Bacurau, Juliano Dornelles et Kleber Mendonça Filho (2017)

Note : 3 sur 5.

Bacurau

Année : 2017

Réalisation : Juliano Dornelles et Kleber Mendonça Filho

Avec : Bárbara Colen, Thomas Aquino, Silvero Pereira

Western futuriste avec des accents dystopiques qui s’affirment petit à petit au fil du récit. Pas sûr d’avoir compris le sens de l’allégorie : une petite ville perdue au cœur du Brésil, habitée par une communauté débrouillarde et nourrie à l’acide, vendu à une bande de touristes américains par le maire corrompu de la ville afin d’y venir faire un carnage… Ambiance Westworld et zoo humain : les politiques brésiliens qui vendent le saint Brésil au mal américain.

C’est plutôt bien construit dans son introduction, on apprend tout ça au fil de l’eau, mais la morale qui en ressort reste assez suspecte. D’autant plus que si le message, c’est que le Brésil est colonisé par l’Amérique (ou son esprit, ses valeurs), le film en montre un bon exemple en étant lui-même une sorte de sous-produits obéissants à tous les codes des films de genre… américains. Ç’aurait sans doute été plus efficace, moins grossier, en ne donnant pas de nationalité spécifique aux « touristes »… Pourquoi les films stupides ont-ils toujours besoin de s’encombrer d’un message trop lourd pour eux ? Tu aimes les films de genre, fais un film de genre. Tu veux y glisser un message ? Fais-le le plus discrètement possible…

Vite vu, vite oublié.


Bacurau, Juliano Dornelles et Kleber Mendonça Filho 2017 |CinemaScópio Produções, SBS Films, Globo Filmes


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Trois Tristes Tigres, Raoul Ruiz (1968)

Note : 4 sur 5.

Trois Tristes Tigres

Titre original : Tres tristes tigres

Année : 1968

Réalisation : Raoul Ruiz

Avec : Shenda Román, Nelson Villagra, Luis Alarcón

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Peut-on dire qu’on n’a rien compris à un film, et pourtant qu’on l’a adoré ? Avec la jurisprudence du Grand Sommeil, sans doute, oui. Il faut avouer qu’il m’en faut peu pour que je me détourne à la première occasion des indices narratifs éparpillés çà et là dans un récit, disons, classique, et pour que mon attention s’ébahisse tout à coup par autre chose, un détail de film. Alors, quand Raoul Ruiz m’incite à regarder autre chose qu’une trame rigide et froide, je m’embarque facilement avec lui, si toutefois ce qu’il propose par ailleurs, ces détails étonnants, arrive à tenir éveillé mon intérêt assez longtemps.

Parce que c’est bien ce que Ruiz semble faire ici : se détourner d’une logique narrative classique pour se concentrer sur les à-côtés, ce qu’on ne voit pas d’habitude dans une histoire, sur la forme, le jeu d’acteurs ou les cadrages (pas si improvisés que cela pourrait laisser paraître).

Trois Tristes Tigres, Raoul Ruiz (1968) | Los Capitanes

À certains moments, ça ressemble aux errances de Fellini comme celles de La dolce vita. Les rencontres avec des amis se multiplient, ça papote, et on n’a aucune idée de quoi tout ce petit monde peut bien discuter. On commence à comprendre à peine qui sont les personnages, mais on les suit un peu fasciné parce qu’il n’y a pas une seconde où il ne se passe rien. C’est du Raoul Walsh appliqué aux comptoirs de bars et aux rencontres interlopes. Des rencontres, des rencontres, des rencontres.

À la même époque, c’est Cassavetes qui propose le même type de cinéma, même si on y sent un peu plus la trame, rigoureusement naturaliste, en toile de fond.

Cet hypernaturalisme, c’est d’abord ce qui attire l’œil : la caméra de Ruiz se trimbale d’un acteur à l’autre avec un semblant de naturel ou d’improvisation à chaque fois, mais on sent bien pourtant que tout est calibré comme il faut, avec des petites actions qui apparaissent toujours au moment où la caméra est présente. Et les acteurs sont fabuleux.

Le naturalisme c’est quoi ? C’est quand les acteurs ont mille objectifs dans la tête et que ce qu’ils pensent, ou ce qui se passe dans leur environnement (notamment avec l’interaction avec les autres acteurs), modifie sans cesse ces objectifs ; de ces objectifs naîtront avec plus ou moins de densité toutes sortes d’humeurs différentes, qui parce qu’elles sont nombreuses et superposées, prennent une couleur atténuée, lisse, ce que les mauvais acteurs et les mauvais spectateurs appellent « l’intériorité ». Ce n’est pas de l’intériorité, c’est être impliqué, concerné, par ces différents objectifs qui nous animent chaque seconde dans la vie et qu’il faut être capable de reproduire en tant qu’acteur. Si Ruiz ne s’intéresse ici qu’au sous-texte, ses acteurs ne font pas autre chose puisqu’ils cherchent avant tout à être présents à un moment donné en étant habité par tous ces objectifs du moment et souvent simultanés qui constituent la « nature » d’une situation. Ce que certains appellent intériorité, c’est souvent cette manière qu’on a en permanence de cacher ce qu’on pense tout en en laissant nous échapper une très grande part, mais de manière… atténué. Alors que des acteurs qui ne jouent qu’une couleur, une intention, le texte, s’impliquera totalement dans cette couleur et s’appliquera à éclairer toute la logique du texte.

En comparaison, un acteur de cet hyper-naturalisme, pourra être concerné à un moment par le fait de se servir un verre tout en répondant à son interlocuteur et sans avoir à structurer son jeu en fonction de l’évolution de la situation. Car s’il y a une situation générale (qu’on voit à peine ici, mais ça semble bien volontaire), toute la mise en scène consiste à noyer le spectateur derrière une profusion de microsituations.

Avec ce principe, Ruiz arrive à la fin de son film avec une tension physique et psychologique qui serait avec d’autres types de mise en scène beaucoup plus artificielle et directe. C’est une forme de distanciation. La caméra s’intéresse aux détails, dévoile les recoins de la pensée des personnages à des moments particuliers de leur existence, mais au présent, et semble se dissocier d’un niveau narratif supérieur censé éclairer l’intrigue. Plus on est prêt, plus on est en dedans des personnages, et donc en dehors de la trame logique qui exige un regard à une autre échelle. C’est un peu comme se retrouver nez à nez dans la rue ou dans un bar avec un petit groupe de personnages qui s’invectivent : on ne comprend rien à la situation, on la décrypte autant que possible à travers des indices qui nous sautent aux yeux ou se révèlent peu à peu, et pourtant on s’identifie assez, sur des détails, à telle ou telle personne en fonction de ce qu’elles nous montrent sur le moment, alors que sur le fond de leur histoire, leur sujet de polémique, on ne sait toujours rien, en tout cas pas assez pour avoir une vision claire du conflit qui les anime. On reste distant de leur objet, mais on entre en empathie avec les sujets.

Voilà une expérience cinématographique saisissante, rare (parce qu’il faut être capable de diriger ses acteurs), mais au fond, on y retrouve déjà pas mal de ce qui fera parfois le cinéma de Ruiz : le goût pour la forme qui le fera glisser souvent vers le surréalisme et une densité très affirmée dans le montage (à la manière de certains écrivains sud-américains avec leur écriture extrêmement dense et prolifique en images). Parce que l’essentiel est là : il n’y a pas une seconde dans le film où il n’y a rien à voir. Et pourtant, on pourrait dire qu’il ne s’y passe rien d’important ou de compréhensible…


Le film est disponible gratuitement et restauré sur la plateforme HENRI de la Cinémathèque française. Les captures sont issues de ce lien.



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Une femme fantastique, Sebastián Lelio (2017)

Note : 3.5 sur 5.

Une femme fantastique

Titre original : Una mujer fantástica

Année : 2017

Réalisation : Sebastián Lelio

Autre portrait de femme, après celui beaucoup moins bien réussi de Gloria. Lelio reproduit les mêmes facilités techniques pour construire son film (saupoudrage de séquences courtes articulées en ellipses), et même si ce n’est pas forcément toujours bien conçu (on ressent une certaine vacuité à suivre à la longue une situation qui ne se propose guère plus que d’effleurer les choses par crainte de trop en faire), celui-ci élève le niveau, de mon point de vue, grâce à l’interprète principal. Si l’actrice de Gloria me faisait trop souvent penser à Dustin Hoffman dans Tootsie (à croire que Lelio ne fait que des films queers), celle qui joue ici est, non seulement très convaincante (Lelio en rencontrant Daniela Vega a vite compris qu’elle pouvait être un sujet à elle seule de film, et il explique n’avoir cessé de se rapprocher d’elle jusqu’à lui proposer, au final, le rôle principal), mais surtout, elle me paraît moins antipathique que le précédent personnage de Gloria. Cette dernière cherche l’amour et doit gérer un amoureux pour le moins casse-pieds (lui aussi) ; rien de bien passionnant ou d’original là-dedans et, à la longue, suivre des personnages antipathiques, ça fatigue. Marina, elle, passe par des séquences bien plus critiques et de conflictuelles : son bonhomme vient de lui claquer entre les doigts, et elle doit composer avec une belle famille où sa présence n’est pas franchement la bienvenue.

La grande réussite du film se joue justement là. Ce qui est une situation extra-ordinaire pour des personnages ordinaires se change avec la nature même du personnage en une situation extraordinaire pour un personnage extraordinaire. Marina est trans, on le comprend petit à petit, et cela est révélé peu à peu. Le tour de force du film, c’est de nous mettre face à nos propres préjugés trans avec doigté. Rien de plus normal au début, et puis on apprend qu’elle n’est pas bien vue par certains membres de la famille de son homme, on se questionne, et ce qu’on pensait être la normalité se trans-forme en quelque chose de plus perturbant. Sauf que la perturbation vient de ces personnages, même si on comprend, puisqu’on a goûté à la normalité d’une relation trans, on n’y trouve rien à redire. Comme le dit Lelio, son film, c’est un peu de la science-fiction, parce qu’il arrive à nous faire croire ce qui n’existe pas. Mais en nous montrant cette irréalité, on en appréhende la réalité non fictive, les possibilités, les implications, et on l’accepte presque naturellement débarrassés de nos potentiels préjugés.

Au-delà de ce simple aspect, ça reste un cinéma aux ambitions limitées. On croirait parfois se retrouver face à un film Arte allemand. Toujours dans le sens de la vague, et de préférence, rester bien au chaud dans le creux de celle-ci. La peur de l’audace, de la singularité, vues presque comme des monstruosités, des indélicatesses. Tout doit être fade pour ne pas chahuter l’ordre des choses… Eh bien, au moins on n’y échappe un peu ici. Grâce à une interprète.


 

 


 

 

 

 

 

 

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Les Fusils, Ruy Guerra (1964)

Os Fuzis

Os Fuzis Année : 1964

6/10 iCM IMDb

Réalisation :

Ruy Guerra


Cent ans de cinéma Télérama

Western révolutionnaire (ou qui incite à l’être) qui commence comme du Glauber Rocha et qui s’achève en Sam Peckinpah.

À ma grande honte, je dois avouer que quand un fusil manque à l’appel, on s’ennuie un peu. Tous les passages poético-symboliques à la Rocha me laissent de marbre, jusqu’à l’étrange séquence finale, et probablement allégorique, du bœuf sacré vite charcuté par la population affamée. Tandis qu’une séquence avec un fusil, c’est simple à comprendre comme dans un film de cow-boys. L’allégorie y est alors plus simple : la lutte de pouvoir selon de quel côté du canon du fusil on se trouve.

Un fusil = la loi. Pas de fusil = pas de chocolat. (Si j’ai tout compris.)

Trois séquences de “fusils” sortent du lot. Celle dans le bar où les soldats font la leçon aux paysans avant que le camionneur n’arrive et fasse la leçon aux soldats. Celle du meurtre par accident mais à l’insu de son plein gré rappelant la violence niaise de la chasse au kangourou dans Réveil dans la terreur. Et celle du retournement final quand le camionneur lance la révolution à son échelle, et son suicide, en s’emparant d’un fusil et s’attaquant aux soldats après avoir vu un paysan résigné à la mort de sa gamine affamée… Tout le film, et le rapport au titre, se trouve dans ces trois séquences. Le reste est soit accessoire, soit pénible et long à se mettre en place.


Os Fuzis / Les Fusils, Ruy Guerra (1964) | Copacabana Filmes, Daga Filmes, Inbracine Filmes


Invasión, Hugo Santiago (1969)

Note : 4.5 sur 5.

Invasión

Année : 1969

Réalisation : Hugo Santiago

Histoire : Jorge Luis Borges

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Thriller paranoïaque opposant une organisation secrète de résistance et des envahisseurs déjà trop bien acceptés par une population amorphe.

Film quasi muet dans lequel les dialogues ne servent qu’à brouiller les pistes et interdisent toute contextualisation possible avec une situation géopolitique définie. Approche singulière, mais sans doute forcée par la peur de la censure (la dictature en Argentine a commencé en 66, et le film est de 69) ou par le style de son auteur, Jorge Luis Borges (la cité présentée est fictive, mais fait évidemment penser à Buenos Aires).

Tous les passages obligés du film d’espionnage sont réunis : filature, rencontre furtive entre agents, le boss de l’ombre, le conjoint qui cache ses activités, la voiture piégée, le dépôt d’armes, le guet-apens, l’assassinat, la femme-hameçon, l’interrogatoire, la course-poursuite… Tout ça dans une forme quasi miraculeuse entre Melville et Costa-Gavras (voire Matrix), puisque tout y est puissamment cinématographique. Un film d’action et d’ambiance tout du long. Et des acteurs remarquables. Un chef-d’œuvre.

Invasión, Hugo Santiago (1969) | Proartel S.A.

Le film :


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La Petite Marchande de roses, Víctor Gaviria (1998)

Y aura-t-il de la colle à Noël ?

Note : 4.5 sur 5.

La Petite Marchande de roses

Titre original : La vendedora de rosas

Année : 1998

Réalisation : Víctor Gaviria

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Film touché par la grâce.

Je n’ai cessé, en le voyant, d’essayer de comprendre ce qui le séparait du film précédent de Víctor Gaviria tourné huit ans plus tôt, Rodriguo D. Les deux usent des mêmes procédés narratifs : montage alterné très dense nous faisant naviguer d’un personnage à un autre, naturalisme très cru, voire violent, probablement une même technique de direction d’acteurs basée sur de l’improvisation dirigée… Rodriguo D semble souffrir au moins de deux défauts : les personnages sont antipathiques et leur introduction est complètement ratée (le tout étant peut-être lié).

Peut-être une perception personnelle : j’ai souvent du mal à comprendre les histoires avec trop de personnages et un enchevêtrement d’enjeux complexes. J’ai aussi un faible pour les personnages féminins, et plus encore pour les enfants (quand le film évite poncifs et autres écueils liés à leur présence). D’ailleurs les personnages masculins de La Petite Marchande de roses valent bien ceux de Rodriguo : des idiots. Parce qu’ici, la force du film, c’est principalement la grâce, le charme, l’intelligence, la fragilité de ces jeunes adolescentes livrées à elles-mêmes dans les rues de Medellín les deux jours précédents Noël. J’y retrouve un peu la même grâce que dans Certificat de naissance par exemple (ou dans Los Olvidados, même si le film de Luis Buñuel joue beaucoup sur l’opposition avec un personnage masculin qu’on aime détester).

Le film fait mal, ce n’est pas tous les jours qu’on voit des gosses drogués quasiment en permanence dans le film, et ç’a sans doute été la plus grande difficulté dont a dû faire face le metteur en scène pour monter son film (si on y croit, c’est sans doute parce que les enfants y sont réellement drogués…). Ce qui éveille la sympathie, la pitié dirait mon pote Aristote, c’est bien que drogués, ils se débattent avec une énergie tout enfantine pour survivre. Elle est là la grâce. Chose qu’on ne retrouve pas du tout dans Rodriguo D.


 

La Petite Marchande de roses, Víctor Gaviria 1998 La vendedora de rosas |Producciones Filmamento


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L’Étreinte du serpent, Ciro Guerra (2015)

L’Étreinte du serpent

El abrazo de la serpiente Année : 2015

6/10 IMDb

Réalisation :

Ciro Guerra


Vu le : 3 décembre 2017

Pas sans rappeler l’esthétisant et creux Tabou. Il y a une forme de sacrilège à vouloir proposer des images d’Amazonie en noir et blanc, surtout avec un thème comme ça. Qu’est-ce que fait le noir et blanc sinon dénaturer les couleurs de la jungle ? Un choix esthétique qui sert, comme bien trop souvent, à combler le manque de maîtrise d’un cinéaste.

La direction d’acteurs est plutôt bonne, le scénario ça peut encore aller, mais la mise en image manque de poésie, de lyrisme. Boorman, Herzog, Coppola, en voilà des cinéastes qui savaient mettre en scène la forêt. Ici c’était comme si le cinéaste ignorait ce qu’il était en train de filmer, et qu’il se foutait de ce que ça représentait. Un comble quand on monte un tel sujet.

Qu’on ne me dise pas que le film est beau. Non, c’est vide. Le néant c’est tout sauf beau.


L’Étreinte du serpent, Ciro Guerra 2015 El abrazo de la serpiente | Buffalo Films, Buffalo Producciones, Caracol Televisión


Neuf Reines, Fabian Bielinsky (2000)

Les neuf minutes de trop

Nueve reinasNueve reinas Année : 2000

IMDb iCM

MyMovies: A-C+

Réalisateur :Fabián Bielinsky

7/10

Avec  :

Ricardo Darín,
Gastón Pauls, Leticia Brédice

Excellent film qui joue avec les codes du genre. Un arnaqueur en surprend un autre, plus jeune, qui s’y prend comme un pied dans une station essence. Il lui propose d’allier leurs efforts, et dès lors, ça n’arrête plus. Les deux personnages sont pris dans un tourbillon dont on ne voit plus la fin. Une sorte d’After Hours entre escrocs où là, l’irréel, l’artifice, ne mène pas au rêve mais à l’arnaque. Dès la scène au début dans le parking, on sait qu’il va y avoir l’un des deux qui va entuber l’autre. On a vu mille films comme ça et la narration joue avec ces codes.

On pense tout de suite au gamin cherchant à entuber le plus vieux, ça paraît évident, la narration nous mène à ça, puis on commence à douter, parce que ça pourrait tout aussi bien marcher dans l’autre sens. Et finalement, j’avoue être un peu déçu par la fin. Twist après twist, il y en a un de trop à mon avis. Revenant finalement à la magouille initiale, suggérée dès le début. Quand on fait deux twists à 180°, c’est sûr, on revient à son point initial. Sauf que le précédent était bien meilleur. Plus inattendu, donc forcément meilleur. Pendant tout le film, on n’a que deux choix : soit c’est l’un qui entube l’autre, soit le contraire, on ne pense pas à plus haut, plus « économique », plus désabusée, en tout cas pas à une autre possibilité… Qu’y a-t-il de plus escroc que les escrocs ? Les pros, les vrais, ceux des banques internationales, les escrocs en col blanc, les escrocs modernes qui entubent la planète entière avec leurs magouilles implacables. J’adorais cette fin, twist attendu là mais pas du tout comme ça. On avait le suspense pendant tout le film, on s’attendait à être surpris, mais on ne savait pas comment. On avait le suspense et le twist. « Surprendre le spectateur avec ce qu’il attend » comme on dit. Sauf que le dernier twist revient à un point initial dont la morale est beaucoup moins intéressante, et franchement peu crédible. Dommage, c’était neuf minutes en trop.


Neuf Reines, Fabian Bielinsky 2000 | FX Sound, Industrias Audiovisuales Argentinas S.A., J.Z. & Asociados


Dans ses yeux, Juan José Campanella (2009)

Bull’s Eye

Dans ses yeux

El secreto de sus ojos

Note : 4 sur 5.

Titre original : El secreto de sus ojos

Année : 2009

Réalisation : Juan José Campanella

Avec : Ricardo Darín, Soledad Villamil, Pablo Rago

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Voilà un film pas commun. D’abord il est assez rare de voir des films argentins. Mais aussi dans la structure, il y a quelque chose qui fait qu’on met un peu de temps à rentrer dans le rythme, à comprendre le ton, ou plutôt les tons du film. Finalement on s’amuse, on s’émeut, jusqu’à cette fin parfaitement menée.

Cette fin, c’est toute l’idée qu’on peut se faire de la mise en scène (ou du récit filmé). Mettre en scène, c’est faire le choix des bonnes proportions, du bon ton, contrôler ses effets… Elle aurait pu être grotesque, et au contraire, elle est si bien menée qu’elle apparaît comme une évidence. Certains diront bien sûr, et ils n’auront rien compris, que c’est prévisible…

Oui, c’est le but que ce soit prévisible. Le récit aurait pu révéler très tôt ce dénouement dès que Benjamin arrive dans la maison de campagne de Morales. Mais ça aurait été un effet de surprise. Au contraire, le récit étire au maximum. On sait que si on est là, c’est qu’il va se passer quelque chose, et cette chose tarde à venir, on est presque chez Hitchcock… Pas compliqué donc de faire semblant d’avoir tout compris, parce qu’il nous y prépare à cette fin. Tout est bon à être un indice, donc on est à l’affût du moindre détail. Ainsi, quand Benjamin repart avec sa voiture, on a la sensation que ce n’est pas fini. On sent la révélation venir, et pour la plupart des spectateurs, on a déjà compris. Le plaisir n’en est que plus intense (et il ne servira à rien d’ajouter une musique grotesque quand la “révélation” arrivera, car ce ne sera pas une surprise, juste une confirmation).

Benjamin revoit les événements dans sa voiture, repère tout ce qui ne colle pas. C’est un peu comme si le récit montrait ses cartes pour demander au spectateur s’il les connaissait tous. Carte par carte. On a cette fois la certitude de ce dénouement, on finit par tout comprendre en même temps que lui, c’est comme un brouillard qui se dissipe, exactement comme l’effet de révélation d’Usual Suspects quand le policier remarque sur le mur tout ce qui avait éveillé l’imagination du véritable Keyser Sose. On voit avant de voir.

Le cinéma, ce n’est pas seulement des histoires. C’est surtout la manière de les raconter, et il y avait dix mille manières de procéder avec cette fin. C’est amené comme il fallait. Comme une chose qui devient évidente, plutôt qu’une surprise.

En dehors de cette fin remarquable, il faut aussi signaler tout au long du film le plaisir qu’on a à voir les personnages principaux se taquiner. Que ce soit Benjamin et son collègue alcoolique qui forment tous deux un duo comique hilarant et absurde (« Allô ? La banque du sperme, service des prêts, que puis-je faire pour vous ? — Pas moyen d’être tranquille dans cette baraque »… Et on est dans le bureau d’un juge). Ou que ce soit entre Benjamin et sa patronne, juge diplômée à “Harvard”, qui n’arrêtent pas de se dévorer des yeux, de flirter, de se taquiner tout au long du film… sans jamais rien ne s’avouer…

Oscar du meilleur film étranger bien mérité.

Dans ses yeux, Juan José Campanella 2009 El secreto de sus ojos | Tornasol Films, Haddock Films, 100 Bares


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Maria, pleine de grâce, Joshua Marston (2004)

Maria, pleine de grâce

Maria Full of GraceMaria Full of GraceAnnée : 2004

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IMDb  iCM
Réalisateur :

 

Joshua Marston

 

7/10

Avec  :

Catalina Sandino Moreno

Vu le : 25 mai 2007

L’histoire de ces « mules », ces Colombiennes dont se servent les narcotrafiquants pour faire passer la drogue aux États-Unis en la cachant dans leur estomac.

Tout est dans le résumé. On a droit au film auquel on s’attendait, et on n’est pas déçu : entre cinéma naturaliste social et thriller. Plus hitchcockien que le genre de films de mafieux qu’on voit aujourd’hui : certaines séquences sont faites d’une tension retenue avec le suspense comme le définissait le maître du genre et dont le terme a depuis été repris pour n’importe quelle situation qui se révèle tendue. En fait la tension dans le film naît de ce qu’on sait de ce qui va se passer et non de la peur de ce qui pourrait se passer. Les filles devront tout d’abord avaler les capsules pleines de drogues, puis monter dans l’avion et faire comme si de rien n’était, passer la douane sans sourciller : si tu ne montres suspect, tu meurs…

Ces scènes « à faire » sont parfaitement réussies. Une fois à New York, le film prend une autre couleur, et une nouvelle dramaturgie se met en place — très réussie elle aussi.