Pulp Fiction, Quentin Tarantino (1994)

Puzzle Fiction

Pulp Fiction
Année : 1994

Réalisation :

Quentin Tarantino

Avec :

John Travolta, Uma Thurman, Samuel L. Jackson, Tim Roth, Amanda Plummer, Bruce Willis

10/10 IMDb

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Journal d’un cinéphile prépubère (1er mai 1997)

Un film admirable. La construction et la mise en scène sont parfaites. Tarantino se révèle être un grand raconteur d’histoires. Même si sa construction atypique, et non chronologique, est maniérée, le film reste jouissif de bout en bout pour le spectateur, attentif à reconstituer la linéarité des événements, en y décelant ici ou là des éléments dramatiques qu’il lui faut replacer dans le contexte chronologique.

Le récit est déstructuré, on revient sur les choses, on approfondit, on use de mise en abîme comme dans un film à sketchs où on s’attarderait tout à tour sur des personnages différents.

Il y a donc trois parties : la première avec les tueurs et la femme du boss, une seconde avec le boxeur, et la troisième qui fait comme une synthèse des deux premières. Tout cela s’imbrique en composant un canevas complexe où tout se mélange et prend peu à peu une logique d’ensemble. Un peu comme s’il y avait trois unités d’action, trois lignes dramatiques, qui se rencontraient au gré des hasards dans le récit. Et quand Tarantino a besoin de faire rencontrer deux de ces lignes, il les unit à travers une autre unité, l’espace (c’est par hasard que le boxeur tombe sur son boss, dans la rue).

Pulp Fiction, Quentin Tarantino (1994) | Miramax, A Band Apart, Jersey Films

Je suis fasciné par cette manière de raconter des histoires, de les déconstruire pour mieux les construire. Un travail basé sur de fausses coïncidences, avec un agencement de procédé dramatique à la chaîne, privilégiant la forme du récit au fond. On met un peu Tarantino à l’épreuve, et on attend de voir s’il parviendra à construire une cohérence de ce tout ça. Le miracle, c’est bien d’arriver à rester clair et simple dans ces circonstances. Et c’est sa mise en scène, très propre, qui lui permet peut-être de nous donner cette impression de grande maîtrise.

Tarantino trouve le rapport échelle-densité parfait entre les différentes séquences et l’action qui les compose pour qu’il puisse proposer un rythme dramatique idéal. Il ne faudrait pas s’y tromper : Pulp Fiction est un film lent, qui prend son temps pour que le spectateur puisse intégrer les éléments dramatiques et les reconstituer dans sa tête. Rien ne parasite dans cette nécessité de mise en scène l’esprit de celui livré presque exclusivement à cette tâche.

Le juste milieu parfait entre la forme et le fond, le rythme évocateur et l’action entraînante, la nécessité d’identification, de plaisir, face à l’objectif d’éveiller l’imagination à travers des effets de distanciation.

C’est bien pourquoi l’introduction donne si parfaitement le ton. Les dialogues des criminels passent avant l’action. On mettra à exécution plus tard ce qu’on prévoit avant. Ce qui importe, c’est le cheminement vers quoi l’action (brute, une fois qu’elle s’accomplit) se dirige et se compose à travers un jeu de répliques parfois absurdes entre les protagonistes appartenant à un même groupe (c’est une confrontation basée d’abord sur une forme de connivence et que les dialogues doivent, peu à peu, mettre à mal).

L’absurde, l’humour noir, chez Tarantino, c’est ce qui rend le style si « cool » dans ce cinéma. Ce n’est pas seulement l’attitude des personnages qui en font des modèles malgré leurs agissements et leur sens moral plus que suspect, c’est leur intelligence, leur repartie, dignes des comédies américaines des années 30. On se prend à aimer ces crapules parce qu’ils ont toujours les bons mots qui les rendent sympathiques. Et quand l’action les prend par surprise, ils réagissent le plus souvent sans en être surpris. La repartie à la fois dans le verbe, mais aussi dans l’action. Le mot et le geste justes. La lenteur, la maîtrise du rythme, presque unique, aide à offrir à une scène une identité, mais l’espace joue aussi beaucoup, car toutes ces séquences lentes, bavardes, s’appuient sur un espace bien défini, parfois intermédiaire, improbable, entre deux scènes. Toujours cette volonté de prendre une séquence attendue de côté pour en proposer un biais humoristique ou original. (Note 2018 : on peut y voir un curieux précédent avec Johnny Guitar.)

Quant à la précision de la mise en scène, elle est utile donc à clarifier, à travers le style, la complexité de l’histoire. On la remarque, par exemple, dans la première scène du boxeur qu’on ne fait qu’entendre alors qu’on voit l’arrière de la tête de son boss. Une version presque décalée d’une scène similaire mais frontale du Parrain. Les deux scènes servent à illustrer le pouvoir de celui qui le possède face aux personnages soumis.

Jolies références à Welles aussi, avec une séquence tournée en contre-plongée.

Un style nouveau est né. Cool, décalé.

(Le film comporte de curieuses similitudes avec Cible émouvante.)