







septembre – décembre 2019
L’Ascension de Skywalker, J.J Abrams (2019)
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Peppino et Violetta, Maurice Cloche (1951)
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Mon ami le cambrioleur, Henri Lepage (1950)
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Les Amants de Tolède, Henri Decoin (1953)
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Carol, Todd Haynes (2015)
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Le Temps qu’il reste, Elia Suleiman (2009)
L’humour pince-sans-rire qui plaît tant aux festivals et à la critique. Mais « mime de rien », un homme qui regarde sa mère partir est toujours attachant. Même si souvent, au temps du parlant, un visage impassible de mime est souvent pour moi synonyme d’ennui (que ce soit pour Tati ou Suleiman donc).
I Wish I Knew : Histoires de Shanghai, Jia Zhagke (2010)
Jia est un homme amoureux. Il réaliserait un documentaire sur le poulpe des abysses qu’il trouverait moyen d’y faire tourner sa femme chérie. Éclairant sur l’histoire de Shanghai depuis l’ouverture du commerce aux Européens au XIXᵉ siècle et les premières concessions, jusqu’aux guerres du XXᵉ qui ont écartelé la Chine et les Chinois.
Ça sent la commande (j’ai l’impression que beaucoup des œuvres des Jia ont été financées en partie grâce à des boîtes de production situées à Shanghai), mais Jia en fait quelque chose de vraiment passionnant et d’en tout cas assez instructif pour un Européen comme moi ayant une culture assez limitée de la Chine. Jolie mise en scène entre les séquences d’interviews (l’usage du ralenti et de la musique, notamment). Avec en prime la présence de l’actrice et ses quelques secrets de tournage du Printemps d’une petite ville (1948).
La Reine des neiges II (2019)
Entre ce grand moment qu’est Lost in the Woods parodiant les clips des années 90’s et le finale avec les costumes, les lumières de The Voice, ce serait plutôt La Reine du kitsch. Globalement c’est assez assommant, peu drôle et laid (la prime aux visages 3D mixe entre Shrek et des poupées Barbie).
J’accuse, Roman Polanski (2019)
Reconstitution un peu plan-plan. Polanski s’efforce de faire passer une leçon d’histoire pour un thriller — et cet aspect ne me paraît pas bien convaincant : la faute au rythme du film, à l’atmosphère très réaliste malgré les excellents extérieurs et au caractère intrinsèque du film qui pourrait mal s’émanciper de sa nature historique. En revanche, l’intérêt principal du film réside pour moi dans sa jolie brochette d’acteurs, et les meilleurs ne sont pas les plus connus. Si Jean Dujardin s’en tire finalement assez bien, je trouve Louis Garel assez mauvais, Didier Sandre paresseux, et Emmanuel Seigner dispensable comme d’habitude. J’ai été très impressionné par Grégory Gadebois qui dès les premières secondes sort un regard en coin vers Dujardin qui dit déjà tout de son personnage, et j’ai rarement vu un acteur avec un phrasé aussi parfait ; autre acteur avec un phrasé qui écrase tous les autres : Hervé Pierre dans le rôle du général Gonse.
24 City, Jia Zhangke (2008)
Bel hommage aux anciens de la classe populaire ayant façonné dans l’ombre la Chine d’aujourd’hui. Savoir écouter est aussi un art. Difficile de savoir en revanche jusqu’à quel point Jia rajoute de la fiction dans ces histoires personnelles. S’il ne fait aucun doute que la plupart sont réelles, l’utilisation soudain de deux actrices (voire plus) professionnelles pour réciter, jouer, des récits de vie, laisse assez songeur. Dans ce petit jeu qui s’apparente presque à l’exercice de style à la Une sale histoire, Jia Zhangke a recours à sa femme, mais aussi à une actrice populaire chinoise, et le cinéaste pousse le vice jusqu’à lui faire évoquer son propre nom et un film dans lequel elle a joué (mise en abyme plutôt étrange, mais encore une fois, l’intérêt serait de savoir si le texte initial est fictif ou bien tiré d’un témoignage réel ; Jia aurait alors eu juste l’idée de proposer à l’actrice évoquée dans le témoignage, et évoquant la ressemblance de son auteure avec l’actrice…). Mais en dehors de ces réserves, le film est magnifique, traitant d’un monde en train de disparaître au profit d’un autre.
Xiao Wu, artisan pickpocket, Jia Zhangke (1997)
Le Destructeur, Georg Wilhelm Pabst (1954)
Die 3 Groschen-Oper, Georg Wilhelm Pabst (1931)
J’ai raté la version française, mais je m’en passerais bien après avoir vu celle-ci. Pabst digère mal l’arrivée du parlant, c’est lent sans aucun sens du rythme. Pour une opérette, c’est plutôt un problème. Les décors et les tours de chant valent le détour, le principe en tableaux avec l’utilisation de narrateur, rappelant Shakespeare ou le théâtre grec, est typique du théâtre de Brecht, mais le principe (forcer la distanciation et donc la réflexion) ne marche absolument pas. Désolé Bertold, ta pièce, c’est une opérette qui vaut pour son argument (qui vaut bien Underworld de Josef von Sternberg) mais qui vaut surtout pour ses deux ou trois morceaux chantés. Le discours politique et la critique sociale sont totalement noyés derrière tout ça.
Bubù, Mauro Bolognini (1971)
Le Renne blanc, Erik Blomberg (1952)
Les mythes prescripteurs de stéréotypes. Si, d’un côté, un vampire est un dandy qu’il faut tuer parce qu’il déprave les femmes des honnêtes hommes, de l’autre, une vampire est une sorcière pervertie par ses pulsions sexuelles qu’il faut achever parce qu’elle envoûte ces mêmes hommes honnêtes — et qu’il faut achever, si possible, par son mari. Nuance qui réserve aux femmes le “beau” rôle. Notons, accessoirement, que dans un cas comme dans l’autre, ça légitime le meurtre : d’un côté celui de l’amant, de l’autre, celui de la femme.
L’Héritage, Mauro Bolognini (1976)
Les Secrets d’une âme, Georg Wilhelm Pabst (1926)
La mia signora, Comencini, Bolognini, Brass (1964)
Énième film à sketches produit par Dino pour la sua signora. Mangano et Sordi s’en donnent à cœur joie interprétant mille et un visages du couple (pas toujours légitime). Interprétation bluffante, du populo au privilégié. Le plus réussi (et aussi le plus long) est celui où Sordi court après un ministre jusqu’à son yacht pour lui proposer on ne sait quel projet et qui, quiproquo oblige (avec une petite pique au théâtre de Ionesco au détour d’une discussion sur le théâtre dans laquelle Courteline, et donc le vaudeville, l’emporterait…), se trouve soudain assisté dans son approche par une prostituée que le ministre prend pour sa femme.
Symbol, Hitoshi Matsumoto (2009)
La Fin d’Hitler / Le Dernier Acte / Der letzte Akt, Georg Wilhelm Pabst (1955)
Ça s’est passé à Rome / La giornata balorda, Mauro Bolognini (1960)
Le Procès, Georg Wilhelm Pabst (1948)
Le cinéma d’après-guerre allemand use autant de finesse à combattre l’antisémitisme qu’il le faisait pour attaquer les juifs sous le pouvoir nazi. C’en est presque risible de voir à quel point les caricatures ont changé de camp.
Notre nazi, Robert Kramer (1984)
Swallow, Carlo Mirabella-Davis (2019)
Arrangez-vous, Bolognini (1959)
Une famille hérite d’une location qui se révèle être une ancienne maison close, et c’est parti pour un tour de quiproquos et de tartuferies sans fin. Une autre forme de « collaboration » inavouable.
Paracelse, Georg Wilhelm Pabst (1943)
Film historique expurgé de toute tentation propagandiste, mais pas de ses aspects ludiques un peu mièvres sur un précurseur de la médecine, à mi-chemin entre ésotérisme et médecine expérimentale. Décors gothiques fabuleux.
Crise, Georg Wilhelm Pabst (1928)
The Assassin, HHH (2016)
Deux bons films noirs avec Sterling Hayden.
Le premier, Crime Wave, est du genre noir poisseux, naturaliste, portrait sans concessions des repris de justice et de la difficulté pour ceux parmi eux faisant le choix du droit chemin de s’y maintenir. Le second, Crime of Passion, est plus classique dans sa mise en scène, un noir de série A, mais assez cynique et aussi imparable que le premier. Plus question ici d’anciens détenus, mais d’un personnage féminin tirant un peu trop fort les ficelles pour imposer son mari, à la condition modeste et à l’ambition quasi nulle, à des postes plus haut que lui dans la police. Un rôle presque écrit sur mesure pour Barbara Stanwyck : elle qui jouait vingt ans plus tôt les femmes prêtes à tout pour monter les échelons, image sans fards de la femme active et émancipée, se voit proposer sur le tard un mariage qui la renverra illico à ses fourneaux (un rôle qui n’est pas sans rappeler le destin d’un personnage interprété par Joan Crawford quelques années plus tard). Un choc pour elle, et la source de ses conneries futures. Les deux films ont en commun un casting large assuré par des acteurs impressionnants.
Doctor Sleep, Mike Flanagan (2019)
Le Traître, Marco Bellocchio (2019)
Rotaie, Mario Camerini (1929)
Terror in a Texas Town, Joseph H. Lewis (1958)
Dracula : Pages From a Virgin’s Diary, Guy Maddin (2002)
Journey Into Light, Stuart Heisler (1951)
Sorte de néoréalisme bigot surligné par violons et trompettes. Assommant. Sterling Hayden en impose, mais quel acteur médiocre…
Thirst, Park Chan-wook (2009)
The Tall Target, Anthony Mann (1951)
Das Stahltier, Willy Zielke (1935)
Les Lèvres rouges, Harry Kumel (1971)
Affreuse ambiance porno-chic tout du long et deux effets spéciaux usés jusqu’à la corde parce que le film ne tient qu’à ce fil : la voix langoureuse de Delphine, et les robes de Seyrig. Parce qu’à côté de ça, bon, le scénario est digne d’un giallo fauché, mais le pire c’est encore cette mise en scène refilée à un mauvais élève de fac. Le montage est si mal foutu lors de certaines séquences, les situations si mal dirigées, que c’en est franchement embarrassant.
Joker, Todd Phillips, (2019)
Les Longs Adieux, Kira Mouratova (1971)
Fando & Lis, Jodorowski (1968)
Le plus sans doute que je puisse encaisser de cet escroc. Et encore, ce que j’aime dans son film, on le doit sans doute plus à Arrabal dont j’ai vu le texte travaillé, il y a de ça des années. J’avais une sympathie pour les personnages avant même de voir ce que Jodo en ferait. C’était absurde, surréaliste, touchant, et il y avait une alliance formidable dans laquelle l’un n’est rien sans l’autre. Jodo en a fait forcément un objet baroque fourmillant d’inventivité, d’expérimentations, et d’excès en tout genre. Il charcute Arrabal, dont il ne reste pratiquement rien, mais ce rien, c’est encore le plus poétique et le plus symbolique du film.
Psychomagie, Jodorowski (2019)
Brèves Rencontres, Kira Mouratova (1967)
Narration éclatée à la Woolf/Conrad, cadres et mouvements de caméra virtuoses (pouvant parfois rappeler Tarkovski, même si la comparaison est facile), une des plus vieilles histoires du monde (deux femmes pour un homme, mais sans opposition, en ne gardant que le meilleur ou presque, comme un cinéma impressionniste des instants fugaces de la vie, et dont le récit éclaté permet une surprise de taille : la cohabitation sous le même toit et en toute harmonie des deux femmes… sans leur homme). Du grand art. Cette Kira Mouratova est à découvrir.
Ad Astra, James Gray (2019)
Once Upon a Time… in Hollywood, Quentin Tarantino (2019)
Born to Be Bad, Nicholas Ray (1950)
Mai – août 2019
Vautrin, Pierre Billon (1943)
L’Inconnu du lac, Alain Guiraudie (2013)
Deux parties : “Emmanuel” (sorte de Rohmer sans Arielle Dumbale) et « Jack l’éventreur », bien plus passionnante. Mais globalement assez inoffensif, on pourrait même se demander si le film perdrait tout son sel si on changeait les homos pour des nudistes hétéros.
Jason Bourne : l’héritage, Tony Gilroy (2012)
The Conjuring, James Wan (2013)
Mustang, Deniz Gamze Ergüven (2015)
The Ballad of Buster Scruggs, les frères Coen (2018)
Headhunters, Morten Tyldum (2011)
Facétie capillaire. Un déroulement des plus extravagants avec une cascade d’invraisemblances, mais globalement plaisant et rafraîchissant. Taglines : Ne vendez pas la mèche !
A Single Man, Tom Ford (2009)
Forgotten, Jang Hang-jun (2017)
Plaisant, jusqu’aux revirements abracadabrantesques successifs (le premier étant particulièrement spectaculaire), et ce, jusqu’à la dernière seconde : il faut imaginer la fin sanglante d’Hamlet à laquelle on ajoute artificiellement un happy end. On y croit.
Office, Hong Won-chan (2015)
Love, Gaspar Noé (2015)
Noé se rêve en Kubrick lubrique mais ne sait travailler depuis vingt ans que les Nuances de rouge…
On aurait presque l’impression que le garçon ne cesse de refaire sa version ultra-vulgaire et sexualisée de Eyes Wide Shut. Du sexe, de la drogue, des personnages insupportables, et une histoire d’amour (ou de sexe, mais pour Noé, c’est la même chose manifestement) qui tourne en rond à n’en plus finir.
Ça pourrait ressembler à du Godard si Noé avait le moindre génie, mais même le sens de l’aphorisme de Godard, lançant des vérités molles toutes les secondes, Noé en est incapable. Rien que des répliques d’une banalité affligeante. Le pire dans tout ça, c’est encore l’habituelle vulgarité du bonhomme. Et il doit penser ça follement subversif.
Midsommar, Ari Aster (2019)
Les Étoiles vagabondes, de-sur-par-avec-sous Nekfeu (2019)
Explosion d’une superneurone de rappeur, et soudain, tout devient très lumineux.
Sérieusement, c’est du Ichiban Japan (que j’apprécie par ailleurs) l’humour et le petit côté didactique en moins (reste plus rien, c’est le principe du concept je crois).
Mudbound, Dee Rees (2017)
The Lobster, Yorgos Lanthimos (2015)
Le Gangster, le Flic et l’Assassin, Lee Won-tae (2019)
American Sniper, Clint Eastwood (2014)
Jurassic World (2015)
L’égalité des sexes qui fait un bond de 200 millions d’années en arrière… Et un T-Rex qui finit végan en crachant sur un dernier dîner… OK, lamentable.
World War Z, Marc Foster (2013)
Inherent Vice, Paul Thomas Anderson (2014)
Man of Steel & Batman v Superman (2013 & 2016)
Spotlight, Tom McCarthy(2015)
Du bon cinéma à l’ancienne honorant ce que les États-Unis ont toujours fait de mieux (côtoyant le pire) : la presse, en particulier avec leurs cellules d’investigation. Ça donne des films très immersifs comme Les Hommes du président ou Zodiac où on ne comprend pas forcément ce qu’on nous raconte, mais où des petits futés s’agitent pour nous montrer combien c’est super excitant qu’un rapport judiciaire vienne d’être rendu public… « Ah, bon, c’est important ? Courons, courons au tribunal ! » Et c’est tout aussi excitant de voir un journaliste lâcher sa paie hebdomadaire à un employé de bibliothèque pour le convaincre d’utiliser sa photocopieuse… Le plus drôle, c’est ce qu’on peut voir également assez souvent dans des films de superhéros (qui adorent jouer avec l’ironie de la chose). Voir un tel film de nos jours quand les écrans sont remplis d’images travaillées numériquement et de superhéros, ben ça fait du bien. Je n’en veux même pas à Michael Keaton de zozoter quand il semble avoir pris à l’insu de la production un ou deux verres de trop.
Mr. Nobody, Jaco van Dormeur (2009)
Il faut sans doute louer les efforts et l’ambition (vaine) du film, mais mon Dieu, que de jolies images pour pas grand-chose… Le début est assez prometteur, c’est joli, c’est visuellement et narrativement très riche. Et puis, on commence à flairer la supercherie. Un canevas sans fin et sans réelle destination, juste une chausse-trappe à l’intérieur de laquelle le réalisateur tente de s’extirper. Entropie oblige, plus il tente de recoller les morceaux, plus il ajoute du n’importe quoi au n’importe quoi avec l’utopie illusoire qu’en s’agitant ainsi tout finira par trouver sa propre cohérence. Et puis cette sensiblerie est franchement agaçante. Bref, quand on s’emmerde, on s’amuse à créer des titres foireux, alors voilà : The Tri of Life, Le Quantique des quantiques, The Big Crunch, 1 homme, 3 filles, 9 cordes, L’Effet pigeon, Demain Jared de fumer…
The Big Short (2015)
Room, Lenny Abrahamson (2015)
I Am Mother (2019)
Fury, David Ayer (2014)
Le Fils de Saul, László Nemes (2015)
Elysium, Neill Blomkamp (2013)
Edge of Tomorrow, Doug Liman (2014)
Roma, Alfonso Cuarón (2018)
RoboCop (2014)
Into the Inferno, Werner Herzog (2016)
Casting JonBenet, Kitty Green (2017)
Comment éviter le ratage d’un film infaisable sur un fait divers sordide ? Réponse : montrer les réflexions hasardeuses des acteurs postulant aux rôles. Les Américains ne savent rien faire sans excès. Obligé, en cours, de route de me renseigner sur l’affaire en question. Si comme dans nombre de documentaires traitant d’événements de ce type aux États-Unis (The Thin Blue Line ou Paradise Lost), l’intérêt est de mettre en scène le doute, l’incompétence quasi intrinsèque des institutions à mettre en pratique « la marche à suivre », alors on peut y trouver ici un peu son compte. Malheureusement, ça se borne essentiellement à montrer les doutes et réflexions parfois stupides d’acteurs se rappelant avoir été spectateurs d’un meurtre resté non élucidé. Un film de quidam en somme.
Ant-Man, Payton Reed (2015)
Okja, Bong Joon-Ho (2017)
Donne-moi tes yeux, Sacha Guitry (1943)
L’art est aveugle, il ramollit pas mal le sens patriotique. Mais Guitry est un génie de la repartie, on lui pardonne. Ou quand les sujets n’ont plus que le verbe comme occupation.
Madame et le Mort, Louis Daquin (1943)
Du Thin Man à la française. Des dialogues merveilleux et des rôles joyeusement inversés. Le cinéma boule de neige de l’occupation (du divertissement hors du temps), mais du bon.
8/10
La Fille qui en savait trop, Mario Bava (1963)
La Rue des Vikings, Mario Bava (1961)
Assez bluffé par la maîtrise technique de Bava en matière de montage, d’action et même de direction d’acteurs (vu l’extrême hétérogénéité du casting dans ce genre de productions). C’est beaucoup moins ridicule qu’on pourrait le craindre, vu que ça reste finalement assez réaliste (si on compare à tous les films “historiques” fantaisistes de l’époque tels que les péplums de Corbucci, par exemple, présentés il n’y a pas si longtemps à la Cinémathèque). Seulement, si la tenue générale est bonne, on trouve toujours une réplique ou une situation qui fait tout capoter et irrémédiablement sourire.
Rosita, chanteuse des rues, Ernst Lubitsch (1923)
Quelques similitudes avec Paradis défendu qui viendra l’année suivante (commentaire à lire plus bas). Lubitsch changera juste le souverain pour une souveraine, signe peut-être que Lubitsch sentait pouvoir mieux faire après ce premier opus produit par Mary Pickford (et même si les deux films sont issus de deux pièces originales n’ayant probablement aucun rapport). La star attendait peut-être de lui qu’il la mette en scène comme il avait mis en scène Ossi Oswalda, autrement dit dans une veine espiègle qui lui correspondait mieux. Et au lieu de ça, Lubitsch lui donne un rôle plus conforme sans doute à la personnalité de Pola Negri. Pickford en chanteuse des rues, pourquoi pas, mais la faire glisser peu à peu vers un personnage à la Carmen (peut-être une des premières femmes fatales), guitare sur la cuisse, robe olé olé, pas sûr que l’éternelle gamine à l’écran ait apprécié l’expérience. Pourtant, les moyens sont là. (Ce personnage a quelques similitudes aussi avec la Marianne de Marion Davies transposé dans une France de la Grande Guerre.)
Les Trois Visages de la peur, Mario Bava (1963)
Il n’y a guère que le troisième et dernier sketch qui vaut réellement le coup. Le premier avec Michèle Mercier est principalement décoratif (le huis clos échoue assez rapidement à monter en intensité, faute peut-être à une entrée en matière trop rapide : ça commence fort avec les menaces, et les explications ne tardent pas à apparaître). Le second est une fantaisie laborieuse qui semble n’avoir été faite que pour faire tourner Boris Karloff. Enfin, le troisième est un étonnant mélange d’épisodes d’Hitchcock présente, de La Quatrième Dimension et des Contes de la crypte : le genre d’objets qui s’attaque à notre inconscient (et à nos petites superstitions) et qu’il faut éviter de montrer à de jeunes spectateurs.
Violeta, Andès Wood (2011)
Récit indigeste qui relève plus de la bande-annonce permanente que de la biographie. Personnage insupportable.
Une femme fantastique, Sebastián Lelio (2017)
Parasite, Bong Joon-ho (2019)
La Chasse aux papillons, Iotar Iosseliani (1992)
Film d’un tatinophile un peu trop averti : la référence (ou l’hommage) est un tantinet appuyée, surtout au niveau de la sonorisation des dialogues qui sonnent comme des piaillements d’oiseaux. L’histoire n’a aucun intérêt avoué, il faut se rattacher à l’esprit cocasse de chaque séquence, et un peu comme chez Tati, il faut se satisfaire de ça. L’exercice ne m’intéresse déjà pas beaucoup chez le Français, alors un imitateur ne fait pas beaucoup plus l’affaire. L’humour anti-japonais peut amuser au début, et puis ça devient peut-être un peu trop insistant, voire gênant (on n’échappe plus à tous les clichés sur les Asiatiques ; même si je comprends bien qu’il pratique la même dérision caricaturale avec les Russes, ben, on rit un peu jaune).
Personal Shoppers, Olivier Assayas (2016)
Douleur et Gloire, Pedro Almodovar (2019)
Humoresque, Jean Negulesco (1946)
Rarement, on aura vu un duo de stars aussi bien éclipsé par une partition musicale (Isaac Stern au violon n’est sans doute pas pour rien dans les choix musicaux assurant une dynamique folle et des morceaux mettant à l’honneur sa virtuosité — tous les autres films avec des violons paraissent d’un coup ronronnants et fades) et un second rôle (Oscar Levant en génial contrepoint comique dont chaque réplique pleine de cynisme éclairé vole à chaque fois la vedette à ses partenaires ; sans compter qu’il joue également sa propre partition au piano).
Le scénario n’a rien de bien original, mais toute la saveur du film réside dans la puissance de ces à-côtés. Le reste est de facture plutôt classique avec quelques éléments noirs, il annonce presque Sang et Or, une réplique suggérant à l’attention de John Garfield qu’il a plus l’allure d’un boxeur que d’un violoniste.
Rester vertical, Alain Guiraudie (2016)
Quand la savonnette t’échappe au milieu d’une meute de loups…
Rose-France, Marcel L’Herbier (1919)
Roman-photo impressionniste sans grand génie.
Sadie McKee, Clarence Brown (1934)
Wrong, Quentin Dupieux (2012)
L’absurde a toujours raison, c’est bien pourquoi on renonce toujours à lui faire confiance… La logique du contre-pied permanent a ses limites. Dupieux fait toujours le même film et il a comme facilité, toujours, de ne pas avoir à se soucier de cohérence. Comme dans un rêve ou dans n’importe quelle pseudoscience basant sa logique sur des corrélations ou des coïncidences, un film de Dupieux tend à créer une logique qui, d’avance, vu le principe d’absurdité vite établi, s’effondre. Certaines scènes valent pour elles-mêmes, c’est parfois drôle, attachant, mais le plus souvent c’est un cinéma dans lequel c’est la queue qui remue le chien. Intriguant au début jusqu’à ce que l’on comprenne la logique circulaire dont on ne voit jamais le bout.
Mademoiselle, Park Chan-wook (2016)
Rien n’est trop beau, Jean Negulesco (1959)
Souvent femme varie, W.S. Van Dyke (1934)
Triangle amoureux entre amis d’enfance, amours cachés puis révélés. Jeu de chaises musicales trépidant et bonnes notes screwball. Du plaisir.
Dommage de ne pas avoir vu Joan Crawford plus impliquée par la suite dans les comédies : elle est lumineuse, et l’obligation sans doute d’aller vite et à l’essentiel dans son jeu l’empêche de tomber dans certains excès qui la caractérisent dans ses performances plus dramatiques.
Y a du beau monde : Joseph L. Mankiewicz à l’adaptation (sophistication oblige, on peut supposer que la mise en parallèle entre les deux séquences de mariages ratés, au début à et à la fin du film, lui est imputable) ; Gregg Toland à l’image ; Cedric Gibbons à la direction artistique (la patte MGM) ; ainsi que Van Dyke l’année de L’Introuvable.
Green Book, Peter Farrelly (2018)
Us, Jordan Peele (2019)
Janvier – avril 2019
Le Pauvre Amour / True Heart Susie, D.W. Griffith (1919)
L’Autobiographie de Nicolae Ceausescu, Andrei Ujica (2010)
Sieranevada, Cristi Puiu (2004)
Mon troisième film de Puiu ces derniers jours, et c’est toujours aussi bon. Mêmes principes que pour La Mort de Dante Lazarescu, avec probablement une improvisation dirigée (avec gros travail préparatoire), des plans-séquences, mais cette fois, au lieu d’une sorte de road movie agonisant passant d’un hôpital et d’un service à l’autre, on se fixe plus volontiers à l’intérieur d’un même espace (l’appartement dans lequel se réunissent divers membres d’une même famille), même si une séquence clé très réussie et segmentée en deux parties prend ses quartiers autour, puis dans la voiture du couple principal. Puiu n’invente rien, ça pourrait être une resucée de Mike Leigh, par exemple, et en dehors de cette séquence dans la voiture, le film n’a pas de véritable climax élevant le film à un niveau supérieur. Mais l’exécution est tellement parfaite que c’en est franchement jouissif.
California Dreamin, Cristian Nemescu (2008)
Mise en scène matuvuiste, histoire laborieuse, personnages insipides. Un cinéma de pauvres qui rêve de cinéma de riches. Le montage en particulier va dans tous les sens, multiplie les faux raccords et est incapable de lier le tout de manière cohérente. Pour cause : si certaines séquences auraient dû être supprimées et d’autres être reliées dans une continuité ici suspecte, c’est que le réalisateur n’a pas pu finir son film et participer à la postproduction (décédé avant la fin du tournage). Mais même réduit de quelques minutes, même moins incohérent, le film gardait ses autres défauts. Pas de quoi fouetter un chat.
12h08 à l’est de Bucarest, Corneliu Porumboiu (2006)
La Mort de Dante Lazarescu, Cristi Puiu (2004)
Aurora, Cristi Puiu (2010)
Regarder un film de Cristi Puiu, c’est un peu comme être taxi, transporter la plus belle femme du monde en plein centre-ville pendant une grève et risquer de la voir partir à chaque feu rouge pensant qu’elle irait plus vite à pied. (Pour les spectateurs arrivant jusqu’à la fin de la course, toutefois, une jolie surprise.) Il y a du Bresson, là-dedans, à ne jamais chercher à expliquer, mais avec ce petit plus absurde, cynique, désabusé, jouant justement avec les “raisons” de tous ces actes parfois incompréhensibles. Si la vie est absurde, regardez ce que la mort vous réserve.
A Cappella / Han Gong-ju, Su-jin Lee (2013)
Brubaker, Stuart Rosenberg (1980)
Le Camion, Marguerite Duras (1977)
Marguerite et Gérard sont dans un bateau. Marguerite pagaie une phrase après l’autre en tirant la langue, qui saute à l’eau ?…
Depardieu à la remorque de Duras…, ce n’est pas beau à voir. Ça pourrait ressembler à du Beckett. Parfois.
(Entre un kilo de Marguerite Duras et une tonne de Depardieu, qu’est-ce qui est le plus lourd ?… Un kilo de Marguerite Duras.)
Le Cri du sorcier, Jerzy Skolimowski (1978)
Un peu des Chiens de paille, un peu de Théorème, un peu du Dieu d’osier, un peu de Blow Out (pour sa bande sonore exceptionnelle) et un John Hurt qui n’en est qu’à l’entrée avant de passer au plat principal aux spaghetti.
Après la pluie le beau temps, Cecil B. DeMille (1919)
À bout portant / The Killers, Don Siegel (1964)
Paradis défendu, Ernst Lubitsch (1924)
Jeu de regards permanent, tout n’est que fantaisie et séduction, rien ne porte jamais à conséquence. L’argent même en un clin d’œil étouffe les révolutions. Dernière collaboration Negri-Lubitsch (et la seule, me semble-t-il,, à Hollywood). Adolphe Menjou exceptionnel, on l’entendrait presque parler tant ses expressions de visage et ses réactions sont parlantes (celles de Pola Negri aussi, ça sent le Lubitsch derrière mimant ce qu’il veut et les acteurs reproduisant à l’identique). Un regard, une réception, une réaction, plan suivant, un regard, une réception, une réaction : c’est facile le cinéma.
Nurse Edith Cavell, Herbert Wilcox (1939)
C’est curieux la manière dont certains héros ou icônes finissent lentement par être déboulonnés par d’autres. Avant-guerre, et probablement bien plus en Angleterre, il faut le reconnaître, cette infirmière à cornette, c’est la sainte quasi profane de tous les antimilitaristes et le symbole de la barbarie de la guerre. Elle qui cachait donc des soldats pendant la Première Guerre mondiale sera remplacée dans l’imaginaire collectif par Anne Frank, martyre d’une nouvelle guerre qui elle aussi devait se cacher des futurs vaincus.
L’ironie, c’est que le film est sorti tout juste avant l’invasion de la Pologne. Son antimilitariste apparaît alors aujourd’hui un peu béat, vain et naïf. Nul doute que Chamberlain a dû apprécier le film.
Les Trois Mousquetaires, Fred Niblo (1921)
Douglas Fairbanks toujours aussi bondissant, et Eugene Pallette… maigre (en Aramis plutôt qu’en Porthos, oui, oui). Reconstitution grandiose et grand spectacle assuré. On croirait presque que ce personnage de D’Artagnan a été écrit spécialement pour Douglas Fairbanks…
Between the Lines, Joan Micklin Silver (1977)
Le cinéma indépendant américain dans ce qu’il a de pire. Entre volonté de faire divertissant (drôle) et intello sans être réellement bon ni dans l’un ni dans l’autre. C’est lourd, prétentieux, et follement mal fichu. Les dialogues sont stupides, les situations collent à des stéréotypes qu’on a tous en tête sur le sujet sans jamais arriver à trouver le rythme ou la bonne tonalité. Le comble dans cette piètre mise en scène, c’est l’incapacité pour la réalisatrice à diriger convenablement une joyeuse bande d’acteurs très doués qui, au contraire de leur réalisatrice, feront des brillantes carrières.
Le Crépuscule du cœur / Les Mouettes, Maurice Mariaud (1916-17)
Broadcast News, James L. Brooks (1988)
Si l’aspect romantique avec son triangle amoureux peut parfois être pénible, et si Brooks joue un peu trop de la corde sensible (et de la musique), surtout sur la fin (l’épilogue répond au prologue magnifique dans lequel les personnages sont introduits en les mettant en situation dans leur enfance), tout l’aspect comique en revanche est réussi. Brooks a l’art de trouver en une situation, dépeinte en deux ou trois secondes, un petit quelque chose d’hilarant. Les acteurs sont tous formidables, et le film paraît follement bien documenté sur un sujet passionnant (le journalisme et l’éthique dans la profession).
The Ondekoza, Tai Katô (1981)
Suite de tableaux musicaux de qualité diverse. Parfois ennuyeux, parfois hypnotique. Sorte de Pink Floyd at Sado Island.
La Femme de là-bas, Hideo Suzuki (1962)
Le Grand Enlèvement, Kihachi Okamoto (1991)
Farce amusante et insolite d’un kidnapping où la victime devient leader du groupe de petits malfrats.
C’est plutôt bien mieux réussi, ou plus plaisant que les précédentes farces vues d’Okamoto (Oh! bomb et The Elegant Life of Mr. Everyman, et peut-être plus dans la vaine si je me rappelle de La Torpille humaine).
Comme tu me veux, George Fitzmaurice (1932)
Performance étourdissante de Garbo. Il ne reste rien de Pirandello (adaptation d’À chacun sa vérité) et le film est bien trop court pour convaincre. Étrange préambule à Ninotchka.
La Symphonie nuptiale, Erich von Stroheim (1928)
La Loi des montagnes / Blind Husbands, Erich von Stroheim (1919)
Mélo folklo-décoratif qui vaut surtout pour son finale tendu comme un slip de premier de cordée et pour le charme coquin (et la frousse) de Stroheim. Un bon directeur d’acteurs, il sait choisir les acteurs en fonction de leur emploi, et Stroheim acteur, son emploi, c’est les têtes de con. Pour un premier film, il nous la joue donc séducteur, mais il n’oublie pas de se garder le meilleur : la place du salaud (délogé sans ménagement de son piédestal). Avant de jeter l’argent par les fenêtres, faut donc songer qu’avant ça, le bougre s’était jeté lui-même dans le vide…
La Mandragore, Alberto Lattuada (1965)
Toute l’intrigue repose en une seule obsession (violer la plus belle femme de Florence dans son propre lit) et sur un unique stratagème afin d’y parvenir (gagner le consentement du mari grâce à l’appui de la mère et d’un moine corrompu). Une farce bien maigre et idiote en somme. Heureusement que Lattuada fait le job. Un rythme bien mené de bout en bout, trop peut-être d’ailleurs, parce qu’on ne s’attarde en fait jamais sur l’un ou l’autre personnage, et voilà aussi un des autres points faibles de cette pièce de Machiavel : le passage incessant d’un personnage à l’autre sans véritable personnage central (on y trouve dans un même style, mais cette fois plus dramatique, le même principe dans Le Marchand de Venise — l’air de la Renaissance sans doute). L’interprétation comme d’habitude chez Lattuada, malgré l’emploi d’acteurs de diverses nationalités, est remarquable.
Dear Doctor, Miwa Nishikawa (2009)
Docteur Romand + Mr Thank You + récit éclaté à la Conrad et voilà enfin un film japonais de ces vingt dernières années qui arrive à un me convaincre. Ça se joue d’ailleurs beaucoup à ce niveau sur le choix des acteurs et quelques choix de la réalisatrice à appuyer sur telle ou telle pédale dans des moments délicats. Force est de reconnaître que c’est souvent là, dans les effets un peu faciles, l’usage de la musique, du pathos ou de l’apathie, de la lenteur, le tout bien trop forcé, qui finit souvent par me navrer et me convaincre bien trop souvent que ces cinéastes-là ne valent pas leurs aînés. Malentendu ou non, volonté d’y croire un peu sans doute, peu importe, je me suis laissé convaincre par celui-ci. Une filmographie à creuser.
L’Imprévu, Alberto Lattuada (1961)
Rencontre de la qualité française et italienne (même si le film est tourné en décors naturels) pour un thriller crapuleux bien dirigé, aux répliques parfois amusantes, mais sans envergure et au finale grand-guignolesque. Les têtes de con, ce n’est jamais bien photogénique. Anouk Aimée en fait parfois un peu trop, mais quelle beauté… Pas grand-chose de lattuadesque là-dedans, à peine une petite critique du cynisme capitaliste, mais guère convaincant.
La Vision de la vierge, Kenji Misumi (1966)
Les petites bassesses du clergé bouddhiste avec un premier viol d’une violence inattendue (perpétré par l’acteur de Baby Cart sur Ayako Wakao, donc bonjour le choc), mais un déroulé de l’intrigue bien trop vite expédié (à l’image de la vengeance finale), et cela malgré une maîtrise impressionnante de Misumi (utilisation parfaite de l’écran large et du noir et blanc), et de ses interprètes.
Night Is Short, Walk On Girl (2017)
Un délire visuel foisonnant qui ne trouve sa réelle cohérence que quand les chemins parallèles des deux personnages principaux cessent de vagabonder loin l’un de l’autre.
La Pensionnaire, Alberto Lattuada (1954)
On reste dans la satire bourgeoise. C’est beaucoup plus noir qu’il y paraît, à l’image de cette fin dans laquelle Martine Carol doit se résoudre à ne pouvoir recevoir l’aide aimable du maire, mais celle plutôt du roi des escrocs. Il n’y a, semble-t-il, dans ce monde que très peu de place aux gens honnêtes : soit on est un parvenu corruptible à souhait, soit on cesse de se mentir, on accepte que le monde soit fait d’apparences et de saloperies, et on s’efforce, au contraire des autres qui en sont esclaves, de s’en rendre maîtres. Les autres, pour faire bonne tenue, jouent avec les limites de la bienséance et de la moralité à l’image de leurs aventures adultérines, alors que pour les maîtres du jeu, les apparences importent peu : à partir du moment où on ne se fait pas prendre et qu’on tire profit des règles d’un monde pourri dont on se défend d’en avoir écrit les règles, la question essentielle qui demeure est : choisis-tu d’être l’esclave ou le maître ? Est-on ainsi prêt à forcer les autres à se mettre en position de nous devoir quelque chose plutôt que le contraire ? Fait-on le choix de ne jamais dépendre d’un service rendu et forcer les autres à toujours dépendre de nous ? Très très noir.
Venez donc prendre le café chez nous, Alberto Lattuada (1970)
À regretter peut-être que Lattuada ne se soit pas lancé tant que ça dans la franche comédie. Enfin franche… On ne se tape pas sur les cuisses, ce serait plutôt une satire loufoque profitant d’une distribution sachant manier l’humour visuel basé sur des lazzis et se rapprochant ainsi plus du cinéma burlesque muet ou bien sûr de la commedia dell’arte. Bien plus savoureux (ou à mon goût) que ce que pouvait proposer à la même époque un Tomas Milian, par exemple, avec ses grimaces et ses regards en coin. L’humour pète-cul en somme.
La Steppe, Alberto Lattuada (1962)
Magnifique et longue épopée vécue presque d’une traite sans réel nœud dramatique sinon la nécessité pour notre petit bonhomme de passer d’un point A où il quitte sa mère pour un point B où il en retrouvera une autre de substitution afin de pouvoir suivre ses études. Entre les deux, diverses aventures certes, mais surtout l’expérience d’une traversée difficile, allégorie du passage de la vie adulte, ou d’une classe à une autre à peine plus élevée mais promesse d’un avenir meilleur.
L’exécution est parfaite. On est plus proche d’un David Lean que d’un western italo-yougoslave dont l’esthétique pourrait se rapprocher, mais la subtilité de Lattuada et son refus du grotesque leonien pour tendre plutôt vers la noirceur muette d’un Goya le rend toujours difficile à classer parmi ses contemporains italiens.
Giacomo l’idealista, Alberto Lattuada (1943)
Le Conte des trois provinces de Jirocho I, Masahiro Makino (1963)
Récit à la fois hagiographique et parodique des débuts du plus célèbre gang de yakuzas du XIXᵉ (celui de Shimizu No Jirocho). Que du bonheur. La saveur épique d’un Miyamoto Musashi ; grand frère de Zatoichi (pour le genre, matabi no mono, ou film de gangster errant, parce que Zatoichi est au contraire un grand solitaire). Hâte de voir la suite ou les autres versions, ce qui risque d’être difficile… (Copie pourtant splendide.)
La Novice, Alberto Lattuada (1960)
Seul petit bonheur de tout ce prêchi-prêcha faussement scandaleux : la présence saugrenue d’un jeune Bébel qui, avec ses airs populos, n’essaie même pas d’être crédible en jeune aristo indolent et aux fulgurances existentielles. Lattuada en directeur d’acteurs remarquable a tout compris : cette personnalité étrange qu’est Belmondo, pleine de vie et de spontanéité, vaudra toujours mieux que n’importe quel jeune premier collant parfaitement au rôle. Il faut parfois, quand on a affaire à de tels animaux, passer au-delà de la logique des emplois. Pour le reste, un crime passionnel et rien de bien passionnant.
Le Crime de Giovanni Episcopo, Alberto Lattuada (1947)
Entre néoréalisme et qualité “italienne”, entre La Rue rouge et Le Manteau. Une interprétation exceptionnelle d’Aldo Fabrizi. (Dès la seconde bobine, le son m’a explosé aux tympans…)
Hanagatami, Nobuhiko Ôbayashi (2017)
Une introduction bâclée, une densité indigeste qui assomme dès les premières minutes du film, des fonds verts systématiques… MTVesque. Je préférais hautement la naïveté assumée de The Girl Who Cut Time. Il y a une navrante habitude au Japon à vouloir tirer le cinéma vers la BD, voire l’anime. S’ils se contentaient de faire du cinéma avec les moyens qui sont désormais les leurs ?… Et puis, on est pas loin d’un Mandico, à savoir une surenchère permanente des effets sans souci pour l’harmonie ou la subtilité. Épuisant, toujours épuisant.
Fraulein Doktor, Alberto Lattuada (1969)
Une unité d’action en lambeaux, un personnage principal qu’on suit en pointillés… et un doublage calamiteux. Il faut aimer voir Dino De Laurentiis balancer l’argent par les fenêtres.
L’Enfant préféré de la bonne, Tomotaka Tasaka (1955)
Du cinéma japonais comme on en voit plus. De la pudeur, de l’espièglerie, de l’humanité, de la désobéissance, et de la neige chez l’habitant en plus des ogres fouettards pour fêter la nouvelle année. On est la même année que L’Histoire de Jiro. Ça doit être un des premiers rôles-titres pour Sachiko Hidari (l’année précédente, elle avait un petit rôle dans Une auberge à Osaka avec le même Shûji Sano). Un des premiers films du retour aux affaires de la Nikkatsu (qui s’était arrêtée en 41 avec une première version de… L’Histoire de Jiro !)
Moonlight Whispers (1999)
Désastre vulgaire et insipide. Histoire pour dégénéré immature et surtout (parce qu’on pourrait montrer tout ça avec du génie), surtout… sans le moindre talent à la mise en scène. Épuisant jusqu’à la dernière minute.
Pistol Opera, Seijun Suzuki (2001)
Cinéma d’installations.
La freccia nel fianco, Alberto Lattuada (1943-45)
La Bambina, Alberto Lattuada (1974)
Détournement de mineur : leçon № 3… Et illustration de la sexualité infantile des hommes. On retourne le même film avec une avocate et un adolescent débile profond susurrant « Viens me baiser, maman ! » ? Il y a donc pire que la femme-objet, l’handicapée-mentale-objet. 1974, on est d’accord. (Salle complètement bondée : les lundis à la Cinémathèque, c’est difficile de trouver sa place. On nous infligerait des intégrales Andy Warhol que la salle Franju ne suffirait toujours pas.)
L’Amour à la ville, collectif de réalisateurs du néoréalisme (1953)
L’habit d’arlequin du néoréalisme. Des sketches cousus de fil Rouch. Parfois amusant, souvent tragique, toujours très ancré dans le réel.
De mémoire, le dernier fragment est le plus poignant. Unique réalisation de Zavattini.
L’amica, Alberto Lattuada (1969)
Les petits drames de la bourgeoisie milanaise, ses coucheries, ses vengeances, et finalement sa petite morale du saint retour au bercail. Intérêt surtout décoratif avec comme souvent chez Lattuada des appartements bourgeois et en particulier ici des vues sur le lac de Côme qui valent le coup d’œil. Le reste, on le vit un peu comme le personnage principal féminin qui se force à coucher à droite ou à gauche (ou plus précisément de haut en bas en regardant l’arbre généalogique) : à la fin de son périple adultérin, elle semble se dire et nous avec : « Tout ça pour ça… ». Lattuada et le désir, cette fois forcé, féminin, mais encore aussi les relations intergénérationnelles. Détournement de mineur : leçon № 2 (en 69, le chef-d’œuvre du genre reste Ce merveilleux automne).
L’Homme qui dort, Kōhei Oguri (1996)
Une lenteur forcée dans les séquences dialoguées, des jolies images (on pourrait parler de tableaux) étonnantes, symboles de l’envol de l’âme du défunt, mais tout un ésotérisme béat qui me laisse froid.
(Amusant, Kôji Yakusho a fait toute sa carrière depuis le déclin du cinéma japonais. Triste étendard de toute une génération, et une apathie coutumière qui est comme celle de Kitano, le symbole, là, d’une production morose depuis l’âge d’or.)
Cochon qui s’en dédit, Jean-Louis Le Tacon (1979)
Documentaire particulièrement informatif prenant le parti de la focalisation d’un sujet au détriment d’une optique plus large. Mais ça paie. Au lieu d’avoir un flot d’informations sur un problème donné (ici la surproduction, l’agriculture intensive, ou la paysannerie hors sol), on se concentre sur la seule voix du producteur de cochons à la limite de la rupture et de la crise existentielle. La force du détail et de l’énumération, presque (sorte d’inventaire à la Prévert pour nous dégoûter de bouffer du cochon). Le tout non sans humour ou sans quelques giclées expérimentales.
Vase de noces, Thierry Zéno (1974)
Le 121ᵉ jour de Sodome. Le jour de trop. Moi j’aime le cinéma narratif (bon, y a un semblant de récit, mais il ne vaut mieux pas l’évoquer). Happening total la même année que Sweet Movie (y a-t-il une parenté cachée ? Pierre Clémenti avait également joué dans Porcherie…)
Le Goût du tofu, Jun Ichikawa (1995)
Malgré un détour hystérique digne de Xavier Dolan et d’une musique sortie de la BO de Bagdad Café, un shomingeki maîtrisé avec l’air de ne pas y toucher d’Ozu, quelques raccords dans l’axe en sus, et une étrange boîte à fumée en guise de bouilloire. L’amour fraternel (ou pas) ; la peur de s’engager, la jalousie ; la réciprocité d’un amour déjà conjugal, mais incestueux s’il était avoué (ou pas). C’est beau les non-dits. Savoureux en bouche et subtil.
Encore de gros progrès à faire au Japon en matière d’égalité sexuelle : la frangine fait encore le gros (sinon tout) du travail ménager quand le frangin n’en fout pas une. Le revers du traditionalisme. À moins que ce soit tellement gros que ce soit un peu ironique (monsieur remarque que la pendule est arrêtée, et c’est à la sœur de la remonter — lui en profite pour lui reluquer discrètement les jambes, c’est du moins ce qu’on croit noter — ; monsieur est trop fatigué pour tenir son vélo dans une montée, mais sa sœur lui tend le guidon pour qu’il puisse entamer la descente ; monsieur téléphone en foutant des cendres partout, c’est la sœur qui va lui chercher un cendrier ; on dirait des enfants s’amuser à jouer à la dînette en en rajoutant sur les stéréotypes sexuels.)
Aniara, Pella Kågerman et Hugo Lilja (2018)
SF bateau, naufrage esthétique, sujet faussement anti-consumériste, trou d’air dramaturgique, bug technologique.
Pas grand-chose à sauver, même pas l’intérêt informatif sur les voyages spatiaux. Je doute qu’il faille du carburant atomique pour se rendre vers Mars : une fois sur la trajectoire, le carburant servirait surtout à la décélération, certainement pas pour achever le trajet. Et pourquoi le reste de l’humanité les laissent-ils ainsi à l’abandon. Mystère et incompréhension. C’est qu’en dehors du petit monde que constitue le vaisseau Aniara, on ne connaît rien du contexte sur Terre ou sur Mars (un procédé sans doute pour renforcer l’impression d’abandon, sauf que c’est surtout vu comme une facilité apparaissant au final comme une immense incohérence dramatique).
Les Adolescentes, Alberto Lattuada (1960)
Sans pitié, Alberto Lattuada (1948)
Lattuada, période film noir. Pas la même réussite que Le Bandit, faute à un duo attachant, car viscéralement honnête, mais dont on peine à croire l’idylle internationale. Certaines affinités avec des films japonais de la même époque traitant de la présence américaine après la guerre. Le savoir-faire classique de Lattuada (aidé de Fellini ici) est là, mais ça manque de cœur, d’osmose, pour qu’on puisse s’attacher pleinement au devenir de ces deux personnages principaux. Déjà une certitude : Lattuada est de ceux incapables de proposer un navet. Une certaine élégance dans l’écriture malgré des sujets parfois scabreux, surtout on l’imagine dans une Italie puritaine et catholique ; et puis une direction d’acteurs assez exceptionnelle (je n’ai jamais vu pour l’instant un mauvais acteur dans aucun de ses films).
Le Manteau, Alberto Lattuada (1952)
S’offrir une pelisse trop belle pour soi quand on marche loin de ses pompes… Funèbre intention qui refermera sur vous le manteau de la mort…
Formidable adaptation de Gogol, transposée dans les limbes de l’administration d’une ville de nord de L’Italie. Ça pourrait être une sorte d’Umberto D plus classique (un peu comme quand Visconti adapte Les Nuits blanches), mais c’est à la fois, à mon goût, plus drôle (Renato Rascel a les mimiques qu’il faut, mais les autres acteurs sont tout aussi parfaits, on sent l’héritage des comédies d’archétypes de la commedia dell’arte) et plus attachant (plus que la misère qui y est décrite, c’est l’injustice de toute une société riant d’un homme à côté de ses pompes, fier de porter une pelisse un peu trop belle pour lui). La fin fantaisiste, en revanche, est peut-être de trop.
La Cigale, Alberto Lattuada (1980)
À force de s’être rincé l’œil pendant une heure sur les générosités italiennes, les larmes me manquent pour pleurer un finale grotesque. Ce vieux routier de Lattuada en roue libre. (La cicala amorce la merveilleuse décennie du Cavaliere.)
Tonnerre lointain, Kichitarō Negishi (1981)
Un ATG de facture classique. Sorte de Ozu revu par Imamura avec une jolie musique au synthé digne des John Woo des années 80 : éclatement de la cellule familiale, ruralité VS urbanisme, liberté sexuelle…
Guendalina, Alberto Lattuada (1957)
L’Histoire du village Magino (1987)
Je résume les 4h de ce doc réputé : il est plus intéressant de regarder le riz pousser que de raconter l’histoire millénaire du village de Magino. (Première partie formidable ; la seconde, une torture.)
La Louve de Calabre / La lupa, Alberto Lattuada (1953)
La Carmen de Bizet et le Saint-Esprit ont une fille ; cette fille se marie avec Stanley Kowalski. Qui Stanley rejoint-il la nuit en allant se coucher ? (Une louve nommée Désir.) Lattuada, cinéaste des désirs refoulés de la femme.
Anna, Alberto Lattuada (1951)
Silvana Mangano en nymphomane impulsive soufflant à l’oreille de son tentateur, le beau Vittorio : « Nonne e vero, nonne e vero… » Et puis, une danse érotique antérieure à l’érotisme de Monika ou de BB. La critique française n’a rien vu.
La Ballade de Tsugaru, Kōichi Saitō (1973)
ATG typique. L’agaçante habitude à vouloir distendre tous les impératifs narratifs classiques pour n’en garder que leurs fantômes. Ce n’est même plus de la distanciation, c’est de l’impressionnisme vague.
Le Bandit, Alberto Lattuada (1946)
Le film noir à l’italienne. Un peu de comédie, de néoréalisme, de tragédie familiale, de robin des bois, de mélo. Efficace et bien tourné.
Kung-fu master, Varda & Birkin (1988)
Il y a au moins un Demy qui a un jour eu du talent. Jolie histoire avec ce qu’il faut pour gratter sans aller jusqu’au sang. Que ça fait du bien d’avoir une distribution d’acteurs d’exception après tant de Rohmer.
Kiku to Isamu, Tadashi Imai (1959)
Une demi-douzaine d’années que l’occupation a pris fin, et personne ne semble en avoir informé Imai. (Le Sifflement de Kotan de Naruse, avec ce même thème de l’étranger de l’intérieur, est plus subtil.) Imai en petite forme.
L’Anglaise et le Duc, Éric Rohmer (2001)
Perceval + Astrée + Céladon + l’Anglaise + le Duc = la tête à Roro. Arrête les costumes Éric, faut un minimum de savoir-faire en matière de direction d’acteurs. (Et pis, merde, coupez leur la tête à tous ces gilets blancs.)
Conte d’automne, Éric Rohmer (1998)
Conte sur Marie Rivière et sur rien d’autre. Que serait Rohmer sans sa pétillante folie ? La seule capable de traduire la langue écrasante de Roro et d’avoir une vraie fantaisie, presque enfantine. Une Olive en Provence.
La Tristesse du bâton / d’un idiot, Tatsumi Kumashiro (1994)
Fukasaku fauché sous morphine antonionienne. Irrespirable. Le cinéma nippon des 80’s-90’s est un désastre.
Documenteur, Agnès Varda (1981)
Parce que jamais au grand jamais notre voix ne ressemble à celle de Delphine Seyrig quand on l’écoute pour la première fois. (Et parce que c’est beau le corps d’une femme filmé par une autre femme…)
La Vie d’une femme, Masumura (1962)
Opus mineur de Masumura, faute à un récit éclaté et un manque de scènes fortes. Reste le génie de découpage et de composition des plans, surtout dans les petits espaces, rappelant Une femme confesse tourné l’année précédente.
Voir le commentaire et l’analyse de l’emploi du champ-contrechamp chez Masumura.
Conte de printemps, Éric Rohmer (1990)
Un jour, aux toilettes Kant a pensé : « Au printemps, les enfants bourgeois bourgeonnent » ; et il s’est bien gardé de l’écrire quelque part, lui.
L’actrice qui joue Ève est sans doute le pire monstre d’incompétence vu au cours de mes années non seulement de cinéphile mais d’acteur amateur. Dans le pire cours, avec le plus mauvais prof, et avec les pires élèves possibles, on ne trouvera pas aussi mauvais. Ce Rohmer-ci pourtant n’est pas à classer parmi ses films les plus compliqués à jouer : les situations qu’elle a à jouer sont assez bien définies, elle a la chance contrairement à d’autres de faire quelque chose, et son texte n’a rien de bien compliqué, elle est pourtant incapable de dire correctement la moindre phrase. Et ce n’est pas de sa faute à elle (elle n’a rien fait d’autre la pauvre, et pour cause), mais bien de celui qui l’a choisie. Ah, ça, elle est jolie, faut croire que pour celui qui dirige, il y a à trouver derrière cette beauté une valeur qui nous échappe et qui s’exprime foutrement mieux hors-champ.
Le reste est terrifiant d’insignifiance. Le pire de la caricature rohmerienne. Du bavardage sans fin, du badinage de pète-culs intergénérationnel, du petit jeu d’apparences anodines et sans conséquences, des fantasmes de séduction dignes d’un roman-photo…
Les Estivants, Valeria Bruni-Tedeschi (2018)
L’Arbre, le Maire et la Médiathèque, Éric Rohmer (1993)
Je pourrais écouter Luchini des heures… et là, ça y est, Luchini fait du Luchini. Mélange étrange d’improvisation et de texte. Dombasle et Gregory s’en sortent bien mieux qu’à leurs premières heures chez Ro-Ro (avec, on l’imagine, une petite dose d’autodérision lors d’une séquence amusante à la campagne. Et on échappe aux pires marivaudages. Le tout est donc plaisant.
(Intrusion dans la salle dix minutes après le début du film et reparti dix minutes avant la fin… de Dieu escorté par deux vigiles… Un vrai moulin.)
Lions Love, Agnès Varda (1969)
Entre autofiction et docu d’arrière-garde, Varda filme le cortège funèbre des 60’s. (10 dernières minutes baroques avec l’intrusion dans la salle d’une emmerdeuse prétextant venir chercher son portable… Un vrai moulin.)
4 Aventures de Reinette et Mirabelle, Éric Rohmer (1987)
Le défi le plus facile à gagner de l’histoire : jouer les muettes face à Luchini. Naissance d’un mythe peut-être, avec une Marie Rivière en délicieuse mytho, et un garçon de café… parisien.
Nausicaa, Agnès Varda (1970)
Patchwork docu-comique où le politique, le burlesque, le personnel se mêlent. Parmi mille et un Ulysse en exil, une Nausicaa sapiosexuelle de l’école du Louvre s’éprend du sien.
Les Amours d’Astrée et de Céladon, Éric Rohmer (2007)
Lecture de Alain Libolt entrecoupée de scènes classiques interprétées par la classe théâtre du lycée Corot à Savigny. (Feat. Marie Rivière qui fait le show dans la salle) Direction d’acteurs néant. (Marie ne peut pas tout faire, ou être partout…)
La Femme de l’aviateur, Éric Rohmer (1981)
À se demander si Marie Rivière n’est pas la seule actrice capable de rendre le phrasé de Rohmer. Si tout le monde peut trouver son bonheur chez Rohmer, celui-ci et L’Amour l’après-midi suffisent à mon bonheur. Et y a pas à dire, dans celui-ci, on y trouve une certaine obstination à traîner les séquences en longueur (non, pas comme chez Tati, mais plus comme chez Eustache si je me rappelle bien), parce qu’au fond on ne dépasse pas la vingtaine de séquences. Et cette dernière scène chez Anne dans laquelle elle accueille François en petite culotte et qu’elle passe par tous les états possibles sans se départir de sa douceur, c’est à elle seule un petit chef-d’œuvre. Rohmer étire la séquence, mais Marie Rivière fait le job comme personne. Cette femme-là on a envie de l’aimer. Alors quand on aime quasiment une femme, on ne peut que saluer honorablement, et jalousement, le film qui la met en scène.
Jour de fête, Jacques Tati (1949)
Toujours aussi imperméable à l’humour grand-échalas-keatoniesque de Tati… Le meilleur Tati pour moi reste…… La Party (1968). Il y a certes un univers très particulier, fait de bonne humeur populaire, de refus du conflit, des dialogues accessoires et incompréhensibles, des numéros qui traînent en longueur… Mais c’est souvent poussif. Sympathique, tout au plus.
Le Beau Mariage, Éric Rohmer (1982)
Est-ce que les personnages de Rohmer ont une intelligence sociale aussi limitée ? Surprenant de voir autant d’acteurs jouer « sans » situation, de les voir toujours aussi gauches, plantés sans vie dans un lieu comme des cerveaux bavards totalement déconnectés de leur environnement. On peut difficilement imaginer direction d’acteurs aussi contraire aux principes de la méthode stanislavskienne (et Actors studio). On se rapproche en revanche, involontairement sans doute, de Bresson. Et c’est là que Dussolier jure un peu : il joue bien, lui, la preuve que cette absence de direction d’acteurs en est bien une. Sa scène finale est remarquable, d’ailleurs, avec un texte très fourni, il arrive à rester juste et simple. Quel talent.
La Collectionneuse, Éric Rohmer (1967)
Intellectualisation de la bêtise à queue. Moi qui croyais naïvement qu’elle collectionnait les bouquins… c’était oublier un peu vite que c’était un film de Rohmer… Il faut avouer que c’est très bien écrit, que le petit jeu de séduction (marivaudesque) a son intérêt, mais j’ai assez peu d’appétence justement pour ce genre de problématiques : qui séduit qui ? comment faire pour la séduire ? est-ce que c’est contraire à ma morale ?, etc. Les retournements finaux souvent radicaux (moraux, donc), ironiques, voire cyniques, façon « conclusion de la fable », sont en revanche toujours amusants.
Le Cheval de Turin, Bela Tarr (2011)
On sait maintenant pour qui Jeanne Dielman préparait ses patates. Comme l’étrange impression que Tarr à chacun de ses films nous fait le coup de la fin du monde ? « Je suis un prophète… Non, ce n’est pas ça. »
C’est si ennuyeux, et de bonnes parties du paysage dans le cadre ne pouvant évidemment être balayées de la même manière par une « tempête », que tout l’intérêt du spectateur repose en fait dans sa capacité à compter les ventilateurs géants hors-champ.
Autrement, de longs plans descriptifs tournés à la Steadycam ou autre caméra ambulante. Bravo, quel exploit, mais il n’y a rien à voir. Sinon, au pire, une pauvre bête qui souffre et qui pleure à force de voir un cocher la fouetter pour qu’elle avance, puis la retenir aussitôt en faisant croire qu’elle n’avance pas… Voir un cheval pisser des larmes, merci, je n’avais encore jamais vu ça… Il aurait dit quoi Nietzsche ?!
Le Signe du lion, Eric Rohmer (1958-62)
Chez Rohmer, quand on se retrouve sans toit à errer dans les rues, on dort tout de même à la terrasse du Café de Flore. Clochard, mais chic.
Premier film de Rohmer où on peut retrouver la saveur parisienne de La Boulangère du Monceau. Faut aimer voir Paris sous toutes ses coutures, la voir avec à chaque séquence la description et la participation d’une nouvelle tête souvent connue (Stéphane Audran, Macha Méril…). Ironiquement, on y trouve bien une demi-heure quasi muette, et c’est tout de même un peu trop. Je ne pensais jamais arriver à un point dans un film de Rohmer où il me faudra attendre avec impatience le retour des dialogues.
La morale est extrêmement cynique mais juste. Le « baron », r-assuré de devenir milliardaire, s’en va sans jeter un œil à son compagnon de galère. On n’est pas encore tout à fait dans le marivaudage (dès qu’on y trouve une femme, forcément déjà, mais on suit surtout notre lion déplumé et fauché comme les blés), plutôt dans la fable grinçante. Plaisant. (L’acteur Godard est toujours aussi amusant.)
Glass, Night Shyamalan (2019)
Essaimage comic ♫ place des grands hommes ♫
Comme d’habitude chez Nighty, la mise en scène est très réussie, mais les scénarios sont débiles et mal emboîtés à force de chercher à construire un casse-tête chinois digne de Nolan. On notera tout de même l’excellente composition toute en retenue de Bruce Willis face à l’autre forcément plus protéiforme et agaçante de son acolyte de Split.
Après Jerry Lewis, les Français se sont trouvé un nouveau chouchou, génie incompris dans son pays… Bref, les vrais superhéros, ce sont ces gardes du corps debout quatre heures durant dans une salle inondée de vrombissements à la Hans Zimmer.
Et puisqu’en master glass, ce monsieur Nocturne indien nous demande de nous garder de commenter son film avant sa sortie (et puisque je suis ni à sa solde ni journaliste, mais comme je le trouve attachant et veux malgré tout lui faire de la publicité), un peu de lecture sur les bienfaits du spoil : Hymne au spoil.
Au terme donc des multiples redounements, sachez que c’est Mr Glass qui, d’une certaine manière, gagne la partie. Le spoil apporte une nuance, en incise ici, dont le sens ne se révélera lui-même qu’une fois la fin vue. Une information incomplète n’est pas une information, c’est un teaser. Pas de peur sans savoir, surtout quand ce savoir nous est parvenu… fragmenté. Désolé pour les prétendus aficionados du suspense : le principe du twist joue sur la surprise, non sur le suspense. Depuis Usual Suspect et Seven, la même dictature dramatique du redounement.
Split, Night Shyamalan (2017)
Arturo Brachetti joue L’Année des treize lunes.
Les Cinq Secrets du désert, Billy Wilder (1943)
Gentlemen, une dernière question. – Quel genre de femme serait pour vous l’Égypte ? – Ne prenez pas la Mouche ce serait pas du tout mon TYP…
Le Gouffre aux chimères, Billy Wilder (1951)
Comédie de travestissement, toujours. Mais cette fois de la vérité. Un cynisme froid réchauffé sur le tard par le génie de deux hommes (Wilder et Douglas). Ça patine toutefois dans le ventre mou de l’histoire, faute à une intrigue forcément statique et un poil répétitive. Et c’est vrai que l’attaque est tellement acide (les journalistes et leur public, donc nous, prennent bien une tonne de gravats sur la tête) qu’elle n’est guère plaisante. L’insuccès du film est ainsi compréhensible.
Le Vampire de Ferat, Juraj Herz (1982)
On dit que la route tue quand on devrait dire plus justement que les autos tuent. Illustration presque littérale ici. Herzatz cronenbergrien. Jiri Menzel devant la caméra (je le préfère derrière).
Les Ordres, Michel Brault (1974)
Dénonciation louable d’un fait historique, mais l’exécution est laborieuse. On sent les années 70 et leurs expérimentations tout en distanciation… Et pis ça manque de Geneviève Bujold.