Les Femmes des autres, Damiano Damiani (1963)

François, Paul et Virginie

Note : 4.5 sur 5.

Les Femmes des autres

Titre original : La rimpatriata

Année : 1963

Réalisation : Damiano Damiani 

Avec : Walter Chiari, Francisco Rabal, Letícia Román, Dominique Boschero, Gastone Moschin

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Admirable comédie (de caractères) italienne d’un style grinçant comme seuls les Italiens pouvaient le faire à l’époque. C’est aussi une comédie de retrouvailles entre potes, autre genre en soi (vu récemment l’excellent Return of the Secaucus Seven de John Sayles dans cette veine, mais on peut citer aussi Diner, Peter’s Friends, Les Copains d’abord, Les Petits Mouchoirs, Vincent, François, Paul et les autres, etc.).

La bande recomposée d’un soir est menée par une sorte de Casanova au grand cœur, prototype du garçon charmant aussi bien apprécié par les femmes que par les hommes ; les premières, pour son mélange étrange et irrésistible de séducteur invétéré et de sincérité, les seconds, pour sa capacité à leur rabattre de futures victimes consentantes (ou non).

Le séducteur se révèle être bien plus respectueux des femmes qu’il côtoie et manipule à l’insu de leur plein gré que sa bande d’amis, prototypes, eux, des petits-bourgeois soucieux de sauver les apparences, leur statut social, sans jamais être les derniers à duper des victimes ou à se foutre des conséquences de leurs « conquêtes ».

Rien n’est pour autant blanc ou noir dans ces relations. La bande est plus ou moins présentée à travers les yeux d’un des amis (le film en fait d’abord l’introduction pour aller ensuite de retrouvailles en retrouvailles) qui, de retour dans sa ville natale, vient s’enquérir de son vieux charmeur de pote. Ce sera finalement le seul à lui montrer un peu de considération, à ne pas le voir seulement comme un rabatteur de minettes qui n’a pas su prendre le tournant de la vie rangée d’adulte responsable (donc hypocrite, corrompu et toujours volage malgré l’image livrée à la société), mais aussi le seul à conclure, parmi les séducteurs de la bande, avec un autre personnage, féminin, clé sans doute de la réussite du film.

Cette femme est plus jeune qu’eux, déjà sans illusions, et semble trouver parmi cette bande d’amis reconstituée une forme de liberté éphémère, pas seulement sexuelle, pouvant lui faire oublier le temps d’une soirée son statut de femme vouée à être trompée, victime et objets du désir des hommes.

 

Elle a tout compris déjà de l’injustice des codes et des rapports humains entre les hommes et les femmes dans cette société bourgeoise : en tant que femme, elle peut seulement rêver de la même liberté, des mêmes détours sans jamais avoir à subir les conséquences de ses écarts volages, car à moins de partir loin une fois sa réputation faite, si elle profite aujourd’hui des mêmes plaisirs que lui offre sa jeunesse, plaisirs accordés aux hommes seulement, il sera difficile pour elle de préserver les apparences d’une jeune fille comme il faut. Les hommes volages ne prennent le risque que de gagner un statut de séducteur qui rendra jaloux les autres hommes — et leur femme, un peu moins séduisante ; jouer le même jeu qu’eux lui brûlera, elle, assurément les ailes.

Un homme, avec le temps, finit au pire par se prendre quelques beignes dans la figure par des maris, des frères, ou comme ici des ouvriers pourtant pas bien méchants ; une femme qui se laisse trop ostensiblement ouvrir aux plaisirs des autres pour contenter les siens finira, elle, par recevoir des coups bas après lesquels on ne se relève pas, et oubliée plus vite encore par ceux qui hier disaient l’aimer. Il y a des amours sincères qui peuvent prendre tout de l’apparence des aventures passagères, et il y a des promesses d’amour faites par des hommes donnant toutes les garanties des hommes de bonnes familles qui cachent toujours ou presque leurs basses pulsions de mâles coureurs et frustrés. À côté de cela, il y a des hommes sincères aussi, qui ont toujours l’air d’en vouloir à vos fesses, et il y a des hommes, qui avec leur air d’hommes rangés ne s’intéressent réellement qu’à ces fesses. Les apparences sont trompeuses comme souvent.

Tout est gris, comme l’un de ces potes le dira au sortir du premier restaurant pour qualifier sa soirée.

Il faut parfois de bons contrepoints pour faire un grand film, ce personnage féminin (plus un autre, croisé à la fin du film, et représentant en quelque sorte le négatif du premier vingt ans après), dans un film de potes, en est un excellent ici. L’ambivalence (l’hypocrisie surtout) baignant le reste des relations entre les hommes, au milieu de cette bonne humeur de façade, en constitue un autre. Derrière les sourires, les jeux de séduction et les baisers partagés à la nuit tombée, beaucoup de tragédies personnelles. Et la description d’une société malade.


 

Les Femmes des autres, Damiano Damiani 1963 La rimpatriata | 22 Dicembre, Galatea Film, Societa Editoriale Cinematografica Italiana


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