La Peur & Les Évadés de la nuit, Robert Rossellini

Note : 3 sur 5.

Note : 2.5 sur 5.

La Peur & Les Évadés de la nuit

Titres originaux : Non credo più all’amore (La paura)/Era notte a Roma

Année : 1954/1960

Réalisation : Robert Rossellini

Avec : Ingrid Bergman, Mathias Wieman/Leo Genn, Giovanna Ralli, Sergey Bondarchuk

Qu’est-ce que c’est poussif… Je n’ai jamais compris l’intérêt pour ce cinéaste et je ne le comprendrais sans doute jamais. C’est une chose de ne pas chercher à faire dans le spectaculaire, mais le but même de réaliser des films (et cela, depuis Brighton), c’est de trouver la manière d’illustrer au mieux un sujet et une histoire qu’on décide de porter à l’écran. Je vois la mise en scène comme un axe spectaculaire/distanciation. Cela a toujours été mon prisme de lecture, peut-être à tort ; et il m’est impossible de placer Rossellini sur cet axe.

On le voit bien ici. Ce qui transparaît des mises en scène de Rossellini, c’est de l’amateurisme. On comprend ce qu’il voudrait faire, mais comme il n’y parvient pas, manque de talent, ça tombe à l’eau.

Attirer l’attention du spectateur ou jouer avec son intérêt pour lui suggérer quelque chose, c’est tout un savoir-faire. Il faut maîtriser le sens du récit, les acteurs, la caméra, le montage, le rythme à l’intérieur du plan et d’une séquence à l’autre, l’usage de la musique. Rien que sur ce dernier point, on ne le sent pas du tout maître de quand en mettre ou non : lors de ce dernier film avec sa femme (La Peur), il en fout partout, ça déborde, c’est ridicule tellement ses choix sont mauvais. Et quelques années après, avec Les Évadés de la nuit, ça donne presque l’impression de n’en avoir plus rien à faire, de ne savoir tellement pas quand mettre de la musique que le rythme s’étiole d’un coup et qu’on se demande ce qu’il se passe…

Et non, ce n’est pas une volonté de sa part. Quand on décide de ne pas mettre de la musique et qu’on s’y tient, on maîtrise en conséquence la tension et le rythme des séquences. Dans Les Évadés de la nuit, certaines séquences suivent directement la précédente sans changer d’espace ou de temporalité (à la façon du théâtre), pourtant, si une nouvelle séquence est lancée et si un basculement narratif s’opère, c’est bien qu’un nouveau personnage est apparu ou qu’un événement imprévu force un nouveau départ. Or, sans montage, sans ellipse et sans changement d’espace, il faut bien « mettre en scène » ce basculement, car c’est toute la tension, la tonalité et le rythme du film qui changent en conséquence. On sent que c’est ce que tente encore vaguement de faire Rossellini ; lui, le soi-disant apôtre du néoréalisme, tente encore tant bien que mal de coller aux exigences esthétiques et aux codes du classicisme. Sauf qu’il semble ne plus du tout savoir où il en est. Le scénario ne l’aide pas beaucoup parce que le film est long (pour ne pas dire interminable), avec les dernières minutes très étranges durant lesquelles on ne comprend pas pourquoi ça ne finit pas alors qu’une grosse partie des personnages ont disparu ou alors qu’un autre réapparaît. On comprend alors que parmi toute cette bande, il y en avait un qui avait en fait la primauté sur les autres parce que c’est le seul qui restera (ce n’est pas pour autant un film d’élimination, car on l’aurait alors accepté).

Bref, l’impression qu’il n’y a personne à bord. Rivette me laissera exactement la même impression, avec au moins un constat que les cinéastes semblent eux-mêmes faire sur leur travail : « Puisque je suis nul, je vais adopter une approche minimaliste et naturaliste — la forme je m’en moque ». Voilà qui est bien pratique : alors que l’idée de mise en scène est précisément d’offrir un regard, un point de vue, un choix dans la manière de présenter les choses, ils cherchent tous deux à s’émanciper de cette obligation. D’accord, mais si on fait aussi bien à la télévision, pourquoi est-ce que la critique y a prêté autant attention ? Sans doute parce qu’ils leur prêtaient des intentions qu’ils n’avaient pas. Et parce qu’une des marottes trompeuses d’une certaine critique a été de faire des cinéastes (surtout quand ils n’avaient aucun talent de mise en scène) des « auteurs ». En quoi Rivette et Rossellini sont-ils des auteurs ? On trouve une constance dans leur incapacité à traiter et à illustrer un sujet qu’ils laissent à d’autres d’écrire pour eux ? La critique (notamment française) a été une critique au service des puissants (leurs amis qui comme eux souvent avaient été autrefois critiques et qui tentaient de prendre la place des anciens) au détriment des réelles petites mains et auteurs des films d’alors : les scénaristes ou adaptateurs. Il ne faut pas croire qu’il y a toujours un « auteur » derrière un film. Réunir des ingrédients et les mélanger ne fait pas de vous un cuisinier. Dans certaines productions, faire des films, c’est souvent pareil.

Ses deux actrices principales, en revanche : respect. Toutes les deux pour le coup se situent sur un axe de jeu d’acteurs assez identifiable et, à endroit, qui aura toujours ma préférence : on y retrouve à la fois une grande justesse, mais aussi une grande capacité à donner à voir d’innombrables expressions qui, en réalité, n’ont rien de “naturel” (raison de plus pour penser que pour certains le « naturalisme » n’avait rien de volontaire ou de contrôlé). Le jeu tout en sous-texte, notamment de Bergman, est un modèle (je dis quelque chose, je pense à une autre).


La Peur, Robert Rossellini 1954 | Aniene Film, Ariston Film GmbH / Les Évadés de la nuit, Robert Rossellini 1960 | International Goldstar, Dismage