Balise spoiler, annonce et usage des spoils dans une critique

L’Empire du sixième sens, Nagisa Ôshima 1976 | Argos Films, Oshima Productions, Shibata Organisation

À quelqu’un qui me reproche de ne pas annoncer dans une critique sur un film japonais que je spoile :

On devra s’excuser d’écrire des critiques maintenant… Si les gens sont assez cons pour mettre leur main au feu pour savoir si ça brûle, c’est leur problème. Une critique, par définition, parle d’un film… tandis qu’un commentaire de film tournant autour du pot sent la merde.

Et si on respecte également les œuvres et le sens des œuvres japonaises, il faut accepter de vivre sans cette obstination du spoil qui n’a de sens que dans une optique consumériste propre à la riche, mais jeune culture américaine. Dans la culture nippone, la tragédie a encore un sens. L’honneur, la dévotion, le conflit permanent entre devoir et la passion, entre la quête ou le désir individuel avec les attentes d’un milieu… tout ça, ça a un sens. Et c’est ce qu’on connaît en Europe, et qu’on a oublié, dans la tragédie. Et merde, une tragédie, il n’y a pas à spoiler : ça ne se termine pas joyeusement. Les attentes du public américanisé (je ne dis pas « public occidental » par respect pour ceux qui connaissent encore les valeurs de la tragédie) sont des attentes d’éjaculateurs précoces où une jouissance doit être immédiatement consommée et remplacée par une autre. D’autres cultures, plus ancestrales, connaissent la valeur des préliminaires et oublient la finalité du plaisir immédiat pour se questionner sur les origines de leur impuissance. Quand on a quatre ans, on ne veut pas savoir que les histoires, ça finit toujours mal. Quand on change le spoil sur la langue contre du spoil aux pattes, on sait comment ça finit. Le plus dur dans la flûte, ce n’est pas de savoir souffler, mais de bien placer ses doigts. Quand on parle d’une œuvre parfaitement exécutée, ce n’est pas la question de l’exécution finale qui importe. S’il n’y a que la résolution de l’énigme qui nous intéresse, savoir si oui ou non ça se termine bien, si oui ou non ils vont se marier et avoir beaucoup d’enfants, on peut quitter la salle, acheter du pop-corn, et revenir pour le dernier acte. Les autres, quand ils parlent d’exécution, ils parlent de tout ce qui précède. Les tragédies finissent mal, en général. Les gens heureux n’ont pas d’histoire, etc. Merci, Madame. Pour les fins optimistes, il y a les comédies (et encore), sinon la plupart des récits classiques, les codes dramaturgiques japonais, sont dans la tradition de la tragédie. Donc on sait parfaitement ce qu’on est en train de voir. Alors bien sûr, on ne va pas différencier “drames” et “tragédies”, on n’est pas au théâtre. Mais quand même, quand on regarde les affiches ou qu’on lit les titres de films, ça laisse peu de doute non ? Entre La Forteresse cachée (au style très inspiré par la culture américaine) et Les Amants crucifiés, on n’a pas besoin qu’on nous fasse un dessin, si ?