Gompachi au chapeau, Kenji Misumi (1956)

Les bretteurs de flûte

Note : 4 sur 5.

Gompachi au chapeau

Titre original : Amigasa Gompachi / 編笠権八

Année : 1956

Réalisation : Kenji Misumi

Avec : Raizô Ichikawa, Mieko Kondô, Tokiko Mita

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Parmi les meilleurs films dans lesquels Misumi était à la baguette, il y a les comédies de vagabondages et il y a les drames amoureux. Avec un de ses premiers films, Gompachi au chapeau, on tire le meilleur des deux genres, et on en fait ainsi un drame romantique de vagabondage. L’alliance parfait des tragédies à larmes et des aventures à lames.

En à peine plus d’une heure, le film pourrait laisser craindre qu’il soit expéditif. Mais il n’y a en fait rien à ajouter (ou à retrancher). Tel un haïku mis en lumière, le film semble disposer de sa durée naturelle. D’habitude, les histoires qui traînent sur une heure trente forcent quelques tours et détours dans leur développement, on s’installe, et on se dit qu’on a compliqué la chose artificiellement. En une heure à peine, l’intrigue est celle d’une nouvelle. On connaît l’exigence de la nouvelle pour la concision. Ce qui importe, c’est moins le développement que la force des idées. Si ensuite, on a surtout l’impression de voir un moyen métrage (ce qui ressemble le plus, avec le sketch, au rythme et à la structure de la nouvelle), c’est que Misumi prend, comme à son habitude, un soin tout particulier à la direction d’acteurs, aux moments non dialogués (c’est peut-être même le premier film où il prend autant de libertés, joue autant avec des plans sur des réactions à peine esquissées, sur des vues presque subjectives, et où il se permet de jouer sur la tension amoureuse et meurtrière – ce qui, ici, est la même chose).

Les images sont aussi à couper le souffle. On n’est pourtant pas encore à l’époque de la couleur et de l’écran large.

À cheval entre l’emploi de jeune premier et de bretteur génial, Raizô Ichikawa est sublime. Je le préfère bien plus dans ces personnages lumineux que dans ceux où il force son autorité et baisse le timbre de sa voix jusqu’à ressembler à un crapaud cherchant à jeter un tour à un bœuf imaginaire : cette grosse voix, héritée sans doute de sa formation kabuki, ne passe jamais avec moi. Qui peut le plus peut le moins : ce qu’il y a à garder dans cette formation, c’est l’exigence de postures claires et expressives, l’autorité aussi que procure la nécessité de ne pas jouer sur tous les mots ou de gesticuler. Et il est si mignon avec ses yeux de biche qu’il en deviendrait presque une figure de héros romantique androgyne (la même qui s’imposera par la suite dans les animes).

Si Gompachi au chapeau possède un récit qui évoque le conte ou la nouvelle, il y a également un côté théâtre classique à la Racine qui ne pouvait que me séduire. Gompachi s’apprête à quitter Edo où il a fait la démonstration de sa supériorité au sabre dans un tournoi de démonstration, mais les petits saligauds qu’il a humiliés cherchent à se venger de lui en le prenant par surprise selon les bons codes du bushido (ah, non, pardon, ce n’est pas ça). Un samouraï plus sage qu’eux tente de s’interposer, mais les saligauds le blessent. Le samouraï meurt et Gompachi poursuit sa route. Un autre samouraï qui n’a pas assisté à la scène demande ce qu’il s’est passé et, au lieu de dire la vérité, les sagouins font porter le chapeau (d’où le titre ?) à Gompachi. Jusque-là, c’est classique, révoltant comme il faut, et bien exécuter de la meilleure des manières. Là où ça devient plus original, c’est que parmi le clan du samouraï tué qui se met en tête de poursuivre celui qu’on accuse injustement de ce meurtre se trouvent ses deux filles. L’honneur de la famille…

Gompachi ne sait pas encore qu’il est recherché, mais il se sait désormais en danger après cette agression et décide de partir de la capitale. Grosse influence à ce moment de Tange Sazen, l’un des personnages les plus populaires du cinéma japonais, parce que Gompachi était acoquiné avec une geisha follement amoureuse de lui, toujours suivie de son frère. Ces deux personnages ne semblant mener une existence qu’à travers celle de leur ami, cela pourrait être vu comme un défaut souvent pointé du doigt dans les principes de dramaturgie, mais quand on est convaincu de la supériorité d’âme (et d’arme) du personnage principal ainsi mis en avant, le spectateur est peut-être plus enclin à accepter (et apprécier) ce genre de facilités « populaires ».

Sur la route entre Edo et Kyoto qui semble être la route mythique où toutes les histoires de vagabondages semblent prendre place dans le Japon féodal, Gompachi sauve une femme qui manque de se faire violer dans une auberge. Le serviteur de la demoiselle supplie alors Gompachi d’aider sa maîtresse à apprendre à manier le couteau pour assouvir sa vengeance. Nous, on le sait déjà, mais Gompachi l’ignore, c’est une des deux filles du samouraï qu’il est accusé d’avoir tué. En deux ou trois jours, Gompachi donne ses cours à la demoiselle (on est dans le conte, toujours, on ne force jamais le réalisme alors qu’on pourrait se dire que c’est tiré par les cheveux, alors que c’est presque conceptuel comme dramaturgie, on se fout de la cohérence). Et les deux tombent amoureux. Voilà Racine. L’honneur, le devoir, la passion, l’interdit. (On applaudit au passage Matsutarô Kawaguchi, collaborateur habituel de Kenji Mizoguchi, qui a écrit ici cette histoire et que Misumi retrouvera par la suite.)

La demoiselle retrouve ensuite son clan, et celui qui dans toutes les histoires de samouraï est toujours là à traîner pour souffler sur les braises et à chercher à se mesurer au héros, le ronin de l’ombre, lui suggère que la technique au couteau dont elle vient faire la démonstration pourrait être celle du tueur de son père (certains ronin sont des homosexuels refoulés, je ne vois pas d’autres explications à leur obstination, surtout quand le héros en question a de jolis yeux de biche). D’un magnifique et puéril « non, ce n’est pas la même ! » en parlant de la technique employée, la demoiselle s’en va alors dans sa chambre pour pleurer un bon coup sous la lune qui la nargue d’avoir succombé au meurtrier de son père.

Entre-temps, Gompachi, ayant compris que c’était lui l’objet de la vengeance de sa belle, l’appelle façon Roméo et Juliette mais à la flûte ; et une fois réunis sous un lit de branches mesquines fondant la lune et le brouillard, il confirme être celui qu’elle et son clan recherchent. Il propose qu’elle le tue, mais elle refuse. Il lui répond alors qu’elle seule pourra le tuer. Et il s’enfuit.

Tout ce petit monde arrive à Kyoto (si j’ai tout compris). Gompachi se rend à un temple où il pensait retrouver sa belle, mais c’est un guet-apens. Sa belle retrouve la geisha et son frère, les amis de Gompachi, car tous ont compris que Gompachi avait été trompé et risquait d’être tué. Au temple, Gompachi achève une partie des hommes du clan venus l’assassiner. Le frère de la geisha révèle, parce qu’il y était, que Gompachi n’a pas tué le samouraï, mais que ce sont ses hommes accidentellement qui l’ont tué en cherchant à s’attaquer à son ami. Tout le monde se regarde en chiens de faïence. Les processeurs calculent les implications de cette nouvelle embarrassante : le dilemme, c’est que pour des samouraïs, seul l’honneur compte (à savoir, les apparences, pas ce qui est dicté hypocritement dans le bushido). Si le clan est en tort, ça ne change rien, car s’ils acceptent cette réalité, ça ne ferait que discréditer le clan tout entier. Gompachi doit donc mourir.

La sœur aînée s’approche donc à son tour de Gompachi pour le défier, mais sa sœur cadette s’interpose et dit qu’il faudra d’abord la tuer si elle veut s’en prendre à son amoureux (qu’elle connaît depuis trois jours — toujours cette cohérence des contes). Vaincue par la détermination et l’amour que porte sa cadette à son homme, l’aînée renonce à le tuer. Et à l’image de ce qu’on avait vu par exemple dans le Samouraï d’Okamoto, on aime bien trafiquer l’histoire pour la réécrire à notre convenance. Le clan décide donc que les amoureux partiront sur la route tandis qu’ils les feront passer pour morts. Tout le monde est sauf (l’honneur des oppresseurs surtout).

On retrouve quelque chose de la trame amoureuse de La Courtisane et l’Assassin : de jeunes amoureux réunis par le hasard dont les circonstances interdisent la relation. Dans les deux cas, le couple impossible doit faire face à des crapules cherchant à les faire passer pour ce qu’ils ne sont pas : opposition claire entre l’innocence de l’amour précoce et le machiavélisme occasionnellement assassin des personnes bien établies jamais rassasiées par le pouvoir. Et dans les deux cas, l’intrigue ne s’encombre pas de fioritures (au contraire par exemple de Komako, fille unique de la maison Shiroko dans lequel le schéma dramatique apparaît plus sophistiqué et garni, et dans lequel le katana est moins de sortie).

Pas de bons drames amoureux sans alchimie entre les deux acteurs principaux. Misumi pourrait se démener tant qu’il peut pour leur donner la place pour s’exprimer, s’il n’y a pas les acteurs qu’il faut, le public ne suivra pas. On croit sans mal à l’amour des deux innocents (la cohérence, il faut plus parfois la laisser aux acteurs qu’aux facilités d’une trame) ; Raizô Ichikawa et Mieko Kondo sont parfaits.

Difficile à croire qu’il s’agit d’un film de 1956 : on y retrouve toutes les qualités des drames romantiques futurs de Misumi. Et pour autant, le studio lui fera très vite toucher à tous les genres. Misumi, c’est Hawks et Sirk à la fois.


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La Lignée d’une femme, Kenji Misumi (1962)

Sakura en pleurs

Note : 4.5 sur 5.

La Lignée d’une femme

Titre original : Onnakeizu / 婦系図

Année : 1962

Réalisation : Kenji Misumi

Avec : Raizô Ichikawa, Masayo Banri, Michiyo Kogure, Koreya Senda, Eiji Funakoshi, Mitsuko Mito, Mako Sanjô, Saburô Date, Akihiko Katayama

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Somptueuse adaptation d’un roman déjà adapté quatre fois au cinéma de Kyoka Izumi, auteur de nombreuses histoires qui seront adaptées au cinéma, dont Le Fil blanc de la cascade de Mizoguchi.

Aucune de ces précédentes versions n’est disponible. La première version réalisée par Hôtei Nomura voit Kinuyo Tanaka interpréter le rôle de la geisha devenue femme du personnage principal. On doit la seconde à Masahiro Makino pour la Toho en 1942 dans un film cité par les 300 de Tadao Sato dans son ouvrage de référence (Hideko Takamine joue la sœur cadette amoureuse de son frère adoptif et une autre actrice de Naruse, grande star des années 30, Isuzu Yamada, interprète le rôle de la geisha). La Daiei propose avant celle-ci une première version sortie en 1955 avec Teinosuke Kinugasa derrière la caméra et notamment Fujiko Yamamoto devant. Enfin, en 1959, la Shin-Toho en réalise une dernière version avant celle de Misumi (au cinéma, parce que le roman a fait l’objet de nombreuses adaptations à la télévision). Autant dire qu’on a affaire à un classique de la littérature et du cinéma ; ce qu’on voit là, ce n’est encore probablement que la partie émergée d’un gros iceberg camouflé dans le brouillard…

Je ne vais pas mentir. J’ai toujours eu un goût prononcé pour les contextes historiques composites rarement exposés au cinéma, les périodes intermédiaires et mouvantes. Le fait qu’en Occident on voit le plus souvent les productions nipponnes de manière dichotomique entre d’un côté les productions classiques en costumes prenant forcément place à l’époque Edo, et de l’autre, toutes celles qui sont contemporaines à leur récit (au mieux, les années 20-30), cela revient à écarter malheureusement le milieu de l’ère Meiji durant laquelle le Japon s’ouvre au monde, s’industrialise, s’éduque et connaît par conséquent un changement majeur dans la structuration et les usages de sa société (curieusement, le cinéma américain souffre du même déficit d’image, j’avais vu ça avec La Fille sur la balançoire). La période n’est pas pour autant délaissée des films que l’on peut souvent découvrir à travers notre angle auteuriste du cinéma, mais il est souvent trompeur, car on y voit finalement assez peu de ces changements d’usage (pas autant qu’il me plairait de les voir en tout cas : on reste cantonnés aux quartiers de plaisirs, à la campagne, certaines adaptations des romans prenant place à cette époque montrent assez peu du pays, et ce sont finalement peut-être les films de yakuzas qui dévoilent le plus de cette époque durant laquelle tous les instruments de cette modernité envahissante — lunettes, costumes à l’occidental, revolvers, premières automobiles — sont les attributs ostensibles de personnages déviants sans « code d’honneur »). Misumi réalise d’ailleurs l’année suivante une biographie d’un des acteurs de ces réformes, Ôkuma Shigenobu, à travers laquelle ces usages composites et mouvants sont encore plus notables que dans La Lignée d’une femme.

L’un des premiers usages qui tranche ici avec ce qu’on est habitué à voir, c’est la manière dont le personnage central de cette histoire, Hayase, un jeune pickpocket, est pris en main puis adopté au début du film par Shunzo Sakai, un professeur à l’Université impériale de Tokyo. Quelques années plus tôt, cette figure paternelle aurait été un samouraï ou un vaurien (comme le personnage de Shintarô Katsu dans L’Enfant renard). Et cela continue avec la séquence qui suit : devenu adulte, Hayase finit ses études et devient traducteur d’allemand. Confusion des classes et ouvertures nouvelles sur le monde, rien de mieux pour aiguiser mon imagination.

Après ce premier choc lié à la singularité et au caractère hybride de son sujet, vient pour moi un autre choc, esthétique, cette fois. Si la période Meiji est source de beaucoup d’étrangetés visuelles apparaissant parfois à l’écran, je dois faire un autre aveu : j’ai un faible pour les vitres au cinéma. Ce n’est pas un intérêt métacritique ou symbolique, comme certains, pour le surcadrage, c’est purement visuel. Les vitres permettent la mise en évidence d’arrière-plans travaillés dont l’intérêt est justement de n’en saisir qu’une infime portion et de deviner le reste. Comme les portes coulissantes ou les paravents, les vitres permettent aussi de structurer des espaces marqués à différents niveaux de profondeur. Ce que ces cadrages symbolisent, je m’en moque ; ce qu’ils rendent possible, en revanche, c’est surtout des ouvertures sur un monde disparu reproduit, ou suggéré, le plus souvent en studio. Des vitres donc, mais aussi un agencement propre aux petites maisons japonaises intégrant des éléments venus d’Europe tout en proposant dans un même plan des espaces de vie sur différents niveaux, des ruelles en arrière-plans qu’on devine juste au bord d’une fenêtre ouverte sur toute sa latéralité, des minuscules parcelles de jardin combinant dans un désordre factice une variété de végétaux et d’ustensiles exotiques, des panneaux pour délimiter les propriétés, mais derrière lesquels on devine déjà toute une vie disparue, il y a tout ça dans le film. Une vitre, un espace structuré, c’est un piège à hors-champ, un fouet à l’imagination. Et encore une fois, si la plupart du temps, ces vitres, shôji ou panneaux soulignent des espaces devenus familiers à force de les dévoiler au cinéma, c’est d’autant plus excitant ici que cela concerne un monde rarement mis aussi bien en évidence au cinéma.

C’est que le budget artistique (art design, décors, costumes et accessoires) doit affoler les compteurs.

Une fois sous le charme des premières minutes (sujet et direction artistique), il faut encore que le sujet réponde aux promesses initiales.

C’est une constante, au Japon comme ailleurs : quand les classes fractionnées tentent de se recoller pour former une société nouvelle que l’on espère apaisée, les vieux réflexes réapparaissent, et on tend à faire appel à des fondamentaux sociocomportementaux pas si désuets que ça. Devenu adulte, Hayase, l’ancien pickpocket adopté par un notable, compte bien se marier avec la femme qu’il aime, Otsuta, une geisha. Cette dernière n’y croit pas beaucoup, et pourtant, sans le révéler à sa famille, aidé seulement de deux serviteurs, le jeune homme, fraîchement diplômé, se marie et s’installe avec Otsuta qui a tout à apprendre du rôle de la femme au foyer. Parallèlement à ce bonheur conjugal naissant, c’est surtout la question de la fille légitime de son père que la famille devra régler. Car Taeko est amoureuse de son frère adoptif et n’est pas pressée de voir les prétendants se masser à la porte du patriarche. Les difficultés commencent quand Eikichi Kono, le fils d’une importante famille de Shizuoka se met en tête de se marier avec la demoiselle. Sa mère qui joue les entremetteuses pour ce mariage n’arrive pas à convaincre Shunzo Sakai, le père de Taeko. Seulement, Eikichi connaît Hayase et après une première demande infructueuse trouve moyen de faire pression sur lui : il apprend d’abord qu’il est secrètement marié avec une geisha alors que ces alliances sont prohibées au sein de l’institution où il exerce désormais en tant qu’interprète, et il assiste à un vol dans lequel Hayase est impliqué malgré lui et le dénonce à la police pour se venger de lui.

Les conséquences négatives s’enchaînent alors pour Hayase. Eikichi s’étant assuré que la presse ait eu vent de son histoire, l’ancien pickpocket perd d’abord son emploi ; son père apprend du même coup son mariage avec une geisha. Shunzo Sakai demande alors à son fils de faire un choix : soit il quitte sa femme indigne, soit il reste avec elle et il coupe les ponts avec lui. À cette occasion, on se rend compte surtout que l’hypocrisie de cette nouvelle classe dominante a tout de celle de la génération précédente. Car Sakai a lui-même longtemps entretenu une geisha : l’ancienne « okami » d’Otsuta. Et une fille est née de cette relation : Taeko. (On est dans le mélo, je me régale.) L’histoire ne fait que se répéter.

À ce sujet, petit intermède. Les amateurs de la politique des auteurs et aficionados de la psychanalyse pourront également se régaler parce que deviner qui est justement issu d’une union illégitime entre une geisha et un riche marchand ? Kenji Misumi (c’est du moins ce qu’on apprend sur la ressource des sans ressources). On peut donc légitimement penser que le sujet du film le touchait particulièrement.

On n’en est pas à la moitié du film, et c’est pourtant à cet instant qu’apparaît la grande scène à faire. Dans un jardin magnifique, baigné dans une atmosphère brumeuse et poétique, au milieu des sakuras en fleurs (symbole de la beauté et de l’amour éphémère), Hayase dit à sa femme qu’ils vont devoir se séparer. Elle ne comprend d’abord pas, pensant, naïvement, et certaine de l’amour qu’il lui porte, que c’est elle qu’il a choisie quand son père l’a mis au pied du mur. Dans tous les films de Misumi, on retrouve ces face-à-face décisifs entre amants ou ennemis (c’est la même chose), et chaque fois, c’est bien le sens du cinéaste à diriger ses acteurs, ralentir le rythme, jouer sur les regards et sur l’incertitude qui ressort. Misumi n’est pas le cinéaste des sabres qui s’agitent, fer contre fer, mais bien celui des face-à-face qui précèdent les explosions de violence ou les séparations. Un homme rencontre une femme, comme disait Wilder qui s’amusait que cela puisse représenter l’idée la plus géniale qui soit au réveil d’un scénariste un peu ivre. On n’a jamais trouvé mieux.

L’avantage parfois des adaptations de roman, c’est que ceux-ci ne sont pas exactement calibrés pour le cinéma. Les adaptateurs s’y cassent souvent les dents, mais pour qui a le génie d’un Yoshikata Yoda, cela peut être l’occasion de surprendre le spectateur et de faire le pari d’un nouvel élan. Une fois la grande scène de la séparation finie, on a ainsi l’étrange impression qu’en plein milieu du film, une tout autre histoire commence (tandis qu’un autre amour éphémère prend forme : le scénariste de Mizoguchi entame ici une première collaboration avec Misumi ; ils se retrouveront sur trois autres grands drames, La Famille matrilinéaire, Deux Sœurs mélancoliques à Kyoto et La Rivière des larmes).

Les dénouements précoces, je n’y crois pas beaucoup. C’est pourtant parfaitement réussi ici. Poussés ou émus par cette séparation soudaine, cruelle et brutale, on voit le film parvenir à rester sur la même émotion. De la même manière que le silence qui suit une musique de Mozart reste du Mozart (dixit Sacha Guitry), Yoda et Misumi arrivent à surfer sur le deuil de cette histoire d’amour sincère. À moins que la force du récit à ce moment soit de nous raccrocher à des enjeux pas si nouveaux que ça, avec des cheminements narratifs qui reprennent de plus belle… Quoi qu’il en soit, alors que l’on reste désarçonnés par l’émergence de ce dénouement précoce, tout donne l’impression par la suite d’apparaître à l’écran pour la première fois, comme si l’histoire qui se développait maintenant à l’écran n’avait jamais été racontée. Une impression étrange, renforcée par les décors exceptionnels et en couleurs de ce monde reconstitué de milieu de période Meiji.

L’une part dans le village de son enfance pour devenir coiffeuse ; l’autre se met en tête de partir pour Shizuoka rencontrer la famille d’Eikichi pour se venger à son tour de ses bassesses. C’est que Hayase a découvert que Madame Kono, celle qui était venue enquêter et jouer les entremetteuses auprès de sa sœur Taeko… a une fille aînée née d’une relation extra-conjugale. Il arrive à la faire chanter et au moment où il allait révéler le secret à sa fille, Madame Kono tire sur Hayase avec un revolver. (Je me régale : c’est du mélo et elle lui tire dessus à travers une vitre !)

Et on se régale ainsi une vingtaine de minutes supplémentaires. Évidemment, si on goûte peu au mélo, l’addition risque d’être amère. Car ces minutes sont loin d’être apaisées. On meurt et on pleure beaucoup. Taeko vient rendre visite à celle qu’elle ne sait pas être sa mère et à Otsuta, désormais malade : ayant appris le mariage de son frère aimé avec l’ancienne geisha, Taeko ne montre aucune rancune envers elle et lui montre au contraire toutes les meilleures attentions du monde. Avant que la dernière fleur de cerisier soit arrachée de son arbre…

L’honneur est sauf, pour cette fois, l’arbre généalogique d’une « femme indigne » s’arrête là sans avoir donné à cette joyeuse société d’hypocrites le moindre fruit pourri.

S’il y a une mince réserve, ce serait l’interprétation de Masayo Banri en Otsuta. Une femme magnifique, à la beauté presque plus moyen-orientale que japonaise avec un grand nez, mince et étroit. Jolie, mais peut-être pas assez innocente pour le rôle, plus faite pour la comédie avec son œil enjôleur et sa bouche moqueuse (elle joue Otane la même année dans Zatoïchi et est, à ce jour, comme c’est de coutume de le dire pour ces témoins de l’âge d’or du cinéma japonais, toujours vivante). En voyant qui l’avait précédée dans les versions antérieures, cela laisse songeur… Autre acteur à contre-emploi, Eiji Funakoshi, habitué des rôles d’hommes sages et éduqués, qui interprète ici le serviteur.


Jaquette DVD de La Lignée d’une femme, Kenji Misumi (1962) Onnakeizu | Daiei


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Deux Sœurs mélancoliques à Kyoto, Kenji Misumi (1967)

L’arithmétique de l’amour

Note : 4 sur 5.

Deux Sœurs mélancoliques à Kyoto

Titre original : Koto yûshû: Ane imôto/古都憂愁 姉いもうと

Année : 1967

Réalisation : Kenji Misumi

Avec : Shiho Fujimura, Kiku Wakayagi, Eiji Funakoshi, Kaoru Yachigusa, Takuya Fujioka, Akio Hasegawa, Momoko Kôchi, Eiko Itô

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Nouveau drame de grande qualité pour la Daiei. S’il faut louer le génie de Misumi à jouer parfaitement de l’émotion et du rythme, en particulier dans des dénouements forts en émotion, il faut bien reconnaître aussi que la plupart de ces drames ont une principale vertu : ils sont admirablement bien construits. Quand Mizoguchi est mort en 1956, ses principaux collaborateurs au scénario, Yoshikata Yoda et Matsutarô Kawaguchi n’ont pas pour autant disparu avec lui ; et certains de ces scénarios sont tombés entre les mains de Misumi dans des films bien trop inaccessibles aujourd’hui.

La même année, en 1967, ce sont pas moins de trois drames qui sont produits par la Daiei sous la direction de Misumi : Brassard noir dans la neige¹ ; La Rivière des larmes² ; et donc Deux Sœurs mélancoliques à Kyoto³. À ces trois drames, on peut en ajouter un autre, flirtant avec la satire et la comédie, tourné en 1963 avec la même équipe : La Famille matrilinéaire. On a connu la trilogie du sabre, les distributeurs seraient bien avisés de distribuer une trilogie des larmes avec ces quatre titres (on peut même imaginer une hexalogie si on y ajoute L’Homme au pousse-pousse et La Vision de la vierge).

¹Toshio Yasumi à l’adaptation ; Setsuo Kobayashi à la photographie, collaborateur habituel de Masumura pour filmer Ayako Wakao — madame ayant une cicatrice de varicelle à l’arête du nez, il convient peut-être de la filmer toujours avec le même profil ou un éclairage adapté.

²Yoshikata Yoda à l’adaptation ; Chikashi Makiura à la photographie (principal collaborateur de Misumi)

³Yoshikata Yoda à l’adaptation ; Senkichirô Takeda à la photographie (collaborateur de Misumi sur La Lignée d’une femme)

⁴Yoshikata Yoda à l’adaptation ; Kazuo Miyagawa à la photographie (collaborateur historique de Mizoguchi, puis de nombreux cinéastes de la nouvelle vague)

⁵Mansaku Itami au scénario (1943) ; Chikashi Makiura à la photographie

⁶Mitsuro Kotaki et Kazuo Funahashi ; Chikashi Makiura à la photographie

(Akira Naitô est le plus souvent à la direction artistique de ces films.)

Je ne m’attarde pas sur les autres aspects du film qui sont comme d’habitude maîtrisés : la direction de Misumi, la photographie de Takeda, les acteurs… Car ce qui m’a fasciné ici, c’est donc bien l’arithmétique de l’amour savamment élaborée par les deux anciens compères de Mizoguchi (Kawaguchi pour le sujet ; Yoda pour le scénario).


Exercice 1 

Exercice 1.1 : Considérons la relation entre a et b, a et b appartenant à la même fratrie, elles sont définies de la façon suivante : a est l’aînée, b, la cadette. a b.

Question : Qui, selon les lois en vigueur au Japon, entre a et b, a le plus de chance de devenir la cheffe de la famille (C) si leur père venait à décéder ? Imaginons maintenant la variable suivante : a possède un talent de cuisinière que b ne possède pas. a (cheffe) b (Ø). Question : Qui pouvez-vous déduire entre a et b est responsable (R) du restaurant ?

Exercice 1.2 : Considérons désormais la relation entre b qui aime c, c étant défini à la fois comme « potier » et « fiancé » de b, mais que c prétend aimer a. Question : Quelles sont les motivations cachées de c susceptibles d’expliquer pourquoi c se dit être amoureux de a quand il est promis à b ?

Exercice 1.3 : Nous verrons un peu plus tard les probabilités arithmétiques de l’amour que cela peut provoquer dans un film, car considérons désormais la relation entre d et e, e étant une ancienne geisha devenue danseuse, d, un écrivain de retour à Kyoto qui sert de théâtre des événements qui nous intéressent ici et ancien client de e. Question : Comment, selon les règles de la bienséance au Japon, d et e vont-il s’unir si on considère que d et e s’aime d’un amour mutuel et sincère ?

Exercice 1.4 : Considérons désormais, et pour aller plus loin, la relation entre d et a, sachant que c dit aimer a alors qu’il est promis à b, et que a n’éprouve rien pour c qui, de son côté, aime au contraire d. Question : Comment, selon les règles arithmétiques de l’amour, d réagira-t-il quand a lui avouera son amour alors que d aime depuis toujours e et que e est la raison de son retour à Kyoto ?

Exercice 1.5 : Considérons enfin le poids de f dans ces calculs, à la fois tuteur de cet ensemble que l’on nommera « L’hypothèse des deux sœurs mélancoliques à Kyoto », mais aussi gérant et riche propriétaire du restaurant où a et b officient. Question : Si a décide de quitter subitement l’équation, b pourra-t-elle continuer à travailler pour f ? (Rappel : c est potier et dit aimer a.)

Carton promotionnel du film |Daiei

Exercice 2

Vous avez les variables de départ, il vous reste à imaginer une évolution crédible des relations entre tous ces éléments sachant qu’il vous restera à ajouter une dernière variable que l’on nommera x et dont il vous sera demandé de révéler le rôle inconnu à la fin de l’histoire.

Hypothèse du film :

Commençons par donner des noms à toutes ces variables :

a = Kiyoko, sœur aînée, cheffe cuisinière

b = Hisako, sœur cadette, fiancée à Akio

c = Akio, potier, fiancé à Hisako

d = Shinyoshi, écrivain, loge chez Shima

e = Shima, danseuse, ancienne geisha, loge Shinyoshi

f = Ichitaro, gérant de restaurant tenu par Kiyoko

x = inconnue à déterminer

Rappel des événements :

Deux sœurs, Kiyoko et Hisako, tiennent un restaurant à Kyoto, le Totoki, grâce aux talents de Kiyoko qu’elle a hérité de son père. Leur tuteur, Ichitaro, propriétaire du restaurant, sert d’intermédiaire pour marier la cadette Hisako, dispensable en cuisine du prestigieux restaurant dans laquelle c’est l’aînée (elle, divorcée) qui a hérité des secrets gastronomiques de la famille.

Hisako aime Akio, un potier, mais Akio hésite encore à se marier avec Hisako, surtout que la guerre fait rage et qu’Akio a peur d’être envoyé au front. Alors tous deux se disputent. L’aînée des sœurs rend alors visite à Akio pour essayer de le convaincre d’accepter le mariage, mais le garçon avoue alors à Kiyoko que c’est elle qu’il aime.

Kiyoko en est toute bouleverser, car l’homme qu’elle aime vient de réapparaître à Kyoto : Shinyoshi, un écrivain en difficulté avec les autorités à cause de sa position peu favorable à la guerre et qui revient dans l’ancienne capitale où il a de nombreuses attaches pour se faire oublier. Mais pas seulement. Car si Shinyoshi retrouve avec plaisir la fille du restaurant qu’il avait l’habitude de fréquenter il y a des années, il aime depuis toujours Shima, une ancienne geisha devenue danseuse pour des soirées privées. Shima l’aime en retour, mais si elle l’accueille volontiers chez elle comme autrefois, elle « n’est pas une fille facile ».

Hisako retourne voir son fiancé pour faire la paix, mais Akio tente de la violer. Hisako retourne alors au Totoki et dit à Kiyoko que son fiancé a essayé de la prendre de force. Toute chagrinée de voir qu’Akio est un salaud (il lui a dit qu’il l’aimait tout en cherchant à violer sa sœur), Kiyoko rend visite à son vieux sensei, Shinyoshi, chez Shima pour oublier tout ce sac de nœuds romantique et s’enivrer. Shinyoshi s’amuse, un peu amer, de voir que cette histoire rappelle celles qu’il écrit. Pendant la nuit, ivre, Kiyoko se faufile dans la chambre de Shinyoshi pour lui dire qu’elle l’aime, mais l’écrivain lui répond qu’il aime Shima.

Ivre, éconduite, honteuse et dépitée, Kiyoko rentre chez elle. À la porte, Akio l’attend depuis plusieurs heures dans le froid et lui propose d’aller boire un verre. Kiyoko et Akio passent la nuit ensemble.

Au petit matin, Kiyoko se rend compte de sa bêtise et rentre au Totoki. Sa sœur Hisako lui demande où elle a dormi. Kiyoko prétend que, saoule, elle a dormi sur un banc. Akio arrive cependant à cet instant et révèle sans retenue à sa fiancée qu’il a couché avec sa sœur. Kiyoko et Hisako se brouillent, tandis qu’Akio s’en va recoller des pots cassés (pas au figuré, c’est son métier) comme si de rien n’était.

Kiyoko se rend chez Shima pour que ses deux amis interviennent pour que Hisako lui pardonne d’avoir couché avec l’homme qu’elle aime. Mais Hisako ne veut pas pardonner à sa sœur. Kiyoko propose alors à Akio de partir ensemble vers la capitale, ce qu’ils font en laissant juste une note pour prévenir de leur départ.

Des années plus tard, Shinyoshi et Shima se sont enfin mariés et retrouvent fortuitement Kiyoko dans un bar à Tokyo où elle travaille comme hôtesse : Akio l’a tout de suite quittée une fois partis. Le fiancé cherchait juste une excuse pour échapper au mariage.

Shinyoshi et Shima proposent à Kiyoko de revenir au pays, ce qu’elle accepte. De retour à Kyoto, les mariés arrivent à convaincre Hisako qui tient un simple restaurant de pot-au-feu d’excuser sa sœur après toutes ces années. Les deux se retrouvent. Mais pour assurer leur avenir de femmes célibataires, les deux sœurs doivent pouvoir retrouver un travail dans un restaurant. Shinyoshi et Shima demandent alors à Ichitaro, l’ancien propriétaire du Totoki, de les reprendre. Les deux mariés ont une idée pour convaincre le riche propriétaire du Totoki : mettre à l’épreuve les talents de Kiyoko à l’occasion d’une fête qui se tiendra chez eux. En effet, la guerre maintenant finie, Shinyoshi est revenu en odeur de sainteté et revient de la capitale où il a reçu un prix. Le couple a invité des proches de la ville tandis que les deux sœurs s’activent en cuisine. Les convives sont émerveillées par la cuisine de Kiyoko qui n’a donc pas perdu la main. Satisfait, Ichitaro affirme qu’ils pourront retrouver sa cuisine dans son restaurant : le Totoki.

Après le repas, Shima danse pour l’assistance. La morale de l’histoire est livrée par Hisako, la cadette des sœurs à l’écrivain : on pardonne tout aux gens qui ont du talent. Kiyoko a couché avec son fiancé, mais on lui pardonne parce qu’elle cuisine bien. Shinyoshi était mal vu pendant la guerre à cause de ses écrits, et maintenant que la guerre est finie, on lui remet un prix. Sa femme, Shima, autrefois geisha, se produit devant des parterres de grandes personnalités parce qu’elle danse bien ; et elle s’est mariée avec lui. Mais pour elle qui n’a pas de talent (et plus encore pour x, qui a proposé à Ichitaro d’être sa concubine pour garder le restaurant une fois Kiyoko partie et qui n’avait que son corps à vendre), on ne lui laisse rien passer…

Révéler x : la dernière sœur cadette. x est tellement méprisée qu’on ne l’accepte jamais dans les discussions de famille et n’apparaît même pas dans le titre (elles sont trois sœurs, pas deux). Une invisibilisation évidemment volontaire, car elle renforce l’injustice de la morale explicitement annoncée par la seconde sœur à la fin du film.

Ces savants calculs de probabilités vous ont été présentés par Yoshikata Yoda et Matsutarô Kawaguchi. Merci à eux.

Un dernier mot sur cette conclusion encore une fois fabuleuse dans un mélodrame dirigé par Misumi. Étonnamment, le dénouement de l’intrigue est bâti non pas autour des relations entre les deux sœurs brouillées, mais autour de l’héritage gastronomique de la famille. Cela a deux vertus : d’une part, on s’écarte du mélodrame facile en faisant du retour ou non de la cheffe dans le restaurant familial un enjeu majeur ; d’autre part, cela permet d’insister sur une morale révélant une réalité bien cruelle. D’une pierre, deux coups.

Deux coups de maître. (Ou trois. Déterminez x.)


Pour les images et un commentaire moins alambiqué que le mien, fureter ici ou ici.

Et pour d’autres images (que j’ai empruntées) tout en ayant une jolie description des passages dans le film entre les plans en extérieur dans la ville de Kyoto et ceux réalisés dans les studios de la Daiei ; mais aussi pour avoir un aperçu des surcadrages tant prisés des critiques présents dans le film ; ou encore pour avoir une idée (fixe chez les mêmes critiques) des plans de pieds forcément fétichistes ; pour tout cela, fureter ici.


Deux Sœurs mélancoliques à Kyoto, Kenji Misumi (1967) Koto yûshû: Ane imôto | Daiei

Les Deux Gardes du corps, Kenji Misumi (1968)

Note : 4 sur 5.

Les Deux Gardes du corps

Titre original : Nihiki no yōjimbō / 二匹の用心棒

Année : 1968

Réalisation : Kenji Misumi

Avec : Kôjirô Hongô, Isamu Nagato, Miwa Takada, Miyoko Akaza

— TOP FILMS —

Je pourrais reproduire le commentaire de Momotarô le samouraï : on est dans le récit populaire, dans un genre qui m’est cher, celui des joueurs itinérants (matatabi-eiga, pour les intimes, auquel Zatoichi appartient également). Les récits de voyage, c’est toujours l’occasion de forcer des rencontres et par conséquent des destins. On frôle les limites de la légende et du mélodrame. On reconnaît d’ailleurs beaucoup d’éléments (parentalité révélée par exemple) d’un autre chef-d’œuvre adapté du même dramaturge, Shin Hasegawa : Ma mère dans les paupières.

L’histoire oppose ici deux joueurs qui ne cessent de se croiser sur la route (dont un interprété par le génial acteur à tête ronde de Dojo yaburi/Zoku Dojo Yaburi Mondo Muyo). L’un est plutôt un escroc débonnaire (tous les escrocs sont débonnaires), l’autre, derrière son caractère un peu strict, cache un grand cœur. Le second finira par recueillir la fille d’un autre yakuza itinérant dont la femme est morte et qui redoute de ne pouvoir convaincre ses grands-parents de la reconnaître… Le père s’enfuit et laisse la gamine au gentil yakuza qui montrera tellement de dévouement et d’honnêteté auprès de la grand-mère qu’elle acceptera de se charger de la petite. Le yakuza lui remet toutes ses économies pour son éducation et sa future dot (quand je dis que c’est du mélo).

Des années passent. Le gentil yakuza qui avait promis de venir voir sa protégée n’est jamais réapparu, mais en même temps qu’il croise à nouveau la route de son ennemi de toujours, l’escroc débonnaire (dans une maison où une femme qu’il avait violée s’est trouvé une situation…), on leur raconte l’histoire que l’un connaît bien pour l’avoir vécue. Il n’en connaît cependant pas le dernier rebondissement : amoureuse depuis toujours de l’homme qui l’avait recueillie, la fille, belle comme un cœur, rêverait de retrouver son protecteur chéri. Cela ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd : si le gentil reste impassible, l’escroc sent au contraire le bon filon et s’éclipse pour rejoindre la famille dans l’intention de se faire passer pour le protecteur de l’enfant.

La grand-mère devenue aveugle, personne n’est en mesure de le contredire, mais les détails qu’il avance laissent assez peu de doute et le yakuza est bientôt accueilli comme un prince. Bientôt, le bonhomme annonce qu’il en pince pour la gamine et exige qu’elle lui soit mariée. Le gentil yakuza apprend que quelqu’un usurpe son identité et court retrouver tout ce petit monde pour confondre le menteur et le tuer une bonne fois pour toutes. Là, comme dans tout mélodrame qui se respecte, les masques tombent, grand moment de « reconnaissance » où l’on comprend qui est qui. Mais un yakuza itinérant reste un yakuza itinérant, et il doit reprendre la route. Le pouvoir du renoncement.

Magnifique.

Nuits de Chine, Osamu Fushimizu (1940)

Note : 3 sur 5.

Nuits de Chine

Titre original : Shina no yoru

Année : 1940

Réalisation : Osamu Fushimizu

Avec : Kazuo Hasegawa, Shirley Yamaguchi, Tomiko Hattori

Ça tient à rien un film. Comme en cuisine, savoir faire monter les œufs en neige, disposer de la bonne liste d’ingrédients, de la bonne recette, d’avoir les bons temps de cuisson, ce n’est rien face au petit grain de sable qui peut tout foutre en l’air en une seconde. Le grain de sable ici, ce sont ces détours mélodramatiques incessants et assez peu crédibles qu’on nous impose à la fin. Vingt minutes avant la fin du film, nos deux tourtereaux se marient, on pourrait finir ici, mais non, tout le monde regarde sa montre, certains quittent même la salle, s’étirent, et ça recommence pour un tour. On en a pour la Nuit.

Je m’en vais dévoiler toutes ces horreurs parce que c’est risible (une manière aussi d’exorciser un film que j’avais jusque-là apprécié).

On en est donc au soir du mariage. Un officier vient prévenir notre amoureux (marin d’eau douce) qu’il a quarante minutes pour se préparer et partir au front (rires dans la salle). Une fois parti, c’était prévisible, son steamer est attaqué par ces inhospitaliers Chinois (conduit, on ne sait trop pourquoi ni comment, par le méchant bonhomme qui s’opposait à son mariage et clairement meneur d’une sorte de triade d’insurgés). Il meurt en héros, l’arme à la main (et quelle arme : une énorme mitraillette qui fera des décennies plus tard les joies des héros du Vietnam). C’est du moins ce qu’on pense à ce moment-là. Ce qu’on espère même. Parce que dans un film de guerre, on aime les héros morts (un peu moins les revenants, ce qui constituait une des lourdes ficelles propagandistes dans Les Cinq Éclaireurs parmi lesquels aucun ne périra, comme une sorte de Dix Petits Nègres à l’envers : on croit que tout le monde est mort, et ils reviennent tous l’un après l’autre pour reconstituer tout un bataillon de miraculés).

La femme chinoise de notre amoureux batailleur (merveilleuse Shirley Yamaguchi) apprend qu’elle ne consommera jamais son mariage avec son homme (de la meilleure des façons puisqu’elle vient l’accueillir sur le quai, regarde tous ses potes retrouver leur famille, et là un type, après une demi-bobine, daigne enfin lui dire que son bonhomme il est mouru…). Une petite Chinoise n’est rien sans son glorieux mari nippon (c’est qu’il avait une grosse mitraillette le bougre), alors pour se consoler de ne pouvoir ambitionner à la noble vie japonaise, elle retourne sur le lieu de son idylle champêtre (si jamais votre mari nippon est tué à la guerre, ce n’est pas un truc à faire ça). Là, déprimée comme une Chinoise abandonnée par son maître-mari, elle décide de se suicider dans la rivière (la censure laisse faire, vu qu’elle, elle n’a pas la force de caractère des femmes japonaises, elle est faible, ce n’est qu’une Chinoise qui n’a seulement qu’effleuré la dignité et la force du caractère japonais). Mais ô surprise, avant qu’elle rejoigne pour de bon son canotier de mari, ah bah non, le voilà justement qui arrive, le bras en écharpe… à bord d’un véhicule de l’armée.

Juste à temps. Un peu plus, et on aurait presque trouvé ça formidable.

C’était vingt minutes de trop. Peut-être faut-il y voir là les commandes spécifiques de la censure (du pouvoir, du bureau d’information, peu importe) pour qu’y soient plus franchement incorporés quelques messages bien lourds de propagande. Quelque chose comme : un Japonais, même le jour de son mariage, rejoint avec ardeur le front où on l’envoie ; les femmes japonaises qui accompagnent sa vie sont alors fières de le voir ainsi honorer sa patrie, et s’il y meurt ce serait un plus grand honneur encore… Ah, et pis, en fait…, les soldats japonais meurent peu au front. Si, si, c’est vrai. Ce n’est pas avec l’acupuncture qu’on gagne des guerres…

Avant ce désastre dansant, c’était pourtant follement original. Ça ne ressemblait à rien, avec des décors intérieurs et de magnifiques extérieurs qu’on voit rarement dans les films japonais (plus tard, Naruse tournera probablement sur place quelques scènes de la même manière en Chine pour Nuages flottants), on pourrait être presque par le charme champêtre des images dans Le Printemps d’une petite ville (tourné presque dix ans plus tard), les séquences chantées sont merveilleuses, et avant que le film tourne à la catastrophe, on avait même eu droit à un tournant « noir » tout à fait étrange. Il faudrait songer à créer un bureau de censure centennal chargé de couper les séquences navrantes ruinant tout un film…

Un cinéma hybride, nourri de multiples influences et styles, voué à l’oubli, à la stérilité, incapable lui-même d’influencer quoi que ce soit. Un monde à part, comme une boule à neige.


Nuits de Chine, nuits câline, nuits d’amoursur la rivière entendez-vous ces chants doux et charmants (la-la-la-la… même que Jacques Brel il chante Nuits de Chine quand il se demande Comment tuer l’amant de sa femme… et que Bebel et Gabin les chantent aussi dans Un singe en hiver… toute une histoire ces Nuits de Chine.)


Nuits de Chine, Osamu Fushimizu 1940 Shina no yoru / China Nights | Manchuria Film Productions


Liens externes :


La grande strada, Vittorio Cottafavi, Michal Waszynski (1947)

La grande strada

La grande stradaAnnée : 1947

Réalisation :

Vittorio Cottafavi, Michal Waszynski

5/10 IMDb

Film de propagande polonaise pour le compte des Soviétiques et tourné avec la bienveillance des Italiens, donc de Cottafavi (si j’ai tout compris).

Résultat, en dehors d’une histoire mélodramatique de patient aveugle qui appelle sa belle dans son lit et qui prend son infirmière pour elle avant que le dénouement lui ouvre les yeux, en dehors aussi d’une des pires introductions de film qu’il m’ait été donné de “voir” avec une séquence de bombardement usant de flashs antiépileptiques (ils remettront ça à la fin avec une courte séquence d’orage insupportable pour mes yeux et ma tête), eh ben, on tient peut-être là le film qui a servi de références aux Italiens pour calibrer par la suite toute leur “vision” du doublage :

— Œdipe, nous allons vous montrer un film pour savoir si notre technique de doublage est satisfaisante. Vous êtes prêt ?

— Je suis tout ouïe.

(La projection du film La grande strada commence, avec un doublage horrible des acteurs polonais en italien.)

— Désolé pour les images de la première scène, Œdipe…

— J’ai rien vu, de quelle scène parlez-vous.

— Ah, très bien. Non rien. Alors, comment trouvez-vous le montage ?

— Ben, sur Jocaste, c’était parfait !

— Vous êtes sûr ? N’est-ce pas parfois un peu désynchronisé ?

— Qu’est-ce que vous entendez par là ?

— Eh bien que le son du doublage puisse ne pas correspondre toujours à l’image…

— Ah non, je dois être aveugle.

— Vous l’êtes ?

— Je le suis.

— Mother fucker


Balise spoiler, annonce et usage des spoils dans une critique

L’Empire du sixième sens, Nagisa Ôshima 1976 | Argos Films, Oshima Productions, Shibata Organisation

À quelqu’un qui me reproche de ne pas annoncer dans une critique sur un film japonais que je spoile :

On devra s’excuser d’écrire des critiques maintenant… Si les gens sont assez cons pour mettre leur main au feu pour savoir si ça brûle, c’est leur problème. Une critique, par définition, parle d’un film… tandis qu’un commentaire de film tournant autour du pot sent la merde.

Et si on respecte également les œuvres et le sens des œuvres japonaises, il faut accepter de vivre sans cette obstination du spoil qui n’a de sens que dans une optique consumériste propre à la riche, mais jeune culture américaine. Dans la culture nippone, la tragédie a encore un sens. L’honneur, la dévotion, le conflit permanent entre devoir et la passion, entre la quête ou le désir individuel avec les attentes d’un milieu… tout ça, ça a un sens. Et c’est ce qu’on connaît en Europe, et qu’on a oublié, dans la tragédie. Et merde, une tragédie, il n’y a pas à spoiler : ça ne se termine pas joyeusement. Les attentes du public américanisé (je ne dis pas « public occidental » par respect pour ceux qui connaissent encore les valeurs de la tragédie) sont des attentes d’éjaculateurs précoces où une jouissance doit être immédiatement consommée et remplacée par une autre. D’autres cultures, plus ancestrales, connaissent la valeur des préliminaires et oublient la finalité du plaisir immédiat pour se questionner sur les origines de leur impuissance. Quand on a quatre ans, on ne veut pas savoir que les histoires, ça finit toujours mal. Quand on change le spoil sur la langue contre du spoil aux pattes, on sait comment ça finit. Le plus dur dans la flûte, ce n’est pas de savoir souffler, mais de bien placer ses doigts. Quand on parle d’une œuvre parfaitement exécutée, ce n’est pas la question de l’exécution finale qui importe. S’il n’y a que la résolution de l’énigme qui nous intéresse, savoir si oui ou non ça se termine bien, si oui ou non ils vont se marier et avoir beaucoup d’enfants, on peut quitter la salle, acheter du pop-corn, et revenir pour le dernier acte. Les autres, quand ils parlent d’exécution, ils parlent de tout ce qui précède. Les tragédies finissent mal, en général. Les gens heureux n’ont pas d’histoire, etc. Merci, Madame. Pour les fins optimistes, il y a les comédies (et encore), sinon la plupart des récits classiques, les codes dramaturgiques japonais, sont dans la tradition de la tragédie. Donc on sait parfaitement ce qu’on est en train de voir. Alors bien sûr, on ne va pas différencier “drames” et “tragédies”, on n’est pas au théâtre. Mais quand même, quand on regarde les affiches ou qu’on lit les titres de films, ça laisse peu de doute non ? Entre La Forteresse cachée (au style très inspiré par la culture américaine) et Les Amants crucifiés, on n’a pas besoin qu’on nous fasse un dessin, si ?


Recherche d’images à Keyser Söze



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Le Sabre de la bête (1965) Hideo Gosha

Un spoil dru pour la bête

Le Sabre de la bête

Kedamono no ken, Sword of the Beast

Note : 5 sur 5.

Titre original : Kedamono no ken / Sword of the Beast

Année : 1965

Réalisation : Hideo Gosha

Avec : Mikijirô Hira, Gô Katô, Shima Iwashita

— TOP FILMS —

Souvent mes amis imaginaires me demandent de leur spoiler les films. J’essaie de m’y atteler le mieux possible, mais je dois avouer que j’oublie trop souvent cette requête et me consacre plutôt à des études vaseuses promises, elles, à mes élèves factices de l’École Marie Laforêt (salut à eux). Mais que seraient des amis, même imaginaires, si on ne prêtait pas attention à eux et ne répondait jamais à leurs attentes ? Après quatre heures de travail, j’achève donc ce spoil médiocre et froid. À tous les lecteurs qui me lisent sans faille, jour après jour, je ne vous demanderai que deux choses : de l’imagination et de la tolérance. Ceux qui n’existent pas apprécieront.

Pour accentuer un peu plus le caractère épique du canevas et archétypal des personnages, j’ai préféré aller au plus simple dans les descriptions :

Une pute, un rônin, et un autre rônin appelé également dans ma retranscription « rônin » mais affublé, lui, presque toujours d’une épouse (non ce n’est pas la même chose qu’une pute). Voilà qui est plus clair. That’s jidaikegi cinema!

Ce spoil reste sans commentaire. Pour une raison simple : cette structure est parfaite. Alors taisons-nous et contemplons la bête.

le-sabre-de-la-bete-constellation-du-spoil

1/ La pute essaie de charmer le rônin pour qu’il ne voie pas ses poursuivants arriver. Le rônin arrive à fuir : c’est toi qui parles de fierté ?

2/ Le chef samouraï et sa suite trouvent le cheval du rônin. La fille du chancelier assassiné dit à son mari samouraï que les temps ont changé et qu’il faut vite s’adapter aux nouvelles règles.

3/ De son côté le rônin joue son sabre au jeu et lui permet de gagner un peu d’argent avec son domestique et rencontre brièvement des prospecteurs d’or.

4/ Le rônin se cache dans une auberge et se prépare pour l’assaut. L’aubergiste va immédiatement prévenir les samouraïs qui décident d’attaquer. L’aubergiste revient, tout tremblant, et le rônin se doute qu’il a été trahi comme il le prévoyait et qu’il va être attaqué.

5/ L’attaque. Le rônin met en échec ses poursuivants et se réfugie sous une charrette conduite par son domestique qui est questionné par les samouraïs avant de prendre le large.

6/ La fille du chancelier en veut à son mari et lui dit qu’il hésite à tuer le rônin, car ils étaient autrefois amis. Elle lui rappelle qu’il a tué son père : Flashback des désaccords entre le rônin et le chancelier. Le rônin avec des amis a fait une pétition pour réclamer de nouvelles méthodes au shogun pour s’adapter à la nouvelle situation du pays. Il refuse. Pour ne pas se faire hara-kiri, les samouraïs le tuent, devant sa fille. Pour la fille du chancelier, il n’y a pas de pitié à avoir envers un tel traître, et son mari lui rappelle que c’est tout de même un samouraï. Elle lui rappelle ce qu’il a gagné en se mariant avec elle.

7/ Le domestique du rônin lui dit qu’il a trouvé un corps dans la rivière avec une bourse remplie d’or. Pas étonnant dit le rônin, revenu sur les lieux de son enfance, cette région est pleine d’or et attise les convoitises.

8/ Un orpailleur et sa femme sont interrogés par le clan local qui les attaque quand l’orpailleur lui dit qu’il n’a pas l’intention de le partager au shogunat. Il les tue.

9/ Le rônin et son compagnon trouvent les corps dérivant dans la rivière : ce sont des samouraïs importants, donc ça veut dire des problèmes. Son compagnon se met à chercher l’or, mais son maître lui dit que ça n’a aucun intérêt.

10/ La femme de l’orpailleur s’inquiète de tous ses morts car ça veut dire que le shogunat va les faire arrêter si ça se sait. L’orpailleur répond froidement que leur clan ne les abandonnera jamais.

11/ Des villageois trouvent un autre corps à la dérive plus en amont mais celui-ci est encore vivant mais blessé. Ils le ramènent à l’auberge.

12/ Une prostituée se propose de le réchauffer et demande pour cela que les villageois sortent. Elle tente de le tuer. À ce moment le rônin arrive. Tué délibérément.

13/ Un peu plus tard, la prostituée rejoint le rônin aux bains lui disant qu’elle veut lui montrer sa gratitude, alors qu’elle est venue le tuer.

14/ Le lendemain le rônin repart sur les routes et la prostituée le suit (il lui a laissé la vie sauve). Il lui demande pourquoi il a tué cet homme, quel était leur lien. Mais elle ne répond pas. Il lui demande de ne pas le suivre.

15/ Plus loin près de la rivière l’orpailleur continue son travail malgré les doutes de sa femme. Il lui dit qu’ils ont une mission. L’or doit sauver leur clan. Flash-back : le chef de clan de l’orpailleur lui promettant de devenir samouraï et un poste s’il ramène cet or.

16/ Le rônin retrouve l’orpailleur et sa femme et lui demande pourquoi il a tué tous ces hommes. Il répond qu’il tue tous ceux qui s’approchent. Le rônin comprend et s’en va lui disant qu’ils se reverront.

17/ En partant le compagnon du rônin lui demande ce que c’est que ces personnes. Le rônin lui répond que ça ne leur regarde pas. L’autre dit qu’ils prennent l’or sur le dos du gouvernement. Le rônin répond que c’est tout ce qu’il y a à savoir. Son compagnon croit alors qu’il en veut à leur or et qu’il pensait d’abord gagner son or honnêtement. Son maître lui répond qu’il est une bête sauvage, que c’est lui qui décide quand il attaque son ennemi et pourquoi ; sinon il se laisse guider par les événements et c’est son ennemi qui décide. « Choisis bien tes amis et tes ennemis ».

18/ Des brigands s’en prennent à la femme de l’orpailleur et lui demandent de leur remettre son or sinon ils tuent sa femme. L’orpailleur refuse. Les brigands le menacent alors de violer sa femme. Et l’orpailleur ne réagit toujours pas.

19/ Le rônin vient à leur aide. Il tance l’orpailleur sur ses choix. L’autre répond que ces montagnes sont faites pour des monstres.

20/ À l’auberge les samouraïs du shogunat trouvent la trace du rônin et demandent où il est parti. Dans les montagnes lui répond-on. La prostituée entend tout.

21/ Le compagnon du rônin cherche un peu d’or dans la rivière et dit à son maître qu’il savait bien qu’il n’avait rien d’un monstre quand il est allé sauver la femme. Mais le rônin dit qu’il a bien été clair : qu’il reviendrait non pas pour la femme mais pour l’or. L’autre lui répond qu’un monstre ne l’aurait pas prévenu de ses desseins et lui dit que s’ils veulent éviter de lui voler l’or il ferait bien de commencer à chercher de l’or. Son maître lui répond d’arrêter ça.

22/ À la hutte de l’orpailleur sa femme refuse de travailler. Il lui demande de le faire mais lui demande s’il la considère encore comme sa femme… Du coup elle part et trouve le rônin. Elle se propose à lui, elle veut devenir une bête comme lui, d’abord intéressé, il refuse : il apprend qu’ils sont là pour une mission, ils travaillent pour leur clan.

23/ Le rônin se rappelle comment lui aussi était assujetti à son clan : le chancelier lui a d’abord fait croire que certaines réformes seront acceptées. Le rônin dit que les clans qui se sont adaptés sont désormais plus riches qu’avant. Retour avec la femme : le rônin dit qu’ils ont cru le sous-chancelier et qu’ils ont accepté de tuer le chancelier en croyant que ça résoudrait le problème. Retour au flashback : en revenant voir le sous-chancelier celui-ci lui dit qu’il n’a jamais demandé le meurtre du chancelier et qu’il va être poursuivi pour cela – ses complices ont déjà été tués. La femme lui dit qu’il a été poussé à être un monstre, il ne l’est pas devenu. Le rônin lui dit qu’il ne la force pas à la rejoindre, mais si elle veut suivre la voie des monstres, elle doit d’abord en informer son mari.

24/ Elle retourne voir son mari. Celui-ci veut d’abord la mettre à mort avant de tomber dans ses bras.

25/ Le rônin retrouve l’orpailleur et lui épargne la vie après avoir gagné son combat. Il lui demande pourquoi. Le rônin dit qu’il est juste venu le prévenir que les hommes de son clan viendraient bientôt s’emparer de son or. Il lui demande s’ils savent qu’ils sont ici ? Le rônin répond que la prostituée leur a dit. Il ne pourra pas l’aider à fuir une fois qu’ils seront là. L’orpailleur comprend et lui révèle son nom, mais ne peut lui dévoiler son clan. Peut-être se retrouveront-ils un jour. Le rônin répond peut-être, mais il doit aussi filer car ceux qui sont à sa poursuite ne sont plus loin.

26/ Plus loin donc la fille du chancelier et son mari suivent la trace du rônin. La femme est exténuée mais tient à continuer. Elle demande à son mari pourtant d’y aller seul. Il part.

27/ Près de la rivière, le compagnon du rônin lui dit que c’est du gâchis de partir maintenant, sans or. Le rônin lui répond que leurs poursuivants ne sont plus loin. Pourtant le plus fort a été tué, pourquoi en avoir peur ? Parce que celui qu’il craint le plus, son ami, est encore vivant. Mais lui, veut-il rester ici ? c’est qu’il y a beaucoup d’or et il n’est pas recherché ! Mais pour le rônin la vie a plus de valeur que l’or.

28/ C’est alors que son ami les retrouve. Il lui dit que le maître du shogun a été tué et qu’il ne reste plus que lui. Sa fuite s’arrête ici… Il lui dit qu’il peut encore regagner son honneur en se faisant hara-kiri (ou presque).

29/ Entre-temps, sa femme se fait attaquer par des brigands. Le compagnon du rônin vient les prévenir… Ils vont l’aider mais c’est déjà trop tard. Le compagnon dit qu’elle hésitera désormais à le chasser maintenant qu’ils l’ont sauvé. Mais le rônin lui dit de bien la regarder, c’est bien la fille d’un samouraï, rien n’a changé.

30/ Le chancelier avec ses hommes arrive enfin et dit « Je veux et Shakespeare d’exquises excuses ! ». Et comme il ne parvient pas à le dire sans faute, il réfléchit et dit « Tuez-les tous ! » (Ça doit être Shakespeare qui lui a soufflé l’idée).

31/ Le rônin s’apprête à partir mais la prostituée vient le voir et lui dit que c’est un piège. Les hommes de son clan l’y attendent. Il se méfie et lui demande pourquoi il l’aide : ne travaille-t-elle pas pour le clan ? Elle répond que trop de monde a vu son visage, elle ne sait pas ce qu’il va advenir d’elle : tous ceux qui sont impliqués vont mourir.

32/ Le mari pense que la vendetta est une excuse qu’à trouver le rônin pour rester dans l’opposition. Quant à la femme de l’orpailleur elle voit qu’il est parti. Pour le rônin c’est le signe que son clan l’a déjà trouvé. Ce qui signifie qu’ils vont le tuer, car les samouraïs ne laissent jamais rien derrière eux. La femme s’étonne, pourquoi le tueraient-ils ? Parce qu’il est la preuve vivante qu’ils ne laissent jamais aucune trace derrière eux. Son mari est donc en danger et lui demande donc de lui révéler où il cache l’or.

33/ A l’endroit de la cachette, le chancelier félicite l’orpailleur. Le rônin arrive et dit qu’ils vont le tuer une fois l’or en lieu sûr. Le chancelier demande à ses hommes de tous les tuer. Ils prennent en otage la femme de l’orpailleur. Il laisse tomber son épée. Ils le tuent, lui et sa femme. Le rônin cherche à tuer le chancelier qui lui demande pourquoi il le tue, ils ne sont pas connectés ! Le rônin lui répond que désormais ils le sont : ils iront tous deux en enfer.

34/ Ils partent : ils doivent continuer à fuir, car la fille du chancelier est toujours à leur trousse, les choses ne changeront pas.


Le Sabre de la bête, Hideo Gosha 1965 Kedamono no ken, Sword of the Beast | Shochiku, Shochiku-Fuji Company


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Le Détroit de la faim, Tomu Uchida (1965)

Insatiable Uchida

Le Détroit de la faim

A Fugitive from the Past

Note : 4.5 sur 5.

Titre original : Kiga kaikyô

Année : 1965

Réalisation : Tomu Uchida

Romancier : Tsutomu Minakami (OrineA House in the Quarter)

Avec : Rentarô Mikuni, Sachiko Hidari, Kôji Mitsui, Ken Takakura

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Encore un excellent film d’Uchida. Dans la veine des précédents, où la condition des hommes, misérables ou samouraïs, détermine leur destin.

Ici, on suit le parcours sur plusieurs années d’un Jean Valjean nippon. Rentarô Mikuni en effet est parfait pour le personnage, avec sa tête d’homme humble et honnête sur qui tous les malheurs semblent s’être déjà abattus.

Une histoire qui s’échelonne donc sur plus de dix ans. Dans la première partie, le personnage s’enfuit avec deux anciens prisonniers durant un typhon. Les deux autres hommes meurent durant la traversée du détroit, et le personnage de Rentarô Mikuni hérite d’un magot (non, ce ne sont pas des chandeliers en argent). Se retrouvant un peu perdu sur l’autre rive, il est recueilli une nuit par une prostituée à qui il laissera une partie de l’argent, sans doute déjà envahi par la culpabilité. Là encore, on ne peut imaginer mieux pour interpréter ce rôle que Sachiko Hidari, qui avait par deux fois joué pour Imamura les prostituées, et qui vient tout juste — après deux ans quand même — de donner sa voix criarde et son petit corps dodu à La Femme insecte. Elle va pouvoir changer de vie, payer les dettes de sa famille et rejoindre la capitale pour reprendre un nouveau départ. Pendant ce temps, un policier s’acharne (sorte de Javert avec plus d’humanité) à retrouver la trace du fugitif… pour le meurtre de ses deux acolytes. (Le typhon, presque, c’était de sa faute.)

Dix ans passent, et la prostituée voit la photo de son bienfaiteur dans le journal sous un autre nom (ce n’est pas encore non plus Monsieur Madeleine). Elle fait le voyage pour le remercier, elle qui ne passe pas un jour sans penser à lui. Seulement bien sûr, il fait mine de ne pas la reconnaître… La suite est un retour à l’enquête initiale à travers un nouveau drame. La police doit faire appel à l’ancien policier chargé de l’enquête qui a tout perdu en ayant échoué à retrouver ce fantôme. Bien sûr, la suite n’est pas tout à fait comme on pouvait se l’imaginer. La vérité est toujours ailleurs, autre, et le jeu des apparences, lui, est vicieux. Reste que les remords sont bien là, envahissants. La misère corrompt les hommes ; et une fois qu’on est pris dans l’engrenage, on n’est plus maître de rien.

Du grand art, parce que si l’histoire est efficace, Uchida sait parfaitement s’en rendre maître et comme toujours y insuffler une humanité comme personne.

Une des singularités du film, c’est sa durée. Habitués aux films noirs, aux séries B du genre, trois heures, c’est plutôt inhabituel. Mais on ne voit jamais le temps passer, la tension est continue. On croirait presque se retrouver dans un sac de nœuds élaboré par Seichô Matsumoto (Kiri no hata, Le Vase de sable, Zero Focus, Shadow of Deception).


Le Détroit de la faim, Tomu Uchida 1965 Kiga kaikyô | Toei Company


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The Pornographers, Shohei Imamura (1966)

Les Bêtes

The Pornographers

Note : 5 sur 5.

Titre original : Erogotoshi-tachi yori: Jinruigaku nyûmon

Année : 1966

Réalisation : Shôhei Imamura

Avec : Shôichi Ozawa, Sumiko Sakamoto, Ganjirô Nakamura, Chôchô Miyako, Haruo Tanaka, Masaomi Kondô, Kô Nishimura

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Il y a quelque chose de singulier de voir ce titre dans un film de 1966. Tout le monde n’est pas historien de la pornographie. On se demande ce qu’on peut bien trouver dans un tel film… En fait, ce n’est pas tant la pornographie qui y est au centre de tout, c’est juste une activité. L’activité de personnages timbrés. On est bien chez Imamura.

Il faut voir l’espèce de boule de nœuds que forme cette famille recomposée avec les névroses de chacun, leurs désirs, leurs mensonges…

Le pornographe vit chez une veuve. Celle-ci garde précieusement une carpe qui, selon elle, est la réincarnation de son mari. (Voilà qui pourrait laisser penser que c’est légèrement tordu, mais la carpe, elle ne s’en sépare jamais, elle est même dans la chambre à coucher, et chaque geste d’elle est un signe que lui envoie son premier mari…) Elle tient un salon de coiffure pitoyable. Jamais un client, et pour cause, personne ne travaille dans cette baraque. On reste au pieu toute la journée…

Deux enfants. Un garçon qui devrait être à l’université mais qui ne vit que pour lui-même, et qui, déjà, entretient une relation gentiment incestueuse avec sa mère. Ce sont des bêtes, on se renifle, on répond à ses instincts primaires, à ses désirs immédiats… — Une fille. 15 ans. Ne va jamais à l’école et ne pense qu’à une chose : se faire culbuter par son beau-père… Alors, quand il ne veut pas (alors qu’il veut, puis non…), elle se donne à n’importe qui, traîne, s’enivre…

Le père, le pornographe du titre du film, fait donc des films de cul (on ne voit rien) et est aidé par un gars qui explique ne pas aimer les femmes, leur corps. C’est mieux de se tripoter devant des films. Vers la fin, il dit avoir enfin changé : il se serait assagi. Désormais, il est avec… sa sœur, qui est comme une mère pour lui. Attention, il ne se passe rien, là-dessus, il n’a pas changé…

Le pornographe, on y arrive le père : son activité lui permet de gagner un peu d’argent. Un peu. Activité interdite. Il passe quelque temps en prison et intéresse la mafia locale (on peut dire qu’il ne lui arrive rien de bon — certains ont le don de s’attirer des ennuis). Par des brefs flashbacks, on apprend qu’il a été lui-même victime d’inceste… et qu’il est responsable d’un accident de la fille de la coiffeuse qui en garde une imposante cicatrice à la jambe. Reste-t-il avec elle par culpabilité ? Mystère. Ce qui est sûr, c’est qu’il l’aime sa coiffeuse. Mais il est aussi attiré par sa fille… Il arrive à réprouver ses pulsions, mais ça se complique quand on n’est pas le seul à avoir un grain.

Tout ça va se finir dans le surréalisme le plus étrange. On pense à Fellini et à son automate dans Casanova. Puisque les hommes ont des pulsions qu’ils ne contrôlent pas, puisque les films sont interdits, puisque même les orgies ne le satisfont plus (il faut dire qu’il y trouve sa fille…), il va construire une poupée grandeur nature… Il finit fou, croyant donner vie à sa poupée — ce qui était déjà arrivé à sa femme dans une scène assez mémorable. La scène finale, c’est en somme ce qui leur arrive depuis longtemps : des péniches qui ont perdu les amarres et qui dérivent sans s’en rendre compte. C’est exactement ça, pendant tout le film, ils sont conscients de rien. Ils ne sont pas dénoués de culpabilité mais la réflexion va rarement bien loin. Le but, c’est quand même de satisfaire à ses besoins premiers.

L’une des scènes les plus hilarantes à ce propos, c’est une scène où les pornographes filment une séquence entre un vieil homme, qui va jouer au docteur, et une jeune fille, qui va jouer une écolière (déjà le fantasme de l’écolière au Japon…). (Au passage, il semblerait que la pédophilie n’ait jamais été une question embarrassante au Japon ; la pornographie infantile n’y est toujours pas punie et la prostitution infantile y a toujours été très présente). Les deux metteurs en scène se rendent compte que la fille est une débile mentale. Passé l’étonnement et une petite réflexion pour la forme, ça ne les dérange pas plus que ça. Sauf qu’essayer de mettre en scène une débile mentale, ce n’est pas de tout repos. Et là, la débile s’effondre en larmes, et le vieux vient la réconforter en lui disant que « son papa est là »… Il faut les voir les deux les traiter de détraqués ! L’hôpital qui se fout de la charité…

La scène se poursuit avec les deux zouaves, dans un bain public. La caméra prend ses distances comme toujours, l’air de dire « je ne cautionne pas ces bêtes-là » (un plan-séquence de loin, brute, rien à dire, pas expliqué, pas commenté). Ils s’interrogent sur la moralité d’entretenir des rapports sexuels avec une fille handicapée mentale. Ils restent à côté de la plaque : « Qui a dit que c’était interdit », etc. On rit jaune mais voir de tels zigotos, c’est assez fascinant.

Le film est au début un peu compliqué à suivre. Il faut s’y retrouver avec les flashbacks (tout le film en est un lui-même, comme une mise en abîme, un clin d’œil). Mais quand tout prend forme petit à petit, parce que c’est un vrai puzzle, ça devient génial. Il y a d’abord sans doute un roman (de celui qui écrira plus tard le Tombeau des lucioles — si, si, rien à voir pourtant). On est dans les années 60, un tel sujet, avec de tels personnages, il faut oser. Il faut ensuite le génie de mise en scène d’Imamura (deux palmes d’or, il faut le rappeler). Il a une manière d’arriver à rentrer rapidement dans une scène qui est remarquable. Tout est fluide, les acteurs sont naturels. Une des marques de ses mises en scène futures : une certaine forme de naturalisme, de crudité. Le travail sur le son par exemple est un vrai modèle. Son avec léger écho en plaçant la caméra derrière l’aquarium pour donner une atmosphère étrange ; sons répétitifs comme une musique… Impressionnant. La séquence de délire avec une musique rock m’a fait penser à du Tarantino. Voire une scène à la Paul Thomas Anderson avec caméra à l’épaule pour suivre son personnage dans un bar… C’est que le film a bien quelque chose à voir avec Boogie Night. La même distance vis-à-vis des personnages. La même fascination pour des personnages barrés. Une manière décomplexée d’aborder la sexualité. Des personnages naïfs, à la limite de la bêtise, mais toujours montrés avec bienveillance. Il y a cette même volonté de rentrer d’un coup dans un milieu (ici surtout une famille) et de rentrer dans la chambre à coucher, sans forcément montrer ce qu’il s’y passe. On parle de cul, mais on ne voit rien et ce n’est pas vulgaire. Ça aurait été le piège. Le sujet, ce n’est pas la sensualité, le voyeurisme, le sensationnalisme, ce sont les personnages sur une autre planète. Ces bêtes, sans aucune décence, sans aucun sens moral, avec pour seules limites celles imposées par leur imagination.

Bref, une histoire de cul parfaitement recommandable. Un nœud tendu de bout en bout — et qui finit par craquer de la seule manière possible, en s’éteignant dans le gouffre de la folie.

Jubilatoire.


The Pornographers, Shohei Imamura 1966 Erogotoshi-tachi yori Jinruigaku nyûmon | Imamura Productions, Nikkatsu


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