L’Attaque de la malle-poste, Henry Hathaway (1951)

Les Enfermés dehors

L’Attaque de la malle-poste

Rawhide

Note : 4.5 sur 5.

Titre original : Rawhide

Année : 1951

Réalisation : Henry Hathaway

Avec : Tyrone Power, Susan Hayward, Hugh Marlowe, Jack Elam

— TOP FILMS

Petit western méconnu d’Hathaway, c’est sans doute pourtant un des meilleurs du genre. Pas seulement un western, mais surtout un huis clos (ou quasi, et considéré souvent comme un western noir), un film d’une grande intensité dans la veine des films de prises d’otages (Les Visiteurs, d’Elia Kazan, La Maison des otages, de William Wyler, Un après-midi de chien, de Lumet, Funny Games, de Haneke…).

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Mon spoiler… Tyrone Power aide son ami à tenir un relais de diligence en plein milieu de nulle part (entre San Francisco et Saint-Louis). On apprend rapidement qu’une bande de voyous rôde dans les parages, on demande alors à la diligence, qui s’apprêtait à repartir, de rester. Susan Hayward n’est pas d’accord, mais on ne lui laisse pas le choix : elle devra passer la nuit au relais avec son enfant. Enfin, son enfant…, on apprendra plus tard qu’il s’agit en fait du fils de sa sœur (laissant peser le doute sur sa condition quand elle demande qu’on l’appelle Mademoiselle et non Madame…). Un homme seul arrive alors au relais et dit être le shérif Miles. Il se révèle en fait être le chef de la bande qui sévit dans les parages : l’ami de Power est tué et Power gardé en otage, car les bandits veulent s’en prendre le lendemain à une diligence pleine d’or, et Power est le seul en sonnant du clairon à leur donner le signal comme quoi tout va bien… Tevis, une des crapules de la bande, le plus fou, le plus sadique (Jack Elam qu’on retrouvera quelques années plus tard dans Il était une fois dans l’Ouest : l’un des hommes de la bande d’Henry Fonda) s’amuse avec des vêtements féminins. Zimmerman, le véritable nom de celui qui s’était fait passer pour le shérif Miles, plus intelligent, plus éduqué (dans la tradition des chefs de bande) comprend que ça signifie (il est fort !) qu’il y a une femme, et que… par déduction, elle ne peut être que celle de Power. Ah, ah !… La Hayward revient donc au relais après avoir fait trempette dans un bain. La bande les enferme tous deux dans la chambre les croyant mariés, en attendant la diligence le lendemain. Power demande à Hayward de ne pas nier ce malentendu sinon il lui assure qu’ils la tueront. Durant la nuit, Power entame le mur avec un couteau qu’il a réussi à piquer en cuisine, il essaye également de faire passer un message écrit à une autre diligence qui passera au relais mais qui n’intéresse pas la bande, mais ce sera sans succès. Le lendemain, le mur laisse apparaître un trou conséquent mais pas suffisant pour laisser passer un adulte et ils n’ont plus rien pour entamer le mur. Quand la diligence arrive enfin, tout le monde se met en place pour leur faire croire que tout est normal, Hayward suit la scène depuis la chambre, et c’est ce moment que choisit le bébé pour passer à travers le mur ! Agacé par les cris hystériques d’Hayward, Tevis ouvre la porte de la chambre, Zimmerman arrive pour l’engueuler, mais Tevis le tue et devient du même coup le chef de la bande… Au loin, les hommes de la diligence ont cru entendre des échanges de coups de feu et décident de s’approcher l’arme au poing. S’ensuit un gun fight particulièrement violent et sadique : Power et Tevis se canardant l’un et l’autre à couvert, l’issue semble délicate, mais le bébé arrive entre les deux. Tevis avait là l’occasion de faire rendre les armes à Power… en tirant sur le bébé ! Mais Hayward l’achève. Tout est bien qui finit bien.

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Le film est assez remarquable à plusieurs niveaux. D’abord son aspect assez fortement naturaliste. Le huis clos rend impossible le côté épique qu’on voit dans la plupart des westerns. C’est un anti-western en ce sens, comme peut l’être La Cible humaine où l’action se concentre sur deux ou trois lieux dans une même ville et où l’action principale est… l’attente (un peu également comme dans Rio Bravo ou dans 3h10 pour Yuma si je me rappelle bien). Cet effet est accentué par la mise en scène : l’emploi d’une grande profondeur de champ (pourtant dans des espaces clos) permet d’utiliser comme dans Citizen Kane ou comme chez Leone plusieurs « plans » dans le cadre. On a surtout ce plan qui tape à la figure de la présentation de la gueule sadique de Tavis : son visage en gros plan (avec son strabisme, ça fait peur) et un arrière-plan parfaitement net. Le noir et blanc permet avec ses jeux de contrastes d’apporter un côté réaliste que ne possédait pas le Technicolor à l’époque. L’image est à la fois plus réaliste et plus brute. On pense à plusieurs cinéastes pour certaines séquences : Le Trou, de Becker, quand ils creusent le mur (on peut en trouver dix milles des films de ce genre, c’est vrai), Hitchcock, quand il suggère plusieurs scènes à l’avance que le bébé se faufilera sous le mur (l’ironie aussi de la situation), ou encore Haneke, et sa violence sadique, le minimalisme.

Un grand film.

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L’Attaque de la malle-poste, Henry Hathaway (1951) Rawhide | Twentieth Century Fox

Victime du destin, Raoul Walsh (1953)

La Cible humaine 2, ou l’art du renoncement

Victime du destin

The Lawless Breed

Note : 3.5 sur 5.

Titre original : The Lawless Breed

Année : 1953

Réalisation : Raoul Walsh

Avec : Rock Hudson, Julie Adams, Mary Castle

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Film sympathique à la morale inattendue. Une sorte de western basé sur la vie (et l’autobiographie) d’une des plus fines gâchettes du Texas qui passa seize ans de sa vie dans un pénitencier.

Le film se révélera être un film militant contre le port d’armes. Voilà qui est assez inattendu pour un western, genre dans lequel on cause rarement de cet aspect des choses, surtout quand il s’agit d’un homme qui a souvent usé de son « droit » de se défendre.

Wes est le fils d’un homme pieux et dur, mais il ne partage pas ses idées religieuses. Il ne partage finalement qu’une seule chose avec lui : l’amour de sa sœur, recueillie dès son enfance par son père alors qu’elle était orpheline. Wes compte bien se marier avec elle, un jour, fonder une bonne petite famille avec un ranch, tout ce dont rêve un Texan. Mais pas avant d’avoir gagné suffisamment d’argent. Battu par son père qui n’apprécie pas son penchant pour les jeux d’argent et le goût des armes, Wes s’enfuit. Il gagne souvent à la table de jeu mais cela lui vaut pas mal d’inimitié. Et dans l’Ouest, quand on n’apprécie pas, ça se termine souvent par un duel. Là, la règle est simple, c’est celui qui dégaine le premier qui a tort ; si on dégaine en second, on est en légitime défense. D’où l’utilité d’être rapide et précis. Ce sera le tort de Wes pendant tout le film. Il finit par se faire une réputation de fin tireur et se met à dos une fratrie après avoir liquidé l’un d’eux. Ils y passeront tous. Chaque fois, Wes dégaine en second. Seulement, cela commence à lui attirer de plus en plus de soucis, notamment la flicaille corrompue pour qui les circonstances semblent un peu trop souvent favorables au garçon. Wes, s’estimant dans son bon droit, refuse de se rendre à la police. Il se laisse enfin convaincre quand il est question de son mariage avec sa belle. Il se sert de l’argent qu’il a gagné aux jeux pour payer les « frais » de justice, et il demande que son procès soit remis à un peu plus tard, le temps qu’il choisisse une robe de mariée pour sa sœur et qu’il l’épouse. Un shérif d’une autre ville ne l’entend pas de cette oreille, et lui ordonne de se rendre sur-le-champ. Wes refuse et le shérif lui tire dans le dos. Wes n’est que blessé, il se retourne et alors qu’on le croyait désarmé, sort une arme de son veston et tire sur le shérif. Il se réfugie chez son père, mais là aussi, on commence à trouver douteuse cette manière qu’il a toujours de s’en tirer. Même sa rouquine de sœur se demande s’il n’est pas juste un assassin. Pas le temps de s’expliquer : une milice vient le chercher jusque chez son père, il n’a pas levé son arme que la milice tire déjà sur la maison… Wes parvient à s’enfuir, mais sa rouquine de sœur est tuée. Dans le dos.

Dès lors, commence une course-poursuite, puis un jeu de cache-cache qui durera plusieurs années, durant lesquelles il se pacse avec la fille de saloon qui l’avait, elle, toujours soutenu et aimé (magnifique Julie Adams). Finalement, il accepte son amour, lui demande sa main et lui fait un gosse (on est rapide ou l’on ne l’est pas). Mais toute la région est sur sa trace et attend un signe de sa part qui trahira sa présence. C’est chose faite quand il enverra une lettre à son père pour lui signifier la naissance de son fils (« On ne me l’a pas fait dans le dos, p’pa. »). Plusieurs rangers lui tendent un piège, et il est finalement arrêté, puis jugé. Faute de témoin pour l’accabler le jour du procès pour le meurtre du shérif qu’il a tué, il n’écope finalement que de vingt ans de pénitencier.

Il en ressort une quinzaine d’années plus tard, part directement déposer un manuscrit au premier éditeur venu : l’histoire de sa vie. C’était ainsi que commençait le film. On retrouve l’éditeur à la fin de sa lecture. Les yeux encore mouillés d’émotion, on entend sa femme lui prier de venir prendre son goûter, lui demande ce qu’il a lu, comment l’histoire se finit. Et l’éditeur de dire : « Je ne sais pas, parce que l’histoire n’est pas encore achevée. »

Et en effet, le véritable intérêt du film tient dans cet épilogue.

Wes rejoint sa femme dans le ranch où il l’avait laissée quinze ans plus tôt. Il découvre son fils de seize ans pour la première fois. C’est presque un homme désormais. Et Wes pète les plombs, comme son père autrefois, quand il voit que son fils a repris le relais en portant fièrement son arme à la ceinture (ah, les familles monoparentales…). Wes, lui, a changé, il semble avoir compris que même s’il était toujours dans son bon droit durant ses duels, il était coupable par le simple fait de porter une arme, même si la loi lui autorisait… Quels que soient les hommes, les conflits et les querelles sont légion. Mais toutes ne se régleraient pas en duel si les armes n’étaient pas aussi répandues, si on ne possédait pas une arme aussi radicale à la ceinture…

Wes retrouve son fils dans un saloon où un inconnu reconnaissant le fils du fameux Wes lui cherche des noises (un peu comme on en cherche à Gregory Peck dans la Cible humaine), le gamin est tout près de dégainer son arme, mais son père arrive à temps pour l’y en empêcher. Toutefois, en partant, Wes est blessé alors que l’homme qui lui a tiré dessus (toujours de dos) le menaçait. Pour se justifier, l’homme regarde autour de lui pour trouver des alliances, en disant qu’il l’avait vu tirer son arme… Il est maîtrisé par les hommes présents. Wes n’est que blessé. Il fait promettre à son fils de ne plus porter d’arme.

Naïf, mais c’est pour la bonne cause.


Victime du destin, Raoul Walsh 1953 The Lawless Breed  | Universal International Pictures


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Dark command, Raoul Walsh (1940)

Le Spoiler noir

L’Escadron noir

L'Escadron noir

Note : 4 sur 5.

Titre original : Dark command

Année : 1940

Réalisation : Raoul Walsh

Avec : Claire Trevor, Walter Pidgeon, John Wayne

(Pas une critique, mais des notes sur l’intrigue, donc gros spoiler.)

John Wayne est Bob Seton, véritable « cow-boy » du Texas, rustre, bagarreur mais inflexible et incorruptible. Bref, l’archétype du héros us moderne. Il arrive dans une ville du Kansas, Lawrence.

Deux choses à savoir ici pour nous qui n’avons pas étudié l’histoire des États-Unis : le Kansas semble avoir été un État clé dans la guerre de Sécession, tiraillé par les deux camps. Et Lawrence est une ville où se sont déroulés des massacres perpétrés par une bande de pilleurs se réclamant d’abord des Confédérés (Sudistes) profitant du chaos de la guerre, appelée Quantrill’s raiders. Pour le spectateur américain, dès qu’il entend ce nom de Lawrence au Kansas, ça doit lui évoquer quelque chose et se douter qu’on est avant les massacres. Ce serait un peu comme faire un film sur Pompéi : le calme avant la tempête. Le titre du film fait donc directement référence à cette guérilla.

Après l’incertitude d’un vote qui doit rallier le Kansas à la réforme qu’implique l’élection de Lincoln, la ville de Lawrence doit voter pour élire un nouveau marshal. Bob Seton (John Wayne donc) se laisse convaincre de se lancer dans la campagne pour gagner les faveurs de la petite-bourgeoise du coin qu’il a essayé de séduire sans réussite. Mais celle-ci n’a d’yeux que pour l’instituteur de la ville qui se présente lui aussi à élection. Son nom évoque tout de suite le chef de la guérilla qui mettra quelque temps après le feu à la ville : Cantrell (Quantrill dans les livres d’histoire). Il se croit presque assuré de gagner l’élection face à un cow-boy sans éloquence et inconnu dans le coin. Cantrell surtout en a assez de voir malgré, sa « grande intelligence », n’être qu’un instituteur (Walter Pidgon est excellent dans le film au passage). Ce poste devrait lui apporter le respect et la reconnaissance qui lui est dus. Dans le langage du western, un personnage avec autant d’ambition et autant de culture, c’est de la graine de salaud.

Pourtant, face au grand orateur qu’est Cantrell, c’est Seton qui va l’emporter. En mettant l’accent sur son honnêteté. Cantrell l’a mauvaise et l’érudit se fait bandit en se lançant dans la contrebande. Seton prend ses fonctions et la belle Mary McCloud qu’il courtisait au début, se rapproche de lui. Intéressée plus par sa situation que par son charme…

C’est alors que son frère Fletch (qui avait aidé Seton dans son entreprise de « séduction » envers sa sœur), après une altercation dans un commerce, tue l’homme avec qui il se chamaillait.

Ici, magnifique interprétation d’acteur qui à elle seule peut expliquer les revirements soudain et les actions terribles dont on peut se rendre coupable sans en mesurer les conséquences immédiates. Le jeune homme, habituellement gentil et doux, comprend tout de suite son coup de folie et ne cherche pas à fuir. Toute l’ambiguïté et la difficulté de juger les hommes sont ici exprimées en une scène, en une seconde, quand Flech lâche son arme et comprend la folie de son geste. Il n’a rien d’un monstre, pourtant il est bien un meurtrier… Par la suite, on comprendra qu’on se laisse facilement corrompre dès qu’il s’agit de sauver sa peau, car il n’assumera en fait jamais son acte et deviendra un petit con. (Ce qui montre sans doute qu’on devrait chercher plus à juger le comportement après les crimes, pas les crimes en eux-mêmes.)

Sa sœur Mary supplie Seton de le libérer. Il refuse, fidèle à l’implacable intégrité du héros. Alors même que c’était son ami. Cantrell voit donc là l’occasion de se rapprocher de Mary. Il lui propose son aide et lui jure qu’il ne sera pas condamné. Cantrell intimide les jurés en leur rendant visite avec toute sa bande… Fletch est acquitté. Le renard a la voie libre pour se faire la poule.

La Guerre de Sécession éclate. Cantrell part immédiatement vers les plaines pour profiter de l’occasion de se faire un nom et du blé. Suite aux nombreuses exactions et pillages perpétrés dans la région par Cantrell et sa bande, la panique s’empare de la population qui croit son argent peu en sécurité dans les banques et qui veut le retirer. (On reconnaît ici un épisode de Silver City). Et qui est propriétaire de la banque à Lawrence ? Le père McCloud… Il prend la parole au milieu de la foule, leur assure qu’ils seront payés, mais pas tous en même temps le même jour…, et on le tue. Cantrell apprend les malheurs de sa belle, part la rejoindre et la demande en mariage. Elle lui dit qu’avec les derniers événements, elle n’est plus vraiment un bon parti, même que si elle le considère comme un ami fidèle, elle n’est pas amoureuse de lui. Il répond qu’il a de quoi les faire vivre (et pour cause…). Et la naïve colombe, toujours attirée par ce qui brille, accepte.

Cantrell et Mary n’ont même pas le temps de consommer leur mariage : le pilleur apprend l’existence d’un convoi de ravitaillement de l’armée (laquelle, peu importe : Confédérés sans doute). Il part pour l’intercepter. Seton était à sa tête, et il réchappe de justesse à l’attaque de Cantrell.

Cantrell ne revient pas auprès de sa femme et continue de mener ses atroces pillages dans toute la région. Pourtant à Lawrence, on commence à se poser des questions sur lui et la rumeur enfle selon laquelle il ne serait d’aucun des deux camps mais qu’il courrait pour lui-même. La population commence à venir se plaindre devant la riche demeure de Mary, et il faut l’intervention de Seton fraîchement débarqué de son poste (je l’ai vu en VO intégrale, pas compris le détail, je crois que l’État est passé dans le camp de l’Union quand lui roulait pour les Sudistes) pour les calmer. Seton lui propose de la tenir loin des dangers du Kansas en la ramenant auprès de son mari, tandis que lui compte rentrer au Texas. Sur le chemin, il lui dit qu’il l’aime toujours et qu’il sait qu’elle l’aime aussi (le cow-boy a presque autant de flair pour ces choses-là que ses bêtes). Mais elle se refuse toujours à lui… Il la laisse rejoindre son mari…

Mary retrouve son homme dans un camp qui compte plusieurs centaines d’hommes dont son frère Fletch qui a rejoint Cantrell. Elle découvre que loin de vivre comme un commandant d’armée, il vit comme un pacha. Elle comprend alors que toutes les rumeurs sur son compte, sur les pillages, sont vraies.

Seton se fait alors capturer sur le chemin du retour au Texas et est amené à Cantrell. Sa femme réussit à ce qu’il considère Seton comme son hôte, mais Cantrell prend plaisir surtout à lui montrer sa réussite.


Dark Command, Raoul Walsh 1940 | Republic Pictures

Moon, la face cachée, Duncan Jones (2009)

Moon

Moon Année : 2009

Réalisation :

Duncan Jones

7,5/10  IMDb

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Bon film de science-fiction, assez dickien (psycho-paranoïaque).

Sam travaille sur la face cachée de la Lune pour une entreprise qui fournit la plus grande partie de l’énergie de la Terre via de l’hélium 3 récupéré par des moissonneuses. Sam a un contrat de trois ans qui arrive à son terme et est pressé de rentrer chez lui. Une moissonneuse tombe en panne, il part à sa rencontre, mais il a un accident…

Sam se réveille dans la station, son fidèle Gentry, robot à tout faire est à ses côtés : « Tu as eu un accident Sam, repose-toi. » Sam entend par hasard Gentry parler avec la Terre alors que les communications directes sont impossibles à cause d’une panne de satellite. Sam interroge Gentry mais celui-ci ne lui répond pas. Sam se rend compte que deux moissonneuses sont à l’arrêt. Gentry lui interdit d’aller voir quel est le problème. La Terre envoie une mission pour réparer tout ça. Mais Sam n’en fait qu’à sa tête et décide de sortir. Dans l’une des moissonneuses, il découvre un corps encore en vie et le ramène à la base. Il interroge Gentry : « Qui est ce type ? » « C’est Sam, Sam ».

Ah, ah, ah.

Ensuite, ce n’est pas du tout un thriller SF comme on pourrait le penser, mais plus une recherche sur leur identité, jusqu’à ce qu’ils comprennent dans quelles galères ils sont, et surtout comprennent qui ils sont… Une sorte de Sisyphe guettant le réveil des marmottes dans un monde où il n’y a pas de saison. Très plaisant. Et l’art design, même réduit au nécessaire, est à la hauteur de ce qu’on réclame dans ce genre de production.


Moon, la face cachée, Duncan Jones 2009 | Sony Pictures Classics, Stage 6 Films, Liberty Films UK , Xingu Films, Limelight, Lunar Industries, Independent


Hallelujah! King Vidor (1929)

Nina Mae!

Hallelujah!

Note : 4 sur 5.

Année : 1929

Réalisation : King Vidor

Avec : Nina Mae McKinney

TOP FILMS

On est en pleine émergence du film parlant. La technique est surtout utilisée pour des films musicaux dont celui-ci fait partie sans être véritablement un « film musical ». La transition se fait en douceur : en Europe et au Japon, on continue de faire exclusivement des films muets. C’est l’année où Pabst par exemple en Allemagne fait Loulou, avec Louise Brooks, où Bunuel tourne Un chien andalou. Bref, ce con de cinéma sonore tue irrémédiablement l’utopie d’un cinéma réunissant les peuples autour d’une langue commune. Dès lors, ce sera les studios hollywoodiens qui imposeront leur vision et leur culture au monde. Le chaos en Europe obligera plus tard les créateurs européens à enrichir la production hollywoodienne. Parce qu’il s’agit bien de production : au pays du fordisme, il est question de créer des œuvres de masses, à succès. Le procédé du parlant, plus qu’un outil de création pour de nouveaux auteurs, est surtout au début, un gadget publicitaire pour faire venir les foules.

Pour être franc, je ne connais pas bien cette période de transition qui ne semble pas bien prolifique en chefs-d’œuvre (ce serait comme pour les films 3D : ce qui compte, ce n’est pas l’histoire mais le procédé donc les bons films…), contrairement aux derniers muets sortis cette même année 29. Cela faisait donc un moment que je voulais voir ce film de Vidor, son premier sonore, reconnu lui comme un grand film. Les chefs-d’œuvre montrent la voie, celui-ci se contentera donc d’être un grand film en… montant la voix.

Hallelujah ! est un ovni. Le parlant n’a encore aucun code, il faut les inventer. On est encore parfois dans le muet… avec du son. Le résultat est assez particulier.

Parmi les particularités des films, son sujet d’abord. L’un des premiers films tournés avec une distribution composée uniquement d’acteurs noirs. La première image du film sonore qui reste dans les esprits, c’est cette figure d’acteur blanc grimé en Noir du Chanteur de jazz… Ici ce sont donc de vrais Noirs, qui dans leur vie du Sud, la journée, récoltent le coton. Le soir venu, ils dansent et chantent. Pas de misérabilisme, au contraire, on se croirait presque au paradis. La même vision de l’humanité de Vidor qu’on retrouvera cinq ans plus tard dans Notre pain quotidien. À ma connaissance, on ne tournera plus de film de ce genre jusqu’à Cabin in the Sky de Minnelli (autre ovni dans son genre). Hollywood avait là la possibilité de créer un genre, de mettre les Noirs au cœur de celui-ci, de leur donner une légitimité au cœur du système et ainsi leur donner une visibilité dans la culture populaire américaine en même temps que la musique noire américaine (jazz et blues qui tirent leurs racines des chants religieux et chantés dans les champs qu’on voit dans le film) : la Californie ne devait pas être encore mure pour le Jazz… Il en aurait peut-être été autrement si Hollywood était née à la Nouvelle-Orléans ou à Chicago… Un peu plus tard on retrouvera Paul Robeson dans Show Boat, chantant Ol’ Mand River, occasion manquée encore. Les génies noirs tapent à la porte du cinéma, mais ne seront pas aussi bien accueillis que les scénaristes blancs d’Europe centrale. Déjà Robeson (plus tard blacklisté pour ses engagements politiques) avait retrouvé en Angleterre où il avait étudié, Nina Mae McKinney, héroïne éphémère de cet Hallelujah!

L’histoire du film semble tout aussi “endémique”… Une famille récolte le coton dans les champs. Le petit fils, Zeke, commence à devenir adulte, et certaines pulsions le tyrannisent. Envie de sexe (sans le dire aussi explicitement), c’est surtout pendant tout le film une lutte dans son esprit entre le côté clair et obscur… Lui dirait qu’il est tenté par le diable. Ce n’est pas un mauvais garçon, mais il succombe vite à la tentation, à la facilité, à la luxure… Zeke est donc chargé avec son frère d’aller vendre en ville le coton récolté. Il en tire une grosse liasse de billets. Au même moment, dans la rue, des joueurs de dés sont hypnotisés par la danse de la belle Chick, surnommée « café-crème » dans les sous-titres français. D’une beauté à tomber. Nina Mae McKinney bien sûr. Elle n’a que 16 dans le film, et en fait dix ans de plus. Ces yeux, ces yeux !!!… Zeke tombe sous son charme. Elle le suit en voyant son d’argent, et l’entraîne dans un bar. Un petit déhanché, histoire de nous faire tourner la tête, puis elle présente Zeke à Hot Shot, un dandy un peu louche qui va lui piquer son fric aux dès. Zeke est persuadé que Hot shot a triché. Il prend un arme et tire accidentellement sur son jeune frère…

La péripétie paraît peu crédible : revenant avec le corps de son cadet chez ses grands-parents, il n’est jamais ennuyé par la police, et sa famille ne l’accueille pas non plus comme un assassin… Pour se racheter une conscience toutefois, Zeke devient prédicateur. Il donne des leçons à ses ouailles quand lui est sans cesse tiraillé par « le démon ».

Un jour qu’il traverse une ville à dos de mulet, il est reconnu par Chick et son ami Hot shot, qui ne manqueront pas de se foutre de sa gueule… L’opposition entre les crapules de la ville, et l’innocent campagnard. Seulement Chick n’est pas insensible au charme de Zeke et finit par se faire baptiser de ses mains (il faut la voir se la raconte grave, imaginer les séances d’hystérie lors des baptêmes collectifs dans la rivière du coin). Elle finit par s’enfuir avec lui, laissant en plan toute sa famille, sa future promise et sa communauté…

On les retrouve quelques mois après. Zeke travaille dans une scierie. Chick en desperate housewife reçoit toujours la même crapule qui lui ressemble si bien : Hot shot. Chick embobine Zeke à son retour de travail et s’enfuie avec le dandy escroc par la porte de derrière… Zeke les poursuit dans le bayou. Chick meure dans les bras de Zeke après être tombée de la charrette, et Hot shot est tué par Zeke. Après une période au bagne, Zeke revient auprès de sa famille. Quoi qu’il fasse le mec reste un saint…

Pas le film du siècle, mais une vraie singularité. À voir et à apprécier surtout pour les chants et les deux ou trois pas de danse de Nina Mae McKinney. Ainsi que pour voir l’unique réussite d’un genre mort-né. Si le parlant utilisera bien la comédie musicale pour faire son âge d’or, les gold diggers on ira les chercher du côté de Broadway. Les Niggers, avec leur gospel ou leur jazz, pourront bien rester où ils sont. « Niggers all work on de Mississippi, Niggers all work while de white folks play »… in Hollywood.


Nina Mae McKinney, pendant sa danse endiablée. Hallelujah! King Vidor 1929 | Metro-Goldwyn-Mayer (MGM)


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Appelez Nord 777, Henry Hathaway (1948)

Anatomie d’un meurtre

Appelez Nord 777

Note : 3.5 sur 5.

Titre original : Call Northside 777

Année : 1948

Réalisation : Henry Hathaway

Avec : James Stewart, Richard Conte, Lee J. Cobb

Un nouveau film dont le thème est celui de l’injustice. C’est Hathaway qui s’y colle. Pas bête parce que les cinéastes de westerns (même s’il s’est frotté à tous les genres) mettent en scène le plus souvent les comportements primitifs qui amènent ce genre d’injustice (on le voit avec L’Étrange Incident de Wellman par exemple), bien plus que les films noirs qui sont le plus souvent immoraux, désabusés, ou au mieux distants, froids.

Bref, il s’agit d’une histoire vraie, et le film nous précise autant que possible que les lieux de tournage sont ceux où se sont réellement déroulés les faits. Ça donne un vrai côté réaliste au film, presque documentaire, mais c’est aussi son plus gros défaut (très à la mode à l’époque, voir le commentaire de The Naked City). Puisque le récit suit les traces d’événements qui se sont réellement passés, l’histoire n’est pas tendue, dense, comme on pourrait le faire dans un film où le seul but serait de divertir. Une reconstitution, donc, mais ça vaut le coup : les événements se suffisent à eux-mêmes.

On est au temps de la prohibition à Chicago. Loin des clichés véhiculés par Hollywood (on nous rapporte qu’il y a un meurtre par jour à cette époque, c’est plutôt raisonnable…). Un quartier fréquenté par la diaspora polonaise. Un speakeasy misérable, deux clients, dont un flic. Deux hommes arrivent et tuent le flic. On ne saura jamais qui étaient ces hommes. Les actualités de l’époque nous apprennent que deux suspects ont été arrêtés. Ils seront vite reconnus coupables… Dix ans passent et le directeur de la rédaction du Chicago Times s’interroge sur une annonce parue dans le journal : on propose 5 000 $ pour toute information concernant ce crime perpétré dix ans plus tôt. James Stewart est mandaté pour se renseigner, et il découvre que l’auteur de l’annonce n’est autre que la mère de l’homme reconnu coupable de ce crime. Il est d’abord surpris de voir une vieille dame, lavant le sol, misérable, proposer autant d’argent, mais elle lui dit qu’elle a mis tout ce temps pour réunir l’argent nécessaire pour déposer l’annonce dans le journal et avoir une chance d’innocenter son fils. Stewart est perplexe. Pour lui, l’homme a été reconnu du meurtre, il ne va pas chercher plus loin. Cependant, il en fait un article, centré sur la vieille mère polonaise obligée de travailler dur parce qu’elle a foi en son fils. L’article a un grand succès, si bien que son directeur lui demande d’approfondir la chose. Stewart s’exécute en traînant un peu les pieds, rencontre l’homme en prison, puis sa femme… À chaque fois, il se montre à la limite de l’insolence, notamment avec son ex-femme, qui s’est remariée à la demande de son mari. Mais le journaliste au fur et à mesure qu’il enquête et qu’il informe ses lecteurs de cette histoire, finit par croire en l’innocence de l’homme condamné dix ans plus tôt. Il décide d’approfondir l’enquête et découvre qu’on lui met des bâtons dans les roues et qu’à l’époque l’enquête a été bâclée…

On est loin des histoires glauques de détectives : Stewart connaît mal la loi, ne trouve rien d’utilisable par la justice… Tout repose en fait sur un détail de l’enquête : la femme qui tenait le bar à cette époque, et qui l’avait reconnu, lui mais aussi son ami, ne l’avait jamais rencontré avant la séance d’identification… Or, le Polonais dit qu’il l’avait vu plusieurs fois et donc qu’il était aisé pour elle de le reconnaître. Stewart parviendra finalement à retrouver cette femme, mais elle ne voudra pas changer son témoignage (sur quoi repose seule l’accusation) subissant des menaces sans doute, sans que jamais on ne sache le fin mot de l’histoire (c’est le problème du récit d’événements réels : on lance des pistes, mais on ne répond à aucune question). Au dernier moment, Stewart trouvera la preuve (une photo) qu’ils s’étaient bien rencontrés avant la séance d’identification. On libérera le prisonnier. Pour le reste on ne saura jamais rien de qui a tué ce policier, tout le sujet du film, c’était de voir un journaliste faire acquitter un innocent.
L’histoire était belle, significative, touchante, il fallait la raconter.

À noter que l’année suivante, Richard Conte et Lee J. Cobb se retrouveront dans l’excellent Les Bas-Fonds de Frisco.


James Stewart dans la bande annonce du film Call Northside 777 (Appelez Nord 777), Henry Hathaway 1948 | Twentieth Century Fox

Lee J. Cobb, « at his best » dans la bande annonce du film Call Northside 777 (Appelez Nord 777), Henry Hathaway 1948 | Twentieth Century Fox


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Crise (1946) Ingmar Bergman

Bergman, Opus 1

Crise

Note : 4.5 sur 5.

Titre original : Kris

Année : 1946

Réalisation : Ingmar Bergman

Avec : Inga Landgré, Stig Olin, Marianne Löfgren

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Le premier film de Bergman et déjà un très bon opus. Principale qualité, ses dialogues, qui ont la puissance évocatrice des répliques de théâtre où beaucoup de choses sont dites en peu de temps. Un maximum d’informations est concentré dès les premières répliques qui doivent personnaliser parfaitement les personnages (leur nature, leurs ambitions, leurs aspirations et leur problématique). Rien n’est dit directement, tout est fait dans la suggestion voire le symbole ; si bien qu’une scène de vie quotidienne en révèle beaucoup plus qu’il n’y semble au premier coup d’œil. Bien sûr, on ne le comprend que plus tard.

On retrouve certains personnages traditionnels des pièces de théâtre russes de Tchekhov. Des personnages essentiellement de la petite bourgeoisie, dans le cadre de la famille ou des amis proches.

Ingeborg est une femme célibataire dans une ville perdue de la province suédoise. Elle donne des cours de piano pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa charmante fille tout juste nubile. Une chambre est louée à un homme, discret et humble, amoureux de sa fille Nelly.

Mais Nelly n’est pas la fille naturelle d’Ingeborg. On l’apprend quand sa véritable mère, Jenny, citadine directrice d’un institut de beauté, vient la chercher pour qu’elle travaille à ses côtés. Seulement Ingeborg considère Nelly comme sa véritable fille. Elle est malade, ne lui a pas dit et voudrait l’avoir auprès d’elle. Elles se mettent d’accord pour laisser le choix à leur fille, qui sait depuis le début la vérité. Elle voit là surtout l’occasion de sortir de ce trou perdu et accepte de partir avec sa mère qu’elle connaît à peine.

Entre-temps, elle a fait connaissance de Jack, homme, fantasque, hâbleur, comédien sans le sou, séducteur, manipulateur, passablement suicidaire… Elle se laisse séduire, et se rendra vite compte que sa mère Jenny l’entretient, rendant toute relation avec lui impossible.

On laisse partir Nelly avec sa mère, et l’on reste avec Ingeborg qui vit très mal cette séparation. Elle décide alors au bout de quelques mois de venir saluer sa fille à la capitale. C’est Jenny qui l’accueille : tout laisse penser qu’elles sont toutes les deux heureuses. Ingeborg embrasse sa fille, le cœur serré, et retourne dans sa province…

On reste cette fois avec Nelly, Jenny, et Jack, qui apparaît un soir à l’institut que Nelly s’apprêtait à quitter. Il semble bouleversé, lui dit qu’il ne pourra jamais aimer qui que ce soit parce qu’il est égoïste…, pourtant, il se sert de cette situation pour abuser de la pauvre petite Nelly… Apparaît alors la mère…, et là, C’EST LE DRAME. Scène de dénouement, on comprend tout des relations curieuses de ce « couple ». Jack s’enfuit et meurt tragiquement.

Épilogue : Nelly retrouve sa mère Ingeborg. On se serre, on s’embrasse. Magnifiques instants d’amour entre une mère et sa fille. Nelly pourra peut-être désormais accepter les avances de Ulf, le charmant garçon, discret et sans problèmes que sa mère loge depuis longtemps en espérant que sa fille tombe amoureuse de lui.

Ça peut paraître un peu glauque, le genre de drame intimiste qui a fait la réputation du Suédois. Eh bien, si c’est bien un drame intimiste, ça n’a rien de glauque. Bergman prévient même, un peu à l’image de Tchekhov qui dira jusqu’à la fin que ses pièces étaient des comédies, que ce n’est pas une grande histoire et que « ça pourrait même être une comédie ». Il y a du vrai un peu là-dedans. Il ne faut pas nier que l’histoire soit plutôt tragique (le genre de tragédies courantes qu’on trouve dans toutes les familles), mais il y a beaucoup de légèreté, d’insouciance ou de pure bonté chez les personnages. Les méchants et leurs mauvaises intentions sont absents, et si Jenny peut paraître antipathique, ou au moins un peu cruche et parfaitement égoïste au début, elle se révélera au contraire une femme pleine d’amour pour sa fille. Elle n’a jamais réussi à faire sa vie avec un homme, se faisant chaque fois jeter, donc elle voudrait être avec sa fille et la gâter un peu. Même chose pour Jack, qui a tout au début du goujat manipulateur, bon à séduire les filles pour mieux les jeter par la suite. Il est ainsi, mais il en est conscient et s’en excuse même par la suite. Jamais antipathique, le bonhomme. Il ne veut faire de mal à personne. Il profite de l’argent de Jenny, mais elle aussi y trouve son compte ; il cherche juste à vivre, à prendre du plaisir malgré ses blessures, à cacher ses larmes par des rires et une joie excessive (les Suédois ne sont pas des Slaves, mais la Russie n’est pas loin, du moins dans certaines œuvres de Bergman comme ici, et là ça correspond tout à fait à l’image qu’on se fait d’un Slave). On le voit d’ailleurs mieux quand Jack insiste pour accompagner Ingeborg à la gare : on pourrait croire que toute cette fausse gentillesse cache quelque chose, alors qu’en réalité, si elle paraissait fabriquée c’est qu’il en rajoutait et cachait ses tourments derrière ces excès. Ingeborg comprend qu’il n’est pas là pour lui poser des problèmes : il avait juste besoin de compagnie et de partager quelques moments… Et au final, toutes ces contradictions, tous ces troubles, en font un personnage fascinant et attachant (même s’il faut s’en méfier).

Excellent premier film sur l’amour d’une mère et sa fille. Ce n’est pas si courant comme thème au cinéma…


Crise, Ingmar Bergman 1946 Kris | Svensk Filmindustri (SF)


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Le Bébé de Mâcon, Peter Greenaway (1993)

Savante mise en pîèce

Le Bébé de Mâcon

The Baby of Mâcon

Note : 4.5 sur 5.

Titre original : The Baby of Mâcon

Année : 1993

Réalisation : Peter Greenaway

Avec : Julia Ormond, Ralph Fiennes, Philip Stone

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Il y a deux aspects dans le film. Le fond, le sujet, assez complexe à comprendre et à cerner, et la forme, alambiquée, incroyablement sophistiquée, et sans doute la marque habituelle du cinéaste. Il navigue sans cesse entre distanciation et identification pour mieux nous perdre et mieux nous choquer dans la scène du viol terriblement éprouvante. Tout le récit tend vers cette scène-choc où le spectateur ne sait plus ce qu’il voit. Un vrai coup de génie, une parfaite maîtrise du contrôle narratif sur le spectateur par le biais de procédés contradictoires. À force de mises en abîme, on a le vertige et on n’y comprend plus rien.

L’histoire donc. C’est un peu complexe, mais je vais essayer d’être précis et de noter chaque fois l’angle de mise en scène, pour situer le niveau d’identification du spectateur.

On assiste à une pièce dans un théâtre en Italie, semble-t-il, au temps de la Renaissance. On y joue devant le Prince, une « moralité », c’est-à-dire une pièce morale de la fin du Moyen Âge : Le Bébé de Mâcon. Mâcon étant une ville française et tout ce petit monde censé être Italien jouant en fait bien sûr en anglais (Greenaway commence à compliquer la chose).

Le Bébé de Mâcon, Peter Greenaway 1993 The Baby of Mâcon | Allarts, Union Générale Cinématographique (UGC), La Sept, Cine Electra, Channel Four Films, Canal+

La ville (Mâcon) vit une période sombre : les femmes sont frappées de stérilité, tout comme les animaux, la famine guette… Bref, le mauvais sort semble s’être abattu sur la ville. La thématique morale se précise : « la copulation est une affaire sérieuse et les fruits qu’on en retire sont négligeables, sauf la maladie et la tristesse. » Accouche alors une vieille dame monstrueuse, qui va donner naissance à un magnifique bébé. À ce moment, on est toujours dans la pièce : la caméra de Greenaway circule entre la scène et le public. Petit problème toutefois : le plus souvent, la séparation entre l’une et l’autre apparaît vraiment mince, par exemple, quand le Prince, censé assister à la représentation, s’immisce dans la pièce, commente et interagit avec celle-ci ! Il est à la fois spectateur, commentateur et acteur… Et il en sera ainsi pendant toute la pièce — ou le film.

L’enfant naît donc. Immédiatement, il est pris sous la garde de sa sœur qui veut se servir de lui en le faisant passer pour le sien (elle l’aurait eu parfaitement vierge). Là encore, Greenaway cherche à nous embrouiller : l’enfant est censé être comme les autres, une supercherie, un faux prophète, pourtant il va lui donner les pouvoirs d’un dieu… La sœur cache sa mère et profite des avantages que lui procure l’enfant (on est en plein dans la contradiction parce qu’à ce moment la ville retrouve des récoltes, etc.).

Viennent alors l’évêque de Mâcon et son fils (oui, oui son fils, chose parfaitement commune au Moyen Âge). Tous deux doutent de la « sainteté » de l’enfant. Mais la sœur (qui se fait donc passer pour la mère — dans la pièce jouée) prétend toujours être la mère vierge de l’enfant et demande qu’elle soit examinée pour certifier de sa virginité. Une fois confirmée, elle cherchera à séduire le fils de l’évêque. Mais alors qu’elle se donne à lui dans une étable devant son jeune frère, ce dernier commande à un bœuf de tuer le fils de l’évêque parce que lui veut que la supercherie se poursuive, mieux qu’elle prenne sens en obligeant sa sœur à rester vierge. Le fils se fait massacrer par des coups de corne et toute la scène est dévoilée devant la foule. On ôte la garde de l’enfant à sa sœur et l’église prend l’enfant sous son aile.

L’évêque, au départ sceptique quant au caractère saint de l’enfant, se venge de la mort de son fils en utilisant l’enfant à son tour comme sa sœur et en dupant les foules. Mais la sœur vient une nuit assassiner son jeune frère pour… se venger. La ville se trouve alors dans une impasse, car il faut punir la criminelle. Seulement, elle reste vierge, et on ne pend pas une vierge. La solution viendra du Prince qui proposera de laisser la pécheresse à quelque deux cents miliciens qui se chargeront de sa virginité.

Arrive la scène-choc du film : la longue scène en plan-séquence du viol de la sœur par les miliciens. Greenaway joue une dernière fois de sa baguette de magicien et nous fait pénétrer derrière les coulisses, derrière les voiles du lit à baldaquin où la sœur, dans la pièce se fait violer. Et là…, ce n’est plus le personnage, mais l’actrice italienne, qui va se faire violer successivement par chacun des quelque deux cents acteurs. Par la même occasion, elle révèle la réalité de sa virginité (quitte à plonger dans l’horreur, autant y aller à fond). La caméra s’écarte et erre sur la scène autour des autres personnages ou spectateurs (parfois les deux) obligés d’assister comme nous à la scène, tandis qu’on entend en fond les cris de l’actrice et que l’on compte un à un les miliciens/acteurs et qu’on ponctue chaque viol en faisant tomber une quille sur un grand échiquier qui se tient au centre de la scène… L’impression à cet instant nous prend aux tripes : le récit jouant sans cesse entre les deux mondes, celui de Mâcon et celui du spectacle italien, on a du mal à comprendre la situation en se disant que c’est aussi un film, on est perdu par les différents degrés de mise en abîme, tenté de croire qu’il s’agit d’un véritable viol collectif, auquel tout le monde assiste sans se douter. Au moment de pendre la pécheresse, on se rend compte que ce n’est plus la peine, car elle est morte. Quelqu’un s’écrie : « Quelle incroyable actrice ! ».

La pièce se finit sur le dépouillement de l’enfant : on commence par ses habits, puis on le découpe en morceaux, chacun voulant un bout de l’enfant saint… Le rideau tombe, et le récit reste dans le cauchemar quand les acteurs saluent et qu’on exhibe au-devant de la scène, l’acteur qui jouait le fils de l’évêque (tué par le bœuf) et l’actrice qui jouait la sœur… Shakespeare disait que la vie était un théâtre où chacun devait y jouer son rôle, Greenaway semble vouloir y rappeler que le théâtre est également un rêve, un cauchemar, et que parfois on ne sait très bien si l’on est éveillé…

Pour moi, le meilleur film de Greenaway, le plus dérangeant, le plus fou, le plus complexe, le plus incompréhensible (et ce n’est pas toujours un compliment). Un film toujours aussi dérangeant, troublant, après un second visionnage, même en connaissant le procédé. L’ivresse de la mise en abîme…

À signaler, comme d’habitude, la mise en lumière du film de Sacha Vierny. Pour Greenaway qui a toujours voulu jouer de l’esthétisme dans ses films, je comprends mal comment il peut demander à ce directeur de la photographie de travailler pour lui… Là encore, ça peut aller, les décors et le côté théâtral font qu’on oublie l’image, mais dans ses autres films l’image est vraiment dégueu. Il a aussi fait la photo de Stavisky (sans doute le plus mauvais et le plus moche film de Resnais), Mon oncle d’Amérique (tout aussi dégueu) et le film de Duras, Baxter, Vera Baxter. Il est passé chez Greenaway après avoir fait son dernier Resnais, et cette fois un bon (me rappelle plus de la photo, mais là, ça ne semblait pas vraiment nécessaire d’avoir de belles images), L’Amour à mort.

Pour les acteurs, l’un des deux rôles majeurs dans la carrière de Julia Ormond (l’autre étant Le Barbier de Sibérie) ; pour Ralph Fiennes, le début de sa longue carrière au cinéma (il tourne tout de suite après ce film, La Liste de Schindler).



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Les Guerriers de la nuit, Walter Hill (1979)

Ulysse dans les villes

Les Guerriers de la nuit

The Warriors

Note : 4.5 sur 5.

Titre original : The Warriors

Année : 1979

Réalisation : Walter Hill

Avec : Michael Beck, James Remar, Dorsey Wright

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Que fallait-il attendre d’autre du papa d’Alien (et de Crossroads) qu’un road movie initiatique ? Le film est tiré d’un roman, lui-même inspiré d’une œuvre antique que je ne connaissais pas (honte à moi) : l’Anabase de Xénophon. Le roman paraît plus dense, alors que le film file à toute allure. On suit un fil, pas celui d’Ariane : pendant tout le film, j’ai pensé à l’Odyssée.

L’histoire colle pas mal à la trame d’Homère : Un gang de Conley Island (pas celui des Achéens mais celui des Warriors) rejoint une réunion à l’autre bout de New York (ce n’est pas Troie), animée par le chef respecté du gang le plus puissant de la ville : Cyrus. On demande à chacun des gangs de la ville de venir à neuf, sans arme. Cyrus se fait buter en plein speech et la bande rivale de Conley Island des Warriors, les Rogues, font croire que ce sont eux qui l’ont tué. Bien sûr, c’est une ruse. Une petite injustice et hop : provoquer la sympathie du spectateur, « check ». Bref, tout ça est prétexte à une petite balade entre le lieu de réunion des gangs et leur chère île de Conley Island. À la fois leur Ithaque et leur Pénélope bien-aimée.

Le chef des Warriors s’étant fait piquer rapidement, c’est Swam qui s’impose rapidement à leur tête : il est sage et rusé, tous les attributs d’Ulysse… Et du lieutenant Ripley. Le retour vers Conley Island n’est pas simple, tout chassés qu’ils sont par un grand méchant à lunettes (celui qui semble avoir pris la relève de Cyrus… limite Poséidon qui passe ses nerfs sur Ulysse). Il mettra tous les gangs de la ville à leurs trousses. Presque toutes… Le premier groupe que les Warriors rencontrent dans leur balade nocturne sera les Orphans. Trop merdiques pour avoir été invité à la fête de Cyrus. Ils les laissent d’abord traverser leur territoire, quand la belle Circée se réveille (à moins que ce ne soit Calypso). En fait, ce n’est que Mercy… Elle convainc les siens de ne pas les laisser passer sans rien leur demander, et finalement, c’est elle qui partira avec eux ! Pour le coup, on ne pense plus à l’Odyssée mais au Tour du monde en 80 jours et à Mrs Aouda, rencontrée en Inde et qui accompagne Fogg dans son retour à Londres où elle deviendra sa femme…

Les Guerriers de la nuit, Walter Hill 1979 The Warriors | Paramount Pictures

Les Warriors passent donc ce premier écueil, arrivent au métro où ils manquent de se faire tabasser… Le métro est un havre de paix antique et passager, l’omnibus de La croisière s’amuse. Chaque arrêt est comme une île avec sa faune endémique, ses populations sauvages, ses déesses… Ils seront obligés de se séparer, chassés dans les couloirs du métro par les Baseball Furies (ce n’est pas moi qui l’invente le lien avec la mythologie…), ou par les Punks (sortes de bouseux en salopettes qui se déplacent en rollers !). L’un d’eux se fait coffrer par la police, d’autres se font charmer par les sirènes, les Lizzies… Bref, on en perd en route, mais toujours grâce à leurs ruses et leur habileté, ils l’emportent et arrivent à se rapprocher de leur île. À chacun de leurs exploits, un peu comme dans les dessins animés (ou dans le dernier acte de Richard III), le grand méchant Noir à lunettes en est informé. Ça permet de mettre du rythme au voyage et d’entendre notre coryphée lancer ses fatwas. Musique groove en prime…, hommage à un autre récit de voyage mythologique : Point limite zéro. Ou juste pour lancer les années 80.

Notre Ulysse parvient donc à retourner sur son île. Il tue les prétendants qui se pressaient aux pieds de Pénélope (ici sa Conley Island). De retour chez lui, il retrouve son arme fétiche et s’en servira pour tromper celui qui voulait s’emparer de son trône.

L’histoire est d’une grande simplicité, c’est ce qui fait son intérêt. Un voyage initiatique, une quête du retour chez soi, la découverte de l’amour… C’est tout ce qu’il y a de plus classique et ça marche toujours autant. Pas la peine de tourner autour du pot, ce qui compte c’est ce parcours-là, le reste on s’en moque. Et Hill tient la route (ou le rail).

Étonnant que le film ait fait scandale à l’époque. C’est tellement grossier (dans le bon sens du terme) qu’on ne peut pas y croire… Une bande de loubards en rollers et salopette, une autre avec des battes de baseball et peinturlurée façon Alice au pays des merveilles…, qui peut croire à ça ? Rocky Warriors Picture Show ! Il n’y a rien de crédible là-dedans. C’est de l’opéra, c’est la Reine de la nuit. Ça fait appel à ce qu’il y a de plus primaire en nous : les groupes, les origines, la fuite du danger, le retour au pays natal, la peur des étrangers, la loyauté envers ses frères… Ce n’est rien d’autre qu’un western ayant pour cadre New York. Alors bien sûr, c’est plus évident aujourd’hui quand on voit les accoutrements des gangs tout justes sortis de Hair ou des Village People, mais à l’époque, on aurait sans doute été plus avisé de fermer sa gueule. Ce n’est pas un hymne à la gloire des gangs, c’est une allégorie. D’ailleurs, on ne voit pas une goutte d’hémoglobine ; contrairement au roman, il n’y a aucun mort (en dehors de l’assassinat initial de Cyrus). Ça reste très bagarre de cour de récré. Ce n’est pas la baston qui importe, mais la traversée de la ville, les rencontres…


The Baseball Furies !

 

And… the Warriors !

 


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Le Poignard volant, Chu Yuan (1977)

Le grand sommeil

Le Poignard volant

Note : 2.5 sur 5.

Titre original : Duo qing jian ke wu qing jian

Année : 1977

Réalisation : Chu Yuan

Avec : Lung Ti, Li Ching, Tung-Shing Yee

Je n’en finis pas d’être déçu par les films de la Shaw brothers

Rarement vu un film aussi mal fichu. Pourtant les moyens sont là : beaux costumes, reconstitutions des extérieurs en studio (qui inspireront sans doute Tarantino pour Kill Bill volume 2), une vedette… Mais le scénario, c’est vraiment n’importe quoi. Il y a presque autant de personnages que de séquences. Chacun doit à peine balancer deux lignes de dialogues en moyenne, et souvent c’est une ligne pour dire qui il est, et une autre pour faire une révélation sur qui il est vraiment ! Une fois les préliminaires verbaux achevés, on se lance dans des bims et des bangs d’une platitude sans fin, on croirait le tic-tac d’un réveil…

Au début on a bien droit à deux ou trois scènes dialoguées, mais on n’y comprend que dalle. Ils sont tous à la recherche d’une cotte de mailles en or (ce qui est, soit dit en passant, une très mauvaise idée, l’or étant un métal mou), mais on ne sait pas pourquoi et puis très vite on entre dans des histoires annexes qui nous font perdre le fil. Ironiquement, la mise en scène veut nous aider à y voir clair au milieu de tous ces personnages en accompagnant chacun des nouveaux arrivants d’une incrustation avec son nom. Pour se rappeler des noms chinois, merci ! La même scène se répète en fait à l’infini : le héros arrive dans un lieu et à l’écran, d’un bond (genre Bioman), il dit deux mots au type qu’il vient voir, qui finit donc par lui révéler son secret qu’il cache depuis le début (et dont on se balance parce qu’on ne l’a pas revu depuis perpète et qu’on le mélange avec deux ou trois personnages qu’on croyait déjà morts — ils se ressemblent tous avec les perruques et leur robe). Vient alors la baston (au moment où on commence à bailler), et un autre personnage sorti du bord hors-champ de l’écran se pointe, après un bon de trois mètres, toujours (j’exagère à peine si je dis que la mise en scène y rajoute un zoom rapide sur la gueule du type genre : « Ta-da ! salut c’est moi : Bebel… »). Lui aussi a des révélations à faire : « Hé, les mecs ! Arrêtez de vous battre, je file ma cotte de mailles à celui qui saura retrouver dans quelle scène je suis apparu ». Le personnage principal ne s’y attendait pas du tout (nous non plus et pour cause : il semble tout droit débarquer du tournage du studio d’en face). On se dit que c’est soit un copain qui vient l’aider soit un nouvel ennemi. Baston à trois, c’est plus joli, mais je commence à craindre la scène de la double pénétration. Le méchant agonise (moi aussi), et en mourant révèle le nom de celui qui se cache derrière tout ça. Et là j’ai cru m’étouffer quand l’un d’eux révèle que le personnage tant redouté était celui à qui il le soufflait à l’oreille…, le héros du film… C’est trop compliqué ? En fait le méchant serait en fait le gentil ! — Voilà pour ceux qui arrivaient à comprendre jusque-là (dont je ne fais pas partie). Je crois que tout le monde a renoncé à y comprendre quelque chose même ceux qui prétendent avoir tout compris du Grand Sommeil.

Le Poignard volant, Chu Yuan 1977 The Sentimental Swordsman 多情劍客無情劍 | Shaw Brothers

Après, il y a des variantes subtiles (incompréhensibles) dans le scénario, avec des astuces qui veulent mettre en évidence « l’intelligence » du héros. Évidemment, si le scénariste est un crétin, ça risque de tomber à l’eau et la vraisemblance risque d’être sérieusement titillée.

On a donc notre héros qui se rend à Shaolin (ça, j’avais compris, mais pourquoi, c’est une autre histoire) en compagnie de guignols qui le suivent depuis la dernière scène et qui jouent par rapport à lui les rôles des personnages braves mais bien moins rusés que le héros (comprendre : ils sont vraiment très cons). Toute cette joyeuse bande est poursuivie par le terrible « Cinq-Venin » qui cherche à les empoissonner. La bande arrive dans une sorte de village dans les montages et tous ont faim, mais ils se refusent à manger quoi que ce soit, car ils savent que « Cinq-Venin » est à leurs trousses (déjà ça c’est à la limite de la vraisemblance). Arrive alors un vieux monsieur qui vient s’asseoir près d’eux et qui entame son dîner : des brioches, qui mettent en émoi les aventuriers affamés. L’un d’eux paie quatre ou cinq fois le prix des brioches au vieux monsieur qui repart tout content dans sa baraque. Le brave s’apprête à engloutir les blanches brioches, mais là, le héros, fait « na, na, na, nous je suis le rusé : les brioches sont empoisonnées ! » Comme par hasard à cet instant un pauvre clébard errant passe par là (j’ai même cru l’avoir vu siffler, incognito). On lui file la bouffe, le clébard meurt. Le héros, tel Columbo, prédit que le vieillard qui s’est réfugié dans une baraque s’est enfui et même que la baraque est vide. Gagné ! (Là on est un peu comme après le tour d’un magicien après qu’il a découvert par son extra-lucidité la carte qu’on a piochée). Pas le temps de se reposer, sans transition, de l’autre côté de la rue, des enfants sortent de l’autre baraque du village (c’est un tout petit village : il n’y a que deux baraques, et on sait déjà que la première est inhabitée) et font une scène à leur mère parce qu’ils ne veulent pas manger la soupe qu’elle leur a présentée. Patatras, le même type pas très fute-fute (la faim rend bête sans doute) vient proposer le reste de son magot à la famille pour lui échanger les deux bols de soupe contre des brioches qu’il vient de prendre à un marchand ambulant qui passait comme par hasard par là (lui aussi doit aimer venir se promener au milieu de nulle part en sifflant). Na, na, na, fait le héros, mais c’est trop tard son compagnon a déjà englouti les deux bols de soupe. Il commence à avoir le sang qui coule de ses yeux, le héros reste stoïque car seul lui importe le fait qu’il avait raison et il part à la poursuite de la famille pour prouver dans une implacable démonstration, qu’il n’y a personne, non plus, qui habite dans cette baraque. Quand il se retourne vers son compagnon pour voir si à présent il le croyait, notre héros n’aura jamais la réponse ou la satisfaction de voir son ami lui dire qu’il était le plus rusé, car il était déjà mort. Vraiment pas de chance ! — En même temps, il y a des personnages nouveaux pratiquement à chaque scène alors si on n’en tue pas en gros… à chaque scène, on ne s’en sort pas.



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