Kenji Mizoguchi: The Life of a Film Director, Kaneto Shindô (1975)

Kenji Mizoguchi ou la Vie d’un artiste

Note : 4 sur 5.

Kenji Mizoguchi: The Life of a Film Director

Titre original : Aru eiga-kantoku no shogai

Année : 1975

Réalisation : Kaneto Shindô

Avec : acteurs et techniciens du maître

Une suite d’interviews d’un grand cinéaste sur son maître. On se croirait chez Drucker, Shindô ne s’intéressant qu’à cerner la personnalité réputée dure sur les plateaux, et timide en dehors, de Kenji Mizoguchi.

Le film se contente donc de faire dans l’évocation, la déférence, et en cherchant à faire le portrait du cinéaste, Kaneto Shindô s’applique surtout à faire celui des acteurs, techniciens, et scénaristes menés à croiser le chemin de Kenji Mizoguchi au cours de sa carrière. Si on apprend essentiellement de sa méticulosité quand il s’agit des techniciens, cela devient beaucoup plus intéressant quand les acteurs prennent la parole. On est en 1975, et voir certains acteurs habituels de sa filmographie parler de leur relation, cela fait son petit effet, parce qu’à l’image de ce que dit Kinuyo Tanaka quand elle répond à l’amour supposé que beaucoup prêtaient au réalisateur à son égard, eh bien, les acteurs, on les aime pour ce qu’ils dégagent à l’écran. Pas ce qu’on peut en lire dans les journaux ou ce qu’ils peuvent raconter les uns sur les autres en petit comité à propos de leur intimité. Mizoguchi, on aime ses films, on préfère donc surtout voir ses acteurs parler du cinéaste, plus que l’homme, parce que ce sont les acteurs qu’il nous a appris à aimer à travers les personnages dans lesquels il les a mis en scène. J’aurais beaucoup moins d’appétit pour leur déférence d’usage quand il s’agit d’évoquer sa vie privée ou à décrire son génie (ça, c’est notre travail, pas le leur).

Le talent, il est donc là, c’est nous spectateurs qui en parlons souvent le mieux, et les voir, eux, évoquer leur travail ou la personnalité de leur maître, c’est surtout l’occasion de les revoir parfois des décennies après leurs apparitions dans nos films préférés.

Tatemae oblige, toujours, on sent parfois poindre quelques hésitations à évoquer certains aspects de la vie du réalisateur, dire ce qu’ils pensent réellement, et puis dans un sourire poli, ils se ravisent et sortent les compliments d’usage. Les acteurs sont nés pour vivre de et à travers leur hypocrisie ; le double jeu, c’est leur fonds de commerce. Alors, pour un acteur japonais, vous imaginez bien… C’est même chez Kinuyo Tanaka l’essentiel de son génie tant on perçoit en permanence un fond caché poindre par petites touches derrière un masque. Et alors, c’est assez plaisant de voir que quand Kaneto Shindô la pousse dans ses derniers retranchements de femme polie, lui, qui a eu toute sa vie une relation avec son actrice principale avant de l’épouser seulement deux ans après ce film, en 1977 (il feint d’interviewer Nobuko Otowa d’ailleurs comme les autres, ou pas, dans un petit salon). On sent bien chez Kinuyo Tanaka dans cette interview, cette même capacité qu’elle a dans les films à être spontanée comme il faut, mais aussi, et en même temps (alors que cela devrait être deux qualités contraires), parvenir à donner l’impression de dire exactement ce qu’elle veut dire sans en dire trop, avec toujours la même classe distante et polie. Elle prétend qu’elle connaissait très peu le réalisateur dans sa vie privée, mais à l’évidence, certains acteurs n’ont pas besoin de trop surjouer sur un plateau et leur réalisateur feindre de tomber amoureux d’eux hors des studios : celle-là, vous pouvez la placer devant dix hommes différents, vous lui laissez faire son numéro, dehors comme sur un plateau, et plus de la moitié de ces hommes en tombe amoureux. On répète à l’envi que Mizoguchi ne dirigeait pas ses acteurs, on comprend pourquoi. Quand ils étaient bons comme Kinuyo Tanaka, vous n’avez qu’à les mettre devant une caméra, et le simple fait de respirer poussera le spectateur à les regarder.

On peut juste regretter de ne pas avoir plus d’Ayako Wakao. Ou de ne pas avoir un même type de film sur Masumura. Il n’a pas ça dans ses cartons Michel Drucker ?


 

Isuzu Yamada, Michiyo Kogure, Kinuyo Tanaka dans Kenji Mizoguchi: The Life of a Film Director, Kaneto Shindô 1975 | Kindai Eiga Kyokai


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Rapport confidentiel, Milton Katselas (1975)

Rapport confidentiel

Report to the Commissioner Année : 1975

Réalisation :

Milton Katselas

7/10 IMDb

Avec :

Michael Moriarty, Yaphet Kotto, Susan Blakely

On sent le film adapté d’un roman à succès où chacun fait parfaitement son job dans une production de grand studio, mais dans laquelle il manque l’essentiel : un chef d’orchestre capable de relever les petites failles et cohérences du scénario (adaptation plus précisément). C’est parfois pénalisant et on lève le sourcil, mais en dehors de ça le film est très réussi.

Direction d’acteurs parfaite, une intrigue fouillée, parfois confuse et donc incohérente dans certaines situations, et un spectacle plaisant.

Il faut voir une course-poursuite formidable entre un cul-de-jatte et un taxi, ou celle d’un mac en slip sur les toits de la ville. Yaphet Kotto est, comme à son habitude, excellent, tout comme Susan Blakely.

Ça sent bon la crasse et l’humidité des années 70.


Rapport confidentiel, Milton Katselas 1975 Report to the Commissioner | Frankovich Productions


La Coupe à 10 francs, Philippe Condroyer (1975)

Tiff-Taff

Note : 2.5 sur 5.

La Coupe à 10 francs

Année : 1975

Réalisation : Philippe Condroyer

Avec : Didier Sauvegrain, Roselyne Vuillaume, Alain Noël 

Mon taf ou mes tiffes, il faut choisir. Voilà ce qui nous est proposé ici avec ce film bêtement existentialiste.

Ça se prend méchamment au sérieux, on tourne une histoire de cheveux au tragique, et c’est bien ça le problème. Quand d’autres au milieu des années 70 ont de quoi gueuler, se rebeller, dans le pays des sans-culottes, il n’y a que la question de la mode qui importe. Même pas le symbole d’autre chose non, c’est intelligent et profond comme un ado qui fait sa crise et qui laisse pousser sa tignasse parce que ça fait rebelle et qu’il ne prend jamais autant plaisir que quand on lui demande de les couper. « Mais heu, je suis un rebelle, je fais ce que je veux avec mes cheveux, t’as pas le droit de me demander de les couper, mais heu… » Et derrière, il y a quoi ? Ça révèle quoi de la France pompido-giscardienne ? Qu’elle n’a d’autre préoccupation dans la vie que la longueur de ses cheveux ? Hé, les copains, c’est fini les yé-yé !

Le sujet manie donc aussi bien les bulles qu’une coupe de champagne, mais le pire est pourtant ailleurs.

La mise en scène est d’une lenteur scolaire. De celles qu’on ne décide pas pour faire genre (on décide du lent comme on se laisse pousser les cheveux) mais qui s’impose un peu malgré nous parce qu’on ne contrôle rien. Et l’errance la plus frappante, c’est encore cette inconsistance de la direction d’acteurs qui ferait presque passer Eric Rohmer pour un professionnel. Le talent, si on le cherche bien, si on est gentil (et il le faut quand les répliques et la direction ne sont pas au niveau), c’est dans les seconds rôles qu’il faut les trouver. Autrement l’acteur principal et sa donzelle (qui n’a même pas le bon goût très années 70 de nous montrer ses seins — hé, mais attends, le film il est subversif qu’avec les cheveux ! parce qu’au fond, notre cœur, il est franchouillard, donc pompidolien) sont catastrophiques, et manque de chance les mauvais acteurs ont tendance à se tirer vers le bas… Une phrase, une pause, œil-de-poisson-pourri-je-cherche-mon-texte, seconde phrase, une pause, etc.

La fin est d’un ridicule à faire chialer un mort. Le film ne fut pas le départ de grands mouvements de contestation dans les années 70. Normal, il prête plus à rire, et à se couper les tiffes (première réaction dès qu’il se les coupe : « T’es con, t’es plus beau comme ça en fait »).

Allez, bientôt la “gauche” au pouvoir, on taillera des roses jusqu’au Panthéon, et la crise, celle du grand désenchantement (après que tout le monde s’est coupé les cheveux et est rentré dans le rang), on y sera pour de bon avec les « années fric ». Tout aussi existentielles.

Tu coupes ou tu coupes pas…

Au moins dans Hair (qui, faut-il le préciser, est un film bien plus léger), la coupe masque bien une autre réalité, et un malaise bien plus significatif.

Mais heu… vous n’avez pas le droit… c’est de l’abus de puissance, mais heu…



Listes sur IMDb : 

Une histoire du cinéma français

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Rollerball, Norman Jewison (1975)

Roulé-boulé de la mort

Rollerball

Note : 3 sur 5.

Année : 1975

Réalisation : Norman Jewison

Avec : James Caan, John Houseman, Maud Adams

Assez abscons tout de même. Je m’attendais à un pur divertissement, et en fait, le film semble déjà critiquer ce qui viendra par la suite : la prise de pouvoir des organisations sur le monde, et pas seulement sportive. Remplaçant ainsi les États. Le sport comme opium du peuple, comme moyen de contrôler les masses. « Le confort, c’est la liberté » clame un des personnages. À mon avis, ça rejoint Orwell et toutes ces mises en garde de la S.F quant à l’aliénation de nos esprits. C’est clairement une lutte de l’individu face au système. Le système, c’est le mal. Le système contrôle nos esprits, etc. Il y a du vrai dans tout ça, sauf que le personnage de James Caan fait partie du système. C’est bien le système qui lui a permis de devenir une star. L’organisation crée un sport, et elle refuserait qu’il y ait des héros ? Ça n’a pas beaucoup de sens. On voit clairement le lien entre les jeux antiques, les gladiateurs. Je vois mal James Caan en Spartacus. Il se révolte parce qu’on veut le mettre à la retraite… Donc, il accepte le système, il en est la star. Vraiment bancal comme raisonnement.

Ce qui est curieux, c’est que peu après à cette époque, Stern prend le contrôle de la NBA et c’est Jordan qui arrivera un peu plus tard, monopolisant tout autant l’attention du public que le personnage de Caan pour son sport. Ça pourrait être une dénonciation du profit, de la course au spectacle (les matchs de rollerball existent aujourd’hui, un comble… : dénonce des pratiques, à la Scarface, et tu auras toujours la plupart des gens qui comprendront de travers le film, d’où l’intérêt d’être clair, ou d’éviter les films à message…). C’est un hymne à l’idéalisme, une critique d’une certaine forme de technocratie tout juste bonne à restreindre les libertés individuelles autant dire le communisme (très mentalité us ça où au contraire de chez nous on veut toujours moins d’État, ce qu’ils auront dans les 80’s avec Bush), et en même temps, une critique de la violence… J’avoue que ça ne veut pas trop dire grand-chose.

Il faut aussi souligner l’ennui du film. Les scènes de jeu sont répétitives, mais heureusement pas si présentes que ça dans le film. Il y a une volonté à la Orwell de présenter une société aseptisée où pas un esprit rebelle ne doit dépasser. Pour éviter que ça ne dépasse d’ailleurs on tue toute forme de culture, on détruit les livres d’histoire… Ça fout bien les jetons et c’est super froid, mais ça crée l’ennui aussi parce que c’est loin d’être un monde sympathique. Le personnage mène entre les scènes de rollerball une espèce d’enquête pour essayer de comprendre comment fonctionne l’organisation. Le problème, c’est que c’est juste survolé. On a aussi pas mal de scènes de bavardage éthérées, affalés dans des divans, à se demander ce qu’est le monde… Aucune psychologie, forcément, le but est de décrire des personnages sans âme… Autant voir THX de Lucas.

Moi qui m’attendais à un film d’action… C’est un peu comme voir Arnold Schwarzenegger philosopher dans Conan. On a un peu du mal à y croire, et surtout on n’est pas loin d’avoir une morale aussi fumante qu’une citation de Jean-Claude Van Damme.


Rollerball, Norman Jewison 1975 | Algonquin

 


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The Yakuza, Sydney Pollack (1975)

L’avant-coureur

The Yakuza

Note : 4 sur 5.

Année : 1975

Réalisation : Sydney Pollack

Scénaristes : Paul Schrader & Robert Towne

Avec : Robert Mitchum, Ken Takakura, Keiko Kishi, Eiji Okada, Brian Keith

J’écoute gentiment ce qu’on me dit. On me parle de Paul Schrader, on me dit que ce Yakuza aurait inspiré Blade Runner, je fonce donc le mater pour voir les liens avec le film de Ridley Scott.

Et je n’ai pas été déçu. Non seulement, c’est un très bon film (assez largement méconnu), mais en plus les liens avec Blade Runner sont évidents. D’abord la photo, très colorée, très sombre (sublime travaille de Kôzô Okazaki) ; le rythme (on parle pour les deux films de neo noir, donc forcément : ambiances tamisées, crépusculaires, glauques…), quelques effets de narration (assez librement reproduits par Scott au début du film, mais le pompage est évident — il vaut mieux copier les meilleurs comme on dit en Chine), et jusqu’à la musique de Vangelis, au piano surtout qui ressemble vraiment au style mélancolique composé par Dave Grusin (parfois même, on reconnaît des effets sonores parfaitement identiques qui créent cette atmosphère inquiétante et mystérieuse), voire les lettres rouges du générique sur fond noir.

Bref, Scott avait un peu pompé sur Kubrick pour son premier film avec Les Duellistes, là il fait de même en gardant le meilleur du film et en prenant une autre histoire (l’art d’accommoder les restes). Le génie, c’est aussi de prendre ce qu’il y a de meilleurs chez les autres et d’en faire quelque chose de meilleur que l’original… (en l’occurrence, vu ce que produit depuis Scott, on va plutôt pencher pour un génie inconscient ou pour la chatte du dépendant). Inspiration évidente comme Starwars et La Forteresse cachée, comme Pulp Fiction et Cible émouvante. Tant que ce n’est pas du recopiage, il n’y a aucun problème.

Le film donc. À l’origine, il s’agit semble-t-il d’une histoire de Leonard Schrader, vite scénarisée par le frangin Paul. C’est Pollack qui est choisi pour la mise en scène, et c’est là qu’il fait intervenir un second bonhomme pour retravailler le script : Robert Towne (Bonnie and Clyde, Chinatown, Missouri Breaks, Greystoke, Frantic, La Firme et les deux Mission impossible). Schrader semble être plutôt nippophile : il s’agit de son premier travail de scénariste et il vient de sortir un bouquin sur les rapports stylistiques entre trois réalisateurs aussi différents que Bresson, Dreyer et Ozu. Ça semble très bien documenté, la société spécifique de cette mafia japonaise étant bien décrite (faudrait peut-être approfondir un jour le genre « yakuza eiga »).

On en ressort finalement avec un scénario assez classique (tous les cinéastes et scénaristes sortis durant les 70’s n’ont fait que reproduire les vieilles méthodes en y ajoutant leur goût et leurs connaissances des cinémas hors us, notamment japonais, italiens et français — on pourrait même dire qu’il s’agit d’une seconde vague d’influence dans le cinéma us après la première durant les 30’s qui a produit l’âge d’or d’Hollywood et tous ces immigrés européens).

Harry Kilmer est un ancien policier à la retraite et est appelé par un ami qui possède une entreprise d’import-export. Celui-ci a fait commerce avec une mafia japonaise et n’ayant pu honorer un contrat de livraison d’armes, sa fille a été capturée et prise en otage. Kilmer connaît bien le milieu de la mafia au Japon pour avoir côtoyé la sœur de l’un d’entre eux durant l’occupation. Il se propose donc d’aller sur place pour voir s’il peut faire jouer ses relations… Il y retrouve la femme qu’il avait quittée, qu’il aime et qui n’avait jamais accepté de se lier à lui pour une raison encore inconnue… Il prend contact avec son frère pour lui demander de l’aide avant qu’il apprenne qu’il s’est retiré de la mafia. Et c’est là que commence le petit jeu du chat et de la souris entre ces deux personnages, l’entrepreneur américain, les yakuzas…

La singularité du film tient dans cette découverte de la société très réglée du Japon, les codes d’honneur des yakuzas vu par les yeux d’un Occidental. Mais contrairement à d’autres films qui ont tenté cette rencontre et s’y sont cassé les dents (Soleil rouge, Rhapsodie en août), c’est ici plutôt réussi. Le problème du film, qui explique sans doute son échec commercial, c’est la présence peu évidente de Robert Mitchum. Si l’acteur est la personnification du film noir à l’écran, le cœur de sa carrière se situe surtout dans les 40’s 60’s. Bien sûr, il fallait un personnage de son âge, aucun autre possible, il était donc parfait pour ce rôle. Seulement, voilà, Mitchum n’est plus à la mode. Le film est donc en total décalage avec son époque. C’est un film de vieux. Sur la mémoire, le bon temps passé révolu… Tout ce qu’on retrouvera comme ambiance crépusculaire dans Blade Runner avec un acteur au sommet de sa gloire, Harrison Ford. C’est dommage parce qu’en dehors de ça, Mitchum est parfait, la mise en scène excellente, très léchée comme souvent chez Pollack… Ce qui n’a pas plu non plus, c’est peut-être aussi le malentendu. On pourrait s’attendre à voir un film d’action inspiré de ce qui se fait au Japon avec des films de yakuzas alors très en vogue. Mais le paradoxe c’est que ça traite des yakuzas avec le rythme des films des 40’s (note 2016 : en fait certains films de yakuzas, en particulier avec Ken Takahura, ont cette même ambiance). Il s’agit bien d’un neo noir plus que d’un film de yakuza. En plus, si Schrader a donné des indications sur le rythme qu’il voulait insuffler à cette histoire… quand on voit ses références : Bresson, Dreyer, Ozu…, franchement, ce sont peut-être les trois cinéastes avec Kubrick, Antonioni et Tarkovski les plus lents. Nul doute que Pollack s’est senti vite à l’aise dans ce rythme, lui qui aime bien le thème de la nostalgie, de la romance, et qui a un style assez lyrique. On se retrouve donc avec des scènes de duels à la fin avec un rythme très lent qui a dû un peu dérouter le public (comme les mêmes scènes « d’action » pendant tout Blade Runner et en particulier la fin, dérouteront le même public). Peu importe, parce que ça fait un film maîtrisé, un peu ovni, qui a ouvert la voie à un autre chef-d’œuvre du genre neo noir. Un plaisir.

Note 2016 : on retrouve ces mêmes ambiances, dans des films opusculaires, comme je les appelle, avec le même Ken Takahura dans les années 60, La Pivoine rouge par exemple. Quant au petit jeu des influences pour Blade Runner, un autre film a soulevé mon intérêt (ou mes fantasmes), Cutter’s Way. On retrouve également la même sophistication dans les choix audacieux d’angles de prise de vue que dans le duel final de La Vie d’un tatoué, de Seijun Suzuki (1965).

En prime, une interview où Pollack évoque brièvement ses difficultés à travailler avec Paul Schrader qui était alors un critique cinéma (tout en louant son travail) :


Respect, monsieur Pollack

The Yakuza, Sydney Pollack 1975 | Warner Bros

 


Listes sur IMDB :

L’obscurité de Lim

MyMovies: A-C+

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Tommy, Ken Russell (1975)

Bas Rock

Tommy

Note : 3 sur 5.

Année : 1975

Réalisation : Ken Russell

Avec : Roger Daltrey, Ann-Margret, Oliver Reed, Elton John, Eric Clapton

Le film est, disons, un grand n’importe quoi.

Certainement l’un des films les plus nuls et le plus kitsch de l’histoire…, et pourtant y a des moments où on a des frissons… Et ça m’a permis de comprendre enfin l’histoire. Et c’est vraiment pour l’histoire que c’est intéressant (et pour les textes). Parce que, ce n’est pas pour la mise en scène, et ça l’est encore moins pour la musique…

Rien à voir avec la musique originale : les acteurs « chantent » façon opéra, y a bien de temps en temps des vedettes qui tiennent des rôles et poussent la beuglante, mais ça ne ressemble vraiment à rien.

Il y a tout de même une belle tripotée de séquences à ranger dans l’Anthologie du Grand N’Importe Quoi Interstellaire :

Les parents de Tommy qui l’amènent dans une église où l’on vénère Marilyn Monroe et où, à la place de l’hostie, on s’enfile des barbituriques et du whisky !… La mère de Tommy qui se roule dans la purée de haricots, qui vomit par litres sur son téléviseur et qui se tortille autour de son traversin comme pour faire un grand cassoulet (limite scato…). Tommy, qui est aveugle, sourd, muet (une sorte d’autiste pire que Dustin dans Rain Man), qui affronte Elton John pour une sorte de championnat du monde rock de… flipper ! N’IMPORTE QUOI ! Certifié conforme.

Ah, ça vaut le détour… Plus fort que Barbarella. Pas besoin d’être la plus belle fille du monde pour se faire remarquer : il suffit de mettre des bas résille, de se rouler dans la purée de haricots, et de se plonger un bon gros traversin entre les jambes… Jane Fonda avait les bas, mais il lui a manqué la purée et le traversin… Ça tient à peu de chose parfois l’excellence en matière de mauvais goût : on peut à tout moment glisser du cassoulet à une fade et vulgaire salade de navets…


Tommy, Ken Russell 1975 Robert Stigwood Organisation Ltd., Hemdale (1)

Tommy, Ken Russell 1975 Robert Stigwood Organisation Ltd., Hemdale (2)

Tommy, Ken Russell 1975 | Robert Stigwood Organisation Ltd., Hemdale


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L’Histoire d’Adèle H., François Truffaut (1975)

Le meilleur film de François T.

L’Histoire d’Adèle H.

Note : 5 sur 5.

Année : 1975

Réalisation : François Truffaut

Avec : Isabelle Adjani, Bruce Robinson, Sylvia Marriott

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Ce n’est pas un film, c’est une fulgurance. Une unité d’action parfaite, un seul personnage et un récit qui fuit jusqu’à une issue prévisible et fatale.

Pour moi, le meilleur film, et de loin, de François Truffaut (dont je suis loin d’être fan). À la fois, le premier film révélant le génie d’Isabelle Adjani en tant qu’actrice adulte, et aussi sans doute encore son meilleur film également (elle reviendra un peu plus de dix ans après avec un film assez similaire, Camille Claudel).

L’histoire retrace une époque de la vie d’Adèle Hugo, fille du poète, follement amoureuse d’un lieutenant anglais qu’elle suit jusqu’en Nouvelle Écosse alors que lui ne veut plus la voir. Amour impossible, à sens unique, qui se transforme petit à petit en obsession et en folie. Tout le film, Adèle est au centre de tout. Quand on la quitte brièvement, ce n’est que pour montrer les conséquences de ses actes et de ses audaces folles. Le sujet, c’est Adèle, son obsession pour son homme, et rien d’autre.

My father is Hugo, Victor Hugo

Le sujet a un côté littéraire, voire théâtral, qui a dû bien plaire au cinéaste en bon fan de Balzac qu’il était, car Adèle occupe ses journées et ses nuits à écrire son journal (journal réel qui sert de base au film). L’occasion pour Truffaut d’utiliser des effets baroques qu’il a rarement utilisés, mais qui donnent un côté romanesque, romantique, au film. C’est le Taxi Driver de Truffaut, son Apocalypse Now. Pas besoin de voix off cependant. Les « monologues », c’est Adèle qui les produit en direct en écrivant son journal ou ses lettres. L’effet aurait pu tomber dans le ridicule avec une actrice ordinaire, seulement, c’est peut-être la meilleure actrice qu’ait connue le cinéma français (avec Isabelle Huppert, Jeanne Moreau ou Catherine Deneuve). Adjani a vingt ans dans ce film, et je n’ai pas le souvenir d’avoir vu une performance d’acteur aussi parfaite, aussi pleine d’imagination, de folie, de création, de sensibilité, de justesse, à cet âge… Un véritable génie qui déjà à 17 ans interprétait le rôle d’Agnès dans L’École des femmes à la Comédie française (il y a des images assez connues de son « le petit chat est mort »[1]).

Un film que je revois pour la quatrième ou cinquième fois avec toujours autant de plaisir.


[1] Pas trouvé la représentation filmée, mais des extraits sur le site de l’INA : http://www.ina.fr/art-et-culture/arts-du-spectacle/video/CAF90050388/l-ecole-des-femmes.fr.html

L’Histoire d’Adèle H., François Truffaut (1975) Les Artistes Associés, Les Films du Carrosse, Les Productions Artistes Associés


Sur La Saveur des goûts amers :

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