L’Île nue, Kaneto Shindô (1960)

Travail et artifices

Note : 5 sur 5.

L’Île nue

Titre original : Hadaka no shima

Année : 1960

Réalisation : Kaneto Shindô

Avec : Nobuko Otowa, Taiji Tonoyama

TOP FILMS

Sur l’artifice :

Louer les valeurs du travail, de l’effort, le retour à la terre, le minimalisme non austère, la famille, l’humilité…, ce sont des valeurs assez universelles. Rien à voir par exemple avec un Nolan, un Noé ou un Dolan dont l’artifice assumé peut cliver. C’est sûr qu’ici il y a l’artifice du sans dialogues, mais ça ne me paraît pas être la marque principale du film. Il y a des documentaires muets qui utilisent le même procédé, et ça vise plutôt la distance, donc la retenue. C’est probablement quand l’artifice tend à forcer quelque chose, surenchérir qu’on risque le surdosage, le mauvais goût. Et c’est d’autant moins artificiel si on sait l’amour que porte le cinéaste dans d’autres films à tout ce qui est lié à l’humain, les gens simples, les gestes simples…

L'île nue, Kaneto Shindo (1961) Kindai Eiga Kyokai

L’Île nue, Kaneto Shindô (1960) | Kindai Eiga Kyokai

Je pense qu’on peut même voir dans la mise en scène de cette scène fameuse et critiquée de la gifle, tout le génie du cinéaste. C’est subtil, et parfois la sensibilité ou les a priori (qu’on a tous, même favorables) de chacun sont trop forts pour être cette fois sensibles à cette subtilité. Si on voit un mari gifler sa femme parce qu’elle a fait une connerie, bien sûr que ça choque, mais ce que Kaneto Shindô montre, c’est moins la gifle que les réactions qui suivent. Il n’y a pas de rapport de force entre une femme docile ou qui rechigne à se rebiffer et un mari violent ; ce qu’on voit c’est deux êtres qui prennent conscience pour la énième fois qu’ils sont sur une pente glissante : il y en a un qui dérape, et ce sont les deux (ou leur fragile château de cartes) qui s’effondrent. Il y a la même absurdité à la Sisyphe que dans La Femme des sables, sauf que dans l’un ils fabriquent un petit monticule de terre fragile, dans l’autre il le creuse. On dirait deux faces d’une même pièce mêlées en une seule image à force de rouler au hasard… Le génie de la direction d’acteurs ici, c’est de jouer autre chose que la gifle ; la gifle déclenche une prise de conscience, comme un Sisyphe reprenant son souffle, levant la tête et s’interrogeant une énième fois sur le sens de la vie. Ils finissent par exprimer la même chose dans cette scène où ils ne font que se regarder après la “claque”. Il est là le génie. Le sous-texte que certains, s’ils arrivent à mettre certaines considérations éthiques compréhensibles de côté, peuvent percevoir ici, c’est un de ces instants rares au cinéma où on pense déceler quelque chose qui dépasse (transcende presque…) le simple cinéma. Ce n’est plus du cinéma, c’est de l’humanisme.

L'île nue, Kaneto Shindo (1960) Kindai Eiga KyokaiL'île nue, Kaneto Shindo (1964) Kindai Eiga Kyokai

Il y a fort à parier que Shindô connaissait l’existence de certains courts-métrages documentaires, en particulier en Italie, ceux de Vittorio de Seta :

Isole de fueco (1955) :

https://www.youtube.com/watch?v=v4qOTIMqAjM

Parabola d’oro (1955) :
https://www.youtube.com/watch?v=dmnElKdBTfI

I dementicati (1959) :
https://www.youtube.com/watch?v=n3iwkzkpphM

Lu tempu di li pisci spata (1955) :
https://www.youtube.com/watch?v=27hEMKj8MKo

Tout est déjà là. La gifle en moins.

L'île nue, Kaneto Shindo (1966) Kindai Eiga Kyokai


Liens externes :


Dry Lake (Jeunesse en furie), Masahiro Shinoda (1960)

Tu les trouves jolies mes séquences ? Et mes plans, tu les aimes ?

Note : 4 sur 5.

Jeunesse en furie

Titre original : Kawaita mizuumi

Aka : Dry Lake / Youth in Fury

Année : 1960

Réalisation : Masahiro Shinoda

Avec : Shin’ichirô Mikami, Shima Iwashita, Kayoko Honoo

Curieux de comparer ce film d’une grande modernité technique avec Fleurs de papier tourné un ou deux ans plus tôt. On dirait que quarante ans les séparent.

Masahiro Shinoda réalise un film similaire à ceux de son début de carrière. Des histoires attachées à l’air du temps et pas forcément compréhensibles ou excitantes pour un Occidental aujourd’hui : la jeunesse emprise au monde mouvant du Japon, sa crise identitaire… Sorte de Fureur de vivre à la japonaise.

Cette nouvelle vague japonaise coïncide pas mal avec la française. Pour ses premiers films, Shinoda apparaît légèrement moins formel qu’il le sera par la suite (comme s’il était à l’écoute des nouvelles possibilités narratives et se mettait au défi de pouvoir les utiliser tout en se rapprochant franchement de ce qu’on pourrait identifier comme un cinéma d’auteur : surtout à travers l’éclatement du récit, la distanciation, et en s’écartant des problématiques contemporaines).

Pourtant, sur un mode transparent, sa mise en scène est foisonnante de créativité. Si on n’y prête pas attention, on peut s’y laisser prendre, mais en se désintéressant de l’histoire, paradoxalement, on voit mieux son travail sur la mise en place et le montage. Si sa caméra est le plus souvent transparente, elle n’en est pas moins active. C’est le contraire même du plan-plan attendu, à chaque scène son entrée en matière pensée comme il faut, chaque plan est un parti pris : rester en large ou se rapprocher, mais ne jamais céder à la facilité des face-à-face, utiliser la composition des plans pour illustrer au mieux une situation (et le montage, les mouvements de caméra ou des acteurs ne font pas autre chose). On se tripote souvent sur les travellings parce que c’est ce qu’il y a de plus évident à voir, c’est pourtant ce qu’il y a de plus simple à faire et, forcément, de plus ostensible (donc effet de distanciation : on voit la mise en scène et nous nous écartons de la situation). Or, il y a du génie dans la composition spatiale, à saisir un personnage d’abord en gros plan puis de changer de plan à l’intérieur du plan grâce à l’entrée dans le champ d’un autre personnage et en ajustant le cadre au nouveau “plan” en profitant d’un panoramique d’accompagnement — par exemple. Il fait ça plusieurs fois, et pourtant, ce n’est jamais le même angle ou la même action qui se dessine à l’écran, ce qui laisse une fascinante impression d’inventivité, et surtout de maîtrise, parce qu’on imagine qu’à travers cette créativité et ces choix, Shinoda n’a pu garder que le meilleur ou le plus pertinent. Du montage sans collage tout simplement.

Jeunesse en furie, Masahiro Shinoda 1960 Dry Lake Kawaita mizuumi Shochiku (2)Jeunesse en furie, Masahiro Shinoda 1960 Dry Lake Kawaita mizuumi Shochiku (3)

Autre procédé lié au montage, cette manière si particulière (surtout au début du film) de composer ses raccords autour de “blancs” statiques vite remplis à la fois de mouvement et de couleurs, c’est-à-dire des débuts de plan neutre où vient presque aussitôt entrer dans le champ un objet ou un personnage. Ce sont des sortes de raccords à froid qui permettent toutes les ellipses possibles à l’intérieur même de la séquence : qu’elles soient temporelles, c’est-à-dire des fragments de temporalité diégétique, ou qu’elles soient spatiales, car en l’absence parfois de plan large, on n’a qu’une représentation parcellaire de l’espace supposé dans lequel les personnages évoluent. C’est alors la piste sonore qui sert de « raccord-maître » (ce qui en cas d’ellipse imperceptible sera évité bien sûr). Voilà pourquoi cela donne une impression de transparence, on ne voit rien venir : son montage ne s’applique pas à cadrer des acteurs et à les restituer tels qu’ils sont dans une scène (plan large, plan maître, plans moyens, etc. et on verra au montage ce qu’on garde), mais il découpe et structure des phrases (ou des phases) ne gardant que le nécessaire. On est en plein dans une conception d’écriture cinématographique forte et délibérée, les actions (ou les plans, mais c’est ici la même chose) servant d’unité sémantique comme la phrase peut l’être en littérature. Chaque plan ayant une attaque (l’entrée dans le cadre au bout d’une fraction de seconde ou la mise en mouvement direct, voire par opposition, l’utilisation de plan fixe appelant le spectateur à se focaliser, lui, sur ce qui est montré — ça évite le systématisme des attaques, mais ces plans fixes ne servent ici que de ponctuation, de pause, quand plus tard Shinoda les utilisera véritablement comme procédés de distanciation et de ralentissement), cela ne nous permet pas de nous évader et de regarder ailleurs ou de penser à quoi que ce soit d’autre. C’est Kinji Fukasaku qui utilisera le même procédé, très utile pour donner du rythme dans les films de yakuza, et procéder par étapes en construisant son film autour du montage, du plan, et non, comme traditionnellement, autour des séquences (c’est-à-dire autour d’une scène, d’un plateau, et pour revenir encore plus loin à Méliès, à un tableau).

C’est en ça que Shinoda est bien plus moderne qu’un Guru Dutt. Malgré tout son brio technique, Dutt, construit son film autour de séquences, parfois même courtes, mais l’unité de base reste encore influencée par le langage du cinéma classique qu’il prend sans cesse en référence (même s’il imite ce qu’il y a de plus moderne dans le classicisme : le film noir et Welles — et Welles, même souvent tenté par la théâtralité, l’est déjà plus tout à fait).

S’il y a une chose qu’a rendue possible le tournage en extérieurs et en décors réels par rapport aux studios, il faut le reconnaître, c’est bien ça. S’affranchir totalement de l’influence théâtrale en se rapprochant des possibilités narratives du roman, en quittant « la scène », en s’émancipant de la contrainte de l’unité spatio-temporelle de « l’ici et maintenant » du théâtre, et en digérant toutes les expériences esthétiques passées (surréalisme, cinéma pur, Eisenstein…) qui allaient dans le sens d’une écriture (presque impressionniste) du cinéma, pour en prendre le meilleur et l’adapter à une forme, somme toute, toujours très classique, puisqu’elle s’attache encore à plonger le spectateur dans une histoire et à jouer des procédés d’identification pour favoriser la catharsis chère aux classiques. Mais avec le plan comme base sémantique, tout à coup, arrive l’idée qu’on peut suggérer quelque chose par un jeu de suggestion ou de montage, et non plus en le faisant suggérer par les acteurs ou la musique… Ce qui pour le coup, avec une histoire et des enjeux un peu lointains, est totalement raté : avec tous les efforts possibles de mise en scène, on ne peut rendre attrayante une histoire qui nous laisse plutôt indifférents.


Jeunesse en furie, Masahiro Shinoda 1960 Dry Lake / Youth in Fury/ Kawaita mizuumi | Shochiku


Sur La Saveur des goûts amers :

Top films japonais

Listes sur IMDb : 

MyMovies: A-C+

Limeko – Japanese films

Liens externes :


Testaments de femmes, Yasuzô Masumura, Kon Ichikawa et Kôzaburô Yoshimura (1960)

La segmentation du mensonge

Testaments de femmes

Note : 4 sur 5.

Titre original : Jokyo

Année : 1960

Réalisation : Yasuzô Masumura, Kon Ichikawa & Kôzaburô Yoshimura

Avec : Ayako Wakao ⋅ Fujiko Yamamoto ⋅ Hiroshi Kawaguchi ⋅ Sachiko Hidari ⋅ Jirô Tamiya ⋅ Eiji Funakoshi ⋅ Machiko Kyô ⋅ Ganjirô Nakamura ⋅ Junko Kanô ⋅ Chieko Murata ⋅ Jun Negishi

— TOP FILMS

Adapté d’un roman (ou d’un recueil de nouvelles) de Shôfû Muramatsu, ce film constitué de trois parties distinctes est un petit bijou. Chaque sketch tournant autour d’une idée commune (celle de femmes manipulatrices et vénales) possède son réalisateur attitré. En vogue dans les années 50 et 60, ce type de films a souvent peiné à trouver une unité. Pourtant, ici, un même souffle émane de cet ensemble : un style et un ton capable à la fois de se faire léger et mélodramatique. La musique joue sans doute un grand rôle dans cette unité. Elle est l’œuvre de Yasushi Akutagawa, habitué de deux des trois réalisateurs.

Masumura selon toute vraisemblance aurait réalisé le premier segment avec Ayako Wakao ; Ichikawa le second avec Eiji Funakoshi et Fujiko Yamamoto ; quant à Kôzaburô Yoshimura (Le Bal de la famille Anjo), il aurait réalisé le dernier segment avec Machiko Kyô.

La première histoire montre une hôtesse de bar dont la malice arrive à soutirer de l’argent à ses clients sans devoir en arriver à la chambre à coucher. Présentée comme une menteuse invétérée, à la fois insouciante, espiègle au travail (elle mord l’oreille de ces amants contrariés, signe de sa jouissance feinte et de la castration permanente qu’elle inflige à ses admirateurs), mais aussi consciente, en dehors, de la nécessité d’investir pour ses vieux jours. Sa seule faille (et on le retrouvera dans les deux autres personnages féminins du triptyque), c’est l’amour, réel cette fois, qu’elle porte pour un jeune homme de bonne famille. La tigresse finira par se faire avoir par son propre jeu, et ultime pirouette mélodramatique, refusera sans doute la seule chance de sa vie de trouver l’amour et le bonheur. Ces garces sont joueuses, et en tout cas pour celle-ci, quand elle baisse la garde et se révèle telle qu’elle est véritablement, elle ne tarde pas à replacer le masque pour ne pas s’avouer sa défaite, ou sa faiblesse. Avoir la plus belle femme du monde pour incarner cette tornade, ça aide. D’abord pour la crédibilité du personnage (tout le monde la désire, personne n’arrive à l’attirer au lit, mais personne ne lui en tient rigueur, on lui laisse tout passer grâce à sa beauté et son insouciance de façade), mais bien sûr, et surtout, parce que Ayako Wakao est une actrice formidable. Déjà trois ans qu’elle apparaît dans les films de Masumura (beaucoup sont encore difficiles, voire impossibles, à voir), et ici, en quelques minutes, le personnage lui permet d’exprimer une gamme impressionnante d’humeurs. La grande réussite de l’actrice et du réalisateur aura été d’arriver à ne pas faire de cette garce un personnage antipathique : elle ne prend rien au sérieux, et c’est à peine si elle se cache de mentir à ses prétendants. Un comble.

À noter également la performance impressionnante de Sachiko Hidari dans le rôle de la confidente. Future actrice de La Femme insecte ou de Sous les drapeaux l’enfer.

Testaments de femmes, Yasuzô Masumura, Kon Ichikawa et Kôzaburô Yoshimura 1960 Jokyo Daiei Studios (2)_saveur

Testaments de femmes, Yasuzô Masumura, Kon Ichikawa et Kôzaburô Yoshimura 1960 Jokyo | Daiei Studios

Testaments de femmes, Yasuzô Masumura, Kon Ichikawa et Kôzaburô Yoshimura 1960 Jokyo Daiei Studios (6)_saveur

La seconde histoire manie très bien également l’ironie, grâce au talent de son actrice, Fujiko Yamamoto. Ichikawa retrouve ici son acteur de Feux dans la plaine, Eiji Funakoshi.

Un écrivain porté disparu se réveille sur la plage. Image étrange qui ne réclame aucune explication, comme un rêve, comme une parodie des thrillers (en particulier des histoires de fantômes). Il rencontre une femme à l’air absent, lui révèle que son mari est mort et qu’elle vient brûler ses lettres parce qu’il aimait l’océan. À cet instant, son côté éthéré, on peut toujours y croire, mais le plaisir est là quand on doute de ce qu’on voit et qu’on n’ose pas encore rire. Fujiko Yamamoto joue la funambule entre le trop et le juste assez. La veuve et l’écrivain se quittent et se retrouvent par hasard le lendemain. Elle l’invite dans sa maison. Elle est froide et vide, inhabitée. Elle l’invite à prendre un bain. Et toujours cet air absent, cette voix haut perchée, traînante et naïve. Magnifique cut : gros plan sur l’écrivain, pas franchement rassuré dans son bain. Il a raison, elle vient lui tenir compagnie, nue. Fantasme, réalité ou… fantôme. On rit bien maintenant. Toutes les intonations de voix paraissent fausses. (Pour avoir un peu palpé l’art de la scène, je peux dire que c’est une des choses les plus dures à jouer : être crédible et drôle dans le surjeu parodique. S’il suffisait d’en faire trop et n’importe comment ce serait facile. Or, il faut être rigoureux et garder une humeur fixe, légèrement surjouée, sans perdre le fil. Un peu comme arriver à garder la même note pendant plusieurs minutes…)

Bref, on comprend vite grâce à l’intervention importune d’un autre personnage qu’il s’agit là, comme dans le premier segment, d’une manipulation. L’issue sera la même : la belle se fera prendre à son propre jeu. Les femmes jouent avec les hommes, mais ça leur arrive aussi de perdre. Le dénouement est à la fois amusant et magnifique : quand on ne sait au juste si la tension est celle d’un amour naissant ou celle de représailles qui s’annoncent. Comme deux taches d’encre sur la soie, ces tensions s’unissent, et c’est bien la composition de ces couleurs inédites qui provoque le plaisir du spectateur.

Le dernier segment est peut-être le plus conventionnel. Il permet à Machiko Kyô de montrer en détail tout son génie créatif.

Une “mama”, patronne de bar et responsable d’une maison de geishas après les nouvelles lois encadrant la prostitution, ayant donc bien réussi, refuse de cautionner le mariage de sa sœur. Celle-ci lui lance en retour que malgré sa réussite, elle a échoué à devenir heureuse. On la suit donc dans ses activités de parfaite gestionnaire, mais les reproches de sa sœur semblent encore résonner en elle. En quelques minutes, on en vient à mieux la connaître, à travers des références bien trouvées à son passé, à travers des détails révélant une nature tournée exclusivement vers son désir de réussir. À son autorité naturelle qu’elle montre face aux clients ou ses employées, s’oppose la faille ouverte par sa sœur qui ne va cesser de s’agrandir. C’est ce parcours et cette prise de conscience tardive qui permet de la rendre sympathique aux yeux du spectateur, placé comme en face d’une rédemption silencieuse. On n’attend alors plus que le moment où le basculement va pouvoir s’opérer. Deux fronts : un lentement préparé, qui est l’utilisation très vite dans le récit d’un événement perturbateur. Une classe est venue assister à une représentation de geishas et un des élèves est tombé subitement malade. Au lieu de l’envoyer à l’hôpital, l’enfant est gardé sur place. La “mama” ne s’intéresse d’abord pas à lui ; la maîtresse s’occupe de tout. Le deuxième front qui va permettre ce basculement, c’est l’arrivée imprévue dans la vie de cette femme au monde bien réglé de son premier amour. C’est en quelque sorte le coup de grâce qui lui fait comprendre qu’elle s’est trompée. On met de côté la crédibilité et la cohérence d’une situation un peu forcée, et on plonge dans le pathos (contrairement aux deux autres segments, ici, pas d’ironie). La police vient arrêter cet homme qui venait demandait l’aide, humblement, à cette fiancée qui autrefois l’avait quitté sans prévenir et qui avait été la source de toutes ses misères. Et le basculement est donc là : 1/ elle avoue aimer, aimer un homme hors la loi sans doute, mais elle aime, c’est le début peut-être du bonheur ; 2/ elle fait don de son sang au garçon malade ; 3/ sa sœur vient se présenter à nouveau à elle, cette fois avec son amoureux, et un peu à son étonnement, elle n’aura pas à attendre longtemps avant que sa sœur décide finalement de l’aider.

C’est du classique, un peu grossier (un mélo quoi) mais c’est bien amené. Mais il faut donc faire avant tout honneur ici à Machiko Kyô. Malgré un physique pas forcément avantageux, elle arrive à tenir l’attention grâce à son autorité, sa justesse et sa précision. Elle est capable de se fixer un objectif pour chaque scène, de jouer ainsi en priorité la situation. Et alors chaque réplique devient une évidence : délivrée simplement comme une certitude toute faite, elle envoie tout ça avec le plus grand naturel. C’est trop précis pour être de l’improvisation. De temps en temps, elle ponctue son jeu, en réaction à ce qu’elle entend, apprend, à ce qu’on lui dit. Le langage du corps apporte quelque chose de plus essentiel qui n’apparaît pas dans les dialogues. Ce sont comme des apartés que nous sommes bien sûrs seuls à voir. Ce n’est souvent qu’un geste, un regard perdu. Quand on place les acteurs dans un tel environnement fait d’objets du quotidien, là où on devrait au contraire les retrouver dans un certain confort, il n’est pas aisé d’arriver à jouer sur tous ces tableaux : la force à travers l’autorité, la faiblesse à travers les doutes et des informations sur le passé auxquelles elle semble ne pas réagir, mais qui, à force de la suivre, finissent par ne laisser aucun doute sur la manière dont elle les reçoit. Calvaire pour les acteurs médiocres, ce contexte peut révéler le génie créatif des grands acteurs. Et il n’y a pas de doute, ce que propose Machiko Kyô ici, c’est du grand art.

Voilà, il est dommage que les films à sketchs soient passés de mode. C’était un format assez similaire au recueil de nouvelles qui permettait d’aller droit à l’essentiel. Dans ce type de films, la question de la mise en scène est accessoire : elle doit se mettre au service d’une histoire, et les prétentions esthétiques d’un cinéaste doivent passer au second plan. L’efficacité avant tout. L’académisme aussi. Le film à sketchs permet, en outre, de s’attarder sur trois personnages principaux, et bien sûr, profiter du talent d’actrices exceptionnelles. Nul doute que beaucoup de ces films aient un peu trop souffert d’un manque d’unité, mais on pourrait imaginer plusieurs histoires réalisées par un seul cinéaste. Et puis, on aurait pu également insister sur un genre, qui en littérature ne s’est finalement pas si essoufflé que ça. Quoi qu’il en soit, celui-ci est parfaitement réussi. L’unité est là, elle s’articule autour de femmes manipulatrices, ambitieuses, qui vont être confrontées à des situations remettant en cause leur parcours et leurs choix peu recommandables. Le regard posé sur elles est toujours bienveillant, comme pour souligner encore le rôle de l’art, des histoires que l’on se raconte : la vie est constituée de malentendus, de fautes, de choix lourds de conséquences, d’incompréhension, d’errance ou de chance, mais chacun avance comme il peut ; et si certains, dans ce petit jeu subtil des apparences, parviennent à nous faire croire qu’ils ne sont pas affectés autant que nous par ces désagréments de la vie, c’est que malgré cette adversité, ils avancent droit, avec dignité et confiance. Les histoires, même les plus petites, sont là pour nous rappeler, que si ces héros du quotidien sont capables, même dans leurs travers, de rester fidèles à cette conduite, chacun peut le faire.

Et si on en est incapables, reste toujours le pouvoir d’en rêver. De moins en moins, malgré nos libertés, nous faisons. Ces personnages osent et se veulent maîtres de leur destin, même si — surtout — la vie leur joue des tours, ou qu’ils choisissent une voie moralement discutable. Si le film est si léger, c’est qu’il est rempli d’optimisme. Rien n’est jamais grave. La vie continue. Alors cessons de subir.

(Autre très bon film à sketchs japonais : Destins de femmes, de Tadashi Imai.)

Testaments de femmes, Yasuzô Masumura, Kon Ichikawa et Kôzaburô Yoshimura 1960 Jokyo Daiei Studios (1)_saveurTestaments de femmes, Yasuzô Masumura, Kon Ichikawa et Kôzaburô Yoshimura 1960 Jokyo Daiei Studios (10)_saveur


Sur La Saveur des goûts amers :

— TOP FILMS

Top films japonais

Liens externes :


Operation Abolition, Fulton Lewis III (1960)

Operation Abolition

Note : 0.5 sur 5.

Année : 1960

Réalisation : Fulton Lewis III

Écrit par J. Edgar Hoover

Il y a quelque chose de reposant à regarder certaines horreurs. Surtout quand elles ont un demi-siècle d’âge. On se dit « quelle époque formidable ! fallait pas être con ! ». Et pourtant, ce n’est pas mieux aujourd’hui (cf. la pitoyable guerre Dieudonné-Valls). Mais ça fait du bien de se moquer et de se laisser prendre aux jeux des évidences.

operation-abolition-1960

Si on cherche donc des clichés, des champions de la mauvaise foi, du discours de propagande invectivant la supposée propagande d’un ennemi imaginaire, si on veut voir toute la splendeur de la paranoïa en action, ces 45 minutes sont un régal.

Le film use des plus grosses ficelles, sans honte, et c’est ça qui est amusant (et pitoyable). Pour convaincre, il suffit d’être assis derrière un bureau, d’avoir le drapeau américain dans un coin et le Capitole dans le dos. La rhétorique fait tout dans la finesse : « la conspiration communiste », « les agitateurs », « agent communiste (pour membre du parti communiste) », « agent communiste international (!) », « communisme en action », « agitateurs spécialement entraînés », « la presse pro-communiste / la presse de propagande communiste », « quatre étudiants ont souffert de blessures légères tandis que huit policiers ont dû être hospitalisés (avec la jolie contradiction des images montrant les agitateurs traînés par la peau des fesses, poussés dans les escaliers, hors de l’hôtel de ville) ». Bel usage pendant ces arrestations d’une musique digne d’un film d’épouvante de la Hammer.

On voit d’où vient Fox News. Vive l’Amérique.

Le film :


La Servante, Kim Ki-joung (1960)

La Maison des otages

La Servante

Hanyo

Note : 4 sur 5.

Titre original : Hanyo

Année : 1960

Réalisation : Kim Ki-young

Le garçon apprécie Hitchcock et… les travellings. Pas un plan sans un mouvement de caméra, et c’est toujours très bien fait ; probablement un des aspects du film (pas si fréquent à l’époque) qui laisse penser en le voyant qu’on a affaire à un film plus récent.

On sent la science du montage, un souci de donner du rythme, de remplir l’espace et le temps. On retrouve la même idée dans le décor, celui de la maison familiale. Les murs sont garnis d’une espèce de crépis grisâtre constellé de cellules donnant l’impression qu’on se trouve dans une membrane, une sorte de placenta. Limite du Giger. Les effets font parfois un peu datés, avec un jeu théâtral, expressif, mais qui rajoute encore du rythme (et oui avant le cinéma, c’était l’acteur qui donnait le rythme par son interprétation).

L’histoire est légèrement tirée par les cheveux, et on frôle la série B (effets de tonnerre, pluie, musique hermanienne grinçante et répétitive), mais on est loin du grotesque. C’est parfaitement exécuté. Les dialogues passent très bien, et on évite le sang, donc ça reste tout de même mesuré. Ce décor avec ces murs, ces portes coulissantes à carreaux semi-opaques, cette terrasse au 1ᵉʳ et cette baie vitrée avec laquelle la mise en scène n’en finit plus de jouer, travellings après travellings, c’est quand même quelque chose.

À signaler un remake médiocre tourné en 2010.


La Servante, Kim Ki-joung 1960 Hanyo | Hanguk Munye Yeonghwa, Kim Ki-Young Production


Sur La Saveur des goûts amers :

Les Indispensables du cinéma 1960

Top films coréens

Liens externes :


Le Faux Étudiant, Yasuzô Masumura (1960)

L’Étranger

Note : 5 sur 5.

Le Faux Étudiant

Titre original : Nise daigakusei

Année : 1960

Réalisation : Yasuzô Masumura

Œuvre originale et adaptation : Kenzaburô Oe, Yoshio Shirasaka

Avec : Ayako Wakao, Jun Fujimaki, Jerry Fujio, Eiji Funakoshi, Nobuo Nakamura

TOP FILMS

Adaptation d’une nouvelle de jeunesse d’un futur prix Nobel de littérature (Kenzaburō Ōe), A False Student est une œuvre magistrale et complexe. On y retrouve le thème de la culpabilité, de la responsabilité, des faux-semblants, de la folie d’une société toujours en quête d’excellence et de reconnaissance…

Le film commence avec des faux airs de néoréalisme italien, bien aidé par la ressemblance de l’acteur principal avec celui du Voleur de bicyclette. La même présence naïve, une certaine folie, et la bêtise en plus… Ensuite, le film tourne au film politique comme on en verra plus tard, toujours en Italie (la connexion est réelle, Masumura a appris le métier en Italie), alors que Masumura continuera dans la subversion, mais sexuelle le plus souvent, beaucoup moins politique (quand on a Ayako Wakao à disposition, on s’adapte). On suit ainsi la petite imposture de Hikoichi sans se douter qu’il est en train de tisser autour de lui un inextinguible voile d’apparences qui ne cessera alors de jouer contre lui auprès de ceux pourtant qu’il cherchait à plaire.

Le film bascule encore une fois lors d’une longue séquence de séquestration, et gagne en puissance en interrogeant des thèmes tels que la vérité ou la justice, rappelant des films comme Fury (Fritz Lang), Du silence et des ombres (Robert Mulligan) ou L’Étrange Incident (William A. Wellman) ; des thèmes essentiels et universels que la construction d’une société comme celle de l’Ouest américain rendait possible, comme au temps des tragédies grecques. C’est bien de ça qu’il est question : ces étudiants appartenant à une des plus prestigieuses universités de Tokyo veulent réinventer le monde mais se rendent compte très vite qu’en place de leurs beaux idéaux, de la justice, on préfère toujours le petit confort d’une situation, la fuite lâche, opportuniste, face à des responsabilités lourdes, et le déni, voire le mensonge ou le crime pour préserver l’essentiel : son statut et les apparences, réelles et ultimes valeurs d’une société japonaise autant assujettie aux règles strictes de la bienséance et de la tradition.

Le génie ici, et la force du récit, c’est l’opposition poussée jusqu’à ses limites de deux types d’individus qui n’auraient jamais dû se rencontrer. L’individualiste, ou le solitaire naïf sans grands principes moraux, un peu idiot, désintéressé politiquement, souhaitant s’insérer dans une prestigieuse université qui le fait rêver — l’image idéale de la victime innocente ; et puis les jeunes étudiants, ambitieux, brillants, pleins de beaux idéaux, actifs dans leurs revendications politiques, pas foncièrement mauvais, mais qui, au nom de ces idéaux, au nom de la sauvegarde du groupe, et finalement au nom de la préservation de leur petit confort bourgeois pourtant si méprisé, n’hésiteront pas à flirter dangereusement avec ce qu’ils abhorrent.

Le dur et cruel apprentissage de la realpolitik. La savante exposition de ce qui nous fait basculer à l’insu de notre plein gré dans une forme fine de corruption et de lâcheté. Il y a quelque chose de pourri dans l’Empire du soleil levant — Masumura avait un Oe dessus.

Magistral.

La Lettre inachevée, Mikhail Kalatozov (1960)

L’Alien inachevé

La Lettre inachevée

Note : 3.5 sur 5.

Titre original : Neotpravlennoe pismo

Année : 1960

Réalisation : Mikhail Kalatozov

Avec : Tatyana Samoylova, Evgeniy Urbanskiy, Innokentiy Smoktunovskiy

Petite déception (voire grosse, compte tenu des attentes). Le film est pourtant bien lancé. Kalatozov sait installer des ambiances, planter ses personnages dans des espaces qui sortent de l’ordinaire… Mais dans la plupart de ses films, j’ai comme très vite une exaspération qui monte devant les prouesses techniques qui se font à mon goût un peu trop remarquer. Je ne sais pas si ce sont ces travellings, ces plongées ou tous ces effets qui me détournent du sujet et des enjeux de l’histoire ou si c’est Kalatozov lui-même qui tournicote autour de ses personnages, cherche la lumière, l’espace vide à saisir, pour combler son désintérêt pour ce qu’il raconte, mais voilà, ça ne marche jamais complètement.

Quoi qu’il en soit, c’est fini. Au bout de vingt minutes, le thriller (puisque c’en est un) échoue. Comme disait ma tante, si le soufflé retombe, quel camouflé !… Elle, je ne l’ai jamais vue faire autre chose que camoufler toute sa vie. Kalatozov aussi camoufle.

Il s’agit d’un thriller de type « who will be the next », comme Alien ou Ten Little Indians, mais c’est là que j’avale ma moufle : avec seulement quatre personnages.

Au bout de ces premières minutes où souvent tout se règle, je ne moufte pas, j’y crois encore, je regarde Kalatozov jouer avec la verticalité des arbres. Et puis je me demande comment Tatyana Samojlova se prononce, si elle est plutôt douce comme la mousse ou rêche comme le lichen. Tiens, prends cette branche dans la tronche s’insurge Kalatozov… Sauf que voilà, c’est fait, je ne suis plus, je n’y suis pas, je ne sais plus, je ne sais pas.

Tu me la refais ? — Ripley.

Ah oui, voilà… C’est bien ça. Le personnage de Tatyana Samojlova n’est pas Ripley. Même avec un carré de fuyards, on peut faire durer le plaisir avec des personnages qui sortent de l’ordinaire et qui ont un quelque chose en plus. Parfois, un détail change tout. Comme quand le dernier homme de la troupe qui reste est précisément une femme. Il y a toujours une question d’alchimie dans une histoire.

La mise en scène y participe sans doute ; le choix des acteurs aussi ; mais parfois aussi, des petits détails qui font passer une histoire dans une autre dimension. Un peu comme quand, à force de rater ses soufflés, maître boulanger-pâtissier Quevillard eut l’idée de remplir son soufflé de compote de pommes. Il avait inventé le chausson. Kalatozov essaie, mais à force de remplir, on triomphe sans gloire. Soufflé, oui, dame ! Mais pas joué…

Tic tac tic tac

Ta tatie t’a quitté

Tic tac tic tac

Kalato t’a triqué

Ôte ta toque et tes claques

Va’t tripoter t’es pété

T’es claqué, t’es cuité

Mange tes croûtes et tes crottes

Écarte les jantes t’es pas fiottes

Quand ta tactique était toc

Que tes toques étaient tacs

T’as fini sans 4X4

T’es perdu dans les bois

Tu finis dans l’eau froide

— Crac

Tic tac tic tac[1]

Et voilà, le monstre s’achève. Alors, oui, la Sibérie est vaste, on nous y entend à peine crier, mais je ne l’ai jamais perçu dans le film (ou d’autres) comme un espace typique propre à alimenter les peurs d’un thriller. Il manque une dimension épique et mythique à cette escapade.

Si un Kubrick parvient à créer l’angoisse avec de grands espaces vierges, c’est qu’il y installe des ambiances froides et pesantes. Kalatozov, lui, enivre, réchauffe, virevolte, et finalement l’alchimie espérée ne vient jamais.

Quelques lourdeurs dramatiques et des maladresses narratives : l’histoire de la radio assez difficile à croire, la séquence du grand feu qui s’éternise sans justification, ce finale qui n’en finit plus au milieu des eaux froides, cette nécessité assez mal comprise de sauver des données géologiques (merde, tu vas crever, lâche la faucille et le marteau ça ira déjà mieux !).

Et bien sûr, bien sûr… Il a fallu qu’on tombe sur le mauvais numéro. Des quatre, c’était Tatyana Samojlova qu’il fallait garder, patate !

« Laisse-moi là ! Je suis un héros… » Il y a quelque chose dans cette volonté infrangible du bon héros soviétique à préserver son honneur jusque dans la mort qui est profondément antipathique…

Un bon film (Kalatozov nous le fait bien assez remarquer) mais dans le même ton (ou pas d’ailleurs), je préfère largement l’histoire et la mise en œuvre, savante mais suffisamment transparente, de La 359ᵉ Section. Une vraie tonalité slave qui s’exprime sous les traits ravissants d’une horde de femmes, mi-nues ni soumises (à la Ripley), et un voyage à travers différentes atmosphères, des plus joyeuses aux plus tragiques. Il n’y a rien de mieux que la douche écossaise pour vous attiser les sens et vous obliger à vous blottir contre le sein douillet de votre tatie russe. Car s’il n’en restait qu’un, toujours, ce serait elle seule, et Kalato sova l’homme plutôt que la femme.

Tatie Kalatosova appréciera.


[1] comptine boby pointée

Ce qui vaut, en revanche, franchement le détour, c’est tout ce panel d’images grand-angles qui ne sont pas sans rappeler pour certaines, en noir et blanc, celles, en couleurs, du Quarante et Unième, de Grigoriy Chukhray (1956).


Sur La Saveur des goûts amers :

Les Indispensables du cinéma 1960

Liens externes :


Les salauds dorment en paix, Akira Kurosawa (1960)

Samouraïs en col blanc

Les salauds dorment en paix

Note : 4.5 sur 5.

Titre original : Warui yatsu hodo yoku nemuru

Année : 1960

Réalisation : Akira Kurosawa

Avec : Toshirô Mifune, Masayuki Mori, Kyôko Kagawa, Takashi Shimura, Kô Nishimura, Kamatari Fujiwara, Chishû Ryû, Ken Mitsuda, Nobuo Nakamura

— TOP FILMS

Un film atypique qui aurait pu lancer la mode des thrillers d’entreprise. Masumura s’y était essayé deux ou trois fois avec par exemple (et avec le même succès) : La Voiture d’essai noire (Intimidation est pas mal du tout aussi). Alors que les films politiques italiens de la même époque me semblent plus souvent focalisés sur la classe ouvrière, au Japon on préfère les élites dirigeantes. Un chef d’entreprise publique, ç’a finalement la même relation avec ses employés qu’un seigneur féodal avec ses samouraïs ou qu’un chef de clan avec ses yakuzas. Le film n’est pas tendre avec ce monde. Non seulement il est corrompu, mais la fin est sans détour : le système ne peut pas changer et les salauds peuvent toujours dormir en paix. C’est fascinant de voir cette hiérarchie dans l’entreprise japonaise, ce respect infaillible envers ses supérieurs, même quand ils sont corrompus sinon plus, ces notions de respect, de devoir, d’honneur.

On a donc affaire à une histoire de corruption, de marchés truqués, de détournement de fonds. Le train-train ordinaire des escrocs et des criminels en col blanc en somme. Ce n’est pas une mafia, ils ne font pas commerce de produits illicites, ils ne sont pas en lien direct avec le crime, mais ce sont des gros pourris, et toute la question, c’est toujours de savoir à quel point ils sont coupables puisqu’ils ne font toujours que répondre aux ordres qui viennent d’en haut. Ils sont tellement respectueux de l’autorité des supérieurs que quand il y a des fuites et qu’il faut trouver un bouc émissaire, les fonctionnaires, les cadres intermédiaires, acceptent toujours de porter le chapeau, voire de se suicider pour la sauvegarde de l’entreprise. Ça commence par les cadres intermédiaires, les comptables, et puis petit à petit, ça atteint les hauts fonctionnaires. Toujours les mêmes principes : on obéit, l’intérêt de l’entreprise est supérieur à l’intérêt individuel ou à un quelconque intérêt commun obéissant à une morale. Et c’est ainsi que si chacun sert au moment utile de fusible, la pérennité d’un système crapuleux n’est jamais remise en cause.

Les salauds dorment en paix, Akira Kurosawa 1960 | Toho Company, Kurosawa Production Co

Ça, c’est le contexte du film, au milieu de tout ça, il y a une histoire, et c’est là qu’intervient le personnage de Toshiro Mifune. Fils d’un de ces hauts fonctionnaires qui a été poussé au suicide, il rentre dans l’entreprise dans l’idée de se venger. Il parvient au plus près du vice-président en se mariant avec sa fille et va organiser sa vengeance en faisant tomber les têtes une à une. Le système aura raison de lui. Tout est bien qui finit bien… pour les crapules.

Kurosawa s’applique à casser certains codes narratifs. Dans un film de deux heures, on sait reconnaître où on en est. Les films sont parfaitement formatés pour une introduction, un développement, jusqu’au dénouement. On sait quand ça commence et quand ça se termine. Là, on est un peu perdu. Certaines séquences sont très longues. Plus que des scènes, il s’agit de tableau, un peu comme chez Brecht. Elles ont leur propre vie, leur propre objectif et leur propre déroulement. On est habitué au cinéma à ce que tout aille vite, que tout soit précipité, et au final, les thèmes, les conflits, sont survolés, on comprend les grandes lignes, souvent sans aucune nuance. Là, en prenant son temps, Kurosawa nous permet de profiter à plein des situations en s’y attardant. On n’est plus dans un rythme cinématographique, mais souvent réellement théâtral. Ça donne du relief à l’histoire, mais on reste perdu sans l’étroit carcan d’une dramaturgie formatée pour les deux heures.

L’histoire est inspirée d’Hamlet. Le thème de la vengeance, le côté, « il y a quelque chose de pourri dans l’entreprise », la fille qui rappelle Ophélie. Et ça s’arrête là. On pourrait aussi y voir une référence sympathique au théâtre grec, surtout dans la première scène, celle du mariage, qui doit bien durer un quart d’heure et qui est montrée à travers les yeux, les commentaires, des journalistes. Ce n’est rien d’autre que ce que les Grecs faisaient dans leurs tragédies avec le chœur, pour commenter, présenter l’action, et parfois même, interagir avec les personnages de l’histoire. C’est encore plus perceptible quand, à la fin de cette scène, l’un des journalistes dit que ce qu’ils viennent de voir ferait une bonne pièce en un acte et qu’un autre lui répond en plaisantant que ça ne serait qu’un prologue d’une pièce beaucoup plus vaste… On voit tout l’attachement de Kurosawa à la culture européenne. Si on l’aime autant en Occident, c’est peut-être justement parce qu’il fait des films qui nous sont proches, qui sont dans la droite ligne de ce que notre culture a produit de mieux, du théâtre antique, à la tragédie classique en passant par les pièces de Shakespeare. Et parce qu’on y trouve un sens moral qui ne nous est pas étranger (il n’y aurait probablement pas la même critique du bushido dans un cinéma japonais sans influence occidentale).

Kurosawa récupère toutes les stars de la Toho : Toshiro Mifune, bien sûr, Takashi Shimura, le fidèle, et Masayuki Mori, qui jouera la même année un salaud d’un autre genre dans Quand une femme monte l’escalier. On ne les voit jamais tous les trois ensemble, et la distribution manque un peu de personnages féminins, mais quel plaisir de voir tout ce monde réuni.


Sur La Saveur des goûts amers :

Les Indispensables du cinéma 1960

— TOP FILMS

Top films japonais

Liens externes :


Quand une femme monte l’escalier, Mikio Naruse (1960)

Nuages noirs et rampants, risque d’averse de spleen et d’alcool. Col du bar, ouvert.

Quand une femme monte l’escalier

Note : 5 sur 5.

Titre original : Onna ga kaidan wo agaru toki

Année : 1960

Réalisation : Mikio Naruse

Avec : Hideko Takamine, Tatsuya Nakadai, Masayuki Mori

TOP FILMS

Naruse poursuit son travail sur la destruction de la société japonaise à travers la fin des geishas. On a plus affaire ici à des hôtesses de bar. Des call-girls qu’on vient voir dans les quartiers des salons de thé où les geishas traditionnelles se font rares (on n’en verra qu’une d’ailleurs durant tout le film pour montrer la désuétude de son apparence par rapport à celle de ces hôtesses). Même principe en fait : elles doivent faire la conversation et boire avec les clients, et plus si affinités…

Hideko Takamine, toujours au rendez-vous, joue une veuve d’une trentaine d’années obligée de travailler dans un de ces bars discrets souvent situés au-dessus d’autres commerces. Le titre du film fait référence aux marches que le personnage d’Hideko déteste monter pour se rendre auprès de ses clients. Parce qu’elle a horreur de ça. Elle est très belle, beaucoup de clients voudraient être son protecteur, mais comme elle ne tient pas à se donner à n’importe qui, elle reste « prude ». Elle arrive pourtant à un âge où il va falloir qu’elle fasse un choix : chercher un protecteur qui voudra bien se marier avec elle (mais quel homme respectable s’engagerait avec une telle femme, même « prude » ?) ou ouvrir elle-même un bar où elle pourrait accueillir ses habituels clients. C’est tout le dilemme du film.

Quand une femme monte l’escalier, Mikio Naruse (1960) Onna ga kaidan wo agaru toki | Toho Company

Hideko ne semble pas savoir ce qu’elle veut. En fait, elle voudrait bien qu’on décide à sa place. Elle n’a pas vocation ni le caractère à être une femme d’entreprise, c’est une femme au foyer (d’ailleurs on se demande ce qu’elle vient faire dans ce milieu). En secret elle attend que l’homme qu’elle aime vienne la chercher sur son cheval blanc… Son intelligence ne l’empêche pas d’avoir encore des rêves de jeune fille.

Comme d’habitude chez Naruse, il faut un moment pour que les personnages se mettent en place et qu’on comprenne quels sont les enjeux de tout ça (et surtout entrevoir ce que les personnages désirent). Un désir souvent contraint par les lois de la vie, le mariage, l’argent, la réputation… Là, on comprend vite qu’il s’agit d’un jeu à quatre. Hideko au milieu de trois hommes. Après l’épisode d’une amie qui se suicide (un thème déjà présent dans le film précédent), la lumière se fait donc sur les sentiments des personnages, et d’abord sur ceux très confus de ce personnage principal qui ne sait pas elle-même ce qu’elle veut. Celui qu’elle aime sans lui dire est un de ses clients les plus distingués, un banquier, marié, fils de bonne famille, joué par l’excellent Masayuki Mori. Mais lui semble lui porter peu d’attention. Il y a aussi un autre homme, le gérant, qui est aussi son meilleur ami, dont on apprendra seulement à la fin qu’il l’aime aussi, joué par Tatsuya Nakadai. Malgré sa beauté, malgré l’attention qu’il lui porte, elle ne voit rien, mais de toute façon quand il lui dira à la fin du film, elle lui dira que ça ne peut pas marcher (il n’a pas le profil du prince sur son cheval blanc). Et enfin, le client mythomane, un peu fauché, soi-disant patron d’usine, et surtout totalement marié.

C’est avec le dernier, le mythomane, que le mélo commence. Hideko, alors qu’elle commence à réunir l’argent pour monter son bar, un peu résignée donc à monter un genre de commerce qu’elle abhorre mais où elle est sûre d’avoir des clients, se voit donc proposer en mariage par ce bonhomme, franchement pas très beau, mais gentil. Elle finit donc par accepter sa proposition. Finir avec lui, c’est toujours mieux que de rester dans ces bars à vie. Jusqu’à ce qu’elle apprenne qu’il est marié et qu’il n’en est pas selon sa femme à son premier coup d’essai… « Pourtant, vous êtes jolie, vous n’avez sans doute pas pris au sérieux sa proposition » dira-t-elle à Hideko… Bah si. Première humiliation, l’escalier de la désillusion est encore long à monter.

Elle vient noyer sa misère dans un bar et dans quelques verres de whisky. C’est là que son charmant banquier, accompagné d’une belle geisha comme on en fait plus, la remarque. Elle est ivre. Il congédie la geisha et ramène la belle dans son appartement. Elle lui dit qu’elle l’aime depuis le premier jour, on connaît la chanson…, il en profite pour la peloter, lui dire « je t’aime aussi », et au réveil : « bon ben, il faut que je parte. » « Ah non, reste encore un peu ! » « Non, mais c’est que j’ai été muté à Osaka… » On reconnaît là toute la lâcheté des personnages masculins chez Naruse, comme chez Bergman, comme chez Almodovar… Et puis il lui explique que même s’il restait à Tokyo, sa famille ne comprendrait pas, il est de toute façon bel et bien marié. Bref, le goujat de première. Le rêve s’écroule encore plus pour Hideko, elle qui était restée vertueuse tout ce temps, qui se donne à l’homme qu’elle aime, et qui le voit se barrer aux premières lueurs de l’aube. Encore quelques marches, Hideko, grimpe !

C’est un mélo, alors il faut en rajouter une couche tant que c’est encore possible. Le gérant arrive alors. Sans doute un peu jaloux, il les a vus partir ensemble la veille et a dû veiller toute la nuit en face de l’appartement de sa belle. Dès que le banquier file, droit dans sa lâcheté d’homme marié, il ramène sa fraise pour lui révéler son amour… Les hommes choisissent toujours les meilleurs moments pour annoncer ce genre de choses. « Tu l’aimes ? Je m’en doutais…, mais moi aussi je t’aime ! Marions-nous et ouvrons un bar ensemble. » Un bar ?! mais elle en peut plus des bars, ce qu’elle veut elle, c’est préparer le riz gluant de son petit mari quand il rentre du travail et puis c’est tout, le japanese way of life. Donc elle pleure, elle pleure, et lui se voit prié de quitter les lieux…

Voilà, ça donne l’impression de personnages qui se croisent sans jamais se trouver. Un peu déprimant, mais terriblement juste.

Pas forcément très original dans sa conception, mais dans la réalisation et l’interprétation, c’est parfait. Hideko Takamine, c’est le genre d’actrice, tu la mets au milieu d’une histoire bien mais sans plus et elle te transforme ça en énorme film, comme Gong Li, comme Anna Magnani… Le film est sans doute un peu moins abouti (la fin n’est pas terrible, trop courte), mais rien que pour elle, je crois que je voudrais ce film dans ma pochette de trois cents films sur une île déserte.

En rab, une introduction à un challenge du goulag :

De l’avis général (du mien), Quand une femme monte l’escalier est une porte d’entrée idéale pour s’immiscer dans le monde parfois incompréhensible de ces êtres étranges et rieurs qui habitent une grande île un peu chahutée par des hoquets sismiques. Ne vous étonnez donc pas si dans ces films on y boit beaucoup, si on y rit, et pleure. La femme en question attaque le versant le plus obscur de son bar et ne devinera finalement jamais ce qui s’y cache de l’autre côté. Si elle n’atteint jamais les sommets de ses espérances secrètes (elle aime, oui, elle aime !) et trébuchera dans une rigole de larmes, rafraîchie là-haut par le noir et froid cœur des hommes, eh bien ce sera à vous, téméraires explorateurs de ce challenge, de vous hisser au plus haut, vous livrer à la lumière du seuil, pour découvrir, après cette excursion qui vous aura ripé le cœur et fait fondre les larmes, le monde vaste et fascinant, d’abord d’un Naruse, cinéaste rigolard et taquin préférant se tapir dans l’ombre de ses contemporains (Kurosawa, Ozu, Mizoguchi) et enfin, de tout un cinéma japonais classique.

Le mot pour finir de mon escort-girl du week-end, pas soumise pour vingt sous mais plutôt nippophile, et donc, forcément charmante : « Bien sûr que je connais Hideko Takamine ! Qui ne connaît pas Hideko ne peut se prétendre cinéphile ! Et je vais te dire mon Limounet chéri, je m’y connais un peu en hôtesse de bar — aussi ! — eh ben, Hideko, c’est une championne. La championne ! Une hôtesse trop jolie, ou trop entreprenante, les clients regardent mais ça les met mal à l’aise… Les laides ou les vulgaires, ils les repoussent… Et il y a un entre-deux, qu’on ne peut pas très bien situer ou définir sinon qu’en évoquant Hideko Takamine, qui rend fous les hommes au point d’appeler ces hôtesses de bar par le premier nom qui les a attendris et les a vus grandir : “Maman”. Une femme, dont la beauté du cœur, la lassitude, le désespoir, et une forme de dignité que personne ne pourrait imaginer chez une pute… Voilà ce que c’est Hideko Takamine : un miracle. Une marge fragile et insaisissable, floue, entre le beau ostensible et le laid qui pétille, entre la noblesse qui s’étiole et la bassesse qui aspire. »

Je n’ai pas saisi la suite, elle s’est mise à bailler. Mais l’essentiel était là.

Mon Limounet chéri !


Sur La Saveur des goûts amers :

Les Indispensables du cinéma 1960

TOP FILMS

Top films japonais

Les perles du shomingeki

Top des films avec des femmes indépendantes

Liens externes :


Courant du soir, Mikio Naruse (1960)

Courant du soir

Note : 4.5 sur 5.

Titre original : Yoru no nagare

Année : 1960

Réalisation : Mikio Naruse & Yûzô Kawashima

Avec : Yôko Tsukasa, Isuzu Yamada, Akira Takarada, Tatsuya Mihashi, Yumi Shirakawa, Takashi Shimura

— TOP FILMS —

Encore une histoire qui se passe dans une maison de geisha et encore plus désespéré qu’Au gré du courant tourné quatre ans plus tôt. Cette fois Naruse y ajoute la couleur Technicolor, mais ce n’est franchement pas plus réjouissant. On est encore à un stade encore plus avancé dans la destruction de la société traditionnelle, et comme toujours la description des maisons de geishas est parfaite pour illustrer cette fin d’un monde de plus en plus occidentalisée.

Naruse nous présente encore cinquante personnages en même temps au début… On peine à y voir clair d’une scène à l’autre ; faire le tri entre les personnages qui deviendront les personnages principaux et les autres. Et puis, le récit se resserre sur quelques personnages, un peu comme pour signifier encore plus la mort, la destruction des choses et des êtres, comme dans un récit du type Dix Petits Nègres ou Alien

Courant du soir, Mikio Naruse 1960, Yoru no nagare | Toho Company

Ça y est, l’occidentalisation des mœurs est là, et ça nous saute à la figure, et l’effet et d’autant plus réussi avec ce Technicolor très agressif. On voit les jeunes geishas se trimbaler en maillots de bain à la piscine municipale, se faire mâter par quatre ou cinq idiots — bref, le Japon comme on l’imagine et le connaît aujourd’hui.

Et puis, au bout d’une heure (enfin), c’est la révolution. On commence à se familiariser avec les personnages principaux, à connaître les enjeux de leur vie, les conflits. Et là, ça sonne comme du Altman, avec toutes ces histoires racontées en même temps, autour d’un même lieu mais avec des personnages différents. Petit à petit, on est alors plus dans du Altman, on tombe (avec bonheur) dans le mélo, avec les bouleversements des révélations. On ne se focalise maintenant plus que sur deux histoires, toutes les deux basées sur un trio amoureux.

D’abord, la mère et la fille sont amoureuses d’un même homme, en secret… le cuisinier de l’établissement, ancien déporté de guerre en Sibérie, et qui aimerait franchement se trouver ailleurs qu’entre ces deux nanas (d’ailleurs, il va finir par se barrer). Ensuite, une geisha, heureuse avec son amant avec qui elle compte se marier (et par conséquent abandonner le métier de geisha une fois qu’elle aura assez d’argent — on ne peut pas être mariée et geisha), mais qui voit l’arrivée de son ancien mari qui a fait un petit séjour en hôpital psychiatrique et qui compte bien la voir revenir avec lui…

C’est une fois que toutes ces révélations sont faites, et que tout le monde sait qui est qui, que le mélo se met donc en place. Les scènes poignantes entre la mère et sa fille qui se disputent un homme (qui lui ne les aime pas) ; le dilemme de la geisha et de son amant pour faire comprendre à l’ancien mari qu’il n’est plus rien pour elle, sans qu’il pète les plombs. Et bien sûr, comme dans tout bon mélo, ça se termine par une tragédie. L’une des histoires se terminant tragiquement ; l’autre restant ouverte, comme pour dire « la société japonaise survit encore, mais pour combien de temps ? ».

Parmi les histoires secondaires du film, il y en a une ou deux savoureuses. Il y a notamment cette geisha qui termine souvent bourrée, avec un caractère bien trempé (signe que les geishas ont bien changé…, elles qui doivent par exemple connaître l’art de la conversation pour distraire ces messieurs qui viennent se détendre dans un salon de thé) : elle se comporte comme une garce et n’hésite pas à renverser deux verres de bière sur ses messieurs quand ils disent quelque chose qui ne lui convient pas. Et encore, la fille d’une des geishas de la maison, qui passe son temps à vouloir se suicider. Ses tentatives paraissent à la fois désespérées et comiques. Le récit n’a aucune pitié pour elle : elle se plante, sa mère arrive et lui dit que si elle veut se suicider qu’elle le fasse proprement, pas en ennuyant tout le monde.

Bref, toujours le même plaisir de retrouver ces incroyables actrices, capables d’exprimer trois cents émotions à la minute. Impressionnant, dur au début, mais captivant au final.



Sur La Saveur des goûts amers :

— TOP FILMS —

Top films japonais

Les perles du shomingeki

Liens externes :