La Ballade de Buster Scruggs, les frères Coen (2018)

Note : 4 sur 5.

La Ballade de Buster Scruggs

Titre original : The Ballad of Buster Scruggs

Année : 2018

Réalisation : Les frères Coen

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Format particulièrement bien adapté à la télévision, même s’il semble que les frères Coen avaient en tête d’en faire au départ une série pour Netflix. Le format à sketches, c’est comme lire un recueil de nouvelles ou se retrouver dans un duplex à quatre ou cinq dans un TGV : ce n’est jamais uniforme, alors on garde le meilleur.

De mon côté, deux nouvelles suffisent à mon bonheur. Dans un style opposé : le burlesque de la première qui donne son titre au film et qui propose en quelques minutes quelques-unes des meilleures idées pour réveiller le genre plongé dans une quasi-retraite depuis des décennies ; et celle sur le convoi de pionniers, sublime hommage, centré d’abord sur les relations entre un pisteur et une jeune fille venant de perdre son frère (rarement vue autant de tendresse dans un western et probablement un des meilleurs rendus psychologiques des relations homme-femme de l’époque) et qui s’achève sur une attaque d’Indiens avec, là encore, deux ou trois idées originales.

Les frères Coen sont avant tout de formidables raconteurs d’histoire : le dernier volet, par exemple, a beau être ennuyeux et statique, il est la preuve que ces deux-là ont une écriture à part.

Ma réserve principale concerne la réalisation : tout paraît toujours trop propre, trop neuf, trop faux. On renifle pas mal d’images conçues numériquement, avec des lumières par exemple qui n’ont rien de naturelles. La pellicule est morte, encore plus que le western sans doute, et il va falloir s’y habituer. Mais pour ce qui n’est qu’un film de télévision, il faut s’en satisfaire.



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True Grit, Joel et Ethan Coen (2010)

La chair de la terre

True Grit

Note : 4 sur 5.

Année : 2010

Réalisation : Joel et Ethan Coen

Avec : Jeff Bridges, Matt Damon, Hailee Steinfeld

Voilà un genre qu’il serait bon de revoir à la mode. Hollywood nous en pond un de temps en temps, Clint Eastwood a longtemps été le seul à en faire. Quoi qu’il en soit, celui-ci est une petite merveille. Adapté d’un roman à succès déjà porté à l’écran par Hathaway avec John Wayne (moins bon, à mon goût), le film garde pourtant le ton bien personnel des Coen. Il fallait y penser. Ils ont touché à peu près à tout sauf à la science-fiction et à la romance. Le western était assurément pour eux.

L’histoire n’a rien d’original. On en a vu des tas comme ça tout au long des décennies western. Je n’ai aucune idée si le livre original possède cet aspect décalé, ironique, rire en coin présent ici. En tout cas, les personnages s’y prêtent à merveille. Une gamine qui sait tout sur tout, bien déterminée à retrouver l’assassin de son père. Un shérif vieux et alcoolique (Jeff Bridges a souvent interprété avec classe des alcooliques, véritable problème de santé publique le Jeff…). Et un ranger texan gentil, rustique et un peu crétin (Matt Damon a toujours aimé jouer ce qu’il est dans la vie, un mec simple).

Ça aurait pu être une vraie catastrophe si la production avait mis l’accent sur l’humour (je n’avais pas accroché à O’ Brother par exemple). Là au contraire, il y a de l’humour, mais il est contenu dans une atmosphère poisseuse et réaliste qui nous replonge bien dans le Far West.

C’est probablement le meilleur western depuis longtemps (certains parlent d’Impitoyable). Les dialogues sont d’une grande justesse (on est chez les Coen quand même). La mise en scène précise comme un lanceur de couteau (l’art de l’ellipse dans certaines scènes…). Les acteurs irrésistibles : Jeff Bridges fait du Bridges, Matt Damon est assez surprenant et très convaincant dans son rôle de benêt.

Un plaisir de voir à nouveau des westerns tournés dans la boue et le froid, loin des pixels des superproductions.


True Grit, Joel et Ethan Coen 2010 | Paramount Pictures, Skydance Media, Scott Rudin Productions

 


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A Serious Man, Joel Coen et Ethan Coen (2009)

Coen épaisse

A Serious Man

Note : 2.5 sur 5.

Année : 2009

Réalisation : Joel Coen et Ethan Coen

Depuis Fargo, ont-ils fait un film intéressant ? Je ne crois pas. Toujours bien écrit, bien construit, mais il manque un petit quelque chose qui donne de la chair aux bons films. Toujours le même problème, ça ne va pas assez loin.

Le héros principal a des emmerdes, OK, mais ça ne semble pas être insurmontable, c’est le quotidien de beaucoup de gens. Les enchaînements d’emmerdes c’est assez commun. Ce qui fait la force d’un film comme After Hours par exemple, c’est qu’on est fixé sur un personnage, on s’identifie beaucoup mieux ainsi, et ses ennuis montent crescendo. La restriction temporelle permet paradoxalement de prendre son temps, car on n’a pas à se familiariser après chaque ellipse avec une nouvelle situation. Et le cinéma des frères Coen picore de plus en plus, à vouloir condenser une action dans un temps long, on ne comprend pas et on ne s’identifie plus à rien (c’est le problème de beaucoup de productions pseudo-indépendantes d’ailleurs).

On ne sait pas trop si le sujet, ce sont les emmerdes du personnage, les situations loufoques avec les différents rabbins, ou encore la « duplicité quantique » (on dira) des événements. Le personnage principal est professeur en mathématiques et on le voit au début énoncer la fameuse expérience du chat de Schrödinger où la bébête est à la fois morte et vivante dans cette situation (je n’ai jamais rien compris à la mécanique quantique). Et le film semble se terminer volontairement ainsi, si bien qu’on reste un peu sur notre faim ne sachant pas de quoi il retourne… Vouloir illustrer une telle expérience dans un film…, c’est juste maboul, on n’y comprend que dalle. Bref, ils n’ont pas été sérieux sur ce coup-là les frères Coen… Croire que le public puisse comprendre l’allusion, et en plus, comprendre la physique quantique à travers le film, c’est juste heu…, bah tiens, à la fois con et intelligent.

Il n’y a rien de plus chiant qu’une œuvre qui se prend au sérieux, mecs (surtout dans un film qui est présenté comme une comédie — certes à la Coen).

J’attends qu’ils cessent de nous pondre des “parcours” de personnages sans intérêt, et qu’ils reviennent à la mise en scène de faits divers, à des portraits d’hommes perdus dans une situation inextricable. Les Coen, c’est de la série B bien exécutée qui détend là où satire. Je n’ai pas envie de voir autre chose.


A Serious Man, Joel Coen et Ethan Coen 2009 | Focus Features, StudioCanal, Relativity Media

 


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Les Frères Coen

Classement :

10/10

  • Barton Fink*

9/10

8/10

  • Fargo*
  • The Big Lebowski
  • O’Brother
  • True Grit*
  • The Barber, l’homme qui n’était pas là
  • La Ballade de Buster Scruggs*

7/10

  • No Country for  Old Man
  • Sang pour sang

6/10

  • Miller’s Crossing
  • Inside Llewyn Davis
  • Le Grand Saut
  • Burn After Reading
  • Intolérable cruauté

5/10

  • A Serious Man*

*Films commentés (articles) :

Les frères Coen

Barton Fink, Ethan et Joel Coen (1991)

Barton Fink

Note : 5 sur 5.

Année : 1991

Réalisation : Ethan et Joel Coen

Avec : John Turturro, John Goodman, Judy Davis, Steve Buscemi

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Journal d’un cinéphile prépubère : le 19 mai 1997

Scénario, mise en scène, jeu, photo et décors sont géniaux. L’univers de Barton Fink est hyper travaillé, irréel, voire absurde, allant jusqu’au surréalisme presque, en tout cas, à prendre au second degré.

Les couleurs sont ternes, âpres, moites, à l’image du papier peint qui se décolle. On se sent oppressés, séquestrés dans un huis clos (on a rarement des scènes d’extérieurs, et si c’est le cas, rares sont les plans larges ; c’est un univers de studio où il n’y a pas de liberté, d’espoir, où tous les éléments sont contrôlés comme chez Tarantino).

On évite l’exposition d’objets du quotidien pouvant paraître à l’écran trop réaliste, comme une voiture par exemple, pour éviter cela, le sujet est situé dans les années 30 ou 40, improbable, on flirte avec le merveilleux. On ne voit aucun plan de présentation large, extérieur, comme une façade d’hôtel : on va encore une fois à l’essentiel pour coller aux humeurs de Fink.

Barton Fink, Ethan et Joel Coen (1991) | Circle Films, Working Title Films

La réalisation, très sophistiquée, est épatante, surtout dans l’appartement de Fink avec l’emploi du travelling, du zoom, et de la plongée. Le jeu et la mise en scène sont clairs et retenus, et par conséquent, émouvants (surtout à la scène d’embrassades : une lenteur kubrickienne).

Avec un humour noir sous-jacent, parfois difficile à déceler, qui donner une simplicité au film et le rend sympathique.

À noter aussi la grande qualité des dialogues : les scènes étant des huis clos statiques, l’action se fait verbe. Le script trouve des astuces épatantes pour introduire, et surtout conclure, une scène.

Les dialogues permettent de développer des personnages en les rendant de plus en plus clairs et caricaturaux sans pour autant enlever une certaine ambiguïté. Ce qui permet aussi (le huis clos amenant un récit souvent en temps réel dans une même scène comme au théâtre) de créer des ambiances lourdes par une mise en scène lente et suggestive, d’installer des rapports réels, et au présent entre les personnages.

Les Coen sont les Flaubert du ciné (!).



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Cent ans de cinéma Télérama

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Fargo, les frères Coen (1996)

Fargo

Fargo

Année : 1996

8/10 IMDb

Réalisation :

les frères Coen

Avec :

William H. Macy
Frances McDormand
Steve Buscemi

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1er mai 1997

Voilà deux films de la nouvelle génération américaine que je voie aujourd’hui (l’autre étant Pulp Fiction), et c’est comme une claque, moi qui ne vois pas beaucoup de films récents.

Deux points communs entre Fargo et Pulp Fiction : le polar dérision, décalé, avec deux styles différents.

Les Coen s’attachent à montrer des petites gens dans un bled pommé et qui jouent à un jeu de grands, et bien sûr on a de catastrophe en catastrophe. Je ne m’attendais pas à voir ce genre de films satiriques sachant rester sympathiques vis-à-vis des personnages. Les premières minutes sont déroutantes, comme un film noir contemporain et en couleur, et avec une forme de dérision absente dans ces vieux films noirs des années 40-50.

Surpris donc, mais aussi émerveillé par la maîtrise de la mise en scène des frères Coen. Le scénario est limpide avec une évolution parfaite, comme un engrenage qui ne peut plus être enraillé une fois lancé. Et enfin émerveillé par l’identité esthétique du film, de son style plein de fraîcheur. Très européen on pourrait presque dire (même si nous semblons adopter la dérision par défaut).