J’aime pas Samuel Fuller, voilà, c’est dit

The Naked Kiss, Police spéciale, Samuel Fuller 1964 Allied Artists Pictures, F&F Productions (1)_saveur

Voilà encore un « cinéaste » encensé pour être « l’auteur » de ses films. Aucun sens de la mise en scène, des scénarios stupides, et des intentions suspectes, mais c’est un grand cinéaste.

Non. Aucun intérêt le Samuel. Il y a des séries B non estampillées « auteur » qui donnent plus à voir (ou à « réfléchir »). Fuller, il ne donne pas à réfléchir, il enfonce les portes ouvertes de la bonne conscience et est encore la preuve que les intentions valent mieux pour certains que le savoir-faire ou la pertinence. La définition presque du petit con, parce que si ses films ne marchent pas, il aura toujours l’excuse de dire que son film disait des vérités justes… Oui, c’est sûr, parler des putes, des fous ou des soldats, ça ne peut être que très subtil…

Pas étonnant d’ailleurs qu’on retrouve les mêmes intérêts dans les grands auteurs de la nouvelle vague. Quand tu n’as rien à dire, tu l’ouvres pour dire de grandes banalités (de préférence de gauche, car démagogue, proche du peuple quand on ne l’est pas soi-même, de celle qui veut sauver le monde, mais qui sur une carte fout le Japon en hémisphère sud), et il n’y a que les clichés pour avoir l’air de dire quelque chose. Cinéaste pour fumeurs de haschisch intellos.

Ses meilleurs films, pour moi, c’est 7/10 (Le Port de la drogue, J’ai vécu l’enfer en Corée), v’là le maître. Et encore, vu le souvenir que j’en ai, j’ai été comme d’habitude bien indulgent. Auteur, oui, d’accord. La preuve que ça ne veut rien dire, et que c’est surtout gage de médiocrité… L’idéologie fait mal au cul. C’est avec cette notion d’auteur, censé être gage de qualité, qu’on en vient à dire que Nolan est un « grand cinéaste ». Il fait du Fuller avec cent fois plus de moyens, mais si la forme change le fond est identique : aucun savoir-faire technique et dramaturgique, que de la prétention et des évidences creuses (quand ce n’est pas les conneries grasses, à l’image de la musique insupportable chez Nolan —, mais c’est un auteur, hein, alors ce qu’on déteste chez Michael Bay, on l’adore chez Nolan). Vive les imposteurs.

Qu’on me sorte une scène, une réplique, un plan, un thème, qui prouvent le génie de ces gugusses. On ne trouvera rien. De la médiocrité à tous les étages. Ceux qui veulent y voir quelque chose n’y fourrent le doigt que dans le trou du cul de leurs fantasmes. Fuller, il s’est fait non pas dans les salles, mais par la réputation, à travers le bouche-à-oreille de la snob society, à la manière des peintres contemporains, des créateurs de mode. D’où l’intérêt des clichés et du manque de subtilité : si ces gens-là avaient un quelconque sens artistique, ça se saurait. Le snob ne va pas vers ce qui éveille son intelligence (même toute petite), ou même son intérêt ; non, le snob écoute le bouche-à-oreille qui se pratique dans les grandes salles privées de la bourse de « l’art ». C’est comme ça que Fuller devient un sujet à la mode dans les dîners en ville. Ça devient branché et rebelle de citer Fuller comme on porte des jeans préusés par des petites mains du tiers monde, comme on achète une lampe en matière recyclée dans un magasin dans le 5ᵉ arrondissement de Paris, comme on se rend cinq fois par an au Sri Lanka pour œuvrer contre la famine. Si Fuller, ou d’autres, voulait montrer la crasse, la puanteur de l’homme, c’était vers ça qu’il fallait se tourner. Vers ces imposteurs-profiteurs, cette noblesse de la bonne conscience qui se veut révolutionnaire et cultivée quand y a pas plus réac et inculte. Fuller… qu’ils se le foutent dans le cul, c’est de la série B, point barre.

Le problème avec Fuller, c’est que quand tu fais presque invariablement des films sans grand intérêt, c’est que même ceux qui l’apprécient seraient incapables d’en dégager des films en particulier. C’est peut-être même pour ça que certains ont trouvé l’excuse du « quand on aime un réalisateur, on aime tout de lui » (connerie de Truffaut, méga vénéré par le milieu en question). Donc, sa réputation reste cantonnée à certains péteux, disons à ceux qui auraient fini la filmographie de Cassavetes (qui lui avait du talent, et voir plus d’un de ses films, c’est presque déjà de la cinéphilie, mais de la cinéphilie de petit péteux), mais dans l’ensemble, trouver de l’intérêt à un type qui ne faisait pas autre chose que des séries B (et il devait probablement dire la même chose), tout en se refusant à explorer un peu plus surtout là où le bouche-à-oreille n’a jamais dit d’aller, ça c’est le niveau 2 de la cinéphilie (et tu peux vénérer toute ta vie quelque chose de médiocre, j’en sais quelque chose, sauf que je ne fais pas de dîners en ville pour montrer ma nouvelle négresse hottentote dénichée durant mes voyages dans les colonies).

Nolan, par ailleurs, m’est insupportable, parce que si quelques-uns le voient comme un « auteur », c’est bien qu’il se raconte « auteur ». Cette manière puante de tarabiscoter son récit alors qu’il nous mène dans une voie sans issue, c’est de la prétention. Dans les derniers blockbusters que j’ai vus, je n’ai pas le souvenir de films qui se prenaient autant au sérieux, se la jouant tellement intelligent, quand derrière y a rien. Je pense même qu’il faut avoir un léger déficit intellectuel pour prétendre y déceler de l’intelligence. À l’image des détenteurs de la vérité vraie, les conspirationnistes, qui, tellement fatigués de se voir rappelés tous les jours qu’ils sont de grands neuneus, trouvent une manière de prétendre dans ces « croyances » qu’en fait, nananère, ce sont eux qui ont tout compris à l’histoire. Nolan, y a rien à comprendre, c’est comme essayer de tripoter un mort. « Si, si, il bande. » « Mais il est mort, merde ! » « Mais non, regarde, il bande. » « Mais arrête, c’est toi qui lui tires la bite, mais ne crois pas que tu en verras la fin… » Nolan, t’attends toujours la résolution, le dénouement. Y en a pas. La musique se fait plus triste, les personnages crèvent ou tirent des tronches bizarres (parce qu’eux, ils ont tout compris), il baisse le rythme… bref, tous les effets, comme les conspis ne cherchent que les gros effets. Mais si un dénouement est affirmé, ça n’a aucun rapport avec ce qui précède, y a un gros déficit logique. Et là, t’as tous les neuneus dans les salles et critiques « oh putain ! un film de super héros intelligent ! » Ça s’extasie comme les snobs devant Racine joué par de mauvais acteurs (les bons de Racine, fantasmez pas, ça n’existe pas) : ils n’y ont rien compris parce que les acteurs ont le plus souvent la gueule distendue et les reins cassés, mais « putain, c’était impressionnant ! quelle émotion quand il lui dit « paaahah leuh beuuuuuuuh ». « Ah oui, passe-moi le sel, là, ma tendre Iphigénie. » « Ah, c’est ça qu’il dit ? bah putain… quelle émotion ! ».

Je crois que j’ai plus de respect pour Fuller en fait. Il faisait juste des séries B sans prétention, un peu naïvement, avec ses moyens (et je ne parle pas que de $) ; c’est un peu malgré lui qu’il a été récupéré. C’est un peu comme Mishima : c’était un gros bof’, genre Bigard, et puis mystérieusement il est récupéré par quelques intellos en Europe ou en Amérique (et même sa mort, tragiquement ridicule passe pour être un grand instant de bravoure, un peu comme si Patrick Sébastien se jetait de la Tour Eiffel en criant « Maman, c’est pour toi ! pour te prouver que je t’aime ! » — la bravoure too much des idiots). On peut se couper une oreille, ça marche aussi, postérieurement. La notion d’auteur encore…

Dernier exemple, je lis Kubrick-Ciment, et le critique (avec qui je partage pas mal de goût, mais ça n’excuse pas la connerie) explique que Kubrick tire certains de ses thèmes de ses origines juives d’Europe centrale… et il poursuit en plus en disant que les cinéastes protestants ou catholiques s’intéressent plus à ça ou à ça… Oui, OK, si la notion d’auteurs, c’est se contenter de faire du racisme légitimé par une sorte d’atavisme psychanalytique, on touche vraiment le fond du fond. Fuller était juif et soldat, tu parles, il pourrait faire des films publicitaires, le bonhomme il a la bio idéale qui donnera un sens à toute sa filmo. La notion d’auteur, c’est comme la psychanalyse (ou Nolan, les conspis ou le mystère des trous dans les beignets) : si ça marche tant, c’est que tout le monde peut fournir son interprétation en forçant des connexions de différents machins sans qu’il soit possible, jamais, d’en fournir la preuve. Suffit de balancer des théories ou des interprétations dans le vent, et voilà, plus c’est beau, ou gros, plus ça sera repris. Trouver la marque de la Shoah dans tous les films de Kubrick, oui, c’est possible… Je n’ose même pas savoir ce qu’ils inventent pour Fuller, mais je fais confiance à leur imagination. Et si la perruque de la pute dans The Naked Kiss, ce n’était pas… une sorte de « helmet », tiens ? Mais oui, c’est évident ! La thématique du casque de soldat ! Elle le met pour protéger son innocence, sa fragilité !… Et au fond, est-ce que nous ne nous baladons pas tous avec des masques et des casques sur la tête ? Mais de quoi ou de qui avons-nous peur ?! De McCarthy, oui, c’est ça, Fuller dénonce le maccarthysme ! Quel génie ! quel génie !…

Shock Corridor… hum, qui sont les fous ?!