin, justement parce que cette carapace de tortue, ce n’est pas ce qu’on a fait de plus bandant dans les vaisseaux spatiaux).
9. Le vaisseau de Boba Fett

Vaisseau de Boba Fett L’Empire contre-attaque (LucasFilms)
On retrouve les vaisseaux personnels chers à George Lucas et à la culture individualiste des Américains. Cela a souvent été noté, il arrive que dans l’univers de Star Wars, certains éléments du décor finissent par prendre le pas sur le récit. Là où ce serait un problème dans toute autre histoire médiocre parce que ça ferait inévitablement de l’ombre au sujet principal, c’est le contraire qui se passe dans cet univers parce que ça ne fait jamais qu’enrichir un peu plus l’aspect visuel et mythologique. Là où ça devient original avec ce vaisseau, c’est qu’on peut difficilement le séparer de son propriétaire. Je reviens à ce que je disais plus haut : tous les aspects d’un décor d’un film s’influencent les uns les autres. Ainsi, si ce vaisseau est si réussi, c’est aussi parce que Boba Fett l’est tout autant. Il appartiendrait à Greedo que tout de suite, je suis moins sûr qu’on trouverait ça si cool (il en est de même des influences et des modes dans les univers fantasmés comme dans la vraie vie où l’influence esthétique des “puissants” détermine beaucoup ce qu’on tient parfois pour être des goûts personnels). Parce que, sérieusement, ce serait si cool que ça de prendre place dans ce qui ressemble à un fer à vapeur ou à un sèche-cheveux pour les petits garçons que nous sommes si ce vaisseau n’était pas celui d’un chasseur de prime particulièrement… cool ? En presse-papier, ce ne serait pas mal non plus.
10. Le Comète du Capitaine Flam

Le Comète du Capitaine Flam (Toei Company, Monte Carlo Productions)
Pas été fan de cette série japonaise autant que pour d’autres. L’aspect trop “américain” de la série, trop terrien même, trop policé (le capitaine est au service d’une hiérarchie, et un petit garçon têtu comme j’étais préférait les rebelles et les pirates), pas assez androgyne ou ténébreux, trop conforme à idée positive qu’on se fait du futur, bref, ce n’était pas ce qui me motivait à regarder la série. Et la raison pour laquelle je regardais, c’était donc pour toutes ces trouvailles visuelles amusantes : le poitrail étrange du capitaine, les fils sur ses pistolets, le cerveau ambulant, et donc… ce vaisseau. Parfois, il suffit d’un détail. Le vaisseau ressemble assez dans son architecture au vaisseau de traversée vers Jupiter dans 2001. Pas ce que Kubrick avait imaginé de mieux (la forme en bilboquet ou en gode premier prix prête à sourire). Mais le détail qui fait tout ici, c’est toujours une question de modulation ou de transformation : pour passer en mode lumière (ou autre chose), la partie en hélices, ou en ailes on ne sait trop, se met à tournicoter comme les aubes d’un moulin… Vous y ajoutez un mécanisme qu’on imagine aussi savant que l’horlogerie suisse, et ça fait rêver. Je cherche encore le symbole derrière tout ça, j’ai le moulin à méninges qui chauffe, mais je ne vois pas à quoi ça pourrait correspondre. Reste que c’est beau.
11. Le vaisseau de Rencontres du troisième type

L’orgue interplanétaire de Rencontres du troisième type (Julia Phillips and Michael Phillips Productions, EMI Films)
J’ai toujours trouvé la première partie de carrière de Spielberg bien plus réussie que… le reste. Si on creuse, on pourrait retrouver les éléments réussis de ces quelques films. Des hommes, face à une puissance invisible et crainte. Dans Les Dents de la mer, cette puissance est naturelle et mauvaise, dans E.T et dans Rencontres du troisième type, elle est « extra-naturelle » et bienveillante. Dans tous les cas, la réussite de ces films venait du talent de Spielberg à en montrer juste assez pour éveiller notre imagination (notre peur comme notre émerveillement). Il oubliera tout ça par la suite, influencé qu’il était sans doute par les potentialités offertes par les avancées techniques de son pote George avec son laboratoire à effets spéciaux qui donnera bientôt Jurassic Park, faisant passer son cinéma de l’imaginaire à un cinéma de l’esbroufe. Spielberg, c’est un peu le réalisateur à succès de films érotiques qui se voit contraint de passer au porno (si cette comparaison vous fait sourire, vous n’avez pas encore lu mes interprétations de Rencontres du troisième type).
Du vaisseau des extra-terrestres du film, on n’en voit donc pas grand-chose, mais ce qu’on en voit est magnifique. Véritable moment de poésie (visuelle et sonore) comme seul le cinéma peut parfois en produire.
12. Le Nostromo accompagné de sa raffinerie ambulante dans Alien.

Nostromo Alien (Brandywine Productions)
Nouvelle histoire d’assemblage, mais un assemblage relativement anecdotique dans l’histoire. Le Nostromo est un vaisseau cargo qui traîne derrière lui des tonnes de ressources à transporter vers la Terre. J’aurais tout autant pu mettre ici le vaisseau alien, mais d’une part, cette vision presque gothique du vaisseau, ce qu’il représente (une raffinerie errante de l’espace… si Star Wars avait fait dans le “sale”, Alien n’hésite pas à mettre encore plus les mains dans le cambouis), a quelque chose d’aussi mystérieux que celui, alien, échoué sur une planète inhospitalière. D’autre part, à l’image d’Ikarie XB1, l’intérieur du vaisseau vaut son pesant de cacahuètes. Il n’y a pas un seul décor qui dans le vaisseau n’est pas une réussite : la salle de réveil, les couloirs, le cockpit avec la boule de pilotage automatique, la caverne ouatée et placentaire accessible depuis un sas dans lequel seul peut pénétrer le “dominant” pour venir parler à la pythie ou à… Maman, la navette de sauvetage, la salle commune repeinte par les tripes de John Hurt, l’infirmerie, les couloirs de service, etc. Dans un train fantôme, ce qu’on demande, c’est que le décor soit réussi. Et Alien, ce n’est pas un récit tourné vers le monde dans lequel on verra apparaître divers extérieurs, mais tourné vers l’intérieur (le ventre), et un intérieur donc souvent unique selon les principes du huis clos (le film a donc un côté gigogne qui donne le tournis et fascine).
13. Le vaisseau de Jayce

Jayce et les conquérants de la lumière (DIC Entertainment, ICC TV Productions Ltd., Mattel)
J’avoue que l’harmonie n’est pas parfaite, la référence mal digérée, mais elle me plaît. La même que dans Albator. Les voiles solaires (qu’on retrouve encore dans Les Cités d’or), ç’a tout de même quelque chose de fantastique. J’ai plus de réserve sur beaucoup d’autres aspects de la série (le look à la Agassi de Jayce, c’est l’autre monstroplante de la série).
En bonus, quelques entrées qui ne sont pas des « vaisseaux » mais qui participent à cette fascination pour l’espace ou pour le vol :
14. La station de 2001

La station 2001 (MGM Stanley Kubrick Productions)
C’est tellement fantastique (ou prédictif) qu’une entreprise américaine tente d’en faire une réalité. Là encore, un joli symbole sexuel, mais une sexualité telle qu’expliquée par deux intellos, sous l’angle microbiologique : un spermatozoïde à l’approche d’un ovule artificiel (qui donnera bientôt naissance à un monstre, une intelligence artificielle sadique et jalouse de voir le simple mortel qu’elle transporte partir à la rencontre d’une nouvelle conquête, s’unir avec elle, puis enfanter à son tour un être supérieur dénoué du sadisme de la machine — non, ce n’est pas ça ?).
15. La ‘métamorphose’ d’Actarus dans Goldorak
Je pèse mes mots, cette allégorie de la transformation dans Goldorak vaut celle de l’os-gourdin lancé dans l’espace devenant un vaisseau spatial dans 2001 et celle faite sur des millions d’années de l’homme archaïque en homme moderne. Que représente cette transformation ? Celle bien moderne de l’homme (pas l’humain, ici, c’est genré) répondant à ses difficiles tâches ménagères et qui consistent d’abord à aller sortir les poubelles à travers le vide-ordures de son immeuble, puis d’aller en toute simplicité sauver le monde. Ainsi, tel autrefois Zorro (ou un peu plus tard Batman) qui de la même manière plongeait dans des tunnels pour rejoindre un repère secret pour se transformer en chevalier “blanc” à collants et masque, enfourchait son fidèle destrier, pour sauver la veuve et l’orphelin, Actarus sauve le monde en secret et, non, n’en a pas profité pour aller s’offrir une bière. Un hymne nostalgique à la gloire de ces mâles du fin fond de l’Amérique (et non pas moins extra-terrestres) en voie de disparition à qui on enjoint de ne plus se contenter aujourd’hui de sortir les poubelles. Le vide-ordures de l’Ouest, mes amis, c’est le terrier d’Alice qui plonge l’homme surmené de l’autre côté du miroir (souvent avec un masque et des collants pour y retrouver le voisin Bill).
16. Les soldats volants de Silverhawks

Silverhawks (Rankin/Bass Productions, Telepictures Corporation)
Il y a des vaisseaux dans cette série, dont un particulièrement flippant en forme de pieuvre, mais le petit truc en plus de la série, qui la rendait un peu surréaliste (et donc poétique), c’est cette capacité qu’avait cette équipe de superhéros un peu particulière à voler dans l’espace. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup.
C’est fini. Attention à la marche en sortant.
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