Les imposteurs du Net, chapitre 49, les « garçons officiels » (Twitter)

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S’il y a bien un comportement qui me hérisse le poil, c’est l’habitude de certains « comptes » sur les réseaux sociaux à produire des contenus piochés chez le voisin pour s’en faire passer pour les auteurs. Si globalement, le respect du droit d’auteur est largement mis à mal sur les réseaux sociaux, en général, ce qui nous est le plus apparent, ce sont les images. Seulement, personne n’irait s’imaginer qu’une image capturée ailleurs ait comme auteur celui qui la partage. Si avec le journalisme 2.0, c’est peut-être moins évident, et si des comptes comme conflits sur Twitter s’embarrassent rarement de citer ses sources, pour des images de film par exemple, c’est moins problématique. Si la question de la source ou de la citation demeure, ce qui est plus grave, c’est de partager un contenu en se faisant passer l’auteur.

J’ai déjà vécu ça mille fois. Le compte Aurea sur SensCritique partageait en toute innocence de jolies phrases dans des listes et quand on lui faisait remarquer répondait qu’elle les recopiait parce qu’elle les aimait ; en revanche, quand on lui demandait de mettre des guillemets et de citer ses sources, l’innocence laissait place à la suspicion : pourquoi donc venait-on l’agresser alors que de toutes évidences ses intentions étaient pures, et que compte tenu du fait que beaucoup de monde appréciait ses listes, c’était la preuve que ça ne choquait personne. Avant ça, sur un autre site, j’avais même été moi-même « victime » de ces petits recopiages intempestifs : un compte s’amusait à recopier certaines de mes bêtises sur un forum en se faisant bien sûr passer pour l’auteur. Pathétique me direz-vous, mais autant je peux comprendre que certains esprits fragiles aient tant besoin d’attirer l’attention et l’amour des autres (bien que cela reste toujours, de mon point vu, répréhensible), autant j’ai toujours été bien plus surpris par la réaction des personnes qui « suivaient » ces comptes de copistes : même avec preuves à l’appui, c’est vous, quand vous pointez du doigt ces vols et ces mauvaises pratiques, qui aurez toujours tort. On vous questionne toujours sur vos intentions (quand bien même vous êtes victime de plagiat), on minore la gravité de telles pratiques (ce n’est bien sûr pas un drame, mais quand c’est systématique, il faut juste que ça cesse, il y a quoi de difficile à comprendre là-dedans ?), bref, la faute n’est jamais portée sur celui ou celle qui sape le travail des autres, s’en rend (faussement innocemment) propriétaire, mais toujours sur celui qui pointe du doigt l’affaire. Parce que bien sûr, on a toujours quelque chose derrière la tête, c’est toujours parce qu’on est jaloux de la « popularité » des comptes faussaires (ça va presque jusqu’à l’absurde : certains reconnaissent les faits mais défendent toujours les voleurs).

Et là, il y a quelque chose, à mon avis, qui reflète énormément la société dans laquelle nous vivons. Je ne parle pas de celle avec ses réseaux sociaux, qui ne font qu’augmenter, par sa rapidité et sa facilité d’usage, des pratiques qui existent sans doute depuis la naissance des rapports sociaux. Au-delà du cercle familial et du travail, il semblerait qu’on, en tant qu’individu, gagne, ou espère acquérir, une certaine forme de prestige à l’échelle d’un autre réseau, celui-là, ni professionnel ni familial, et pas vraiment non plus amical. C’est le prestige, la renommée, le respect au sein d’un cercle qui tend à s’agrandir plus on le nourrit et plus lui-même nous donne en retour des preuves de reconnaissance. C’est le phénomène de cour, de tribu ou de n’importe quel réseau constitué à l’intérieur d’une société et par lequel ses membres évoluent ensemble, profitant, d’un côté du mouvement de masse que le réseau peut lui-même engendrer, et cherchant aussi d’un autre côté à profiter des opportunités possibles, mais plus souterraines, vous faisant évoluer favorablement à l’intérieur même de ce réseau. De là naît la jolie pourriture de nos relations sociales : l’hypocrisie, la jalousie, une certaine forme de cupidité sociale, la rumeur, la traîtrise même, les alliances intestines contre un autre groupe, voire le complot. De la politique, quoi.

Et à côté de ça, on trouve les outils, ou peut-être les otages, de ces pratiques courtisanes, dont vont se servir les ambitieux, les arrivistes, les Rastignac à l’insu de leur plein gré, etc. Avec quoi gagne-t-on en popularité, en respect ? Comment grimpe-t-on les échelons à l’intérieur de ces cercles d’influence ? Il y en a peut-être d’autres, mais de ce que j’ai pu voir jusqu’à présent, c’était toujours lié à la créativité. Ça ne pose pas beaucoup de problèmes quand on partage une bonne blague… là encore, je doute que les auditeurs hilares se doutent que celui qui fait rire l’assistance soit le réel auteur de la petite blagounette qu’il tire peut-être lui-même d’un autre amuseur pudique… (Même si, ce serait sur le Net, ce serait déjà bien plus suspect. D’autant qu’une bonne blague, elle tient peut-être parfois plus à comment et par qui elle est racontée. Bref.) Non, on se fait surtout mousser, au mieux, pour des œuvres, des productions personnelles, et cela à toutes les échelles. Le petit copieur en quête d’amour n’ira probablement pas recopier des œuvres établies, ni même des passages (même s’il y a des exemples pathétiques ; là, on est à un niveau supérieur qui se règle au tribunal), mais ira plutôt picorer ici ou là. Ce sera à la fois sa meilleure couverture, mais aussi sa première défense : on ne fait pas de mal quand on ne fait que reprendre de courts passages « qu’on aime bien ». Qui vole les pièces jaunes aux sans-abri vole un bœuf…

Bref, dernier exemple en date, le compte garçons officiels sur Twitter. C’est un compte que je suis depuis quelques semaines puisque ça partage sur tout et n’importe quoi dans le domaine de l’art avec toujours une petite phrase « jolie » qui décrit de quoi il s’agit. Étant plutôt ignare, j’aime bien découvrir à petite dose dans des domaines variés. (Pour paraphraser les « garçons », et je les cite : « en allant voir vos tweets nous réalisons que vous avez une idée et un avis ». Et oui ! Je m’intéresse à tout. C’est affreux les gens qui mettent leur nez partout. La curiosité, quel vilain défaut.)

Le problème, c’est que je suis « un peu » cinéphile, et que là c’était pas de chance, ils publiaient un tweet sur un de mes acteurs préférés, William Powell.
https://twitter.com/GarconsOfficiel/status/1267092391426691074

Ah. C’est plutôt la dernière phrase qui tique. J’ai un vague souvenir que Powell avait eu en effet une carrière de second rôle dans le muet et qu’il y avait pas forcément officié dans des rôles comme ceux plus sympathiques qui suivront. Je me rappelle surtout de sa performance dans Crépuscule de gloire, de Josef von Sternberg, où il n’a pas encore tout à fait un premier rôle, mais impressionne dans un personnage de metteur en scène, peut-être loin d’être sympathique, mais certainement pas un « vilain », un « traître » ou une « crapule ». (Il me semble même avoir souvenir d’en avoir parlé dans mon commentaire de film…) Le film lui doit beaucoup, et un peu à l’image d’un Richmond dans Richard III, alors qu’il n’est pas présent une grosse partie du film, il mange presque la vedette… à la vedette dans le finale. Je fais donc quelques recherches, et en effet, avant les deux films qu’il tourne avec Josef von Sternberg, il aurait été plutôt utilisé en tant que « vilain », mais rien de bien remarquable ou de très significatif. L’acteur William Powell, on le découvrira surtout dans des comédies dans les années 30, comme je le fais remarquer dans mon premier tweet :
https://twitter.com/Limguela_Raume/status/1267096507913822208

La réponse des « garçons » est alors d’une triste ingénuité parce qu’ils me livrent, pour justifier leur « propos » (que je pensais alors être le leur), leur source, autrement dit, l’article dans lequel ils ont tout bonnement recopié la phrase de leur tweet.
https://twitter.com/GarconsOfficiel/status/1267110313129922562

Je vais lire l’article. Rien à redire là-dessus, l’auteur distingue bien la période du muet où Powell n’est pas franchement considéré comme une vedette (et jouait donc les « vilains ») et le parlant grâce auquel il deviendra après quelques années, et grâce à la MGM, une star. Mais une star de comédie, et donc bien de la MGM, mais la MGM ne l’engagera… que dans les années 30. Donc non, aucun rapport entre la MGM et ses rôles (anecdotiques) de méchant dans des films muets. Et on note au passage que leur explication de merde doublée de l’aveu candide de plagiat a été « likée » par leur pote de cour, Philippe Rouyer, aka un des masters posters sur le réseau (signe déjà que l’entente des petits copains a toujours plus d’importance que la réalité des faits, et signe peut-être aussi d’une ignorance en la matière que lui, comme d’autres, s’appliquerait à faire passer pour de la connaissance.) (Ça commence à se sentir que j’aime pas les usurpateurs, et ça va empirer au fil des réponses.)

Toujours bien rempli de bonnes intentions (on me connaît, je cherche toujours à aider les gens qui se promènent avec une jambe cassée dans la rue avant qu’ils finissent, grâce à mon soutien, cul-de-jatte), je leur soumets alors une révision à la phrase qui la ferait coïncider avec la réalité de la carrière de mon cher Powell (il y a la post-vérité, mais il devrait y avoir la tweet-réalité, la raison qui pousse les gens à publier de la merde) :
https://twitter.com/Limguela_Raume/status/1267117367978532865

Ma dernière phrase suggère que l’exaspération n’est pas loin, nourrie bien sûr par la suspicion désormais bien établie qu’une bonne part, voire l’ensemble, de leur production n’est que du vulgaire recopiage.

Dans cette situation, étrangement, c’est souvent la même réaction qu’on rencontre. Les « garçons » comprennent qu’ils viennent d’être pris la main dans le pot de confiture (même s’ils doivent être persuadés que cela n’a aucune importance), et que bêtement, soucieux de montrer qu’ils n’étaient pas dans l’erreur, ils ont fait par là même l’aveu de leurs pratiques (cette désinvolture est peut-être due au fait qu’on leur a déjà fait remarquer et que tout le monde s’en fout, mais je ne suis pas les commentaires de leurs tweets pour en savoir plus : c’est le type même de tweet qu’on lit en diagonale et dont on a ni envie de commenter ni envie de lire les commentaires). Quelle réaction donc ? Un peu de sarcasme et de suffisance :
https://twitter.com/GarconsOfficiel/status/1267118207921463298

La vérité ne tient pas en 280 signes. La post-vérité, si.

À ce moment, j’ai déjà probablement googlisé certaines de leur production et remarqué qu’un certain nombre d’entre elles étaient piochées sur le Net. Des articles de blog, des sites de galeries, des pages d’encyclopédie en ligne (aucun problème pour Wikipédia donc, mais ça n’empêche pas l’usage des guillemets), dont parfois des phrases qu’ils ne sont pas les seuls à reproduire et que tout un petit monde de blogueurs recopie en cœur sur leur site respectif… Je n’y ai pas passé une heure, mais ça ne sentait pas bon. Alors comme je n’ai pas une grande sympathie pour ces gars-là (les voleurs), et en particulier quand on me prend de haut, le ton a commencé à changer.
https://twitter.com/Limguela_Raume/status/1267129258520035328

À quoi, je retrouve le ton évasif, faussement poli, assez provocateur en réalité parce qu’on sent le dédain supérieur qui se cache derrière une telle réponse, de cette supériorité aussi qu’ont les personnes qui pourraient avoir des choses à se reprocher mais qui se savent en sécurité et qui, en plus, te font bien sentir que toi tu es un peu de la merde à relever la leur puisqu’on est le seul à la voir. Je vois même ça un peu comme de la défiance : leur question sonne un peu comme : « Vas-y, dis-nous ce que tu as à dire, on ne craint rien, on est plus populaire que toi, mais vas-y ». J’ai déjà vu ça plusieurs fois… :
https://twitter.com/GarconsOfficiel/status/1267132036852191234

Là, je remarque toutefois une chose qui m’amuse. Ils ont tout de même pris le soin de dé-mentionner Phillippe Rouyer. Ce n’est pas anodin. Ces types-là ne vivent que par et pour la relation qu’ils ont aux autres, et en particulier chérissent celle qu’ils entretiennent avec les gens placés hauts dans l’échelle de respectabilité de la société (ou d’une micro-société). Là encore, c’est assez typique de ce genre de « comptes » en quête de « likes », de visibilité, d’attention… et tout ça au prix de quelques recopiages qu’ils pensent anodins. Peut-être plus révélateur encore de cette attitude, on les voit poster publiquement un message à l’attention de Julie Gayet (via la mention donc) afin que celle-ci songe à les suivre désormais comme c’était déjà leur cas et puisque, comme ils le précisent, elle avait retweeté une de leur publication… Dans quel monde vit-on… C’est triste d’en arriver là pour récolter trois mille likes et élargir son petit cercle d’influence… Ça me rappelle tristement les partouzeurs de l’aube.

Je deviens plus direct. Direct, mais courtois. Ils se foutent de ma gueule, mais le sont aussi. Aucune raison d’adopter une autre attitude… Direct donc. Mais… un peu taquin aussi.
https://twitter.com/Limguela_Raume/status/1267134219207217153

Et là réponse, j’avoue, m’a un peu scotché. À différents niveaux. Pourtant, j’aurais dû m’y attendre, parce que là encore, c’est assez typique. On répond innocemment, on fait semblant de ne pas comprendre, et surtout on lâche des aveux surréalistes. C’est dit avec une telle innocence que je suis persuadé que ça ne choquerait pas grand monde. Comme souvent, on fait plus attention au ton employé qu’aux faits : ici, le fait d’avouer comme si c’était la chose la plus naturelle du monde… eh bien, la fait passer pour la chose la plus naturelle du monde. On parle bien de s’approprier des contenus écrits par d’autres.
https://twitter.com/GarconsOfficiel/status/1267136113048719361

Je le cite à nouveau pour bien le mettre en évidence, c’est écrit noir sur blanc : « Nous ne prétendons nullement être auteurs de nos posts. »

Il y a que moi que ça choque ? Peut-être bien que c’est moi le naïf. C’est à ce point répandu de recopier les phrases des autres en s’en faisant (quand même beaucoup, hein) passer pour les auteurs ? J’ai loupé un épisode ? Parce qu’attendez… On ne prétend pas être les auteurs de… heu… ce qu’on écrit, mais… c’est mentionné où qu’ils ne sont pas les auteurs de ce qu’ils écrivent ?! Ah, ça, pour mentionner machin et machine, pour mettre des guillemets et un auteur connu en parenthèse parce que ça fait classe, ils sont forts les garçons, mais dire qu’ils ne sont pas les auteurs de ce qu’ils écrivent (?!), c’est déjà plus compliqué à mentionner.

Typique encore et toujours, le reste du tweet. Nous recopions ce que nous aimons. Sérieux, c’est le disque rayé le plus mauvais de la terre… Donc le fait d’apprécier quelque chose, mérite qu’il soit pillé. La logique m’échappe. Bon, en fait, c’est qu’il n’y en a aucune. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’on cherche juste à se faire passer pour les auteurs de quelque chose qu’on a apprécié… pour qu’on nous apprécie à notre tour. Et toujours cette candeur. Comme l’impression chaque fois qu’on fait remarquer à quelqu’un que non, ça ne se fait pas de copier sur le voisin, et qu’on nous répète en guise de réponse candide : « Mais où est le problème ? » Le problème, c’est qu’on ne vole pas seulement ce qui ne nous appartient pas. On trompe bien quelqu’un parce qu’on fait sien ce qui lui appartient, mais aussi les personnes qui nous lisent. C’est pas bien, point.

Je suis alors bien agacé et j’y vais de ma petite leçon de morale :

On ne prétend pas être les auteurs, mais on profite de la confusion probable et espérée, notamment en oubliant sciemment de mettre des guillemets comme c’est l’usage.

Je réponds :
C’est bien de partager*. Mais songez que quand vous reprenez une phrase, derrière il y a un auteur, parfois peut-être un attaché de presse, ou un passionné, qui lui ne tire ni crédit ni visibilité comme vous le faites.
Par respect pour ceux-là, et parce que je n’ai aucune raison de douter de votre honnêteté*, je vous suggère d’incorporer à vos capsules d’autres garçons formidables.
Je vous présente Pierre & Paul : « ».
Ajouter la source en réponse au 1ᵉʳ tweet, c’est encore mieux. Il y a moyen à ce que ça tienne aisément en 280 signes. Je suis sûr que personne ne vous tiendra rigueur de ces ajouts ; mieux, vous ferez profiter de votre visibilité aux auteurs (créateurs, artistes, mais aussi gratte-papier) en encourageant vos abonnés à en savoir plus.
Il n’y a pas de contradiction à être « passeurs », ou « révélateurs de beauté », et citer honnêtement ses sources.
* on remarquera les efforts de ma part à rester courtois : qu’on s’énerve, les escrocs n’attendent que ça afin de passer, eux, pour des victimes. (J’ai mis tout ça en un bloc, mais c’est une suite de tweets.)

J’ai dit tout ça d’ailleurs en toute bonne foi. Oui, je suis persuadé que mettre des guillemets et une source ne leur ferait pas perdre d’abonnés. Seulement, persuadés qu’ils sont d’être suivis grâce à la confusion dont ils sont, eux, les auteurs, ils ne peuvent pas concevoir que respecter les auteurs qu’ils copient puissent être compatible avec le fait de partager des « tweets » avec le même contenu ou presque. Parce que, que l’on soit bien clair : si le plagiat est condamnable, je comprends (même si je me refuse de les employer et qu’ils m’exaspèrent à une échelle industrielle comme ils le font) qu’on puisse avoir recours en permanence aux appels du pied via des mentions à d’autres comptes souvent « huppés ». Et je suis hautement convaincu que c’est l’alliance de leurs recherches réelles (celle-là), puis du contenu volé et enfin de ses efforts de lèche sociale qui fait le succès d’un tel compte. Ajouter des signes typographiques montrant bien qu’on n’est pas les auteurs de ce qu’on partage, ou le fait de citer une source, encore une fois, en quoi ça entraverait la visibilité de leurs tweets dans la sphère courtisane et amateur d’arts qui est la leur… ?

Malheureusement, faire la morale à un escroc ne l’a jamais convaincu de se faire plus vertueux (j’aime les causes perdues), et leur réponse se fait plus offensive. On ne se défend plus (puisque c’est acquis que c’est normal de voler le contenu des autres), on attaque :
https://twitter.com/GarconsOfficiel/status/1267186973837611011

J’ai un avis sur tout en effet (enfin, en vrai, pas tout à fait, mais on va pas chipoter, je brasse large, oui), parce que je suis curieux et parce que justement, ça doit être un défaut, je m’intéresse souvent plus à des domaines où je peux apprendre que le contraire. Je ne prodigue pas la bonne parole et « n’instruis » pas les autres. C’est bien pourquoi, en partie, je parle si peu de cinéma sur Twitter. (Et là, il se trouve que pour une fois que ça causait d’un acteur que j’adore — ce n’est pas si fréquent —, c’était naturel que j’intervienne.)

Pour la forme, et parce qu’à partir du moment où l’affaire était entendue (le reste n’a plus beaucoup d’importance, on s’échange en général des amabilités d’usage), je partage la fin de nos échanges :

Ma réponse (que je poste encore en bloc pour éviter de multiplier les suites de tweets) :

— Deux choses, messieurs, maintenant que votre malhonnêteté ne vous fait aucun doute.
— La 1ᵉ  : Vous tweetez sur un acteur que vous ne connaissez pas. Moi, je le connais. Donc quand vous recopiez un texte dont vous n’êtes pas les auteurs et que vous y ajoutez une bêtise, je le vois.
— Vous me citez alors votre « source » : non seulement vous donnez vous-même la preuve que vous voler le contenu des autres, mais aussi vous confirmez que vous n’entendez rien à ce que vous publiez. Vous me direz… un peu comme tous les voleurs de contenu.
— La 2nd : Le plagiat, c’est pas « tweet[er] mal », c’est voler.
https://twitter.com/GarconsOfficiel/status/1267194810793934850

(Là, j’avoue que le sophisme de popularité, ça me donne envie de lancer des claques.)

Mon clap de fin :

J’attends avec impatience votre interview chez Pujadas pour vous voir expliquer que le plagiat devient honnête quand on est suivis par x followers.

Voilà, j’en termine. On pourrait me dire encore que j’en fais des tonnes pour pas grand-chose, ou que pff, c’est pas mes affaires. Eh bien désolé, non. Si de tels énergumènes peuvent se faire une place au soleil dans la constellation des gens qui comptent (ou qui le voudraient), à leur échelle, c’est bien que même quand on est informé de la supercherie, on refuse d’accepter le fait qu’on a une part de responsabilité dans le pillage de contenu développé souvent par des petites mains qui ne vivent pas de leur passion ou qui ne tire aucun crédit même symbolique des productions qui leur sont recopiées souvent même sans qu’ils en aient connaissance. Cette complicité, moi je la vois comme inacceptable. Peut-être pas par sens moral, certes, mais parce que publiant moi-même des contenus et ayant été plusieurs confronté (à une petite échelle, Dieu merci) à ce genre de pratique. Il n’y a pas d’échelle de respectabilité chez les auteurs qu’il serait plus acceptable de voler leurs contenus sous prétexte qu’ils ont moins de talent ou moins connus. Je dirais même que les petits créateurs de contenu sont parfois poursuivis par des grosses boîtes lançant des robots de recherche sur leur site pour le compte de gros ayants droit dans le but de leur soutirer de l’argent. Mettre en lumière le travail d’artistes en tous genres à travers des tweets n’autorise pas que pour ce faire on en vienne à piller le travail des personnes honorant ces artistes reconnus. Je dirai même que piller une citation de Voltaire en oubliant de le citer, sa réputation est faite, le Voltaire en souffrira moins qu’une petite main qui, si on trouve intérêt à le recopier, mériterait sans doute, lui, plus d’être connu, ou simplement respecté et remercié pour son travail. Ce sont les petits qu’il faudrait d’autant plus respecter et protéger qu’ils sont bien plus vulnérables à ce genre de comportement. Comportement nuisible qui tend bien plus à attirer la lumière sur sa propre personne que sur les œuvres ou écrits partagés et recopiés.

Ces messieurs ont au moins une chance. J’ai zéro visibilité sur les réseaux sociaux. Un tel article, c’est loin d’être un contenu susceptible d’attirer du chaland via les moteurs de recherche. Je ne pense même pas qu’il soit utile que leurs précieux followers viennent à connaître leurs pratiques (peut-être certains avaient déjà compris d’ailleurs), car encore une fois, à en croire mon expérience, cela nuit toujours systématiquement bien plus à celui qui agite un chiffon rouge qu’aux incriminés. Le réseau prime toujours sur la vertu. On peut bien saloper l’une pour soigner l’autre.


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Critique institutionnelle, prescriptrice et démocratisée par Internet (feat Tarantino, trineor)

Cinéma en pâté d’articles   

La critique et la politique des auteurs en questions   

Dans la collection « qu’est-ce que la critique de films », j’ajoute un bref feuillet.

En réponse à cette citation de Tarantino

puis à trineor sur Twitter, j’avais d’abord écrit : Le geste d’écrire est toujours pertinent, justement parce qu’il précise “une” pensée à partir d’une œuvre, voire en fait une analyse. Elle permet ainsi un échange avec celui qui la lit et qui désormais peut la commenter. Ce qui est mort, c’est la critique prescriptrice.

trineor avait répondu :

Je m’explique donc ici plus longuement :

Je fais une différence entre ceux qui te disent comment aurait pu être fait le film pour qu’ils l’aiment, et ceux qui te disent comment aurait pu être fait le film pour qu’il soit meilleur. Il y a une forme de posture prescriptrice dans la critique classique qui est de dire ce qui est bon et ne l’est pas à travers des critiques écrites à la troisième personne quand tout écrit (sauf peut-être historique) est toujours rédigé à la première personne. Un film, comme un roman, c’est un miroir. Chaque spectateur y voit quelque chose de lui-même, c’est cette part de lui qu’il expose à son tour. Celui qui dit aux autres qu’ils n’y ont pas vu ce qu’il fallait voir, ce n’est pas un commentateur, un critique ou un spectateur, il devient à son tour auteur. Et donc un peu escroc. Des critiques de ce type, il y en a qui écrivent très bien, c’est un art. Un art qui retraduit, toujours, à travers les yeux de son auteur, une part du réel, qui une fois couchée sur le papier ne saura jamais être autre chose qu’un miroir à son tour tourné vers le réel et à la surface duquel celui qui s’y penche n’y verra toujours rien d’autre que quelque chose de personnel. Mais ce type de critiques n’est pas meilleur qu’un autre (sinon, elles se ressemblent toutes en effet).

Donc pour être franc, je ne comprends pas bien ce que dit Tarantino (ou celle qui le commente). Des batailles esthétiques, il y en a eu, il y en aura toujours, cela n’est pas réservé aux critiques de cinéma. N’importe quel spectateur est capable d’avoir des préférences pour telle ou telle manière de faire des films. Il y aura toujours dans les idées des autres, que ce soit chez un vulgaire spectateur comme chez certains critiques « embauchés par des rédactions » autant de « conneries ». Dire « c’était mieux avant, les vraies critiques », de fait, c’en est peut-être une de connerie. Et on en lit bien d’autres tous les jours dans les journaux approuvés par des rédactions. S’il pense aux Cahiers du cinéma, il y a trois pékins dans une revue qu’il adule et à côté de ça, il y a des milliers des « reviewers » embauchés dans des rédactions en un siècle de cinéma qui même à ses yeux en diraient des conneries.

Quand il parle d’un blogueur qui amène tout à coup un petit air frais, c’est sans doute parce qu’il parlait des films avec un angle nouveau. Ce n’est pas ce que cette « démocratie » permet ? Ça ne peut pas être pertinent par exemple d’avoir l’« avis » d’un critique ayant des notions en physique après avoir vu Interstellar ? D’un autre avec des notions en histoire parler des adaptations de Shakespeare à l’écran ? D’un autre proposant une approche philosophique de La Guerre des étoiles ou de West Side Story ? etc.

Qu’est-ce qu’il veut dire par « penser le cinéma » ? Écrire sur un film, c’est penser le cinéma. Pas besoin d’avoir lu Georg Lukcas ou Bela Balazs pour « penser le cinéma ». Et si on ne s’amuse pas à singer l’écriture faussement objective des critiques sous contrôle éditorial la valeur de la « critique démocratisée » actuelle, elle est justement dans sa diversité de regards. Je préfère encore voir un peintre raté nous proposer sa lecture de Superman que de voir gonfler en lui certaines idées de grandeur.

Page info pour les accros

Petite astuce pour les accros du Net, et peser leur addiction :

Cliquer droit sur une page du site* qu’on a en intraveineuse, puis « view page info », puis « security ». Et là, dans la section « Privacy and History », c’est inscrit. Tout est là. « Êtes-vous déjà venu sur le site ? » oui et combien de fois.

*possible également de faire CTRL + i .

Ça donne une idée sur les informations qu’on peut envoyer malgré nous aux robots mangeurs de cookies. Même si le premier bouffeur, ça reste nous.

Et si on vide le cache ?… y se passe quoi ?

La saveur des goûts amers : Vu, 6 523 fois. (Je m’amuse follement apparemment.)


SensCritique, ou la Communauté de l’annale

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Dis-moi combien de fois ils ont cliqué l’année dernière et je te donnerai ta valeur en bourse.

« SensCritique, La communauté du cinéma… en France »… beurk.

Bien content d’avoir été viré de ce site. On y parle « communauté du cinéma » au lieu de “cinéphilie”, et on s’attache à se focaliser sur ce qui est susceptible le plus de plaire et de buzzer : l’actualité, et le village français. Rien à voir avec la cinéphilie, encore moins avec le « sens critique », ni sur le plan de la “critique” (on parle de nombre de notes plus que du contenu) ni sur celui de la vision critique du cinéma.

SC est leader sur les « notes de films sortis en 2015 », mais sur la pertinence de la ligne éditoriale, sur le « nombre de notes des films péruviens sortis en 1965 » ? Du flan, de la semoule, du trompe-l’œil. Merci de m’avoir viré.

Remerciez-moi en retour d’avoir enrichi, comme d’autres utilisateurs naïfs, une base de données de l’ombre qui ne compte que pour du beurre, car n’est légitime auprès des fondateurs et des utilisateurs de cette “communauté” (beurk) que les données des quatre cent un films sortis l’année précédente. Qui c’est l’idiot numéro 1 ?


Merci d’avoir supprimé, avec mon compte, autant de listes poubelles, si contraire au « senscritique » et à la ligne éditoriale du site :
Tadao_Sato_ses_300_Films_Japonais
Golden_Horse_Film_Festival_Les_100_Meilleurs_Films_en_Langue_chinoise
Une anthologie du cinéma français (Claude Beylie)
Les 365 westerns à voir avant de tomber de sa selle
The Hollywood Rush
Les_meilleurs_films_du_siecle_selon_Telerama
(Pour ne citer que les plus insultantes)

Merci aussi d’avoir refusé de me donner accès à mes innombrables tops perso laissés, ô insulte, en privé sur le site au lieu de les partager dans des sondages utiles à la communauté.

Merci d’avoir refusé de me filer un fichier avec tous mes commentaires avant de les supprimer, ainsi que mes annotations, véritables insultes au “senscritique”, alors pourtant que la loi française les y oblige (merci pour le fichier à peine lisible des critiques cela dit). Parce que oui, les commentaires, peut-être pas pour l’utilisateur moyen, mais pour moi si, ça a de la valeur, et jusqu’à preuve du contraire, j’étais propriétaire de ce contenu. J’ai dû en retrouver certains à la main, les plus récents, mais le plus important, toutes mes notes de visionnage, scotchées en commentaire de film ont disparu en supprimant mes notes.

Merci d’avoir volé tous mes messages personnels.

Merci d’interdire aux utilisateurs de régler la configuration de leurs activités pour décider eux-mêmes ce qui tient du privé et ce qui tient du public. Ils n’ont probablement pas assez de sens critique pour juger eux-mêmes de ce qui doit l’être. Quand j’avais demandé à ce que, par exemple, je n’ennuie pas certains ou une partie de mes contacts s’il me venait l’idée de noter les chansons de la Compagnie créole, je me suis vu répondre qu’il fallait assumer… Bien sûr… Je décide de me balader à poil chez moi, et il faut assumer ? Réseau social ou pas, Senscritique est tout comme Facebook régi par les mêmes règles concernant la vie privée. Tout comme le droit à l’oubli, quand le site nous interdit de supprimer une activité particulière ou en la passant en privé. Peut-être bien qu’à l’avenir, la CNIL ira se pencher sur la question pour que les droits des utilisateurs soient respectés, et que, pour le mieux, comme dans tout réseau social qui se respecte (ce qu’est SensCritique, on est d’accord ? Ce n’est pas un site culturel, mais bien un réseau social prenant la culture en otage, ou comme prétexte) ses utilisateurs puissent décider avec qui discuter et décider quel type d’activités doit être relayé en notification.

Merci enfin de ne gérer aucun modérateur sur le site. Les attaques de trolls sont fréquentes, on peut être amenés à côtoyer des utilisateurs bloqués sur d’autres pages quand sur le moindre forum par exemple leurs messages seraient masqués. Qu’on ne s’étonne donc pas, quand certains qui se font sans cesse attaquer… pour la longueur de leurs messages, finissent par en avoir marre d’être raisonnable, de devoir répondre par cent lignes à des emmerdeurs qui se contentent d’une seule. Ça servira toujours de prétexte à virer celui qui demande que ses droits soient respectés et que le site respecte ce pour quoi il semblait être dédié pour certains. Un joli nom “senscritique” pour un site. C’est surtout une jolie supercherie : le sens critique y est non seulement mal vu, il est en permanence traîné dans la boue, et la règle, c’est le mépris et les jeux de cour laissant peu de place à l’intérêt réel que pourraient avoir certains pour des œuvres ou des échanges. D’échanges, sur « sens critique », j’en ai rarement eu. Et c’est pas faute d’avoir essayé.

Une preuve de la bêtise et de l’absence de « sens critique » de ses membres : je poste une nouvelle en critique sur un film. Celle-ci reçoit cinq likes pour cinq dislikes avant d’être tout bonnement supprimée avec le compte. Une nouvelle. Certainement pas un chef-d’œuvre. Combien des utilisateurs ayant liké ou disliké la page ont pris le temps de la lire ? Probablement aucun. Et la longueur est une insulte. Fini de réclamer l’exigence et de me faire agresser pour cela. À présent, mes longueurs et mes petites exigences d’emmerdeur pathologique, c’est ici et pas ailleurs. Je m’en veux presque de ne pas y avoir pensé avant et rien que pour ça…

Merci senscritique.

L’anthologie du pire SensCritique

Les capitales

Réseaux sociaux

Tu likes ou tu raques.

Petit manuel des usages et comportements qui pourrissent SensCritique

 

sc

 

L’auréole on peut se la foutre au cul. Manger le pain des apôtres pour qui tout est amour ou le vomir, il faut choisir.

Like me if you can :

SensCritique est un site communautaire dit-on. La règle est donc de jouer du « like » pour en avoir en retour. Notez qu’il vaut mieux avoir un niveau d’anglais, au moins collège, pour saisir le sens du like.

La pratique de la mère Ubu : liker trois cents fois par jour pour voir fleurir en retour les likes dans son jardin.

Et ça marche, pourquoi s’en priver ?

Les likes permettent une visibilité pour ses critiques et ses listes. La visibilité offre des likes gratuits en retour. L’assurance d’une rente future.

La bonne pratique :

  • Liker sans boutonner, à l’invisible.
  • Utilisation parcimonieuse du like.
  • Blocage des membres assujettis aux likes ; blocage des élèves qui suivraient les traces de leur(s) professeur(s).

Le témoin de Jéhovah :

Quand on s’est déjà aguerri dans l’art du like, on doit se construire un domaine. Il est évident qu’on ne saurait être lié qu’aux autres seigneurs du like. En quête d’abonnés, donc, tu iras. Certes, la pratique de l’échange de like est une valeur sûre pour faire apprécier son activité, mais il faut surtout prêter attention au petit peuple, celui qui n’use pas de ces pratiques, ou qui se connecte vingt minutes par jour. Il faut donc être à l’affût des nouveaux (qui seront toujours flattés de voir un roi ou une reine à leur chevet), mais aussi parcourir le fil d’actualité « tout le monde » pour courir les membres qu’on n’aurait pas encore brossés dans le sens du poil.

La pratique de la mère Ubu : c’est de la merdre.

La bonne pratique : on ne mesure pas une quéquette à la longueur de ses abonnés (masquer ces informations n’est pas prévu).

Une obole pour les pauvres :

Une fois qu’on a tout plein d’abonnés, il faut savoir donner la béquée à la plèbe. Ça n’oblige pas à la lecture, faut pas pousser, un like c’est vite fait. Mais il faut toutefois laisser penser qu’on lit ce qu’on like. Il ne faut donc pas seulement liker la dernière critique ou la liste la plus en vue, il faut fouiner dans les archives. Tout ce qui ressort de l’ordinaire doit être apprécié. Inutile de s’attarder, faut pas pousser, une visite officielle à l’hôpital, c’est de la com'(munauté). Et le malade pourrait même avoir la lèpre et ne jamais montrer de considération en retour — tous ces efforts ne garantissent pas contre l’ingratitude coutumière des petites gens.

La pratique de la mère Ubu : Command & Conquer. Laisser deux ou trois minutes entre chaque like, le contraire paraîtrait suspect.

Bonne pratique : parcourir le site pour trouver des membres partageant des goûts similaires ou pouvant nous éclairer, pas le contraire.

L’échange de bons procédés :

Il est clair que sur un site communautaire, on finit malgré tout à créer des liens. C’est vrai que ça prend un peu sur le temps qu’on devrait passer à liker, mais tout n’est pas perdu parce qu’on tend naturellement à adopter les mêmes pratiques quel que soit le membre en face. « Like ! » « ah, ah ! merci ! Like ! » « Ah ! j’en étais sûr, like ! » « Like ! like ! » « Vous êtes trop like les copains ! ».

Il paraît qu’on appelle ça la convivialité. C’est peut-être aussi le niveau zéro de la discussion et de l’échange.

Les notifications qui tuent :

Rien n’est plus agréable quand on rentre du boulot, de trouver sur son profil une cinquante de notifications qu’on espère être en rapport avec la critique publiée au petit matin. Cela permet de compter ses petits, voir avec la minutie d’un percepteur des impôts s’il ne manque personne à l’appel. Reste qu’il y a des membres un peu sournois. Certains, les goujats, au lieu de liker listes ou critiques, se permettent de liker une activité annexe. Du fait d’un trop grand nombre de roulages d’yeux derrière les écrans, cette pratique serait à l’origine des déboîtements du nerf optique rapportés ces derniers mois : « tu as aimé ma critique, j’aime ça ! » Ah oui, Gérard, on s’en fout ! Viens plutôt liker une critique en retour !

Autre exemple pas moins exaspérant quand on attend une pluie de likes productifs : « J’aime que tu aimes Peter Brook ! » C’est un peu comme se retrouver dans une foule étrangère, recevoir tout plein de sourires bienveillants, écouter compliments et bonnes intentions, sans en comprendre un mot et ne pouvoir répondre qu’un « Oui, oui bien sûr… » tout en pensant « Qu’est-ce qu’il me veut celui-là ? »

Comment te dire ?…

On aurait tort de croire qu’un like suffit à amadouer nouveaux membres ou abonnés. Si on n’attire pas les mouches avec du vinaigre, reste aussi qu’on n’ira pas loin avec deux ou trois gouttes de miel. Pour gagner gros, il faut miser haut. Les pertes sont rares, donc garanties. Pour assurer le coup, la politique du grand seigneur, c’est de l’accompagner d’un petit commentaire bienveillant. Et comme il est quelque peu ennuyeux de lire les critiques, ou pire, les listes en détail, il faut savoir s’entourer d’une armée de compliments prêts à l’usage. Plus diversifiés sont ces soldats de miel, mieux ce sera. C’est tout un art inspiré du coucou. Le coucou pond dans le nid d’une victime pour lui laisser le soin de nourrir sa progéniture. That’s money in the bank.

Le terme est identique : pour que le subterfuge réussisse, il faut encore que le coucou passe pour autre chose qu’un vulgaire « coucou ! »

Attention, c’est un travail sérieux. Certains se lèvent aux aurores pour être les premiers à duper leurs victimes.

Alors, comme je suis beau joueur, je proposerai en commentaires de cet article toute une panoplie de commentaires coucoufiants. Libre à chacun d’y venir déposer les fientes coucouiées par hasard sur son balcon.

L’appel à la Reine :

Il y a au tarot, quand il se pratique à cinq, ce qu’on appelle pour le preneur, « l’appel au roi » qui consiste à désigner au hasard un joueur qui aidera le preneur à accomplir son contrat. Or, il arrive, rarement, quand le preneur dispose d’un jeu du tonnerre, qu’il possède les quatre rois. Il se voit alors contraint d’appeler une reine. Eh bien, sur SensCritique, c’est pareil. Quand on a su se rendre maître de son domaine, qu’on possède le meilleur jeu qui soit, que les points tombent tout seuls, on ne veut laisser aucun pli à l’adversaire. Alors quand on perd un abonné, il faut tout de suite partir à la conquête du petit et s’enquérir poliment de la raison de cette coupe franche. C’est un des revers de la fortune. Quand on gagne trop, certains se mettent à quitter la partie ou à faire leur propre écart — les chiens !…

Là, inutile de se perdre dans un long message personnel. Le message type est de rigueur. Il n’a pas pour but de convaincre le renégat de rejoindre la cour. Non, mais il est utile d’avoir une réponse pour comprendre les motifs d’un tel écart. C’est qu’on peut être seigneur et chercher à bien gérer son domaine. Il en va encore de l’honneur de la reine.

Exemple de mp standard :

« Salut Lâcheur,

c’est tout à fait par hasard que j’ai vu que tu m’avais supprimé(e) de tes éclaireurs, ce qui est ton droit le plus strict bien sûr, mais

Puis-je juste te demander pourquoi ?

Merci d’avance et bonne nuit,

La Reine, lauréate du concours Éclaire mon cul ma tête est malade»

Les relances :

La qualité des postes étant ce qu’elle est, mieux vaut s’assurer qu’une critique envoyée il y a quelques mois ait bien été reçue. La date est traître, mais la plupart des membres lisant à peine ce qu’on leur envoie, ça passera comme une lettre… Et mieux vaut être confondu par une date qu’une critique perdue dans les limbes. Une broutille certes, reste qu’il faudrait voir si tout le monde faisait la même chose.

La méthode de Jean du Rocher, petit seigneur sans domaine depuis sa dernière retraite, est simple mais efficace (il faut bien vivre : quand on n’a ni écuyer ni femme de chambre, on a des idées) : revenir à la poste, demander l’oblitération de sa précieuse, revenir sur sa décision, là, parler du temps qu’il fait à la directrice des postes, qui distraite, accepte sa précieuse et la dépose même en haut de pile en oubliant de la lui faire payer.

La conclusion de l’histoire, c’est Jean du Rocher qui nous la révèle lui-même : « Vous pouvez vous lisser la moustache, le tour s’est joué sans patin ni roulette. »

C’est beau l’amour.

Si t’as Sion, t’es pas con :

Quand on n’a rien à dire, on le fait dire par d’autres. La citation peut être un art, mais la source vaut tout autant que le texte partagé entre guillemets. Or certains, certunes, ce sont spécialisés dans l’art du pillage de tombes en collectant dans leurs listes, ou parfois même en ouvrant une galerie complète (comprendre, en critiques), toute une suite de citations sans référence, parfois même sans guillemets. On croira que le texte est le sien, et dans le cas contraire, on pourra toujours prétexter l’oubli ou les guillemets. L’art ici du faussaire étant de jouer sur les apparences et sur la naïveté de ceux qui le suivent. Et c’est d’autant plus regrettable quand ces listes sont en tête de gondole sur les trois quarts des films du site.

La sainte recommandation :

La communauté se renouvelant sans cesse, il est donc nécessaire pour augmenter son nombre de followers d’aller à la chasse aux jeunots. Mais comme nos seigneurs sont assez faignants, ils se tiennent rendez-vous le dimanche pour une chasse à courre durant laquelle on chasse la même cible et on la harcèle de recommandations et de messages bienveillants.

Ça commence en général par un like de son top10. On fait alors tourner sa carte de visite dans tout le Live. C’est le signe d’attroupement attendu. La cible a intérêt à être active ce jour-là pour pouvoir répondre aux propositions. Toute contente de cet afflux inattendu, elle baisse la garde et en redemande. Elle vient renifler les profils de ses nouveaux amis, et là, flattée de voir de tels membres si éminents venir lui dire bonjour, elle mord à l’hameçon. La panse pleine de films qu’elle ne verra sans doute jamais, elle tombe directement dans le panier de nos grands seigneurs.

Une fois fait, le bouton « ajouter comme éclaireur » est activé. Ça correspond pour le nouvel “éclaireur” à un « merci et au revoir ».

Si les cibles ainsi harcelées prennent rarement part par la suite aux orgies de likes entre grands seigneurs, elles restent toutefois un atout pour eux. Cinq minutes à peine passées sur le compte d’un nouveau membre, et c’est le nombre « d’abonnés » qui explose si on reproduit la chasse plusieurs fois.

La course entre grands seigneurs peut ainsi continuer.

De son côté, le nouvel abonné se trouve avec une cinquante de likes dans la journée, autant de films à voir et de nouveaux éclaireurs. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est qu’il va retourner très vite à sa petite vie de grand anonyme du site. Tu peux toujours trimer dur, cher abonné, pour intéresser le peuple à ton activité. Si tu ne pratiques pas les mêmes usages aristocratiques, c’est peine perdue.

Du contenu et du vide [participatif] :

SensCritique, c’est un peu Facebook, mais c’est aussi un peu Twitter avec sa quête du contenu viral. Si on n’est pas grand seigneur parce qu’on n’a rien à vendre, on fait comme dans la vie : on vend quand même, mais du vide. Les grands seigneurs qui méprisent ces usages de petits peuples (mais qui daignent participer au buzz pour montrer à leurs gens qu’eux aussi aiment les chansons paillardes et les blagues obscènes), ont une expression pour ces méthodes de parvenus : l’incontinence virale.

À Nulle part ailleurs, Jérôme Bonaldi présentait des inventions rigolotes et finissait ses camelotages par un « C’est totalement inutile et donc rigoureusement indispensable ». Le principe est le même. Une idée “géniale” de liste, et, le contenu étant totalement inutile, il faut s’arranger pour la rendre rigoureusement indispensable.

Il faut donc un concept, de la bonne humeur, puis remplir sa liste avec des films qu’on n’a pas vus mais qui illustrent vaguement l’idée (un peu comme là) de chacun des points fabuleusement inutiles mais rigoureusement trop fun vendus par le concept de la liste. Plus important encore : se référer aux membres sur qui on compte pour répandre sur le réseau l’indispensable liste : les membres “éminents” (la private joke pas si private que ça), les membres qui nous suivent (plus à même de liker donc d’initier l’épidémie), et les éclaireurs (toujours bien de flatter ceux qui refusent toujours de nous porter un peu d’attention, on sait qu’ils feront tourner en trouvant enfin là une “bonne” raison de les remercier de les suivre).

Résultat ? Une liste où on se marre comme au pub. On a rempli le vide de son existence inutile par un autre vide, lui, indispensable. L’auteur de la liste est content, son concept a tourné un peu partout.

Belle allégorie du monde moderne. Où on demande à chacun d’être “créatif” pour vendre du vide et accéder à son quart d’heure de célébrité.

L’occasion donc pour moi de remercier ces créateurs de l’invisible. Ces magnifiques escrocs. Oui, votre contenu est parfaitement inutile, mais votre présence est aussi rigoureusement indispensable. Grâce à vous, steka peut lire tranquille, et oso remplir le site de contenu critique dans la plus totale indifférence.

Notez qu’on se demande bien pourquoi le site s’appelle SensCritique en voyant sur le compte Twitter du site les listes promues par l’équipe*. À croire que Bonaldi est leur mentor.

*voir la Cooptation des cloportes

La mitraille de l’ombre

Il y a ceux qui mitraillent de likes les listes et critiques, il y a les rochers qui mitraillent dans le vent, et il y a les mitrailleurs de l’ombre. Qu’ils soient spécialistes des intrigues politiques ou dealers d’égoglobine, la finalité est toujours la même : se composer un petit capital d’abonnés capable de vous apporter du crédit auprès de la communauté.

La méthode est d’une facilité déconcertante, et à grande échelle (on parle bien de mitraillage), le gain est assuré. Bien sûr, plus votre profil est complet (critiques, nombre imposant d’œuvres, nombre d’abonnés) plus votre coefficient de pénétration dans le vide critique sera important.

Vous avez une critique dont vous êtes fiers ? même plusieurs ? vous avez noté une œuvre moyennement connue ? Ruez-vous sur la fiche de l’œuvre en question et mitraillez de likes les membres ayant produit une activité récente sur l’œuvre (de préférence ceux susceptibles de lire votre critique ou ayant noté pareil). Le champ est grand et à couvert, les balles fusent, personne ne vous regarde tirer. Personne ? à part ceux sur qui vous tirez. Pourquoi ? Parce que votre fil d’actualité ne relève que vos appréciations de critiques ou de listes. Pas celles lancées sur les notes ou les appréciations (mise en abîme du rocher du type « j’aime que tu aimes », seulement le rocher ne s’adresse qu’à ses éclaireurs). Sur cent likes prodigués en une vingtaine de minutes, c’est donc autant (cent) de membres qui viendront se présenter à vous pour vous dire « on m’a tiré dans le dos, t’aurais pas vu qui c’est ? » « Ah non… Attends, je vais t’aider. » « Ah merci t’es sympa ». Pour draguer, il y a le coup de la panne, mais il y a aussi l’astuce du bienfaiteur. Ici c’est encore mieux : pas besoin d’associé. Vous tirez dans le dos, votre victime ne verra pas vos basses intentions.

Vous pouvez tester. Argent facile.

– Mort aux likes — du spam rien de plus –

L’opportuniste :

Tiens, Hôtel Rwanda repasse à la télévision ? Si je réactualisais ma critique et la faisais passer pour une nouvelle ? Le recyclage est une bonne chose.

Ah… des likes ! Ils adorent ! Viendez mes amis ! entrez dans le monde fantastique de mes passions astiques !

Demain, je distribue mes bons points : mes Gérard d’Or ! Viendez voir la lumière !

La parade des parvenus :

Un bon seigneur sait avant tout s’entourer de bons paysans pour produire ressources et chair à canon. Un bon seigneur sait aussi qu’il faut travailler son éducation pour en imposer en public, et qu’il faut autant être habile de la plume que de l’épée. Mais il faut aussi savoir faire bonne figure à la cour et savoir quand et comment s’entourer. L’art de la diplomatie. Montre-moi ton carnet de bal, je te dirai combien tu pèses. C’est bien d’être l’élu de ton fief, d’être suivi par la plèbe ; si on est maître qu’en son royaume, on ne restera jamais qu’un vulgaire seigneur de province. Il faut monter à Paris, jouer alors d’intrigues, déjouer les complots, fomenter les pires alliances pour se tracer une voie qui ne pourrait être que royale pour notre noble personne.

Être courtisan, ce n’est pas s’entourer des seigneurs avec lesquels on s’entend le mieux, ceux avec qui on fait commerce, avec qui on a des affinités. Non, il faut avancer ses pièces, toujours, et savoir qui ajouter et quand sur son carnet. User de certaines familiarités un peu trop tôt avec un courtisan de haut rang quand on n’est qu’un petit parvenu et tout est perdu. Le temps et l’intimité sont ses meilleurs alliés. Il faut d’abord former un petit cercle d’autocongratulateurs, on grandit ensemble, tes gens sont les miens… Et puis alors, l’autorité se faisant petit à petit, on gagne le droit de s’asseoir à la table des grands. Il faut y aller d’abord avec humilité, déférence, et les plus hauts courtisans daigneront peu à peu intégrer l’idée qu’ils auraient aussi intérêt à accepter ces parvenus parmi leurs contacts. D’un étage à l’autre, les mêmes règles. Et bientôt, l’autorité et la légitimité arrivent toutes seules.

Le parfait courtisan, s’il veut rester alors un favori, devra savoir intégrer les seigneurs les plus influents du moment, les plus à la mode, pour rester à sa place. Certains font souvent preuve ici de légèreté, de paresses, ou pire, d’arrogance. Et c’est naturellement que certains seigneurs cherchent à leur prendre la place, plutôt que s’allier… Mais c’est du travail. Plutôt qu’entretenir un grand carnet de bal, il faut parfois faire des choix. Au risque de passer soi-même pour un opportuniste ou un béni-oui-oui à force d’être toujours d’accord avec tout le monde et de s’asseoir à toutes les tables. Il faut ainsi savoir se délaisser parfois de certains amis encombrants. Il ne faudrait pas prendre le risque de se compromettre. La réputation avant tout.

Les saintes écritures

Être un bon souverain, c’est une chose, on se fait respecter par son autorité, on reste en place grâce à ses relations, mais pour avoir l’appui du peuple, il faut aussi savoir le divertir, ou le détourner de l’essentiel, lui épater les yeux, lui faire croire en des choses qu’il n’imagine même pas mais qui lui feront passer toute envie de se révolter ou d’aller voir ailleurs. Alors pour cela, le souverain doit montrer la Lumière, la dire, et comme la lumière ne vient pas en chantant, parfois, il arrive qu’on en vienne à la chercher ailleurs, sans le dire. Si certains politiques se font écrire leurs discours par d’autres, il arrive parfois que parmi nos dignes souverains, certains partent surfer quelques heures sur des plages privées, et, munis d’une pelle et d’un seau, en retirent quelques parcelles de sable fin et riche. Après tout, l’océan est vaste, personne n’y verra rien, et si la plage, elle, est privée, ce n’est pas un ou deux seaux de ce joli sable qui nous fera perdre notre honneur. Alors pourquoi s’en priver ? Voilà de la poudre aux yeux qui fera son petit effet sur la plèbe qui attend les lumières de son maître.

Alors certes, les plagiaires semblent plutôt rares, mais la pratique existe, et elle est d’autant plus sournoise qu’on imagine que « voler un peu », ce n’est pas si grave. Des annotations dans des listes pillées sans les citer dans des critiques trouvées sur le Net ; des critiques “institutionnelles” qu’on partage tout à fait honnêtement sous son propre compte mais c’est « une bonne chose de partager ce qu’on apprécie (mais pas au point d’y foutre une source, non » ; et ça va même jusqu’à l’inspiration en panne qu’on aiguille en allant piocher syntagmes ou phrases entières parce que « merde tu rigoles c’est pas du plagiat ça, je reprends que les idées ».

Inutile alors de le faire remarquer. En France, c’est celui qui dénonce qui passe sur le billot. Souverains ou simples plébéiens ayant passé un petit séjour à la plage s’en sortiront toujours, avec l’assentiment bienveillant (accompagné d’un petit air outré à l’égard des vils dénonciateurs) de leurs “contacts”.

Souriez, plagiez. Tout le monde s’en fout.

avril 2014