La Famille matrilinéaire, Kenji Misumi (1963)

Calculs reinaux

Note : 4 sur 5.

La Famille matrilinéaire

Titre original : Nyokei kazoku / 女系家族

Année : 1963

Réalisation : Kenji Misumi

Avec : Ayako Wakao, Machiko Kyô, Jirô Tamiya, Miwa Takada, Yachiyo Ôtori, Ganjirô Nakamura, Chieko Naniwa, Tanie Kitabayashi

Savoureuse satire sociale anti-bourgeoise aux allures de thriller successoral. On marche sur les platebandes de la Shochiku qui l’année précédente avait adapté un roman à peu de choses près sur le même sujet avec Masaki Kobayashi aux commandes : L’Héritage. Le film de la Shochiku, dans mon souvenir, était noir et feutré. Tout le contraire ici, car la satire est souvent amusante (on commence à comprendre qu’effectivement Misumi est un formidable directeur d’acteurs, parce qu’on est loin de la comédie pure, mais chaque séquence contient de nombreux éléments, dialogués ou non, très drôles qu’il serait facile de faire capoter sans une personne avisée à la baguette). Le film est adapté, cette fois, d’un roman de Toyoko Yamasaki, parfois qualifiée de « Balzac japonaise » dont la Daiei avait déjà adapté un précédent roman traitant des déboires successoraux d’une riche famille composée de femmes puissantes : Bonchi.

La satire sociale qui s’exerce ici est un joli pied de nez (dans sa morale livrée lors d’un dénouement inattendu renversant et poilant) fait par les classes laborieuses à celle qui les méprise et donne l’impression en regardant le film de tout posséder au Japon. Je spoile : les riches finiront spoliés.

La petite saveur amère supplémentaire en plus de cette histoire cruelle ou amusante (c’est selon) vient cette fois du doigt d’honneur fait à ses filles par l’auteur de ce testament machiavélique (et dont on ne verra jamais qu’un portrait semi-hilare, comme le fait remarquer l’aînée de la fratrie). Car le bonhomme, qui s’était marié avec l’héritière d’une riche famille d’Osaka dont le pouvoir passait traditionnellement aux mains des filles (d’où le titre français du film), profite en réalité de sa future mort pour mettre en scène ce qu’il faut bien qualifier de complot dans le but de faire passer les rênes de la famille à un héritier mâle. Le roman ayant été écrit par une femme, on peut y voir peut-être une forme d’humour noir désinvolte, voire de fatalisme ricaneur : si d’un côté ceux qui ont tout, à force de se chamailler et de comploter les uns contre les autres, finissent par se faire prendre à leur propre jeu au profit d’une femme pauvre dont ils avaient outrageusement moqué l’origine ; de l’autre, c’est au prix de la perte d’une tradition qui ironiquement faisait des femmes les héritières d’une famille puissante. Les hommes restaient jusque-là toujours en retrait (au propre comme au figuré : dans le film, les maris se tiennent toujours derrière leur femme) et par l’habilité de celui qui avait survécu d’un an seulement à la matriarche (on voit bien que sa cadette se plaint, dès le début du film, d’avoir été mise à l’écart au profit du défunt devenu avant sa mort, et par la force des choses, l’éphémère chef de famille), les hommes finissent par reprendre la main. Cela revient un peu à dire que le seul espace au Japon où les femmes avaient le pouvoir, les hommes sont parvenus à leur ôter.

Après, c’est la qualité des grandes histoires, on peut sans doute proposer bien des versions à la morale de cette histoire. Comme de larges pans des usages japonais (plus spécifiquement ceux ayant cours à Osaka) nous sont difficilement accessibles, il y a à parier que toute interprétation de ce retournement faite par un étranger soit condamnée à n’être que « exotique ». (J’ai par exemple du mal à bien saisir s’il y a parmi ces sœurs certaines qui sont « adoptées », à quel moment de leur vie cela aurait été fait, et surtout quelles conséquences cela aurait sur le respect dû et sur les rapports de force toujours très codifiés au Japon.) Peu importe au fond, le spectateur, même parfaitement néophyte, a tous les droits.

Avant d’en arriver à ce dénouement soumis à interprétations, c’est tout le jeu de pouvoir qui amuse et fait grincer des dents : les jalousies, le ressentiment et les innombrables magouilles que déploient tous les membres de la famille (à l’exception de la cadette qui finira par dire à la fin que tout compte fait, c’est mieux qu’elles aient été prises à leur propre jeu, avant de prendre la résolution de faire le tour du monde), mais aussi le commis de la famille, au service de la famille depuis deux générations comme il le rappelle, et qui, lui aussi, compte bien prendre sa part du gâteau aux dépens des autres. Sa position d’exécuteur testamentaire lui offre un avantage, mais malheureusement pour lui, la satire sociale a autant la dent dure pour la classe dominante que pour ceux de la classe laborieuse qui cherche à tirer profit crapuleusement des autres.

À l’opposé de ce petit monde rempli de personnes aigries, voraces, cupides et finalement solitaires, il y a le personnage de la maîtresse du défunt, peut-être pas aussi innocente qu’elle le montre tout au long du film, mais dont on peut imaginer au moins qu’elle agit en accord avec la volonté du disparu. C’est à deux qu’ils semblent avoir manigancé tout ce sac de nœuds parfois hilare pour remporter la mise. Drôle et cruel.

Encore et encore, cinéma japonais et cinéma italien n’en finissent plus d’agir comme des frères jumeaux à des dizaines de milliers de kilomètres l’un de l’autre : au même moment où le cinéma italien produit de magnifiques satires (genre ô combien rare et délicat puisqu’on tombe facilement dans la critique amère ou la farce accusatrice), le Japon nous propose donc celle-ci parfaitement réussie justement parce qu’elle reste drôle, sans être méchante ou, pire (comme celle que Misumi réalisera cinq ans plus tard avec Les Combinards des pompes funèbres), forcée et grotesque.

À l’heure où d’ailleurs le shomingeki est passé de mode en 1963, on pourrait presque y voir une forme de shomingeki alternatif en guise de révérence et d’adieu : le regard bienveillant envers les classes populaires, il se fait à la lumière de celui porté, très acerbe, sur la classe dominante. Les remarques immondes et continuelles sur les gens de classe modeste (voire les sœurs entre elles, l’aînée ayant du mal à se faire à l’idée d’être traitée à l’égale de ses cadettes) ne trompent pas. Quelques exemples. Quand les sœurs prennent la résolution de rendre visite à la maîtresse de leur père, l’une d’elles insiste sur la nécessité pour elles d’adopter des habits « simples » de circonstance ; elles s’y rendront finalement en berline de luxe, un sac en croco au bras. Une fois arrivées sur les lieux, l’une des sœurs enlèvera la photo de son frère que la maîtresse des lieux utilisait pour son autel particulier dressé en l’honneur du défunt (plus tard, la sœur déchirera cette photo). Puis, ayant appris que des ennuis de calculs rénaux mettaient en danger sa grossesse, les deux sœurs et la tante exigeront d’abord que l’ancienne « geisha de bains publics » suive un examen gynécologique ; elles insisteront ensuite, dans une séquence d’une rare violence, pour assister à la scène… Un peu avant ça, quand l’une des filles se rend dans les habitations délabrées que la famille loue pour s’enquérir du prix que cela pourrait valoir, les locataires s’étonnent de voir débarquer à l’improviste « le propriétaire » qui manifestement néglige depuis longtemps leurs demandes et laisse dépérir les lieux. La critique est frontale, parfois plus fugace, mais toujours violente. Au moins sur l’aspect « lutte des classes », l’accumulation des critiques acides laisse peu de doutes quant aux intentions de l’auteure.

Je reviens à cette idée de testament du shomingeki. Ce regard bienveillant sur les pauvres porté par procuration en regardant les riches, c’est un peu comme si on avait affaire à un film dont le scénario avait été prévu pour Mizoguchi (du genre Une femme dont on parle, sur un sujet contemporain et adapté par le même scénariste) et que pour continuer sur la note finale, grinçante de La Rue de la honte, on le mettait entre les mains d’un réalisateur comme Kirio Urayama (La Ville des coupoles et Une jeune fille à la dérive). Avec ça, vous changez l’habituelle bonhommie contemplative d’un Chishû Ryû pour l’air presque aussi idiot, mais à la duplicité bien plus suspecte d’un Ganjirô Nakamura (l’acteur d’Herbes flottantes et des Carnets de route de Mito Kômon et que j’ai surtout évoqué dans Les Carnets secrets de Senbazuru) jouant ici le « larbin de la famille », tel qu’il se définit, et le tour est joué. Le shomingeki mué en satire sociale pour un dernier baroude d’honneur.

Dans un shomingeki classique, on porte un regard sur les petites gens, mais les choses restent toujours à leur place. Ici, on met un grand coup de pied dans les conventions : le « larbin » chargé de devenir l’exécuteur testamentaire du défunt, avec son petit air idiot trafiqué, on comprend vite ce qu’il convoite. Imaginez que ce que contemple passivement Chishû Ryû, ce ne soit plus le calme, l’immuabilité du monde, mais une parcelle du jardin du voisin. On ne s’assied pas docilement sur le tatemae en contemplant l’humilité des gens simples et en vantant l’ordre établi. Cette fois, le tatemae, tel un masque de kabuki dont Nakamura était maître, soudain se fissure, et derrière le masque des apparences hypocrites, apparaît au grand jour la réalité fourbe d’un personnage qui appartient peut-être à la classe des dominés, mais qui aspire, par la ruse, à prendre la place de ceux qui l’ont méprisé jusque-là. À la limite, le regard porté sur la sœur cadette, présentée comme une jolie idiote, est bien plus bienveillant. Elle a au moins l’excuse de la jeunesse et semble se désintéresser des petits complots que chacun vient à mettre en œuvre pour tirer la couverture à lui.

La Daiei a sorti une nouvelle équipe de rêve. Qui de mieux pour cette adaptation du roman de Toyoko Yamasaki que des orphelins de Mizoguchi ? Deux de ses plus proches collaborateurs répondent à l’appel : au scénario, Yoshikata Yoda (qui écrira plus tard La Rivière des larmes) ; à la photographie, Kazuo Miyagawa.

Et si l’idée au fond, ce n’était pas de faire la suite de La Rue de la honte et de voir Ayako Wakao reprendre son rôle de geisha calculatrice ? Elle aurait trouvé son protecteur, et ils auraient donné ensemble un sens nouveau au syntagme « calculs reinaux » en accouchant d’un plan clouant définitivement le bec à ces femmes de la haute…

La bourgeoise au prolétariat : « Dis donc, il vient cet enfant ? »

La prolétaire à la bourgeoise : « Ça tire ! Ça tire ! »

La bourgeoise, d’un air désinvolte : « Tu as dit « satire » ? »

La prolétaire : « Ah ! La satyre ! »

Rira bien…


La Famille matrilinéaire, Kenji Misumi (1963) Nyokei kazoku | Daiei


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Les perles du shomingeki (le clou dans le cercueil du genre)

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Le Rouge et le Noir, Claude Autant-Lara (1954)

Note : 4 sur 5.

Le Rouge et le Noir

Année : 1954

Réalisation : Claude Autant-Lara

Avec : Gérard Philipe, Danielle Darrieux, Antonella Lualdi, Jean Martinelli, Antoine Balpêtré, Jean Mercure

Travail admirable de direction d’acteurs. J’avais cru longtemps que Claude Autant-Lara n’avait qu’une formation de décorateur, c’était en tout cas la réputation qui l’accompagnait. Et je viens d’apprendre que sa mère avait été à la Comédie-Française avant de se faire remarquer pour ses opinions antimilitaristes et d’en être exclue (ce qui explique beaucoup de choses, comme le sujet de Tu ne tueras point). Ce n’est évidemment pas dans des écoles d’art que le bonhomme a appris à diriger ainsi ses acteurs. La Comédie-Française, c’est peut-être la vieille école, celle du théâtre, mais c’est la mienne (mon prisme), et tous (quand ils ne sont pas doublés) sont remarquables. Je n’avais par exemple jamais vu quelques-uns des acteurs officiants dans certains rôles secondaires, Autant-Lara les a probablement dénichés au théâtre, mais bon sang qu’ils sont bons… Quant aux deux rôles principaux (je mets à part Antonella Lualdi qui joue Mathilde et qui, bien que francophone, semble doublée), c’est peut-être ce qui se fait de mieux à l’époque, même si Darrieux et Philipe ne sont pas de la même génération (au moins, la différence d’âge des protagonistes semble respectée).

Caustique comme il faut. L’église, la bourgeoisie, les arrivistes, les amoureux romantiques (même les filles à papa séduites par le seul fait de s’enticher d’un pauvre), tout le monde en prend pour son grade, et on sent que le misanthrope Autant-Lara s’en donne à cœur joie.

Faute de moyens sans doute, l’ancien spécialiste de la décoration trouve un subterfuge assez convaincant pour se passer de grandioses reconstitutions : des murs unis en gris (vous excuserez mon sens des couleurs limité) un peu partout ; et des extérieurs limités qui semblent tout droit sortir d’un film de Tati. La mode est aux décors nus au théâtre (dont Gérard Philipe est un habitué du côté du TNP, mais ne jouer qu’avec des rideaux comme seul élément scénographique n’aurait pas plu à la vedette), ce sera bientôt celle de l’espace vide, on y est presque déjà un peu. C’est esthétiquement ignoble, presque conceptuel, mais ça reflète merveilleusement bien la nature du cœur de Sorel. Juste ce qu’il faut pour refréner toutes les envolées romantiques qui pourraient encore en tromper certains. On hésite entre un gigolo avant l’heure ou un arriviste qui sera pris à son propre jeu (il y a un côté Baby Face, 1933, là encore avant l’heure : l’ascension sociale par l’entremise des femmes). On pourrait y voir également une forme plus affirmée de personnage à la Emma Bovary : cette volonté de s’affranchir de sa condition pour s’élever parmi les grands de ce monde avant de se rendre compte qu’ils ne feront jamais illusion face à une classe qui interdit et remarque tout de suite ceux qui ne sont pas de leur rang… Je crois avoir rarement aussi bien vu reproduite, d’ailleurs, l’idée des pensées en voix off dans un film. Un procédé indispensable pour illustrer l’ambivalence des personnages principaux : les errements moraux de Julien entre son ambition (ou son hypocrisie, voire son opportuniste, alors qu’il ne montre d’abord aucune volonté de séduire Mathilde) et sa naïveté (ou sa jeunesse) romantique.

À une ou deux reprises, le film tourne aussi parfois à la comédie, et bien sûr les dialoguistes habituels du cinéaste s’amusent autant que d’habitude à distribuer les bons mots (je doute qu’ils soient de Stendhal).

Évidemment, le film fut démoli à sa sortie par les réactionnaires des Cahiers. On est pourtant loin de la prétendue « qualité française » puisque, comme dit plus haut, la reconstitution a été passablement sabordée. De « qualité », il faudra se contenter de celle qu’eux, futurs réalisateurs, seront un jour incapables de reproduire à l’écran (et pour cause, ils n’étaient ni décorateurs ni fils d’une actrice du Français) : celle qui consiste à placer et diriger des acteurs (oui, c’est un métier qui ne s’improvise pas).

Parce que pour ce qui est de la causticité du roman de Stendhal, on est servi : le classicisme, il aurait rendu tout ça fade et se serait rangé à n’en pas douter du côté des bourgeois (ou du romantisme). Il n’y a rien de romantique dans cette histoire : c’est une fable sociale et cruelle (pour ceux qui croient en l’amour et à l’idéal qui n’était déjà plus républicain). Honte aux historiens et aux futurs critiques de ne jamais avoir réhabilité ce film (comme une large partie des films de Claude Autant-Lara — il semblerait qu’il n’y ait qu’en matière d’agressions sexuelles que certains oublient de séparer l’homme de l’artiste — on peut être un connard et avoir réalisé d’excellents films).


Le Rouge et le Noir, Claude Autant-Lara 1954 | Documento Films, Franco-London Films


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Beyond the Valley of the Dolls, Russ Meyer (1970)

Satire + satire = 0

Note : 2.5 sur 5.

La Vallée des plaisirs

Titre original : Beyond the Valley of the Dolls

Titre français alternatif : Orgissimo

Année : 1970

Réalisation : Russ Meyer

Avec : Dolly Read, Cynthia Myers, Marcia McBroom, John Lazar,

De quelle manière peut-on voir aujourd’hui un film parodique dont son modèle est largement oublié ? Je ne sais pas quelle lecture peuvent en faire les spectateurs qui ne connaissent pas La Vallée de poupée, quoi qu’il en soit, qu’on ait la référence en tête ou non, le film est rarement drôle.

Je me demande même si, à la limite, le film original ne l’était pas déjà assez (poilant malgré lui), tant les outrances y étaient extrêmes. Pour parodier un film ridicule, on se trouve un peu comme coincé à ne plus faire que dans la surenchère. Autre problème : la parodie, sans son modèle, ne peut tenir que par lui-même. Si pendant deux heures le film multiplie les références en en adoptant pratiquement la même tonalité, la même grossièreté, la même échelle dans l’excès, on n’y apporte pas grand-chose de plus. Et si on me répond que c’est plus subtil que ça, non, il n’y a jamais rien de bien subtil dans une parodie. Une parodie reste une comédie. Ça marche ou ça ne marche pas. Il faut revoir le film de Robson, tout y est reproduit en détail. Il y a donc bien une volonté parodique. On retrouve le trio féminin arrivant à Hollywood pour entamer une carrière, A Star is Born, puis elles déchantent, tout n’est que vice et névrose dans la ville des anges, et bientôt, elles seront touchées à leur tour pour ces mêmes problèmes. Le même trio de filles se retrouve sur des photos promotionnelles assises sur un lit comme sur une des photos (et une des affiches) du film. Les mêmes plans ridicules sur des pilules qui traînent sur une table de nuit réapparaissent quasiment à l’identique. Même l’affiche fait référence explicitement à l’original en en adoptant le même graphisme. Behond The Valley of The Dolls n’est pas une suite comme initialement il devait l’être, c’est bien une parodie qui en reprend le schéma en en grossissant encore les travers (on tombe très vite dans la débauche, le succès est immédiat, les coïncidences grossièrement heureuses vous font opportunément hériter d’un joli pactole, la solitude, la détresse psychologique, etc.).

À la rigueur, la seule chose qui manque au film de Russ Meyer, ce sont les extérieurs du film de Robson. Une partie du succès, aussi, de La Vallée de poupée, c’est son nombre important de décors intérieurs et extérieurs. Déjà, le public sent peut-être inconsciemment que certains films tournés en studio sentent le renfermé, et probablement les films qui s’en tirent encore le mieux dans ces grosses productions sont ceux qui donnent de l’air au spectateur en lui proposant beaucoup d’alternatives dans les lieux proposés. Pas besoin d’aller bien loin en extérieur, pas besoin de faire du David Lean, mais des « locations » diverses qui ne peuvent pas être reproduites en studio, un rapport entre intérieur/extérieur qui fait la preuve d’un passage possible ou prochain (de mémoire, c’est ainsi que commence Bonnie and Clyde : Bonnie s’ennuie dans sa chambre, elle regarde par la fenêtre, elle interpelle son futur amoureux qui s’apprêtait à voler la voiture de sa mère, il l’invite à le suivre, et l’aventure criminelle et géographique peut se faire). Or, ne disposant sans doute pas du même budget, le film de Meyer dispose probablement beaucoup moins d’extérieurs que son film référent. Dans un système de studio à l’époque, on est encore dans la logique de la surexposition de tous les plans (l’ombre, comme désormais le noir et blanc laissé au cinéma indépendant sont à bannir), et sortir tout l’arsenal technique pour aller tourner des extérieurs même à quelques kilomètres, ce n’est pas anodin, les équipes sont monstrueuses, et on y préfère encore par conséquent les intérieurs des studios (on rappelle qu’à l’origine le monde du cinéma nord-américain s’installe en Californie pour ses extérieurs…). Malgré le luxe qu’on aperçoit ainsi beaucoup dans le film, je ne suis pas certain que le film ait coûté grand-chose (le budget est estimé au cinquième de ce qu’était celui du film de Robson), probablement bien moins que The Party par exemple tourné un peu avant et tourné essentiellement dans un même espace. Au-delà de ce côté plus cheap, donc (on aurait insisté sur les décors intérieurs et la photographie pour retrouver la même pâte du film de Robson), tout fait référence à La Vallée des poupées. Ebert peut se défendre d’avoir voulu faire un simple spoof movie, je ne vois pas bien le sens de faire dans la satire de ce qui en était déjà une (mauvaise). Il est peut-être là le problème majeur du film, d’ailleurs : que l’on ne sache vraiment qui en était aux commandes entre Ebert et Meyer… Ne filez jamais les clés d’un film à un critique.

Et si Meyer a réalisé le film tel que pensé par Ebert, sa conception de la mise en scène n’en est pas beaucoup plus savante. J’apprends à la projection que le bonhomme aurait choisi de diriger ses acteurs sans leur révéler la nature réellement parodique du film. Erreur majeure. C’est ce qu’on pense être la solution quand on ne sait pas comment marche un acteur. Un mauvais acteur ne sera jamais crédible dans un rôle… de mauvais acteur. Une parodie, c’est rire aux dépens d’un modèle, la connivence est totale avec le spectateur. Si on rit des acteurs choisis pour leur incompétence, à leurs dépens, il n’y a plus de parodie. À la même époque, le cinéma italien multiplie les parodies ou les satires, et s’il le fait, c’est essentiellement grâce à ses acteurs de génie. Ces acteurs sont capables de jouer ce qu’il y a de plus dur : la bêtise. Il faut une énorme dose de sincérité pour jouer les imbéciles, or les mauvais acteurs en sont totalement dépourvus, c’est même souvent à ça qu’on les reconnaît au premier coup d’œil. Prendre de mauvais acteurs pour jouer de mauvais acteurs pour une parodie, c’est s’assurer surtout d’avoir… de mauvais acteurs. Verhoeven fera la même erreur avec Show Girl, et peut-être dans une moindre mesure avec Starship Troopers. Parodie ou satire, tout est question toujours de dosage, de finesse. Beaucoup moins qu’avec un drame, on a droit à l’erreur. C’est drôle, c’est piquant, ou ça ne l’est pas.

Ainsi, même en connaissant le film adapté d’un grand succès de librairie américain aujourd’hui oublié, même en en reconnaissant les références, le film n’a, à cause du manque de finesse et de savoir-faire de Meyer, de Ebert et des acteurs, rien d’amusant. C’est même seulement un peu vers la fin où les outrances sont les plus osées qu’on commence tout juste à frétiller. On pouvait certes imaginer une lente montée vers la parodie en se contentant jusque-là d’une satire, le problème, c’est que le film original était déjà une satire du monde du spectacle. Une satire de la satire d’un miroir aux alouettes, on ne sait plus où donner de la tête. On peut imaginer également que Meyer n’ait pas osé (ou n’ait pas suffisamment eu les coudées franches pour) proposer un scénario ouvertement parodique du film de Robson, mais avoir Roger Ebert (le plus fameux critique de cinéma américain) comme scénariste (et donc dialoguiste, on peut l’imaginer), ça ne laisse pas présager d’une grande rigolade. Meyer n’est pas Myers. Ni même Jerry Lewis. Or, à part une franche parodie, je ne vois pas quelle autre possibilité Meyer pouvait avoir en proposant une fausse suite à La Vallée de poupée. (Cette manière de croire qu’on peut réaliser des comédies autour d’un scénario écrit par quelqu’un qui n’a rien de drôle, ça rappelle ce qu’on fait en France depuis des années, cf. La Loi de la jungle. Vous voulez produire une comédie à la fin des années 60 ? Faites plutôt confiance à Woody Allen qu’à un critique de cinéma.)

Dernière chose, pour le coup ironique, voire tragique : dans le film original, la seule qui était parfaitement dans le ton de la satire, avec une forme de second degré implicite qui parvenait tout à la fois à moquer l’archétype qu’elle représentait, sans pour autant le faire méchamment, car elle le faisait avec humanité, c’était Sharon Tate. Elle avait cette sincérité, cette fraîcheur au premier degré qui, paradoxalement, pouvait ouvrir la voie à un second degré, et donc à la satire que le film en lui-même n’avait jamais réussi à être puisqu’il sombrait dans le mélodrame grotesque (une satire qui manque d’humanité et de distance, de second degré, c’est au choix, un film réactionnaire ou un mélodrame inoffensif et grossier). Et pour le coup, les excès sanglants présageant peut-être un peu les slasher movies à venir, sachant que le film a été tourné quelques mois après l’assassinat de Sharon Tate, peut-être que Ebert a un humour particulier, mais ça ne fait pas vraiment rire. Ces excès malvenus font beaucoup plus directement référence à une réalité tragique qu’aux outrances ridicules du film original. On peut rire du « je vais te faire goûter le sperme noir de ma vengeance » ; on rit déjà beaucoup moins quand la vengeance surgit sous la forme d’un massacre cathartique, transphobe et idiot.


Beyond the Valley of the Dolls, Russ Meyer 1970 La Vallée des plaisirs / Orgissimo | Twentieth Century Fox


Sur La Saveur des goûts amers :

Les Indispensables du cinéma 1970

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L’Impossible Amour, Vincent Sherman (1943)

Note : 3 sur 5.

L’Impossible Amour

Titre original : Old Acquaintance

Année : 1943

Réalisation : Vincent Sherman

Avec : Bette Davis, Miriam Hopkins, Gig Young

Ironiquement, le film épingle les romans à l’eau de rose (et les auteurs qui les produisent à la chaîne « comme des saucisses ») alors qu’il n’est lui-même rien d’autre qu’un jeu de chaises musicales amoureux. On a le trio amoureux, le carré amoureux, mais quand on tricote un cadenas à cinq ou six prétendants, on appelle ça comment ?… L’impossible amoureux ?

Le passage d’une époque à l’autre est assez brutal (le film est tiré d’une pièce de théâtre, et on peut imaginer qu’à chaque nouvel acte, on laisse passer une dizaine d’années au compteur) ce qui casse le rythme du film bien trop souvent.

Miriam Hopkins en fait des tonnes, et on ne sait pas toujours si c’est de l’autodérision ou si Vincent Sherman la laisse faire n’importe quoi. Ces outrances correspondent bien au personnage, mais c’est parfois un chouia dérangeant. Bette Davis est comme toujours incroyable de justesse, même si comme d’habitude, elle parle bien trop fort. L’actrice a été parmi celles qui, à l’arrivée du parlant, ont donné le ton en donnant à voir au spectateur tout l’attirail des nuances visuelles capables de ponctuer les moments d’écoute et le phrasé des répliques (des “trucs” qu’on devait probablement déjà bien retrouver au théâtre, mais que le cinéma parlant a rendus plus familiers jusqu’à sans doute faire des acteurs arrivant après des imitateurs de ce qu’ils avaient vu à l’écran). Malheureusement, en 1943, ce qui autrefois avait permis une forme de réalisme inédite à l’écran est devenu théâtral. Les acteurs d’une nouvelle génération, issus des cours new-yorkais, commencent à montrer le bout de leur nez. Le film semble ainsi avoir été tourné dix ans plus tôt.

Restent quelques répliques savoureuses.


L’Impossible Amour, Vincent Sherman 1943 Old Acquaintance | Warner Bros.


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L’Incendie du Reichstag — Quand la démocratie brûle (2023)

Note : 3.5 sur 5.

L’Incendie du Reichstag — Quand la démocratie brûle

Année : 2023

Réalisation : Mickaël Gamrasni

Le génie du fascisme : lancer des coups d’État qui échouent, tenter alors d’entrer dans la “bergerie” de la démocratie pour la vaincre avec ses propres armes (méthode cheval de Troie), préparer un complot pour s’emparer enfin des pleins pouvoirs tout en criant aux complots de cibles toutes trouvées, de parfaits boucs émissaires. Vous voulez fomenter un complot ? Rien de plus facile : accusez vos adversaires (ou mieux, une masse informe de gens incapable de se défendre : au choix, les juifs ou les étrangers) de les préparer au détriment du peuple.

Les vrais complots existent : ils sont opérés par des manipulateurs qui voient des complots partout.

Le complot est comme une infection : en avoir peur ne signifie pas qu’il existe ; s’il existe, on ne le sait qu’après, car s’il existe, c’est qu’on est déjà touché et qu’il est déjà trop tard.

Les armes du fascisme : le populisme, l’appel à l’émotion, la suspicion, la désignation de faux coupables pour apparaître comme un sauveur.

Il faudrait si peu de choses pour qu’on y retombe. Tous ces ingrédients sont déjà là.

J’avais noté précédemment les correspondances entre Richard III et l’ascension de Poutine dans ce documentaire. Il faut avouer que Brecht ne s’y était très tôt pas trompé avec son mix entre Richard III, Al Capone et le nazisme : Arturo Ui. Le totalitarisme a assez peu d’imagination au bout du compte. Richard III profite d’un pouvoir fatigué et quasi vacant, complote, et papy Hindenburg vaut bien Eltsine pour se faire piquer la place par un nouveau mâle alpha qui ne s’encombrera pas de diplomatie pour asseoir sa tyrannie. On a même ici un épisode avec un coupable idéal, forcément communiste, étranger, qui se révèle finalement être manipulé et stupide. Je suis presque étonné que Poutine n’ait pas eu besoin de son Lee Harvey Oswald pour déclencher toutes les guerres auxquelles il a pris part au sein des anciennes républiques soviétiques. Comme quoi, le totalitarisme nous surprendra toujours…


L’Incendie du Reichstag — Quand la démocratie brûle, Mickaël Gamrasni 2023 | Cinétévé, ARTE


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La Terre qui flambe, F.W. Murnau (1922)

Le trésor des Rudenburg

Note : 3.5 sur 5.

La Terre qui flambe

Titre original : Der brennende Acker

Année : 1922

Réalisation : F.W. Murnau

Avec : Werner Krauss, Eugen Klöpfer, Vladimir Gajdarov, Stella Arbenina, Lya De Putti

Quatre premiers actes difficiles ; les deux qui clôturent le film sont magnifiques. Quelques soucis au début pour comprendre qui était qui et après quoi (ou qui) ils couraient tous dans leur coin. Le film est très dense, multipliant les ellipses temporelles, et n’étant pas bien physionomiste et ayant parfois des sautes d’attention, j’ai besoin que les introductions où on présente les personnages et les enjeux soient lentement exposées, avec une contextualisation qui infuse bien pour que je m’y retrouve. À ma grande honte, j’ai dû arrêter le visionnage pour comprendre sur Wikipédia de quoi il en retournait. Et pour couronner le tout, non seulement le film expose des thèmes qui m’ont rarement enthousiasmé (la cupidité et la malédiction), mais en plus, quand j’aborde un film, je suis comme un orphelin qui vient y trouver des figures de références, des visages humains à qui s’identifier : j’ai besoin d’adhérer aux valeurs morales des personnages, d’être ébloui par leur force mentale, par leur fantaisie, parfois même par leur science ou leur goût pour le vice. Mais la cupidité, en tout cas telle qu’elle est illustrée dans le film (de manière froide et distante, à l’image de ce qui se fait par ailleurs dans les films de nature plus expressionniste et qui aborde même la nature malfaisante de l’esprit humain — à la frontière, cette fois, avec le cinéma d’horreur), ça ne compte pas vraiment parmi les petits (ou les gros, quand ils sont démesurés) vices qui éveillent mon enthousiasme.

Le basculement pour moi a donc lieu bien tardivement : d’abord, quand la distribution s’est resserrée après la mort opportune de quelques-uns des personnages, ensuite, quand le frère Peter accepte de rendre l’argent à sa belle-sœur. Il se montre totalement désintéressé par l’appât du gain, et c’est donc à ce moment que je me dis : voilà, mon référent, mon doudou. Le film prend alors une teinte plus mélodramatique et cesse les ellipses temporelles qui cassent à chaque fois la tension dramatique (il n’y en a qu’une, mais une petite, comme toutes les autres, entre les deux derniers actes). Chacun des autres personnages gagne alors en humanité : l’une, parce qu’elle comprend qu’elle n’a jamais été aimée ; l’autre, parce qu’il comprend la vacuité tragique de son ambition et retourne sur le droit chemin (on le devine entamer une forme de rédemption pour se faire pardonner, et il s’écarte définitivement ainsi de la noirceur, voire de la malfaisance, de certains personnages de films expressionnistes — Murnau tourne la même année son Nosferatu).

Cette dernière partie du film met aussi un peu plus à l’honneur les extérieurs avec des plans, des prises de vue de Karl Freund d’une grande beauté jouant sur la profondeur et le contraste qu’offre la neige en extérieur, rappelant parfois Le Trésor d’Arne (avec la même notion de trésor, d’ailleurs), alors que jusque-là, encore une fois, le film traînait dans des intérieurs mal fichus. Il y a dans ces décors un petit quelque chose du cinéma expressionniste qui m’ennuie tant (à la moindre voûte un peu basse, à la première poutre de biais, je suffoque, je ventile, je rêve d’espace…), et a contrario, les extérieurs évoquent les sagas scandinaves beaucoup plus à mon goût (avec cette alliance de réalisme, d’aventure et de romance qui trace les contours déjà du futur classicisme).

Techniquement, 1922, on ne peut qu’être épatés. Pourtant, je serais peut-être un peu agacé, parfois, par le recours un peu trop systématique au montage alterné pour fabriquer une intensité artificielle. Dans ce cinquième acte qui ranime mon intérêt, par exemple, Murnau alterne la séquence du frère et de la belle-sœur venant lui vendre le champ maudit avec une autre où le mari se met d’accord avec des promoteurs pour y extraire la mélasse précieuse des entrailles de la Terre. Au bout d’une fois, on a compris le télescopage narratif des deux événements, et ça ne servait à rien de le reproduire : chaque retour à la séquence précédente produit finalement l’effet contraire recherché puisqu’un retour à un lieu précédent sans avancée dramatique, c’est toujours dans l’esprit du spectateur un retour en arrière, et l’effet, au lieu d’accentuer l’intensité, ne forme plus qu’une vague impression de surplace. Murnau (à moins que ce soit les scénaristes Willy Haas et Thea von Harbou) reproduit ce type de montage alterné inutile deux ou trois fois dans son récit, c’est peut-être la mode, mais ça n’apporte rien au film. Il aurait été bien plus logique de ne pas montrer cette première séquence entre le frère Peter et sa belle-sœur et laisser le spectateur découvrir la vente contrariant les plans de Johannes en même temps que lui. C’est le climax du film, la « catastrophe » avant le dénouement, il fallait faire en sorte de jouer sur deux révélations tragiques coup sur coup : la vente du terrain par la femme rendant l’accord avec les promoteurs impossible et la révélation pour elle que son mari ne l’a épousée que pour le profit.

Il faut noter aussi sans doute la force allégorique du film (le genre de symbole qui me laissent d’habitude assez indifférent, mais comme c’est assez flagrant ici, le spectateur-orphelin que je suis lève le doigt tout heureux de sa trouvaille) : une famille qui se déchire à cause d’un champ pétrolifère maudit. Certains avaient l’espoir qu’il les rendra riches ; le champ finira en fumée… C’est littéralement le titre du film. Le destin de l’humanité en somme, avec sa cupidité, et sa précieuse politique de la terre brûlée ou de l’exploitation que l’on croit sans fin des richesses que l’on extorque à la Terre sans rien penser lui devoir… La cupidité, tout dépend de la manière dont on la présente dans un film. En 1922, personne ne pouvait présager de caractère allégorique ou prémonitoire de cette fable… Pas sûr que pour l’humanité, ça se finisse aussi bien que dans le film. Certes, une femme se suicide par désespoir amoureux (c’est la version allemande du happy ende, les joies des variations émotionnelles du mélodrame), mais tout revient finalement dans l’ordre et l’harmonie quand le frère retrouvera sa chambre de grand garçon après une bonne leçon.

(Détail savoureux pioché lors de mon passage sur Wikipédia : le film aurait été longtemps considéré comme perdu avant qu’on retrouve le film entre les mains d’un prêtre qui le projetait à des fous pour les divertir. On n’est pas loin de la situation surréaliste que j’évoquais dans La jeunesse se fout du cinéma.)


La Terre qui flambe, F.W. Murnau 1922 Der brennende Acker | Deulig Film, Goron Film


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Les Indispensables du cinéma 1922

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Colonel Redl, István Szabó (1985)

Less pion

Note : 4 sur 5.

Colonel Redl

Titre original : Oberst Redl

Année : 1985

Réalisation : István Szabó

Avec : Klaus Maria Brandauer, Hans Christian Blech, Armin Mueller-Stahl, Gudrun Landgrebe

Magnifique film sur les préludes à une guerre qui sera la Grande boucherie du XXᵉ siècle, ou comment l’ambition d’un officier aux origines modestes devient chef de la police secrète attaché au service d’un archiduc de triste mémoire et finit par devenir la victime des petits complots guère glorieux qui agitaient l’Europe centrale avant que tout ce petit monde trouve enfin prétexte à se péter sur la gueule.

Si le petit jeu politique n’a pas grand intérêt et vaut surtout pour les allusions historiques qu’on peut déceler ici ou là, on est happé par la justesse de la mise en scène de Szabó, appliqué à rendre l’atmosphère « fin de siècle » des intrigues souvent plus personnelles que politiques. Parce que derrière le sujet historique, l’ambition de Redl, on raconte une histoire privée bien plus intéressante. D’abord, Redl a honte de ses origines, et s’il devient plus royaliste que le roi, plus loyal, c’est surtout parce qu’on le sent obligé de devoir justifier aux yeux de tous sa position. Ensuite, Redl étant homosexuel, il doit donner le change à tout moment pour ne pas éveiller les soupçons et semble toujours tiraillé entre ses propres désirs (son amour jamais avoué semble-t-il pour son ami d’enfance, au contraire de lui, aristocrate, moins vertueux et bien moins loyal à l’Empire) et sa volonté de plaire à sa hiérarchie.

Pour illustrer les troubles permanents de Redl, Klaus Maria Brandauer (doublé, toutefois, les joies des coproductions européennes) est exceptionnel : j’ai rarement vu un acteur avec un visage aussi expressif interpréter un personnage cherchant autant, lui au contraire, à ne rien laisser transparaître. Un jeu tout en nuances, en sous-texte et en apartés, malheureusement trop rare au cinéma, surtout avec les hommes chez qui le premier degré, l’impassibilité, est souvent la règle. Quoi qu’il fasse, Redl semble contrarié par des démons invisibles, tourmenté par son désir de réussir et de plaire, de ne pas se montrer sous son véritable jour. Et tout cela, Klaus Maria Brandauer arrive à l’exprimer sans perdre de son autorité, sans tomber dans la fragilité et l’apitoiement qui rendrait son interprétation désagréable.

On sait que dans Barry Lyndon, Kubrick avait un peu perdu le fil avec son personnage sur la fin en ne parvenant pas à le préserver d’une certaine errance morale (le roman étant à la première personne, William Makepeace Thackeray échappait à cet écueil, et ne pas avoir préservé cet angle est peut-être le seul bémol qu’on pourrait reprocher au film du génie new-yorkais). Rien de cela ici. Un défaut différent cependant empêche le film peut-être d’atteindre les sommets : son rythme est tellement resserré (rendu nécessaire par la longueur déjà conséquente du film), et Redl se trouve finalement tellement seul à la fois dans son ascension et dans sa chute (la seule personne qui partage réellement son intimité, c’est sa maîtresse, mais il ne se dévoile jamais à elle) que le récit manque parfois de relief, de pesanteur bénéfique, de grâce ou encore de grands moments d’opposition nécessaires dans un dénouement. Or, malgré tout, les grands films, me semble-t-il, sont toujours l’affaire de rencontres et de relations : preuve peut-être encore d’une certaine frilosité à l’époque (la libération sexuelle a ses limites). Le film aurait peut-être gagné à insister sur la relation intime entre Redl et son ami de jeunesse, plus que sur celle avec sa maîtresse, ou celle encore moins développée avec sa femme.

Un beau film tout de même sur une ambition contrariée au moment de croiser les frêles fils du destin d’une Europe amenée bientôt à s’agiter dans une grande explosion de violence sans limite…

La photo est magnifique et rappelle beaucoup la lumière cotonneuse, scintillante et orangée de Sindbad.


Colonel Redl, István Szabó 1985 Oberst Redl |Manfred Durniok Filmproduktion, Mokép, Objektív Film, ZDF, ORF


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L’obscurité de Lim

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L’Aveu, Douglas Sirk (1944)

Un homme confesse

Note : 3 sur 5.

L’Aveu

Titre original : Summer Storm

Année : 1944

Réalisation : Douglas Sirk

Avec : Linda Darnell, George Sanders, Anna Lee, Edward Everett Horton, Laurie Lane, Hugo Haas

Je n’avais jamais entendu parler de cet unique roman de Tchekhov. On frise le mélodrame et touche à tous les genres. Le propre, aussi, du mélodrame… Le sujet pourtant est souvent payant : une femme à la beauté tragique. Linda Darnell pourrait être Ayako Wakao, il y a toujours du potentiel à criminaliser ce que tout le monde convoite… Seulement, le film est d’abord construit comme une romance. Une fois que c’est enfin fini, ça repart… Et le tournant criminel à la fin est de trop, alors qu’il aurait dû être au cœur du récit. Reste après ça, dix minutes pour fermer les portes du flashback, forcer une rencontre avec un personnage qu’on avait totalement perdu de vue (et par conséquent avec qui on n’avait pas pu sympathiser), puis achever le travail sur une scène de culpabilité qu’on pourrait presque penser avoir été écrite pour la propagande soviétique (la bassesse de l’ancien juge tsariste pour tenter une dernière fois d’échapper à « l’aveu »). Astuce aux conséquences involontaires et malheureuses de Sirk, le dramaturge russe étant mort en 1904 et ayant placé son histoire au milieu du XIXᵉ siècle…

Et malgré tous ces défauts, les principaux problèmes sont ailleurs. D’abord, George Sanders est souvent parfait en rôle d’appui aux côtés de grandes stars, mais en tant que premier rôle, on voit vite ses limites. Pas forcément non plus aidé par Sirk, il rate complètement la scène cruciale du film où il est censé tomber amoureux du personnage de Linda Darnell. Elle le laisse de marbre, si bien qu’on peine à comprendre l’intérêt qu’il lui porte par la suite. Ce qui aurait plus tendance à faire de son personnage un goujat, délaissant sa fiancée dès qu’elle a le dos tourné pour fricoter avec la belle va-nu-pieds. On ne peut croire en son comportement, le justifier même, jusqu’à un certain point, que si on le sent pris d’une passion dévorante et incontrôlable pour elle. Or, Sanders, comme à son habitude, est imperturbable. Le flegme ne se marie pas avec tout…

Le reste de la distribution comporte pas mal d’acteurs de comédie, on se demande bien pourquoi. Edward Everett Horton est lui aussi un acteur d’appoint très utile dans les bons films, mais là encore, il tient un rôle trop grand pour lui, et le voir multiplier les expressions et les gestuelles qu’on a pris l’habitude de voir dans de véritables comédies, ça lasse vite.

Dernier point qui me pose problème : la mise en scène de Douglas Sirk. J’ai dû écrire ça une fois, la magie du cinéma, c’est d’abord celle des raccords, et des ellipses qui vont avec, quand les personnages passent d’un lieu à un autre, parfois franchissent une porte, se retirent et dans le plan suivant, en moins de deux, pénètrent dans une pièce d’une ville voisine. La magie du cinéma est faite de téléportations, de transferts et de transparences. Sirk maîtrise évidemment tout ça au niveau des décors et des raccords qu’il faut entre décors ou pièces d’un même espace. Mais il y a une autre magie qui vient très vite se superposer à la première : l’arrière-plan. Savoir jouer des ciseaux pour donner du rythme à son film, savoir placer ses acteurs au milieu d’un décor ou d’autres acteurs, choisir le bon cadre et les mettre en mouvement, jouer des raccords et des échelles de plan, etc., tout ça, c’est formidable. Manque toutefois ce petit plus qui pousse l’illusion un peu plus loin : l’impression de ne pas être au théâtre dans un décor figé et des figurants limités ou dans un studio de cinéma où on aurait reconstitué des bosquets, des jardins ou des coins de rue pour avoir à éviter de faire des plans de coupe en extérieur dans des régions exotiques qu’il faudrait en plus transformer pour les faire apparaître comme au début du siècle… Et tout cela, on n’y échappe pas dans L’Aveu.

C’est d’ailleurs, d’après ce que je me souviens, un défaut récurrent chez Douglas Sirk jusque dans ses chefs-d’œuvre. Quand tout le reste va, et que la production met les moyens, ou que le sujet s’y prête sans doute, ça en devient même une qualité. Le côté sclérosé, renfermé, statique, ne fait que renforcer la tragédie qui se joue dans Le Mirage de la vie par exemple. Mais avec une histoire qui est censée se passer à Kharkiv d’après ce que j’ai compris (on parle de « Kharkov », le nom russe de la ville, et il est question ici de l’Empire russe), puis aux alentours, dans la campagne, il faut faire des efforts de contextualisation.

Sirk propose bien deux ou trois plans de coupe en extérieur, mais le mélange avec les décors de bosquet reproduits en studio, le manque d’inventivité, de moyens, pour reconstituer l’âme d’un territoire, il aurait envisagé de tout tourner en studio peut-être que ç’aurait mieux fait l’affaire. Des figurants, un arrière-plan riche, on peut s’en contenter. Mais des bosquets où pas une brise de vent ne souffle, où le ciel même ne semble pas exister, je veux bien que ce soit un peu l’époque qui veut ça, mais on a connu reconstitution plus enthousiasmante. D’où l’intérêt d’avoir une bonne équipe dédiée à l’art design… Il faut se souvenir de ce que fera Richard Brooks sur Les Frères Karamazov : quelques scènes de William Shatner dans des rues boueuses, de la fausse neige, des moufles, et on s’y croit ! On sait que c’est du carton-pâte, mais on est quelque part, on essaie de situer l’environnement où on se trouve, on sent l’atmosphère, et on tâche de garder une cohérente esthétique. De l’Ukraine sous l’Empire russe de Tchekhov, on y voit quoi ? Rien. Qu’il décrive une histoire se déroulant en Allemagne, aux États-Unis ou en Ukraine, Douglas Sirk filme de la même façon et n’en a qu’après ses acteurs. Alors, quand l’acteur principal du film est mauvais…

On ne peut pas non plus se passer de quelques plans de coupe dans lesquels on voit les personnages aller vers un autre lieu ou y entrer. Parce que ça encore, c’est nécessaire à notre imagination, et à la contextualisation de son histoire. On imagine mieux le hors-champ. Et l’arrière-plan, en particulier avec le jeu des fenêtres ouvrant vers l’extérieur, les transports d’un espace à un autre pour créer cet espace hors-champ, c’est primordial dans le cinéma (j’expliquais ça plus en détail dans mon commentaire sur Adelaide de Vlacil).

Bien sûr, on n’attend pas de Sirk qu’il fasse dans le naturalisme. Mais ici, ce qui pêche surtout, c’est la cohérence et le manque d’inventivité. Parce qu’on a du mal à croire en cette histoire. Quand l’acteur principal m’ennuie, j’ai tendance à porter mon regard sur les décors, l’arrière-plan, est-ce que le cinéaste arrive à insuffler une vie hors-champ ?… Elle est là, aussi, l’illusion du cinéma. Le plaisir qu’on y trouve. Certains trouvent follement amusant de filmer des portes ou des fenêtres parce que ce serait une manière de dire quelque chose d’intelligent. On appelle ça “surcadrage”. Formidable motif de cinéma les portes et les fenêtres !… Non, moi, ce qui me passionne dans les portes et les fenêtres…, c’est qu’elles parlent, contextualisent ! Elles ouvrent sur un autre monde, en ouvrant d’abord celles, de portes, de notre imagination ! Et qu’est-ce qu’on vient faire au cinéma sinon voir des mondes s’ouvrir, s’entrouvrir, devant nos yeux ?…

Alors, à l’image de ce que j’avais ressenti pour La Neuvième Symphonie, mon intérêt ne se… porte ici que sur un détail vestimentaire de l’actrice principale… Il ne reste plus que ça. Une chemise ukrainienne, malheureusement en noir et blanc, portée par Linda Darnell. L’occasion pour moi de sortir de la pièce en proposant un hors-champ de décontextualisation, en évoquant ce magnifique clip de Mirami avec une chanson folklorique adaptée aux goûts du jour à l’occasion de la guerre déclenchée par le nouvel empire russe.


 

L’Aveu, Douglas Sirk 1944 Summer Storm | Angelus Pictures, Nero Films


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The Boys (2019)

Le Supe Opera qui crache dans la soupe

Note : 3.5 sur 5.

The Boys

Année : 2019

Création : Eric Kripke

Proposition de départ intéressante : dézinguer les super-héros en se demandant ce qu’ils pourraient devenir s’ils disposaient réellement des pouvoirs dont ils sont supposés avoir. Ils en abuseraient allègrement bien sûr : autoritarisme, violence gratuite et sexuelle, mégalomanie, absence d’empathie pour des êtres inférieurs (ou même pour leurs congénères pouvant apparaître comme des rivaux dans un environnement où la popularité garantit certains privilèges et où tout le monde semble vouloir se tirer dans les pattes), tendance au sadisme et à la violence gratuite, l’impression justifiée ou non par leur statut de super-héros qu’ils sont au-dessus des lois ou considérant que la loi c’est eux, etc. Bref, cela ressemblerait à une jolie forme de dictature, les puissants décidant le plus souvent pour le reste des individus qui leur sont inférieurs, et une dérive déjà pas mal questionnée dans X-Men et compagnie.

La manière dont les agressions sexuelles sont mises sur le tapis, notamment, dès le premier épisode, sent bon l’air du temps, mais ça s’assagit trop par la suite avec une volonté assumée, et en contradiction avec l’idée initiale, d’en sauver certains parmi les protagonistes surpuissants en en faisant les victimes d’un système qui les dépasse. Le trash sexuel quand il apparaît par la suite n’est plus qu’anecdotique, alors que la fellation de bizutage inaugurale avait un poids narratif et donnait le ton à la série (audace et mauvais goût), un ton qu’on ne retrouvera jamais aussi bien justifié par la suite. Difficile d’introduire de nouveaux éléments obscènes et “intimes” une fois que tous les personnages et leurs relations sont installés ; c’est peut-être ça aussi le problème, la difficulté d’avancer en se séparant de ses personnages initiaux : la série se sent comme obligée de continuer à suivre en filigrane les péripéties de A-Train et de l’Homme-poison, alors qu’on aurait avancé par exemple en reproduisant saison après saison ce qui fait le sel de la série : son irrévérence, ses agressions obscènes, certainement pas ses personnages qui, une fois qu’on a compris que les rôles sont inversés, n’ont plus rien d’original. On entrevoit le paradoxe : s’attacher à des personnages sur la durée (des saisons) alors que dans un même temps, on sabote leur importance, leur dignité, leur probité, et la sincérité de leur héroïsme supposé. Les « méchants » (ici, agresseur sexuel et meurtrier), il ne faudrait pas avoir de remords à s’en séparer.

On tombe alors peu à peu dans la routine d’un univers devenu trop sage et dichotomique, en suivant tous les clichés des films de super-héros, en particulier celui, mis en évidence au fil des révélations sur la manière dont l’univers s’est construit, de l’existence d’un complot fomenté par une société secrète (ou privée, Vought) au profit d’un groupe restreint d’individus contre l’intérêt général de la société… Malheureusement, si l’idée de départ était séduisante, le ton finit piteusement par reproduire ce qu’il était censé dénoncer ou ridiculiser au départ, du moins tel qu’il était compris au début de la série. Au fil des épisodes, il ne cesse de s’édulcorer, soit par habitude, soit par incompréhension, soit par paresse : on réalise qu’au contraire d’une véritable satire du genre, la série ne fait qu’inverser les rôles. Les super-héros deviennent les méchants, et leurs victimes, sorte d’agence tout risques multiethnique pour contenter les spectateurs de la planète entière, deviennent les héros sur qui retombe la responsabilité de les éliminer ou de les révéler tels qu’ils sont à leur public. On inverse les rôles, et le discours habituel sur les héros (censés être les bons ou les vrais), lui, perdure. Blanc bonnet et bonnet blanc.

La déception au fil des épisodes est telle, qu’on se demande en réalité si la proposition de départ de moquer et de faire une sorte de satire des films de super-héros ne repose pas uniquement sur cette inversion des valeurs et des rôles : on se retrouve au final avec une série reproduisant à l’identique toutes les habituelles recettes du genre auxquelles on avait sans doute pensé à tort qu’elles ne seront pas employées au profit des héros révélés que sont les Boys sans proposer en réalité autre chose pour assaisonner la série que de l’humour trash pour nous maintenir faussement dans l’idée qu’on était face à une satire des films de super-héros. S’il s’agit bien d’une satire, la série tomberait alors dans le piège le plus commun du genre : reproduire ce qu’on dénonce. Et si cet aspect est peut-être plus assumé ou évident dans la BD originale (que je n’ai pas lue), il a en tout cas été vite aspiré, largement édulcoré, par les nécessités et les habitudes de production hollywoodiennes.

Sont exploités alors toutes les facilités, tous les passages obligés qui contenteront sans peine le spectateur, et tous les clichés de la construction des personnages du héros américain traditionnel depuis que le cinéma du XXᵉ siècle en a largement répandu le modèle à travers la planète :

 — recours récurrent à la vengeance (qu’elle soit celle de super-héros ou de super-normaux, le calque est rigoureusement identique et appliqué à tous les personnages).

 — les failles traumatisantes du passé réanimées par le méchant pour faire souffrir le héros (le « boys » ou le gentil « supe »). Passé, identité ou intentions cachées suggérés par petites touches devront ainsi forcément faire l’objet d’une révélation, d’un dévoilement futur…

 — posture du héros qui se sacrifie pour ses comparses lesquels ne sont évidemment pas d’accord. Si les super-héros sont trashs, les « supes gentils » et les « boys » récupèrent bien tous les clichés des personnages auxquels on voudrait nous forcer à nous identifier. Ainsi, ces héros ont tous des vices, mais ces vices sont censés être leur fardeau : stratagème habituel pour les rendre encore plus sympathiques. En réalité, sont interdits tous les éléments de caractère susceptibles de les rendre antipathiques ou problématiques, tous contours troubles forçant notre intelligence ou notre suspension de jugement dans un exercice prohibé dans le divertissement à l’américaine : le doute, le questionnement. Tout ce qui dépasse est supprimé, exactement comme dans n’importe quel autre show. Où est la logique de faire une série pour critiquer aussi ouvertement les super-héros si c’est pour refourguer tout l’arsenal habituel des thématiques héroïques propres aux divertissements us qu’ils soient héros super ou non ? On remarquera d’ailleurs l’importance de l’interprétation des acteurs pour s’assurer que leur personnage, même écrit sans ces aspérités, sont capables de ne jamais exprimer le moindre sentiment les faisant basculer de l’autre côté de la force (pour un acteur : devenir antipathique). Si on regarde Butcher, par exemple, en plus des nombreux vices qui forgent son personnage, malgré son caractère bougon et souvent autoritaire, malgré toutes les couilles qu’il fait à ses partenaires, l’acteur parvient à le rendre sympathique en ne le faisant jamais basculer vers la haine, le mépris ou tout autre sentiment qui casserait ce lien qu’il a crée avec le public. Si son personnage peut ponctuellement ne pas tenir ses promesses par exemple, l’acteur a bien compris l’enjeu pour son personnage de se sacrifier pour ses « amis » ou pour mener à bien sa vengeance personnelle. Garder le cap n’est pas forcément évident, et on peut remarquer le manque d’audace de la production et / ou de l’acteur à chercher en permanence à préserver le capital sympathie du personnage principal de la série… Pas si trash ou irrévérencieux que ça finalement.

 — le nouveau venu qui dans un camp comme dans l’autre questionne (ou fait mine de le faire) la légitimité du groupe qu’il vient d’intégrer (par la force des choses : Hughie ; ou par vocation : Stella). On remarque d’ailleurs que ce principe ne peut s’appliquer qu’aux premiers épisodes de la première saison, car une fois que la série a établi des personnages récurrents et fabriqué de toutes pièces des vedettes (en reproduisant les systèmes sociaux des élites du monde du divertissement que la série « dénonce »), plus question soit de les supprimer (ou au compte-gouttes : un dilemme de distribution, une saison sur l’autre, similaire à celui auquel est confronté n’importe quel soap opera) soit d’en introduire d’autres. Bref, le ronron habituel des séries qui ne savent pas se réinventer ou assumer les pistes pleines d’audace et de promesses entraperçues dès les premières minutes du show.

 — rapport conflictuel à l’autorité et à la force. Est-ce que la puissance est légitime si on pense qu’elle est juste ? mais juste par rapport à qui… ? Dilemme déjà posé dans les récits de super-héros depuis belle lurette, illustré par la fameuse maxime de Spiderman : « de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités », et qui est réemployé dans la série exactement à la même sauce, pas la moindre tentative de proposer le sujet (à défaut de pouvoir en aborder d’autres) sous un angle nouveau.

 — la cupidité. En dehors des profits de la société Vought, une caractéristique essentiellement présente chez les “supes” à travers le thème de la popularité avec l’ambition permanente chez eux d’atteindre les sommets de ce qui est considéré comme le gratin social : les 7. Un vice auquel on oppose la vertu des « boys » : eux ne sont animés que par des ambitions soit perçues comme vertueuses, soit sources de dilemmes internes, comme la vengeance. Même le plus puissant des 7, Homelander, n’agit pas en suivant une idéologie, mais par simple nécessité de légitimer son existence ou d’être tout bonnement aimé, ce qui, dans la logique de son personnage constitue une marque de cupidité (ce sujet sera creusé au fil des saisons en se rapprochant là encore des archétypes du genre : solitude liée à son enfance, méchant capricieux et imprévisible, avec peut-être le seul écart par rapport à ses prédécesseurs en le rapprochant plus d’un Donald Trump que d’un méchant psychopathe calculateur ; ce que Homelander peut pourtant être aussi quand il est à l’origine des « super terroristes », signe que le télescopage entre l’époque où a été écrit la BD et les références contemporaines à un leader surtout caractérisé par son idiotie n’est pas non plus cohérent quand on pense la série dans sa globalité).

La série, malgré ce recours systématique à des recettes qu’on a cru dans un premier temps être dénoncées ou moquées, reste agréable à regarder, mais malheureusement encore, il semblerait que la forme peine très vite à intégrer les promesses des critiques du genre (celle-ci, je le pense, bien réelles) faites dans le scénario à ses débuts ou dans la BD, jusqu’aux saisons suivantes qui perdent de plus en plus de vue ces audaces initiales : un peu comme si, à l’image de For All Mankind, la réalisation et la production ne suivaient pas et utilisaient au premier degré toutes les recettes et mise à distance critique des idées soulevées dans la matière originelle de la série.

En plus d’adopter, à l’insu de son plein gré sans doute, tous les sujets caractéristiques du genre, la série est ainsi structurée pareillement dans sa mise en forme comme n’importe quelle série de super-héros ou même comme une vulgaire série us en en reprenant exactement tous les codes :

 — cliffhanger et climax obligatoires pour chaque fin d’épisode et de saison.

 — effets sonores et musiques d’ambiance qui n’ont pas changé depuis au moins vingt ans et qui interviennent aux mêmes moments cruciaux pour souligner la tension, l’émotion ou ponctuer l’action de l’épisode.

 — recours permanent et même systématique à la fibre sensible. C’est même le propre des divertissements hollywoodiens : chaque pause en parallèle de l’intrigue principale sert à développer les relations passionnelles entre les personnages, et ainsi attirer l’empathie du spectateur. Jamais rien de plus profond, de thématiques non émotionnelles/relationnelles, et surtout les méthodes pour y parvenir sont formatées dans ce moule que pourtant la série semblait vouloir éviter dans ses premiers épisodes. Même pour ce qui est de l’atout principal de la série, l’humour trash, sexuel et sanglant, cela se normalise, car cela touche de plus en plus rarement les personnages principaux et leur évocation est purement cosmétique et décoratif : ils ne sont plus essentiels dans la trame dramatique élaborée pour la saison — ce qui n’était pas le cas dans la première quand le viol initial de Stella constituait un élément essentiel du récit ou quand le traumatisme de son futur amoureux face à la mort brutale et soudaine de son ex pesait encore sur la saison. On enlève le passage obligé du vocabulaire et des petites séquences trash, et on a là le calque parfait d’un film de super-héros dont le principal superpouvoir semble surtout être celui d’être super sympathique, même, et souvent grâce, à ses travers. Il serait certes idiot et peu crédible de reproduire certains traumatismes initiaux afin de pouvoir déclencher des nouvelles boucles narratives dans lesquelles les personnages principaux seraient réellement impliqués, mais cette impossibilité de trop toucher à ces personnages rend d’autant plus inutile et futile la nécessité de multiplier les saisons. Dans le serial, on accepte la possibilité de « nouvelles aventures » par le biais de nouvelles missions ou par l’intervention de nouveaux méchants, mais dans une série qui repose essentiellement sur l’inversion des valeurs et le trash, le contrat peut difficilement être le même.

 — fibre sensible toujours, avec des amourettes obligatoires pour tous les personnages récurrents avec conflit sur les mensonges des uns et des autres pour créer une tension interne sans forcément de rapports ou de conséquences sur la trame principale (avec là encore les mêmes recettes émotionnelles employées sans fin). Écris une histoire ambitieuse, critique de la société, du divertissement, et cette société à qui tu vendras l’adaptation de ces idées pleines d’audace travestira vite ça en « Supe Opera ».

 — conflits toujours et oppositions à l’intérieur du groupe et de la famille qui n’ont pas changé depuis au moins… Alien. On a le même souci dans l’univers Star Wars où à force de vouloir reproduire les mêmes schémas pour chaque relation, on fait vite le tour parmi les personnages principaux, et on en vient à porter son attention jusqu’au moindre personnage d’arrière-plan qui paraissait mystérieux jusque-là justement parce qu’on s’était bien gardé de trouver un sens à sa vie, à lui créer des attaches, une histoire, des sentiments. C’est l’effet Boba Fett : après la tentative de Lucas de faire du chasseur de prime le modèle pour ses clones, Disney se sert à nouveau de son image hiératique, quasiment mutique, pour créer les Mandalorians (et pas qu’une fois d’après ce que je peux voir). À chaque fois avec le même résultat : une coquille vide. On ne sera donc pas étonné si un jour Amazon Prime propose une série à part entière sur Black Noir dont la principale réussite serait de casser et de démystifier (en mal) l’aura que peut encore avoir son personnage après quelques épisodes. Le type est à la fois cool et ridicule justement parce qu’il est impassible et impénétrable ; dès qu’on tente de l’incorporer dans la soupe habituelle du show en en développant l’histoire, il fend l’armure, et son personnage finit d’être drôle ou intriguant (c’est ce qui se passe dans la troisième saison). Etc.

Dans les grandes lignes, reproduire ces recettes, ce serait peut-être pas tant que ça un problème, toutes les séries y ont recours. Mais en réalité, chaque détail et seconde de la série répond au grand cahier des charges du divertissement hollywoodien, et plus particulièrement à celui des films de super-héros. Un comble. Et une déception. Parce qu’au vu des premiers épisodes, on n’en attendait autre chose… Le paradoxe vit mal, et on l’accepte de moins en moins, épisode après épisode. On peut ainsi noter par exemple le symbole et le cynisme presque de voir la série distribuée sur la plateforme de l’une des sociétés internationales les plus en pointe en matière de casse sociale et environnementale… Un modèle typique de multinationales pourtant brandit souvent dans les films de super-héros comme un épouvantail (on retrouve le même paradoxe qui avait fait l’objet d’une ou deux séquences dans le dernier Matrix). Le capitalisme est prêt à avaler n’importe quoi, surtout le plus politiquement incorrect, le plus contestataire, violent, immoral ou indécent pour s’en approprier les caractéristiques ou mérites, y extraire les quelques spécificités afin de séduire son public, avant de le remâcher à sa manière, le répliquer comme on réplique une rente, un dividende, et lui ôter jusqu’à l’absurde ou jusqu’au paradoxe tout ce qui en faisait l’essence. Dénoncez les principes de la société à laquelle vous appartenez, celle-ci arrivera toujours à s’approprier votre critique. Black Hole Noir… Les gros finissent par tout manger, même ceux censés faire leur critique.

Paradoxalement, là où la série réussit peut-être un joli tour de force (du moins dans sa première saison et colle ainsi tout à fait encore à For All Mankind), c’est de voir que pour répondre au politiquement correct général de notre époque, non seulement les femmes se font rarement malmener par les hommes (elles ne se font plus faire, en dehors de l’agression dont est victime Stella lors de son bizutage des 7 : son agresseur se fera lui-même régulièrement tancer, notamment par une femme venant lui fouiller les branchies ; le Frenchie, lui, a une petite amie plutôt du genre tatillonne, et des relations « professionnelles » avec une Russe ne sont pas non plus à son avantage), mais aussi presque la quasi-totalité des postes à responsabilité qui aurait pu tout autant être occupés par des hommes le sont par des femmes : la directrice du FBI, celle qui gère les super-héros et en enfant en bas âge, celle qui avait initié en premier la lutte contre la firme Vought et qui avait constitué ce groupe de bras cassés inspiré de l’Agence tout risque, la politicienne exploseuse de tête, etc. Malheureusement, nombre de ces femmes se feront plus ou moins vite zigouiller (parfois même remplacer par des hommes). Reste que le plus réussi sans doute est que leur autorité n’est pas discutée (tout juste cela fait l’objet d’un léger complexe chez les hommes habitués à se poster comme des protecteurs avec les femmes, ici, plus coriaces qu’eux). Au même poste, elles se révèlent avoir ni plus ni moins les mêmes comportements (vices et autorité) que les hommes.

Ironique de voir que là où la série marche aussi le mieux, c’est précisément dans le politiquement correct…

L’inclusivité marche moins bien, en revanche, avec Frenchie et Kimiko : l’un est essentialisé (par son surnom d’une part, puis par ses talents culinaires, quelle originalité pour un Français ; on remarquera d’ailleurs qu’il est peu probable que l’acteur soit francophone : à en croire ses interventions peu naturelles et sa prononciation par exemple de « mon cœur » assez pénible), l’autre est muette (cliché de l’Asiatique avec qui la communication est impossible, présent dans Lost si je me rappelle, avant que le même personnage retrouve la parole, un peu comme l’indigène dans L’Oiseau de paradis qui apprend peu à peu la langue civilisée des Américains, et un cliché qu’on retrouve encore dans les westerns avec des Indiens). Les deux autres personnages principaux du groupe s’en tirent mieux : le Britannique dans un personnage calqué sur Wolverine, et le Noir robuste mais minutieux et réfléchi. (L’ingénu étant laissé pour une fois à l’Américain : même si on peut considérer que le John Doe, l’Américain moyen, est en soi un archétype assez peu marqué pour son originalité, il y a une logique à l’opposer à l’archétype trumpesque de Superman et à l’inclure dans une série sur les super-héros.)

Après toutes ces promesses non tenues, on en viendrait presque à se demander s’il n’aurait pas mieux valu se contenter de suivre les premiers épisodes en se gardant bien de tomber dans le piège du spectateur devenu attaché aux personnages et soucieux, comme dans n’importe quelle série, du devenir de ses héros… Est-ce que finalement le courage et le sens du sacrifice tant glorifiés dans la série, ce ne serait pas d’arrêter de s’infliger ces conneries quand elles ne font que se répéter ? Allez, j’arrête ? Demain, je mets le costume au placard…

The Boys 2019 | Amazon Studios, Kickstart Entertainment, Kripke Enterprises


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La Chute d’un caïd, Budd Boetticher (1960)

Note : 4 sur 5.

La Chute d’un caïd

Titre original : The Rise and Fall of Legs Diamond

Année : 1960

Réalisation : Budd Boetticher

Avec : Ray Danton, Karen Steele, Elaine Stewart, Simon Oakland, Robert Lowery, Warren Oates, Jesse White, Joseph Ruskin

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Remarquable film noir tardif pendant une majeure partie du film, et un dernier cinquième épouvantable. Dans le Rise and Fall, c’est le Rise qui est brillant, avec les qualités habituelles des films de Bud Boetticher (violence flirtant toujours avec le second degré, et violence précédée toujours de batailles de repartie), et c’est le Fall qui se vautre.

Avant que le film se rétame en même temps que son héros, on peut apprécier comme d’habitude la qualité du choix des acteurs et de leur direction chez Boetticher. Ray Danton est une découverte étonnante dans le rôle principal : une certaine beauté latine, l’œil qui frise l’insolence qui va avec, l’intelligence, la stature olympique, une voix suave… à se demander pourquoi un tel acteur n’a pas plus souvent été employé dans des premiers rôles… Il est accompagné par un spécialiste des rôles secondaires de composition, et habitué des plateaux de Sam Peckinpah : Warren Oates. Autre acolyte de contrepoint, féminin cette fois : Karen Steele, habituée, elle, des westerns de Bud Boetticher, et employée ici, peut-être pas à contre-emploi, mais dans un rôle comique d’écervelée amoureuse et lucide, avant de sombrer en même temps que le film dans l’alcool et l’à-peu-près. Autour de ce trio, une suite affolante de personnages de fortes têtes (et de gueules qui ne s’oublient pas) : Robert Lowery, en patron de la pègre locale ; Simon Oakland en détective désabusé ; Joseph Ruskin et ses joues creusées par l’acné dans le rôle de l’impassible et violent garde du corps ; Jesse White en mangeur de choucroute…

Que du beau monde pour articuler de la meilleure des manières des répliques qui fusent comme des balles perdues. En 1960, on est sans doute à bout du code Hays, mais on ne le sait pas encore. Les films noirs se font rares, et on pourrait plus imaginer le film comme un retour ou une évocation des prénoirs des années 30 qui avaient brièvement mis à l’honneur les gangsters de ces Roaring Twenties. Si les films noirs aiment les flashbacks (ce qui n’est pas le cas ici), on n’en vient généralement qu’à évoquer, de manière presque journalistique, des faits récents. Ici, à sept ans de Bonnie and Clyde, c’est toute une époque qu’on honore dans les faux décors de ville reconstituée de la Warner : l’époque de la prohibition et de l’avant Grande Dépression. Difficile d’imaginer malgré tout comment un tel film en 1960 ait pu encore se faire, sans doute que le ton désinvolte et son humour y est pour quelque chose, peut-être encore que cette fin désastreuse était une contrepartie nécessaire pour ne pas laisser penser qu’un criminel pouvait s’en sortir autrement…

Le scénario de Joseph Landon avance à un rythme fou pendant près d’une heure, faisant de chaque séquence une nouvelle aventure pleine de charme et de fantaisie, un nouveau fait d’armes et une nouvelle marche franchie vers le succès de Legs Diamond. Si le personnage est ambitieux, on remarque surtout son audace, voire son insolence et son humour. À l’image des films bien plus tard des films de Quentin Tarantino (ces deux-là ont l’amour des petits truands en costard et des mitrailleurs de repartie), tout ne semble être qu’un jeu pour Legs Diamond : les morts s’enchaînent sur l’asphalte, mais rien ne semble jamais dramatique ni même bien réel. Une fantaisie. Ni remords, ni excuses, ni psychologie, ni haine, ni peur. Comme bientôt chez Leone et bien plus tard donc chez Tarantino, c’est à ce prix que le spectateur peut entrer en empathie avec ce type de personnages. On accepte qu’ils soient des criminels, on les voit tuer et se faire tirer dessus, et si Legs se croient être invincible, on le pense aussi, parce que bien qu’inspiré d’un gangster bien réel, on sait que sa représentation ici n’est rien d’autre qu’une fantaisie. Est-ce que ce ne serait pas cela justement le cinéma moderne ?… Jouer du fait que le spectateur n’est jamais dupe et prendre le contrepoint complet de la nouvelle mode à Hollywood chez les acteurs, héritée des intellos de la côte est : la psychologie et l’investissement personnel dans la construction du personnage. On ne construit plus rien : on s’amuse.

Là où le film bascule, c’est justement quand le jeu prend fin et que tout d’un coup tout semble prendre un ton plus dramatique : arrivé au sommet, à peine après avoir délogé les propriétaires d’un cabaret servant de couverture, en quelques secondes le film tombe dans le n’importe quoi. D’abord, contre toute vraisemblance, Legs refuse de venir en aide à son frère (là encore, je ne peux pas croire que ce soit autre chose que la censure qui ait imposé un tel revirement de caractère), puis sa femme devient alcoolique, le couple part ensuite en Europe et passe son temps dans les salles de cinéma, prétexte à y montrer les mêmes séquences d’actualité illustrant la fin de la prohibition et l’arrivée d’une nouvelle forme de pègre plus « syndiquée » et internationale à laquelle Legs sera bientôt exclu. Tout cela est bien trop vite expédié, et s’il avait fallu une fin brutale pour le caïd, il aurait été mieux avisé de le tuer à son sommet sans nous imposer un quart d’heure de chute laborieuse. Si le parcours de Legs n’est pas sans rappeler celui de Tony Montana, je n’ai pas souvenir que Brian De Palma se vautrait autant en mettant en scène les excès responsables pour beaucoup de sa chute à venir. Réussir un tel tournant dramaturgique dans un scénario traitant de l’ascension (qu’elle soit criminelle ou non d’ailleurs), c’est probablement un art difficile, mais ni Landon ni Boetticher ne semblent y avoir mis beaucoup de cœur pour traiter ce dernier aspect du personnage… Et allez expliquer au spectateur qui s’est amusé depuis une heure des répliques et de l’audace du personnage principal, qu’il est temps de lui régler son compte en prenant soin d’abord d’éliminer toute sympathie qu’on pouvait éprouver pour lui…

On va fermer les yeux sur cette fin dispensable ; il ne faudrait pas que ces dernières minutes ratées nous obligent à bouder notre plaisir. Un peu de fantaisie dans le monde des brutes, et viva le cinéma.


La Chute d’un caïd, Budd Boetticher 1960 The Rise and Fall of Legs Diamond | United States Pictures


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