Un dimanche comme les autres, John Schlesinger (1971)

Note : 4 sur 5.

Un dimanche comme les autres

Titre original : Sunday Bloody Sunday

Année : 1971

Réalisation : John Schlesinger

Avec : Peter Finch, Glenda Jackson, Murray Head

S’il n’y aurait probablement pas eu de Nouvel Hollywood sans nouvelles vagues européennes, je ne suis pas sûr qu’on mesure à quel point John Schlesinger a participé à l’importation de ces nouveaux usages à Hollywood. Dans le Nouvel Hollywood, comme précurseur, on évoque surtout Bonnie and Clyde, Le Lauréat ou Easy Rider, et certes, leur succès a obligé les studios à revoir leur copie, mais sur le plan formel, je trouve Medium Cool et le Macadam cowboy de John Schlesinger bien plus représentatifs des techniques qui se mettront en place dans la décennie qui suit.

Les pellicules couleur sensibles et abordables, les petites caméras, les dispositifs sonores améliorés, toutes sortes d’avancées techniques ont permis l’essor d’un nouveau style, plus direct, voire d’un nouveau langage cinématographique. On s’autorise plus souvent les surimpressions abandonnées depuis le temps du muet ; on adopte des zooms et des longues focales renforçant les flous. Les mouvements d’appareil sont nombreux et les vues subjectives ne sont pas rares. À côté de ces nouvelles possibilités techniques, les cinéastes s’aventurent plus volontiers aussi vers des récits plus « modernes » : les drames ne sont plus construits autour d’enjeux définis forts et des confrontations évidentes s’achevant par une résolution, on écrit des chroniques, les histoires servent à illustrer l’humeur d’une époque, d’une société.

Il y avait tout ça dans le cinéma européen des années 60, John Schlesinger l’a exporté en Amérique en tournant sur la côte est Macadam cowboy, et le voilà qui enfonce le clou deux ans après à l’occasion de son retour en Angleterre avec Un dimanche comme les autres. La forme du film est tellement représentative de ce que j’ai décrit plus haut et les productions sont parfois si perméables à l’époque entre États-Unis et Grande-Bretagne qu’on pourrait même l’associer au Nouvel Hollywood. En cette année 71 d’ailleurs, les films adoptant ces nouveaux usages (désormais plus aux États-Unis qu’en Europe qui va amorcer à partir de là un déclin par rapport à la décennie précédente) sont nombreux. John Schlesinger en reste à la chronique amoureuse alors qu’en Amérique, c’est surtout le thriller qui profite le plus de ces nouvelles formes (le réalisateur y viendra avec Marathon Man), mais le virage formel est identique. Pour ne citer que les films les plus représentatifs, pour cette seule année 1971, nous avons donc un axe automobile avec French Connection, Macadam à deux voies, La Dernière Séance, Duel, THX 1138, Point limite zéro, un autre que l’on pourrait qualifier d’eastwoodien avec Les Proies, L’Inspecteur Harry et Un frisson dans la nuit, et un axe new-yorkais avec Klute, Panique à Needle Park et Minnie et Moskowitz (on pourrait ajouter à cette liste Les Chiens de paille que Sam Peckinpah vient tourner en Grande-Bretagne avec l’acteur marquant de cette première vague du Nouvel Hollywood, Dustin Hoffman).

On trouve donc tous les aspects formels du Nouvel Hollywood dans Un dimanche comme les autres : récits éclatés, voire mêlés (tout le film est une alternance de séquences centrées sur deux amants d’un même homme auquel, parfois, mais pas toujours, il prend part), pas d’enjeux forts (simple description d’une situation suffisamment représentative d’une époque pour ne pas en faire un objet de conflit : en dessiner les différents contours et limites suffit à rendre le film intéressant, surtout sur un plan social et psychologique) ; usage du zoom, du téléobjectif, de mouvements de caméra (voire de vues subjectives illustratives participant à une sorte de montage impressionniste), de surimpressions ; importance majeure du son hors-champ (parfois même extradiégétique : récit en voix-off ou son d’une autre séquence forçant un dialogue inattendu entre perception sonore et visuelle jusqu’à se demander lequel des deux illustre l’autre — de quoi rappeler certaines scènes d’Il était une fois en Amérique), nombreux inserts (plans sur la mécanique téléphonique à chaque appel manqué ou reçu ; le thriller paranoïaque utilisera abondamment ce procédé, car il provoque une forme évidente de suspense — un usage déjà présent dans les films d’anticipation comme THX 1138, sorti la même année, ou dans Le Cerveau d’acier). Et bien sûr (en Europe, on avait adopté ces usages depuis longtemps), le film multiplie les séquences tournées dans la rue ou dans un véhicule en marche.

Pour ce qui est du sujet de la chronique amoureuse, elle recèle son lot, peut-être pas d’innovations, mais d’avancées sociales propres à une époque : le triangle amoureux est vécu sans grande tragédie (on évite les conflits sans pour autant cacher les difficultés, la solitude, la jalousie), et il implique deux hommes (et cela, sans que l’on fasse de ces hommes des caricatures d’homosexuels névrosés et pervers).

Je m’épate régulièrement des films dans lesquels le double jeu et le sous-texte permettent une sorte de musique à deux mains. On y est pleinement dans ce récit qui se refuse aux grands éclats et qui adopte une approche descriptive presque transversale pour illustrer le drame (ou la condition) d’un triangle amoureux plus ou moins imposé, mais connu et accepté par chacun. D’un côté, le récit expose des situations anodines de la vie quotidienne centrée sur deux des trois protagonistes (les deux connaissant l’existence de l’autre sans partager sa vie et avec des règles rappelant celle de la garde alternée, d’où le titre), c’est la mélodie ; et de l’autre, côté harmonie, le récit qui, sans l’air d’y toucher, évoque les particularités, les non-dits, les mensonges (dans une société réprouvant à la fois les couples libres et les homosexuels), les dépendances affectives et la jalousie épisodique, la solitude, l’égoïsme (l’électron libre finit par quitter ses deux amants pour rejoindre l’Amérique : le médecin de la TWA lui souffle que San Francisco vaut le détour). C’est une jolie manière de dévoiler les choses sans condamner qui que ce soit, l’art du fait accompli : les personnages acceptent leur sort et nous avec. La révolution sexuelle à la sauce britannique et bourgeoise en somme. Une révolution silencieuse et sans vague.

À noter un passage de témoin incongru entre la standardiste apparaissant dans quelques séquences et un petit loubard : le second est joué par Daniel Day-Lewis, la première, par Bessie Love, ancienne star de muet qui tenait par exemple le rôle-titre de Bessie à Broadway (Frank Capra, 1928) et pionnière du cinéma américain (elle a commencé en 1916 notamment avec Douglas Fairbanks, Allan Dwan, Griffith ou William S. Hart). Un siècle de cinéma vous contemple.


Un dimanche comme les autres, John Schlesinger 1971 Sunday Bloody Sunday | Vectia, Vic Films Productions


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Macadam à deux voies, Monte Hellman (1971)

Note : 4.5 sur 5.

Macadam à deux voies

Titre original : Two-Lane Blacktop

Année : 1971

Réalisation : Monte Hellman

Avec : James Taylor, Warren Oates, Laurie Bird, Dennis Wilson

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Formidable. Nouveau jalon décisif dans l’histoire du cinéma américain et du Nouvel Hollywood, assez peu conforme par ailleurs à la logique de la politique des auteurs (beaucoup de ces cinéastes de la nouvelle vague américaine ont réalisé leur meilleur film à cette période sans forcément bien convaincre par la suite).

Je n’ai absolument aucune appétence pour les bagnoles, mais il faut avouer que le road movie est fait pour le cinéma, surtout pour ce cinéma du Nouvel Hollywood. Les États-Unis viennent de poser le pied sur la Lune, le vecteur du héros américain pouvait-il encore être ce bon vieux canasson de western ?

« Avant le tournant des années 65-70, il y a quelques précédents où des autos filmées « on location » permettent au récit de gagner en réalisme : mais le véritable précurseur semble être Bullitt sorti en 1968 (dans Bonnie and Clyde par exemple, sorti en 1967, les scènes en voiture sont des transparences), on n’avait sans doute pas encore généralisé les différentes techniques comme les remorques, les plateformes ou les dispositifs attachés sur le toit, les portières rendant possible les plans d’acteurs positionnés dans un véhicule en mouvement avec un arrière-plan bien réel… En Europe, les diverses nouvelles vagues filment depuis un moment à l’intérieur des voitures (À bout de souffle, par exemple).

Mais c’est donc à Hollywood que le road movie (avec ce fort vecteur identitaire de l’American way of life qu’est la bagnole) évoluera de pair avec la nouvelle révolution des studios.

Si Dustin Hoffman semblait avoir un abonnement avec une compagnie de bus (plus facile de placer une caméra dans la rangée centrale pour la fin du Lauréat ou de celle de Macadam Cowboy), si Easy Rider a enfoncé le clou avec les deux roues avec ses séquences de travelling d’accompagnement, et si au cours des années 50 et 60, on multiplie les timides tentatives, en 1967, avec la séquence d’introduction de Dans la chaleur dans la nuit, le directeur de la photographie Haskell Wexler prouve qu’on peut placer une caméra sur le siège passager d’un véhicule en mouvement dans un film de studio et en couleurs (on remarque au passage que c’est Warren Oates qui est déjà au volant). En 1969, alors que Disney en est encore à filmer ses séquences pour Un amour de coccinelle avec des transparences que l’on jugerait datées aujourd’hui, Haskell Wexler passe à la réalisation et montre à Hollywood que la conversion aux techniques européennes est moins compliqué qu’un passage au système métrique : l’introduction et la dernière scène de Medium Cool dans lequel les deux protagonistes sont filmés en champ-contrechamp à l’intérieur de leur véhicule donnent un meilleur aperçu de ce que les productions s’autoriseront désormais à faire. Entre-temps, en 1967, Stanley Donen avait tourné dans le sud de la France avec une équipe britannique Voyage à deux : on est loin de Hollywood et de la contre-culture, mais le caractère hybride du film et sa manière tout européenne de filmer les extérieurs laissent entendre que l’on n’a plus besoin de s’enfermer dans des studios avec une transparence pour simuler l’intérieur d’un véhicule (Psychose paraît déjà loin : avant de faire « slash », la mode n’est plus au thriller psychologique, mais à la carte postale mobile et réaliste à la James Bond — tournant qu’avait pourtant timidement initié le réalisateur britannique avec La Mort aux trousses).

Et maintenant que tout le monde a compris que c’était possible d’adopter ces techniques, alors rattachées aux films européens (et plus seulement aux nouvelles vagues : L’Homme de Rio, Z, Le Casse, grâce à Remy Julienne, etc.), dans des productions grand public, ça va être le grand embouteillage à l’orée de la nouvelle décennie.

Filmées essentiellement comme un film européen (pellicule couleur, mais caméras mobiles), les séquences sur la route dans Cinq Pièces faciles sont tournées en décors naturels et à l’intérieur même du véhicule à la manière de Bullitt et du début de Dans la chaleur de la nuit. Une partie non négligeable du film sorti en 1970 est consacrée au voyage de retour du personnage principal vers la maison familiale. La même année, John Cassavetes n’a aucun mal à placer une caméra sur la portière d’une voiture pour filmer ses trois acteurs dans Husbands. Sorti l’année suivante et plus spectaculaire que deux films adoptant dans les grandes lignes les techniques européennes (Cinq Pièces faciles et Husbands), les séquences de course-poursuite tournées à New York pour French Connection répondent à celles tournées trois ans plus tôt à San Francisco pour Bullitt. Toujours en 1971, La Dernière Séance de Peter Bogdanovich pourrait être un film italien des années 60 tant on y filme sans contraintes les passagers dans leurs véhicules (dans son film précédent, Targets, en 1968, Bogdanovich avait déjà réuni deux éléments essentiels de la culture américaine, le fusil et la voiture : le tueur, ironiquement, tirera d’abord et au hasard sur des voitures passant devant lui sur l’autoroute, puis se rendra dans un drive-in pour achever son massacre). Toujours en 1971, mais tourné cette fois pour la télévision, Duel de Steven Spielberg est entièrement filmé sur la route en adoptant ces nouveaux usages (le réalisme au service du thriller). Référence dans le genre et sorti là encore en 1971, Vanishing Point aurait pu tout aussi bien croiser la route des automobilistes de Macadam à deux voies : crossover improbable, les deux films parcourent l’Amérique d’un endroit à un autre, mais en sens inverse. Même les séquences de bolides dans THX 1138 sont tournées de manière réaliste (le réalisme au service du film d’anticipation).

Sur ce sujet, lire plus en détail : Transparences et représentation des habitacles dans le cinéma américain

Bref, voilà le contexte dans lequel a été tourné Macadam à deux voies : une grande effervescence autour des films routiers s’est emparée des studios (ou des réalisateurs de la nouvelle génération, devrait-on dire). Juste avant le premier choc pétrolier, et cela, l’année même du pic de production américain (1971), il était temps. (Ironiquement, là où, en 1972, La Dernière Maison sur la gauche était peut-être annonciateur de quelque chose, ce serait la panne d’essence.)

Pour le reste, le film est bien représentatif de l’air du temps. S’y retrouve à l’écran le même nihilisme désabusé de Cinq Pièces faciles, une écriture qui fonctionne par petites touches impressionnistes (pas d’enjeu clairement défini dans une partie introductive comme attendu dans un récit classique), un peu comme dans Le Plongeon (une halte après l’autre). On sent l’influence d’un Antonioni ou d’un Bresson sur la forme narrative du film : le passé ou les intentions des personnages n’apparaissent que fugacement, ce qu’on en apprend pourrait tout aussi bien n’être que des mensonges (le personnage de Warren Oates, GTO, parle beaucoup et, chaque fois, c’est une nouvelle version qui surgit) ou des métaphores (chaque pèlerin picoré sur le trajet semble tout droit sortir d’un catalogue de la déprime américaine). On expose ainsi les conséquences d’épisodes ou de décisions passées, jamais les causes : à nous d’imaginer ce qu’ils font et pourquoi. Le plus probable, c’est même en un sens que le récit soit purement conceptuel et que si les personnages ont si peu de consistance, c’est qu’on veut en faire des fantômes ou des archétypes. Le défi lancé de rejoindre Washington DC le premier pourrait faire office d’objectif clair, comme dans Vanishing Point sorti la même année, mais on s’aperçoit très vite là encore que ce n’est qu’un prétexte à aller de l’avant, rouler, sans finalement avoir à trop se préoccuper de quoi que ce soit. Même l’histoire d’amour amorcée (sorte de ménage à quatre avec une roue voilée) patine, et on ne la relance sur la fin que pour trouver un vague motif de jalousie et forcer une réunion vite avortée. Cinéma existentialiste ou nihiliste, c’est au choix. D’ailleurs, le film s’achèvera avant même le franchissement de cette ligne d’arrivée désignée, preuve que l’objectif était illusoire. Montrer l’errance de quatre personnages à côté de leurs pompes, illustrer l’incommunicabilité qui les caractérise : voilà finalement le seul et maigre crédo du film. « Aujourd’hui, maman est morte. Il a fallu changer une pièce du carburateur. »

Ce tableau d’une Amérique pas encore en crise composé de quatre paumés qui ne partagent pas grand-chose sinon des banquettes avant et quelques repas, c’est en détail : deux autistes passionnés de mécanique et de conduite, une ado en pleine crise existentielle probablement en fugue, et un quarantenaire bourgeois semble-t-il déclassé qui pourrait être le cousin du personnage de Cinq Pièces faciles (il dit avoir gagné son auto aux jeux alors qu’il semble au contraire avoir tout perdu sauf le besoin, pour combler son existence misérable, de se faire mousser en ramassant tout ce qu’il trouve sur la route afin de leur raconter une version alternative de sa petite histoire). Quand tu commandes un double Macadam cowboy au comptoir du Nouvel Hollywood, on te sert un Macadam à deux voies. Le plus étonnant, c’est qu’on finit par s’attacher à ces quatre désaxés. « Ton Paris-San Francisco s’est bien passé ? » « J’ai rencontré quatre gusses étranges, mais sympathiques. L’un d’eux était particulièrement bavard. Il venait de perdre sa mère. Au moins pour la quatrième fois. »

Avant Profession : Reporter, Antonioni avait sorti Zabriskie Point, beaucoup moins convaincant à mon sens, mais Macadam à deux voies aurait tout aussi bien pu être réalisé par le cinéaste italien. Bresson, Antonioni : le Nouvel Hollywood a enfin pris le train en marche de l’incommunicabilité, même si ce sera beaucoup plus épisodique et limité aux années 70 (quoique, avec Jim Jarmusch, on y est totalement).

On peut imaginer que Easy Rider ait également eu une importance capitale dans l’inspiration du film, mais celui de Denis Hopper (voire un film comme The Endless Summer) était clairement fait dans une veine hippie : la fugue, la drogue, le sexe étaient encore synonymes de liberté. Après le meurtre de Sharon Tate en 1969 et la défaite de l’armée américaine au Vietnam, si le Nouvel Hollywood poursuit son chemin sur les routes, ce n’est déjà plus du tout avec la même insouciance ou les mêmes aspirations (manquait déjà une frange de la culture de ces années décisives pour les droits humains : des cinéastes femmes — en dehors de Wanda, c’est le calme plat et le mouvement restera longtemps une révolution d’hommes).

C’est bien un souffle de déprime et de sinistrose qui s’installe peu à peu dans une Amérique touchée par la crise pétrolière, les scandales politiques et la guerre du Vietnam. Le film de Monte Hellman (ce que n’était pas du tout Vanishing Point) était déjà dans le début de ce parcours qui prendra fin en partie avec La Guerre des étoiles. En 1978, Big Wednesday aura la charge de fermer la vague avec un dernier film d’errance et de mecs obstinés : les années Reagan remettront le fric et le happy end sur le devant de la scène.

On rêverait d’assister aujourd’hui à un tel regain créatif dans les productions américaines. À croire que toutes les révolutions ne sont possibles que si elles sont avant tout techniques. Est-ce que le numérique a apporté quelque chose de plus aux cinéastes ? Eh bien, pas vraiment. Ah, si, désormais on commente les sorties cinéma sur YouTube et sur des blogs. On a la révolution qu’on mérite. J’attends l’article : « Une certaine tendance du cinéma à se foutre des enjeux environnementaux et sociétaux d’un monde qui part en sucette ».

À noter que la gamine du film en couple un moment avec le réalisateur (c’est très « politique des auteurs », ça) s’est suicidée quelques années plus tard. Quant à Monte Wellman : ses deux (mauvais) westerns tournés avec Jack Nicholson avant celui-ci auraient été remarqués en Europe dans les années 60, mais à peine dans son pays ; et en dehors de Cockfighter, tourné trois ans plus tard, sa filmographie semble hautement dispensable. L’air du temps a parfois plus de talent que les individualités… Le film est par ailleurs produit par Gary Kurtz, bien connu des amateurs de Star Wars : grand amateur de bolides et soucieux de se refaire après l’échec de THX, George Lucas avait fait appel à lui dès American Graffiti, version volubile, nostalgique et sédentaire de Macadam à deux voies. Le road movie circulaire, le cinéma en parc d’attractions, ce sera presque une rengaine dans le cinéma de Lucas.

Le public s’y retrouve : certains des visages de la contre-culture se sont perdus sur la route ; ceux qui ont su retomber sur leurs pattes, s’adapter aux nouvelles règles, aux nouvelles époques, aux aspirations du public, ont fini par prendre les commandes. En 1971, Monte Hellman réalisait Macadam à deux voies, George Lucas réalisait THX 1138, Steven Spielberg réalisait Duel, William Friedkin réalisait French Connection, Peter Bogdanovich réalisait La Dernière Séance et Richard C. Sarafian réalisait Vanishing Point : 6 roues motrices, 2 voies vers les sommets. Plan d’ensemble : pendant que les quatre autres prennent un snack sur une aire d’autoroute, George se débarrasse de son barda rempli d’incommunicabilité et de techniques de montage savantes, puis prend place à l’arrière de la moto de Steven. « J’arrête les conneries. Back to the past, Stevie. »

« It’s far far away, Luke. »


Macadam à deux voies, Monte Hellman 1971 Two-Lane Blacktop | Michael Laughlin Enterprises, Universal Pictures

Nous sommes tous en liberté provisoire, Damiano Damiani (1971)

Note : 2.5 sur 5.

Nous sommes tous en liberté provisoire

Titre original : L’istruttoria è chiusa: dimentichi

Année : 1971

Réalisation : Damiano Damiani

Avec : Franco Nero, Riccardo Cucciolla, Georges Wilson

Le film peine à trouver son rythme. Franco Nero est parfait, mais semble être le plus souvent laissé à lui-même par Damiano Damiani. Le réalisateur se concentre un peu trop sur l’immersion de son personnage de la petite bourgeoisie italienne dans un milieu carcéral hostile en oubliant de rappeler de temps en temps que de toute évidence son personnage principal est, et se sent, victime d’une erreur judiciaire. S’il avait rappelé ça, on aurait pu voir venir le complot qui se tramait contre un des détenus avec sa complicité malheureuse.

Au lieu de ça, tout ce qui précède, dans tout ce que ça implique d’intolérable, insiste trop sur la dénonciation des conditions de vie dans une prison, quand le sujet est ailleurs. Alors que jusque-là le pouvoir détenu par la mafia dans la prison ne participait qu’à la description d’ensemble, dans le dernier tiers du film, il prend enfin tout son sens, et tout son pouvoir dramatique : au lieu de craindre pour la vie de l’architecte, à qui on n’en voudrait pour x raison, on commence à craindre la machination dans laquelle on l’a embarqué malgré lui et dont on sent bien qu’il lui sera impossible d’échapper. De descriptif, le film devient plus politique, est un thriller paranoïaque et moral.

Dommage de ne pas être parvenu à instiller dès le début ces caractéristiques qui auraient fait du film un produit réellement inquiétant.

 


 

Nous sommes tous en liberté provisoire, Damiano Damiani, L’istruttoria è chiusa dimentichi 1971 | Fair Film


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Bubù, Mauro Bolognini (1971)

Bubù (de Montparnasse)

Note : 3 sur 5.

Bubù

Année : 1971

Réalisation : Mauro Bolognini

Avec : Massimo Ranieri, Ottavia Piccolo, Antonio Falsi

La même histoire souvent avec Bolognini : c’est beau, techniquement accompli, mais un choix de sujet et de direction des acteurs assez déconcertants. Tout est à l’image de ses musiques de film d’ailleurs : d’une qualité honnête, mais jamais sans grand génie, un peu fade, et pas toujours utilisées à propos.

Concernant ce Bubù, j’avoue ne pas bien comprendre le mélange entre le Paris de la Belle Époque et celui manifestement de Turin. Apparemment à court de budget, il aurait resitué son sujet dans le nord de l’Italie, mais la moindre des choses aurait été de changer les répliques prévues évoquant un contexte parisien. D’autant plus qu’avec la postsynchronisation, ça ne devait pas être si compliqué à faire.

Pour en revenir à la direction d’acteurs, ce qui m’échappe, c’est que le cinéaste ne se révèle pas si mauvais à les situer dans l’espace, les cadrer, les faire bouger, mais dès qu’il est question de faire des choix d’interprétation, je ne suis plus. On n’en arrive pas au même point que L’Héritage, mais on troque l’antipathie des personnages pour l’apathie : il peut arriver n’importe quoi à notre petite Berta (en dehors d’un drame assez prévisible lié à ses pratiques sexuelles, il ne lui arrive pas grand-chose), ça nous fait ni chaud ni froid.

(On remarquera la grande créativité des affichistes : à cinq ans d’intervalle, on retrouve la même affiche que pour L’Héritage. Ce qui résume d’ailleurs assez bien le cinéma de Bolognini des années 70.)

De rares grands films chez Bolognini. Le plus souvent, la qualité est assurée par une distribution heureuse… Pas vraiment flatteur pour lui.


Les Longs Adieux, Kira Mouratova (1971)

Note : 4 sur 5.

Les Longs Adieux

Titre original : Dolgie provody

Année : 1971

Réalisation : Kira Mouratova

Avec : Zinaida Sharko, Oleg Vladimirsky, Tatyana Mychko

— TOP FILMS

Après le visionnage de films plus récents, plus austères, bien trop expérimentaux pour moi, retour au début de sa carrière, et à des expérimentations mieux intégrées au récit.

Le remarquable ici tient pourtant de la qualité et de la simplicité d’une histoire. Celle de l’amour d’une mère pour son fils. La peur de le voir partir rejoindre son père, sombrer peu à peu dans une dépression, ne pas céder au chantage pour le retenir, se retenir aussi de lui supplier de rester, et finalement craquer psychologiquement, nerveusement, pour une babiole lors d’une représentation théâtrale, où elle fait un peu honte à son fils, se ridiculise devant des centaines de spectateurs, et s’en foutre royalement parce que pour elle rien ne compte plus à cet instant que son fils qui l’abandonne. Rien qu’à y repenser, ça met les larmes aux yeux.

Quel dommage que Kira Mouratova ait choisi par la suite de s’adonner plus volontiers à des expérimentations franchement chaotiques pour un cinéma narratif (ses acteurs qui gueulent dans un nombre incalculable de séquences m’ont donné la migraine).



 

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Le Lien, Ingmar Bergman (1971)

Le Lien

Beröringen Année : 1971

5/10  

Réalisation :

Ingmar Bergman

Une madame Bovary qui s’éprend d’un sombre connard et qui file dans ses bras quand il la frappe. Trop vraisemblable pour être supportable.

Qu’il y ait des abrutis dans le cinéma de Bergman parce qu’il est souvent plus intéressé à dessiner les contours de ses personnages féminins, c’est une habitude ; mais là il pousse un peu loin le pompon. Pire que tout, c’est la réaction, ou l’absence de réaction, du personnage de Bibi Andersson qui est difficilement supportable. Le fait d’en faire une idiote éprise d’un tel névropathe n’aide pas à s’attacher à elle. Surtout qu’à côté de ça, son petit-bourgeois de mari a tout du parfait bonhomme. Il y a des frivolités moins cinématographiques que d’autres. Et encore, ça tracasserait madame d’être amoureuse d’un tel monstre, certainement pas, ça ne fait que rendre la bête encore plus séduisante pour elle… Il y a très probablement du vrai dans cette bêtise toute féminine à trouver les mecs violents, voire déséquilibrés, tout à fait attirants, mais si on ne peut s’identifier à l’amant, au moins qu’on puisse le faire avec elle. On ne peut pas, à qui peut-on s’attacher ? Au regard un peu méprisant de la fillette pour sa mère peut-être… Cinq secondes d’un film à sauver.

Un Bergman mineur à raison.


Le Lien, Ingmar Bergman 1971 Beröringen | Cinematograph AB, ABC Pictures


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The Raging Moon / Une lueur d’espoir, Bryan Forbes (1971)

Note : 4 sur 5.

Une lueur d’espoir

Titre original : The Raging Moon

Année : 1971

Réalisation : Bryan Forbes

Avec : Malcolm McDowell, Nanette Newman

C’est dans les yeux de celle qu’on aime qu’on trouve son chez-soi. Illustration avec le regard à double foyer de la plus belle des nénettes, Nanette Newman.

Parmi les acteurs, il y a ceux qui savent écouter et les autres. Mais il y a aussi ceux qui savent regarder, ou plutôt, qui savent reproduire ce type de regards mouillés, aux pupilles dilatées, tendus vers l’être supposé chéri : le partenaire de jeu.

On appelle ça l’effet puits. À ne pas confondre avec les yeux de merlans frits : ceux-là ne sont tendus que vers le vide. Ceux de Nanette (ou de ses comparses illusionnistes qui en un clin d’œil vous mettent la main sur le cœur et les yeux en émoi) glissent avec tendresse sur la margelle mouillée du partenaire (aussi appelée « blanc des yeux », mais c’est un abus de langage : on se regarde bien dans le noir dilaté de la pupille, voyons !).

Ça glisse autour de la margelle, ça se demande si ça va plonger tout entier dans le creux vertigineux de l’amour, ça se balade, un coup sur la bouche, sur les cheveux… et le puits a beau être profond, s’y reflète de l’autre côté le même jeu de sidération amoureux.

Les anglophones parlent de eye contact ou de flirt. Moi je parle d’une actrice formidable qui m’a laissé l’aimer le temps qu’elle a aimé, elle, cet idiot de Malcom McDowell.

C’était en 1971, et la magie du cinéma, elle s’opère aussi là. Nanette et Malcom jouent des handicapés, et ils ne le sont pas. Ils jouent à s’aimer, mais pendant qu’elle regardait son Malcom en prétendant l’aimer, je n’avais d’yeux que pour elle. Et ça, ce n’est plus du cinéma, c’est de la magie. Ce n’est pas non plus de la réalité, parce que pendant les contrechamps sur cet idiot de Malcom McDowell, je pouvais me demander si un jour une femme me regardera ainsi ou si par hasard c’était déjà arrivé.

Embrasse-la Malcom, c’est du cinéma. Vous vous aimez, moi non plus.

Attention toutefois, le film propose des renversements brutaux capables de choquer certaines âmes sensibles. The Raging Moon, A Love Story.


The Raging Moon, Une lueur d’espoir, Bryan Forbes 1971 | EMI Films


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Macbeth, Roman Polanski (1971)

Note : 4 sur 5.

Macbeth

Titre original : The Tragedy of Macbeth

Année : 1971

Réalisation : Roman Polanski

Avec : Jon Finch, Francesca Annis, Martin Shaw

Excellente adaptation. Polanski fait de Macbeth une tragédie presque lumineuse quand on la charge peut-être trop souvent d’obscurité. Il évite le ton sur ton et arriverait presque à gommer ce qu’il y a d’antipathique chez un individu à poursuivre une quête folle du pouvoir. Macbeth est plus montré comme victime du destin qui se joue de lui à travers les sorcières, que celui de sa femme manipulatrice. Les deux sont extrêmement jeunes ici, voire un peu naïfs. Pas con, puisque leur folie et leur sort final n’en deviennent que plus tragiques. Le côté lugubre de la pièce avait tendance à me rebuter un peu, mais avec un tel éclairage, il faut avouer que les deux Macbeth gagnent plus facilement notre sympathie. Bien meilleure adaptation en tout cas que celle de Welles* et de Kurosawa (les deux tombant, là, dans le piège du ton sur ton).

*Mis B donc 9 ou 8 au Welles, en fait, en 2006, pas grand souvenir.

Je ne m’étais jamais rendu compte à quel point Macbeth, Hamlet et Richard III étaient structurées pratiquement de la même manière. Trois tragédies sur des usurpateurs, sur le pouvoir conquis ou à conquérir. Une entité initiale chargée d’éveiller et de prédire le sort, l’ambition, du personnage principal (Lady Marguerite, les sorcières, le spectre du père d’Hamlet). L’utilisation des éléments surnaturels entrant en contact avec le héros tourmenté (le père d’Hamlet, les sorcières mais surtout les visions des fantômes pour Macbeth, les fantômes également dans Richard III). Un combat annoncé contre un freluquet exilé (Fortinbras, Richmond, Macduff), et donc un combat final (à l’épée) se terminant par la mort du personnage principal. L’utilisation par le héros de personnages de seconde zone pour agir à sa place mais qu’il convainc lui-même de tuer avant de les faire tuer à son tour (les assassins divers dans Richard III, ceux qu’engagent Macbeth pour faire tuer Banco, et de manière plus détournée dans Hamlet, qui engage là des acteurs pour jouer un meurtre en espérant ainsi confondre — démasquer — le roi). Le rapport aux mains souillées après un meurtre et donc la culpabilité qui va avec (pas souvenir dans Hamlet cela dit). Un personnage qui peu à peu tombe dans la folie (qui parfois ne l’est pas toujours, comme avec l’intervention des spectres). Des consciences tourmentées par des actions (ou une quête du pouvoir) que d’autres voudraient qu’ils entreprennent en leur nom (moins clair dans Richard III qui passe pour l’arriviste de première, mais on voit bien aussi que sa monstruosité est cet élément qui le pousse comme une revanche à prendre le pouvoir, tout comme sa volonté à légitimer sa branche royale ; Hamlet est pressé par le spectre de son père et par sa conscience de fils à le venger ; Macbeth est lui poussé par sa femme). Trois pièces identiques avec un habillage différent…


En prime, un petit « raté » à la Cinémathèque.


Macbeth, Roman Polanski 1971 The Tragedy of Macbeth | Columbia Pictures, Playboy, Caliban Films Ltd.


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La Salamandre, Alain Tanner (1971)

Le petit arpenteur

Note : 3 sur 5.

La Salamandre

Année : 1971

Réalisation : Alain Tanner

Avec : Bulle Ogier, Jean-Luc Bideau, Jacques Denis

Un peu de mal à se mettre en place, ou difficile de se faire à un cinéma à la fois très écrit, sans être littéraire, et naturaliste (certains diraient « intimiste »).

Il y a un petit quelque chose d’Eustache, mais l’efficacité du montage en moins ; quelques fois la fantaisie des Arpenteurs (tourné l’année suivante et avec le même Bideau), mais le film convainc surtout dans la seconde moitié en se faisant plus resserré et plus irrévérencieux (voire anar). Fuck la police, fuck les parents, fuck le travail, fuck le loyer, ou… l’inspecteur de la défense civile (!).

Ce n’est pas bien brillant, mais il faut surtout remarquer le travail, pas facile dans ces conditions, des acteurs (texte affreusement difficile à déclamer car plein de longueurs et de “naturalismes” sans prendre le parti du jeu comme chez Bresson, Eustache ou Godard du “faux” — le choix du son direct par exemple).

Bideau mélange le bon, le moyen et l’excellent, mais ce sont surtout les envolées de Bulle Ogier qui selon la formule consacrée tient tout le film sur ses épaules… La spontanéité et la douce vulgarité qu’il faut. Elle a une manière de jouer l’exaspération ou l’étonnement…, ça s’envole dans des hauteurs maîtrisées, l’équilibre parfait, la justesse. Ce n’est pas toujours le cas, vu la partition imposée, mais le talent est évident, et sans elle, le film devient indigeste. (Direction d’acteurs pourtant inexistante, c’est dire la prouesse : les dialogues, comme chez Rohmer, et rien d’autre, aucune situation ou très peu, donc ça bavarde, et on laisse les interprètes se démerder avec ça.)

(À noter le télescopage amusant dans la programmation au lendemain de la diffusion du Petit Soldat de Godard, se passant aussi en Suisse, mais offrant surtout une séquence archétypale identique, celle du photographe/journaliste photographiant une femme dans un appartement. C’est bien plus convaincant chez Godard, à le faire presque passer pour un génie — ah, bah… oui, OK, quand on y songe…)


La Salamandre, Alain Tanner 1971 | Filmograph S.A., Forum Films, Group 5, Svocine


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They Might Be Giants (Le Rivage oublié), Anthony Harvey (1971)

They Might Be Giants

Note : 4.5 sur 5.

Le Rivage oublié

Titre original : They Might Be Giants

Année : 1971

Réalisation : Anthony Harvey

Avec : George C. Scott, Joanne Woodward

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Les fous au pouvoir !… Qui est fou ? Les doux rêveurs ou la société ?

Quelques moments de “bravoure” d’anthologie, du théâtre filmé, des dingues en pagaille, de cette folie plus proche de la raison que certains hommes sages ne le seront jamais (on est chez Shakespeare, Cervantès ou chez Érasme) et la plus savoureuse entre tous, l’une des comédiennes les plus phénoménales du monde plat, à l’imagination débordante et à la maîtrise totale, au charme unique… Joanne Woodward. Difficile de croire que c’est la même qui l’année suivante tournera De l’influence des rayons gamma… Temps écoulé avant le quasi-coup de foudre : 5 minutes. Chaque mimique, chaque geste, chaque moue boudeuse, chaque interrogation, chaque sourire est une caresse. Watson, je vous aime.

Mais il faut aussi voir le film pour George C. Scott, tellement improbable en Sherlock, et donc forcément fascinant et crédible dans ce personnage où malgré les apparences, lui seul fait preuve de finesse, d’intelligence et de sagesse. Jusqu’à ce que lui aussi succombe, à la plus douce des folies, l’amour.

Et puis surtout… « There’s no more westerns! ». L’acte de mort d’un genre qui se déclare dans un film censé être complètement dingue. La vérité sort de la bouche des fous.

Ce qu’on pourrait appeler un vrai film pour cinéphiles. Un éloge des tordus, des battants luttant contre les faux-semblants, et de l’amour. De la douce folie aussi.


They Might Be Giants (Le Rivage oublié), Anthony Harvey 1971 | Universal Pictures, Newman-Foreman Company


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