L’Humanité, Bruno Dumont (1999)

L’homme, ce monstre

Note : 4.5 sur 5.

L’Humanité

Année : 1999

Réalisation : Bruno Dumont

— TOP FILMS

Dumont, c’est un dieu qui regarde les hommes crier au ciel que s’ils croient encore à quelque chose ce n’est pas en lui, mais en autre chose. Dumont c’est du mysticisme sans dieu. C’est le contre-pied dans la rate qui te retourne l’anus et la langue quand t’a l’impression de plus rien ressentir. Parce que le Dumont, il croit plus qu’en ça on dirait, en l’humanité ; et c’est sans doute là bien le principal pour un artiste, un auteur. Il faut certes être un peu mystique pour croire encore à cette chose aussi dégueulasse et dégénérée, mais si on ne peut plus croire en l’homme, en son humanité (et par conséquent en sa monstruosité), on ne croit plus en rien.

Il y a de l’humanité dans les monstres, et de la monstruosité chez les anges. Refus de ce qui est entendu, simple, parfait, acquis. Bruno Dumont dessine entre les lignes, s’insère en dehors des facilités et des vraisemblances. Ça encore, c’est le rôle de l’artiste. S’il y a du mystère dans l’art, elle s’exprime à travers interrogations sans réponses toutes faites. Qu’est-ce que l’humanité sinon l’art d’intégrer autant de complexité dans ce qui paraît toujours aussi simple… Le génie est là, dévoiler le monde avec ses incohérences, ses incompréhensions, ses zones d’ombre, laisser comprendre que tout s’éclaire enfin, montrer ce qu’on imaginerait peut-être un instant être la lumière, la résolution, la solution, et finir menotté à nouveau à l’inexplicable. Tarkovski disait quelque chose comme « l’art, c’est ce qui est infini, ne s’achève jamais et ne se laisse pas saisir dans sa totalité », eh ben Dumont réussit parfaitement ce pari.

L’Humanité, Bruno Dumont (1999) | 3B Productions, Arte France Cinéma, C.R.R.A.V

Il a aussi un putain de savoir pour diriger des acteurs amateurs (moins bon quand il faut mettre en scène Binoche par exemple[1]). Comment qu’te fais Bruno pour mettre en condition tes acteurs ?

Étonnant de voir à quel point P’tit Quinquin est la version grotesque d’une histoire assez similaire. Un criminel qui rôde, et puis on se rend compte qu’on rôde nous-mêmes avec les autres… Tout le monde rôde. Sorte de Twin Peaks à la française. L’étrangeté du réel mise en évidence par des crimes sordides et bizarres. L’homme, ce monstre.


[1] Camille Claudel 1915


Sur La Saveur des goûts amers :

— TOP FILMS

Top Films français

Liens externes :