Les Indispensables du cinéma 1939

Les Indispensables du cinéma 1939

Introduction, principes et index

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Les 5 films de l’année 1939 :
  1. Le Magicien d’Oz, Victor Fleming
  2. Autant en emporte le vent, Victor Fleming
  3. Mr. Smith au sénat, Frank Capra
  4. La Règle du jeu, Jean Renoir
  5. La Chevauchée fantastique, John Ford

Au programme :

Retour en force du western ; Victor Fleming, seul réalisateur crédité des deux gros succès de l’année ; Claudette Colbert, Bette Davis, James Stewart et Henry Fonda superstars (trois films chacun au top) ; Basil Rathbone, maître de l’horreur (trois films) ; John Ford omniprésent (trois films) : émergence en haut de l’affiche de John Wayne et d’Ingrid Bergman ; retour inattendu de Greta Garbo dans une comédie, son dernier grand succès ; Thomas Mitchell, roi des seconds rôles.

La guerre est au bout du chemin, et l’Amérique regarde ailleurs : à la MGM, Judy Garland est Dorothy dans Le Magicien d’Oz. Autre produit de la MGM, cette fois en coproduction avec le studio de David O. Selznick, Autant en emporte le vent est un succès phénoménal au box-office et aux Oscars. L’adaptation du roman de Margaret Mitchell réunit à l’écran Clark Gable et une inconnue dans le rôle de Scarlett : Vivien Leigh. Le reste de la distribution est assuré par Leslie Howard, Olivia de Havilland (prêtée par la Warner), Thomas Mitchell et par Hattie McDaniel dans le rôle de Mamma. Ces deux grands succès du cinéma de l’année “profitent” également des services à la réalisation de divers techniciens, mais c’est Victor Fleming qui sera crédité à l’écran comme seul réalisateur et qui empochera la statuette du meilleur réalisateur pour le film.

En plus d’Autant en emporte le vent, David O. Selznick produit, cette fois seul pour sa compagnie, Selznick International, le remake d’Intermezzo, titré en français : Envol vers le bonheur. Ingrid Bergman reprend le rôle qui l’avait fait connaître et fait face cette fois à… Leslie Howard, l’acteur d’Autant en emporte le vent.

Toujours à la MGM, mais cette fois en noir et blanc, Billy Wilder, Walter Reisch et Charles Brackett écrivent un scénario pour Ernst Lubitsch où Greta Garbo… rit. Ninotchka sera son avant-dernier film. Melvyn Douglas lui donne la réplique. George Cukor réalise une autre comédie sur son sujet (ou son genre) de prédilection : Femmes réunit à l’écran Norma Shearer, Joan Crawford, Rosalind Russell, Paulette Goddard, Joan Fontaine et bien d’autres actrices (tout comme pour Garbo, c’est l’une des dernières apparitions notables de celle qui fut l’épouse du producteur à succès de la firme, Irving Thalberg, décédé trois ans plus tôt). De leur côté, William Powell et Myrna Loy proposent une nouvelle suite à la série de L’Introuvable réalisée par W.S. Van Dyke : Nick joue et gagne. Van Dyke signe également la réalisation d’un film réunissant Claudette Colbert et James Stewart : Le monde est merveilleux.

En plus de leur succès pour Lubitsch à la MGM, le duo Charles Brackett/Billy Wilder écrit La Baronne de minuit, l’adaptation pour la Paramount d’une histoire imaginée par Franz Schulz et Edwin Justus Mayer : le réalisateur d’Easy Living (1937), Mitchell Leisen, dirige sur le film Claudette Colbert, Don Ameche et John Barrymore. Neuf ans après Cœurs brûlés, Gary Cooper retrouve la Légion étrangère en compagnie de Ray Milland et de Susan Hayward pour qui c’est le premier rôle important dans Beau Geste. Cecil B. DeMille revient aux affaires avec un western sur la bataille du rail dans l’Ouest américain : Pacific Express réunit à l’écran pour la quatrième fois en cinq ans Barbara Stanwyck et Joel McCrea. Le studio produit également un remake d’un film Universal de 1927 : Le Mystère de la maison Norman (The Cat and The Canary).

À la Columbia, Frank Capra poursuit sa collaboration avec James Stewart et Jean Arthur après le succès de Vous ne l’emporterez pas avec vous et réalise Mr. Smith au sénat. Jean Arthur apparaît également auprès de Cary Grant dans Seuls les anges ont des ailes de Howard Hawks (Rita Hayworth se montre pour la première fois dans un grand film).

Après des années où le western était laissé aux séries B, John Ford, treize ans après Trois Sublimes Canailles et quinze après Le Cheval de fer, souhaite redonner des titres de noblesse au genre. Les studios ne le suivent pas et le réalisateur se tourne alors vers le producteur indépendant Walter Wanger (J’ai le droit de vivre, Le destin se joue la nuit) pour réaliser La Chevauchée fantastique. C’est la première collaboration notable de John Ford avec John Wayne. Le film sera récompensé par deux Oscars dont celui du meilleur acteur dans un second rôle pour Thomas Mitchell qui apparaît cette année-là dans pas moins de cinq grands films : Autant en emporte le vent, Mr. Smith au sénat, Seuls les anges ont des ailes, Quasimodo et donc La Chevauchée fantastique. Dans la foulée et face au succès du film, Ford réalise un autre western pour la Twentieth Century Fox avec Claudette Colbert et Henry Fonda : Sur la piste des Mohawks. Le retour en grâce du genre se confirme : la même année sont à l’affiche Femme ou Démon, Les Conquérants, Pacific Express et Le Brigand bien-aimé. John Ford tourne également avec Henry Fonda pour la Fox ce qui n’est pas vraiment un western mais un film d’époque, Vers sa destinée, une évocation du jeune Abraham Lincoln en avocat idéaliste.

Toujours financé par Samuel Goldwyn, William Wyler fait appel à Ben Hecht et Charles MacArthur pour adapter Emily Brontë : Les Hauts de Hurlevent réunit à l’écran Laurence Olivier et Merle Oberon. Les deux acteurs britanniques viennent de se croiser sur Le Divorce de Lady X ; Merle Oberon était déjà apparue devant la caméra de Wyler dans Ils étaient trois. Laurence Olivier reçoit sa première nomination aux Oscars et le directeur de la photographie, Gregg Toland, est récompensé pour son travail en noir et blanc quatre ans avant Citizen Kane (pour lequel il ne sera pas récompensé).

À la Warner Bros., James Cagney est toujours associé aux crime films de la firme : on le retrouve auprès d’Humphrey Bogart dans un film évoquant le temps de la prohibition (Les Fantastiques années 20, réalisé par Raoul Walsh) et auprès de George Raft dans À chaque aube je meurs (réalisé par William Keighley). Bette Davis s’exprime sur tous les supports, du mélodrame au film historique : elle apparaît dans Victoire sur la nuit, à nouveau assistée d’Humphrey Bogart, dans La Vieille Fille (accompagnée de Miriam Hopkins), puis elle s’immisce dans l’équipe habituelle réunie autour d’Olivia de Havilland, d’Errol Flynn et de Michael Curtiz en jouant le rôle-titre de La Vie privée d’Élisabeth d’Angleterre. Le trio retrouve par ailleurs ses habitudes, cette fois pour un western : Les Conquérants. Habitué à diriger les chorégraphies dans les films musicaux pour le studio, Busby Berkeley réalise un film plein d’humanité avec John Garfield, Claude Rains et les Dead End Kids : Je suis un criminel.

Shirley Temple grandit sous les projecteurs de la Twentieth Century Fox : après avoir été notamment Heidi, la sauvageonne, la voilà Petite Princesse (toujours sous la direction de Walter Lang). Au rayon de l’horreur, à la Fox, Basil Rathbone impose son visage émacié et sa stature tout en verticalité d’abord dans le rôle de Sherlock Holmes (Le Chien des Baskerville et Les Aventures de Sherlock Holmes), puis à Universal dans celui de Frankenstein en compagnie de Boris Karloff et de Bela Lugosi sur Le Fils de Frankenstein. Comme noté plus haut, la major a participé au renouveau du western sur les écrans en cette année 1939 : Henry King retrouve ainsi son acteur de L’Incendie de Chicago, Tyrone Power, pour Le Brigand bien-aimé. Film sur les frères James, Tyrone Power y joue Jesse James, tandis que son frère Frank est interprété par Henry Fonda (le reste de la distribution compte notamment Randolph Scott et Nancy Kelly).

Chez Universal toujours, on ne fait jamais rien comme tout le monde, ainsi Femme ou Démon n’est pas un western comme les autres, puisqu’il s’agit d’une comédie. Marlene Dietrich entame avec ce film une série de films pour la plus allemande des majors de Hollywood ; et elle a comme partenaire sur le plateau l’indispensable James Stewart.

Habitué des comédies, le studio de Hal Roach adapte à l’écran le premier chef-d’œuvre de John Steinbeck : Des souris et des hommes (le réalisateur d’À l’Ouest rien de nouveau, Lewis Milestone, se charge de le réaliser).

À la RKO, on revisite les classiques de Victor Hugo : Charles Laughton est Quasimodo sous les ordres d’un habitué des reconstitutions en France : William Dieterle (La Vie d’Émile Zola, La Vie de Louis Pasteur). Il est accompagné sur le parvis de Notre-Dame par une actrice irlandaise de dix-neuf ans avec qui il vient de tourner La Taverne de la Jamaïque en Europe et qui tient le rôle d’Esméralda : Maureen O’Hara. Le studio tente de faire émerger une autre actrice britannique, sœur d’Olivia de Havilland : Joan Fontaine n’a qu’un petit rôle dans Gunga Din, mais le film est un succès et lance sa carrière. Les rôles principaux sont assurés par Cary Grant, Victor McLaglen et Douglas Fairbanks Jr. (certains éléments du film seront repris dans le second volet des aventures d’Indiana Jones). Après le succès de Place aux jeunes, Leo McCarey revient avec un autre mélodrame souriant et triste : la première version d’Elle et Lui réunit à l’écran Irene Dunne et Charles Boyer. Ginger Rogers apparaît dans deux comédies pour la firme : un premier en compagnie de David Niven (Mademoiselle et son bébé), et un second (Un ange en tournée) réalisé par Gregory La Cava qui l’avait dirigée dans son dernier film (Pension d’artistes). (La même année, Ginger Rogers et Fred Astaire apparaissent dans leur dernier film en commun pour la RKO, un relatif échec : La Grande Farandole.)

Alfred Hitchcock tourne son dernier film en Grande-Bretagne en adaptant un roman de celle qui lui procurera également l’histoire de son premier film hollywoodien, Daphne Du Maurier : La Taverne de la Jamaïque réunit une première fois à l’écran (et donc avant Quasimodo) Charles Laughton et Maureen O’Hara. Robert Donat revient au pays après La Citadelle et tourne dans une filiale britannique de la MGM réalisée par Sam Wood, adaptation d’un succès de librairie : Au revoir Mr. Chips ! L’acteur sera récompensé pour sa prestation aux Oscars. Le frère d’Alexandre Korda, Zoltan, réalise en Technicolor Les Quatre Plumes blanches.

En France, Jean Renoir réalise une chronique de chasse peignant l’état de la société française à la veille de la Seconde Guerre mondiale dans La Règle du jeu. Marcel Carné et Jacques Prévert collaborent à nouveau pour leur dernier chef-d’œuvre avant la guerre sur Jour se lève. Les deux interprètes du film auront des parcours diamétralement opposés pendant les années d’occupation : Jean Gabin sera tour à tour mobilisé, exilé aux États-Unis, puis engagé dans les forces alliées ; Arletty restera en France avec tout ce que cela peut comporter pour une femme comme compromissions. Léonide Moguy invente pratiquement un film doublement en temps réel : Je t’attendrai, est un drame antimilitariste avec Jean-Pierre Aumont et Corinne Luchaire sorti à quelques mois du début du nouveau conflit. Julien Duvivier revient brièvement au pays pour réaliser un dernier chef-d’œuvre avant la guerre avec Louis Jouvet, Michel Simon et Victor Francen : La Fin du jour.

Au Japon, Kenji Mizoguchi arrive à la Shochiku et affine son style tragique sur des personnages issus du spectacle : Contes des chrysanthèmes tardifs est adapté d’un roman de Shôfû Muramatsu (Yoshikata Yoda en assure à nouveau l’adaptation de ce qui est considéré comme le meilleur film du cinéaste avant la guerre). Après Des enfants dans le vent, Hiroshi Shimizu poursuit sur la voie des films sur l’enfance avec Les Quatre Saisons des enfants. À la Nikkatsu, Masahiro Makino réalise une comédie musicale singulière, Chants de tourtereaux, et Tomu Uchida signe Tsuchi (un des rares films préservés avant-guerre du cinéaste qui, retenu prisonnier sur le continent, ne sera de retour à la réalisation qu’en 1955 avec Le Mont Fuji et la lance ensanglantée).

En Union soviétique, Marc Donskoï réalise le second volet de sa trilogie sur Maxime Gorki (après L’Enfance de Gorki) : En gagnant mon pain.

Parmi les dessins animés, notons le chef-d’œuvre antimilitariste Peace on EarthLe Vilain Petit Canard (adaptation chez Disney du conte bien connu de Hans Christian Andersen), ainsi que la version Technicolor des Voyages de Gulliver réalisée par Dave Fleischer.


Le Magicien d’Oz, Victor Fleming 1939 | Metro-Goldwyn-Mayer


*Indice de notoriété

Le Magicien d’Oz, Victor Fleming

11 562 426*

Autant en emporte le vent, Victor Fleming

7 033 140

Mr. Smith au sénat, Frank Capra

1 816 425

La Règle du jeu, Jean Renoir

1 592 640

La Chevauchée fantastique, John Ford

992 628

Ninotchka, Ernst Lubitsch

666 120

Seuls les anges ont des ailes, Howard Hawks

195 320

Les Hauts de Hurlevent, William Wyler

167 250

Le jour se lève, Marcel Carné

162 624

Contes des chrysanthèmes tardifs, Kenji Mizoguchi

132 834

Roaring Twenties

Les Fantastiques années 20, Raoul Walsh

97 328

Femmes, George Cukor

91 784

Femme ou Démon, George Marshall

89 376

Vers sa destinée, John Ford

72 600

La Baronne de minuit, Mitchell Leisen

64 701

Au revoir Mr. Chips !, Sam Wood

53 562

Victoire sur la nuit, Edmund Goulding

49 950

Gunga Din, George Stevens

43 632

Quasimodo, William Dieterle

35 880

Elle et Lui, Leo McCarey

30 660

Des souris et des hommes, Lewis Milestone

22 152

Le Chien des Baskerville, Sidney Lanfield

14 430

Le Fils de Frankenstein, Rowland V. Lee

10 437

Peace on Earth, Hugh Harman

10 200

Les Quatre Plumes blanches, Zoltan Korda

6 660

Les Conquérants, Michael Curtiz

6 603

Mademoiselle et son bébé, Garson Kanin

6 450

Beau Geste, William A. Wellman

5 100

Petite Princesse, Walter Lang & William A. Seiter

4 828

Pacific Express, Cecil B. DeMille

4 260

Le Brigand bien-aimé, Henry King

4 200

Le Mystère de la maison Norman, Elliott Nugent

3 550

Les Aventures de Sherlock Holmes, Alfred L. Werker

3 358

Le Vilain Petit Canard, Jack Cutting, Clyde Geronimi & Hamilton Luske

3 344

La Fin du jour, Julien Duvivier

3 120

Nick joue et gagne, W.S. Van Dyke

2 840

Intermezzo, Gregory Ratoff

2 574

La Vie privée d’Elisabeth d’Angleterre, Michael Curtiz

2 310

Sur la piste des Mohawks, John Ford

2 100

À chaque aube je meurs, William Keighley

2 016

Les Voyages de Gulliver, Dave Fleischer

1 980

Je t’attendrai, Léonide Moguy

1 944

Tsuchi, Tomu Uchida

1 825

La Taverne de la Jamaïque, Alfred Hitchcock

1 638

Un ange en tournée, Gregory La Cava

1 632

Le monde est merveilleux, W.S. Van Dyke

1 587

En gagnant mon pain, Marc Donskoï

1 449

Les Quatre Saisons des enfants, Hiroshi Shimizu

1 314

La Vieille Fille, Edmund Goulding

1 270

Chants de tourtereaux, Masahiro Makino

980

Je suis un criminel, Busby Berkeley

544

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