Politique(s) & médias

On est tous des Sauvage.
Le XXIᵉ siècle où l’âge de la communication. Le règne de la bêtise, la prime à la médiocrité. La démocratie en somme. Ou plutôt, la vague lueur mortifère de la démocratie participative. Tout se communique, et cette facilité rend possible cette belle idée du pouvoir détenu par tous. Un leurre en fait, une arnaque. Car au lieu de renforcer l’État de droit, le sens commun, la diplomatie, l’excellence, le partage (le vrai, celui qui transmet du sens plutôt que des sensations), ces facilités favorisent la démagogie, et avec elle, l’incohérence, le non-respect des règles communes ou la bêtise, la peur, la haine de l’autre…
Deux exemples.
Notre Président méritant, non content d’être remonté dans les sondages lui permettant de bien se positionner au premier tour des présidentielles (et avant ça, imposer sa candidature de fait, sans passer par des primaires — la légitimité de l’à-propos) grâce à des faits divers sordides (oui les actes de terrorisme restent des faits divers, mais il est vrai que quelques victimes tragiques alors qu’on ne s’y attend pas, c’est pire que quelques milliers de victimes sur la route, elles tout à fait régulières donc pas du tout exceptionnelles et sujettes à faire peur, oh !! la terreur !!! « il faut avoir peur ! »), voudrait donc désormais profiter d’un autre… fait divers (à travers son épilogue : une décision de justice). C’est que les féministes viennent de s’offusquer qu’une femme soit déclarée coupable du meurtre de son mari, alors que ma petite dame, c’est qu’elle était battue, elle avait donc bien le droit… Je ne suis ni féministe ni misogyne, en revanche, c’est amusant, quand il y a d’autres, probables, ou plus évidentes injustices, celles-là, on les entend pas : les injustices, ça concerne que les femmes, et il suffit donc d’être une femme pour être blanche “comme” neige… Qui oserait en effet affirmer que la cause du féminisme n’est pas légitime ? Hum… mais est-ce bien du féminisme ? Ne serait-ce pas plutôt de la bêtise et de l’opportunisme ?… Bref, j’en reviens à notre Président méritant, qui flaire là le bon coup de communication. Lui, qui ayant dit que « moi Président » il ne se servira jamais de la grâce pour une question de principe, v’là que tout à coup, les principes s’évanouissent face à la nécessité, ou l’opportunité de gagner des petits points dans les sondages. Comment ? Je lance un épouvantail parce que j’ai toujours l’esprit mal tourné : on apprend qu’après avoir reçu les filles et l’avocat(e) de cette accusée (ou victime, on sait plus trop, ou peut-être les deux mais la confusion des genres, c’est jamais très bon pour faire de bonnes histoires), monsieur Notre Président méritant va réfléchir à ce qui pourrait bien faire, hum, hum hum… Rude décision, c’était pas qu’il avait dit… quoi déjà ? Peu importe. Le règne de la communication n’a pas de mémoire, toutes les RAM sont allouées à la mémoire vive, celle de l’instant. Faut remplir le fil d’actualité, faut que ça buzz !!! Même quand on a rien à dire ou à faire… Pourquoi ne répond-on pas directement, donc ? Pourquoi même recevoir ces dames, n’y a-t-il pas d’autres accusés qui légitiment ou pas aimeraient bien eux aussi être reçu ô… à l’Élysée ? La France… la FRANCE, qui tourne à l’aube des faits divers… On a ni pétrole ni idée, mais on a des faits divers !… Pourquoi donc que ces millions de chômistes ne se retroussent-ils pas les manches pour produire… des faits divers ! Mince, c’est simple… Bref, bref, j’en reviens, toujours à notre Président méritant (j’essaie de m’en écarter mais va falloir que j’en finisse). À quoi va donc servir cette hum… réflexion ?… À faire un sondage, pardi ! Un sondage, ce n’est rien de plus que la démocratie qui s’exprime… c’est ça la démocratie participative. Un institut de sondage t’appelle à 19h, tu réponds à deux ou trois questions pour voir si ça colle, ta seule compétence c’est d’entrée dans la case prévue, celle de « l’échelon représentatif » (hé, c’est la démocratie représentative 2.0 ! pourquoi passer par l’Assemblée, y a la chambre haute définition, le Net, et la chambre basse, le téléphone !). Et alors voilà, le sondé, il a comme caractéristique d’être particulièrement fragile face aux escroqueries, aux apparences, aux idées toutes faites… normal, on lui demande de répondre à des questions dont il se fout pas mal et dont il connaît le plus souvent pas grand-chose (moi-même, je pourrais être sondé par exemple). Le résultat ? Une catastrophe. On voudrait pas refaire un Grenelle sur la peine de mort qu’on voit si y aurait pas du nouveau sur le sujet ? Ce serait marrant de relancer des exécutions et d’aller dans le même temps faire la leçon à tous ces pays sont forcément des barbares parce qu’ils ne mangent pas de fromages comme les nôtres et parce qu’ils causent pas français… Hé, on est le pays des droits de l’homme (lequel, on sait pas, encore un mystère, une légende urbaine née sur un vieux tweet de Victor Hugo). À parier donc (mais je suis pas voyant, je garde espoir, mon côté crédule de sondé potentiel) que la grâce, on va y avoir droit. Parce qu’elle le vaut bien.
Deuxième exemple (et sonde dans le derche). Le sort réservé aux réfugiés. Un réfugié, quand il est chrétien (ce qui pourtant est aussi un malheur en soit, perso je fais pas de discrimination entre les zozos), il est le bienvenu (probablement parce que tous les pédophiles dans la religion chrétienne se concentre chez les curés, alors que chez les méchants musulmans, c’est bien connu, l’absence de clergé trouble la fête et on préfère alors y voir des égorgeurs d’enfants, un peu partout, sans discrimination, tous pareils) ; alors que le réfugié que lui il est pas chrétien bah ça va donc de soit parce qu’on tient à ce que nos enfants se fassent pas zigouiller, il peut rentrer chez lui. Où ? Chez lui. Bah il en a pas, il est réfugié. Ah… Mais moi je réponds au téléphone à 19 h, je peux pas tout savoir… Je cherche donc la cohérence dans tout ça, et le respect des droits internationaux. Les règles contraignantes, c’est toujours pour les autres ; les profitables, c’est toujours pour nous. Nous = celui en position de force. Un chef de guerre américain a dit une fois qu’il n’y avait jamais qu’une seule histoire (une seule règle ou loi on pourrait ajouter), celle du gagnant. Donc du plus fort. Il serait donc logique que face à des réfugiés, on respecte le droit, eh ben même pas, parce que personne ne nous dira qu’on fait mal, c’est nous qu’on est le plus fort… Seulement la bêtise ne s’arrête pas là. On en vient même à vouloir confisquer les biens des réfugiés pour les « dissuader de venir ». Il aurait plu le lendemain de l’accident d’Hiroshima sur la France qu’on aurait dit que le nuage avait interdiction d’éternuer et que sinon on allait prendre des restrictions contre l’Union soviétique !… na ! Je résume, ou je caricature, pour que cela soit plus évident pour ma fragile intelligence : à cause qu’on s’est fait ruiner par l’amant de notre femme qui se trouvait être un banquier véreux, on s’est retrouvé à vendre des allumettes au fils de notre voisin en lui disant « vas-y, c’est marrant, je suis sûr que ça impressionnera ton papa » ; le gamin joue au pyromane et met le feu à la maison, c’est la guerre avec le père parce que c’était toujours le cas (mais on n’a pas toujours des allumettes sous la main) ; et puis le baluchon à la main et sans culotte, le gamin se dit désormais être un réfugié et nous demande à ce qu’on l’accueille vu que nos relations semblaient bien aller, du bon voisinage quoi… c’est la règle, on s’entraide ; et là, patatras, on aide ni les jeunes, ni les étrangers, ni les vagabonds d’ailleurs (« fais voir tes papiers ! » « voilà » « fais voir tes papiers ! » « bah je viens de vous les donner » « t’es pas en règle, dehors ! »), alors retourne chez toi ! Voilà où on est en. Alors je vais pas dire que c’est la faute de l’amant de notre femme, parce que notre femme, en bonne féministe, elle est émancipée, elle fait ce qu’elle veut, seulement nous, on était pas obligé de laisser le banquier faire sa loi. Parce qu’au bout du compte la seule loi qui prévaut, c’est la nôtre, celle du peuple (et ici on pourrait même dire, les peuples — bon voisinage, toussa). Et l’économie est au service du peuple, pas le contraire. Une femme infidèle, c’est correct, l’adultère, sans être forcément bien vu, n’est pas un délit ; en revanche, prostituer son seul capital véritable (son peuple, la nation, etc.) aux quelques salopes qui sont censés faire tourner le monde, voilà qui est la source de beaucoup d’ennuis et de vices inacceptables. On est comme le camé qui pour se payer sa dose, deale à son tour, ou pire… Oui, on est tous des Sauvage : quand on se rend coupable d’un crime, c’est toujours en réponse à d’autres blessures, d’autres crimes, auxquels on a jamais pu faire face. Au lieu d’y faire face à nouveau en regardant le problème (ici celui des migrants mais ça pourrait en être bien d’autres) à sa source, on préfère agir sur les effets immédiats. Celui qui veut remonter un fleuve, parcourt-il, dans un même jour, autant de chemin que celui qui le descend ? (Sade). La facilité, l’immédiateté, « argent facile ! »… La communication, le débit, ne sert à présent que le petit profit. On vend des allumettes, ne cherchons pas plus loin pourquoi on en soufre.
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