La Résidence, Narciso Ibáñez Serrador (1969)

Jeunes Filles en psychose

Note : 4 sur 5.

La Résidence

Titre original : La residencia

Année : 1969

Réalisation : Narciso Ibáñez Serrador

Avec : Lilli Palmer, Cristina Galbó, John Moulder-Brown, Maribel Martín

Thriller savoureux entre Jeunes Filles en uniforme et Psychose avec quelques notes probablement inspirées de Rosemary’s Baby vu que le film de Roman Polanski est sorti l’année qui précède. J’y trouve aussi une certaine connexion (ambiance/thématique/esthétique) toute personnelle avec Alien3 : l’univers carcéral, les conflits internes dans une société reconstituée avec ses codes spécifiques et étranges, et cela, sans savoir qu’un monstre rôde dans les parages et vient les cueillir les uns après les autres… On y trouve aussi les premiers cisaillements timides des slashers à venir.

Mais l’intérêt est bien ailleurs que dans les dérives horrifiques, surtout finales, qui prennent peut-être trop justement référence au film d’Hitchcock (Psychose), et qui flirtent avec le grand-guignol (sans quoi, avec une meilleure fin, c’était un favori). Le film est avant tout un excellent thriller psychologique, tendance frustrations sexuelles (tant hétérosexuelles qu’homosexuelles ou incestueuses), jouant sur la peur banale du monstre tapi dans l’ombre ou derrière les murs, sur la séquestration et les sévices autoritaires, voire sadiques. Je suis bien plus amateur de ce type de thrillers que de ceux proposés à la même époque en Italie.

On se demande bien d’ailleurs d’où a pu sortir ce film espagnol tourné en anglais avec un casting international et des personnages français. Ce sont plus souvent les amateurs de films d’horreur qui trouvent moyen de le dénicher, alors que le film ne se résume pas qu’à ses quelques meurtres et qu’il est en réalité bien plus « tout public » qu’il en a l’air. Bien qu’ayant inspiré, semble-t-il, quelques slashers futurs, on n’y dénombre que peu de meurtres et la petite société que forme le pensionnat ne découvre en réalité jamais la réalité des horreurs qui se produisent dans les lieux (ah, le légendaire laisser-faire des gestionnaires de pensions françaises).

J’y vois aussi ce qui pourrait le plus se rapprocher de Justine ou les malheurs de la vertu, impossible à adapter au cinéma. Et l’entrée en matière m’a également fait penser à celle du Professeur de Valerio Zurlini : on découvre, avec les mêmes couleurs brunes et sombres, l’intérieur d’une école, non pas à travers les yeux du professeur, mais de ceux d’une nouvelle élève. La suite s’intègre plus dans un schéma classique de film de pensionnat.

Le plus fou peut-être, c’est la qualité générale du film : de la mise en scène à la photographie, du scénario à l’interprétation. Pour produire un bon thriller, il faut souvent également une bonne musique et d’excellents effets sonores. Il n’y a pas qu’un auteur sur un plateau de tournage. Un film est bien un assemblage, souvent chanceux, de divers talents dont le réalisateur n’est que le maître d’œuvre. Cela pourrait être tout autant un producteur. Ou plus généralement, personne. Ou la somme hasardeuse de tout ce petit monde. Une résidence en somme. Avec, on l’espère, moins de problèmes managériaux en son sein. Il n’y aurait ainsi rien à changer si on en faisait un remake aujourd’hui. C’était déjà un peu le cas d’autres films tournés avant basés sur la séquestration et une oppression malsaine tournant au crime : on retrouve les mêmes couleurs, marrons presque placentaires, de Rosemary’s Baby et, disons, organiques de La Servante. Ces trois films possèdent un quelque chose qui les rend intemporels. L’effet du huis clos peut-être. Il n’y a rien qui ressemble plus à un décor d’intérieur qu’un autre décor d’intérieur. Surtout quand on est condamnés à ne pas en sortir. Une prison est une prison, on finit par ne plus voir la couleur des murs… Je n’aimais pas le côté maléfique dans le film de Polanski, et ce qui me fait préférer largement celui-ci, c’est bien son côté Jeunes Filles en uniforme. Pour être parfaitement étranger aux choses religieuses, ces références m’ont toujours sorti des yeux, alors qu’un pensionnat rempli de tarés qui offrent tous le visage de la normalité, ça parle en principe à tout le monde.

Autre différence majeure avec les giallos (genre dans lequel le film est parfois enfermé) : alors que ceux-ci ont souvent des distributions tout aussi hétéroclites, et bien que le film soit intégralement doublé, les acteurs sont ici parfaits, à commencer par Lilli Palmer, qu’on retrouve toujours avec plaisir.


La Résidence, Narciso Ibáñez Serrador 1969 La residencia | Anabel Films