Tous les éléments du bon vieux crime film, charnière entre deux époques du muet (celle des années 10 aux costumes encore d’inspiration Belle Époque, et celle des années 20, où l’émancipation de la femme s’effectuera davantage à travers sa représentation, notamment vestimentaire, au cinéma).
Le film applique les recettes des romans de gare de son temps : le mélo y règne en maître. Les excès du genre sont un peu les excès high-tech ou de superhéros d’aujourd’hui. Personne n’oserait plus ces tours de passe-passe narratifs et ces archétypes grossiers que dans des romans pour la jeunesse. Et ce sont en partie ces artifices qui me plaisent. Si l’on ne semble pas encore être entrés dans les années 20, c’est que le film rappelle pour une partie les serials notamment français des années de guerre comme Fantômas.
Les ficelles sont grosses, on tire sur la corde, mais ça marche. Tout autre acteur que Lon Chaney pour interpréter ce Satan rendrait le film bien moins crédible. Deux éléments du film m’ont encore plus impressionné : toute la structure du montage narratif et la structure adaptée à l’environnement mental et physique d’un gangster estropié comme Blizzard.
D’abord, pour ce qui est de la réalisation, l’usage très à la mode du montage alterné a rarement été aussi bien employé : pour générer dans l’esprit du spectateur la sensation d’urgence, on continue aujourd’hui dans les films d’action à gros budget à adopter ce principe qui consiste à passer successivement d’un espace et d’une séquence à l’autre rapidement afin d’insinuer dans l’esprit du spectateur la simultanéité des événements, voire symboliquement ou non, leur confrontation. Cela ne fonctionne évidemment que si cette urgence créée artificiellement est motivée par la tension de la situation qui combine les deux séquences ainsi alternées. Dans un crime film de ce type, et avec un méchant aussi machiavélique, un tel montage est plus que justifié.
Par ailleurs, au contraire des films de Feuillade où le plan moyen reste dominant, Wallace Worsley digère parfaitement ici les échelles de plan qui s’imposent encore aujourd’hui. Des plans moyens introduisent la scène, puis on passe à des échanges en champ-contrechamp et plan américain ou plan rapproché (le plan américain coupe ici plutôt à la taille qu’à mi-cuisse, et cela n’a probablement rien à voir avec le handicap du personnage principal…).

Pour ce qui est des décors faits à la mesure du personnage, à la manière plus tard de Underworld ou de fantaisies comme Batman (ou de bien d’autres films de gangsters), le l’espace secret révélé derrière un mur ou un soupirail reste un passage obligé.
Le repère de Blizzard apparaît d’abord comme un immeuble dans lequel il peut contrôler ses employés dans leurs moindres faits et gestes. On entre dans son antre par une porte avec une poignée (basse, ajustée à sa taille). Sa pièce de vie est richement agencée. Le spectateur découvre au fur et à mesure du film les quelques astuces décoratifs censées façonner l’environnement de ce chef estropié pour en illustrer tout le pouvoir criminel et le génie adaptatif : une petite échelle murale qui lui permet de grimper vers un sas, ou soupirail, à travers lequel il peut communiquer avec ses employés, mais surtout la traditionnelle pièce cachée derrière une cloison ou ici une cheminée et accessible via un mécanisme secret. La cheminée ne donne d’ailleurs pas seulement accès à un espace secret, mais à tout un sous-sol qui servira ultérieurement au gangster pour suivre son ambition de réhabilitation (corporelle, mentale, ou simplement de vengeance) et pour mettre la main un jour sur la ville.
Cette dernière ambition est l’occasion d’un procédé narratif là encore très populaire dans les films d’action d’aujourd’hui (de mémoire, me semble-t-il, Christopher Nolan l’utilise dans Tenet, et j’ai dû voir ça aussi dans le dernier Spider-Man) : l’illustration d’un plan énoncé et censé s’exécuter plus tard, toujours en montage alterné, mais en accéléré, et exposé « verbalement » par le personnage qui l’a mis en place. (Ce procédé de récit dans le récit avait déjà été employé, mais cette fois pour évoquer non plus des actions à venir, mais le passé, dans Homunculus, je l’avais décrit ici.)
Même la fin adopte une technique narrative encore en vogue : le twist… Les gangsters ne goûtent guère les réhabilitations faciles et surprenantes.
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