Le Plus Sauvage d’entre tous (Hud), Martin Ritt (1963)

Les cow-boys et les fusées

Le Plus Sauvage d’entre tous

Note : 3.5 sur 5.

Titre original : Hud

Année : 1963

Réalisation : Martin Ritt

Avec : Paul Newman, Melvyn Douglas, Patricia Neal

Western sans doute plus proche d’un drame conventionnel qu’un véritable produit du genre. C’est peut-être même un peu la mort du western à l’américaine. La route de l’Ouest est d’ores et déjà construite et elle ne se traverse plus qu’en cheval mécanique. On y retrouve nos cow-boys, rangeons donc ça dans les westerns, même si l’histoire est contemporaine (1963).

Le film repose sur une opposition intéressante entre deux personnages, deux cow-boys de générations différentes. D’un côté, Hud joué par Paul Newman, cow-boy égoïste, séducteur, méfiant à l’égard des services de l’État, qui vit avec l’idée de ce qu’est être cow-boy, celui des films, sans en être véritablement un, même s’il élève des bêtes. De l’autre, son père, joué par Melvyn Douglas (l’homme distingué qui fait rire Greta Garbo dans Ninotchka), attaché aux vieilles valeurs du cow-boy, le vrai (si, si… Melvyn Douglas), celui attaché à ses bêtes, à ses terres, à certains principes de justice (ceux qu’on voit rarement triompher avant la fin des films).

Tout commence quand une bête du troupeau est retrouvée morte. Le vieux se décide à appeler les services de l’État pour savoir de quoi elle est morte, il connaît les risques : c’est le spectre de la fièvre aphteuse qui est derrière tout ça, c’est-à-dire une quarantaine puis l’élimination de tout le bétail… Hud, lui, voudrait fermer les yeux, et ne pense qu’aux pertes s’ils préviennent le vétérinaire. On fait alors des tests dont les résultats ne tomberont qu’à la fin, et pendant ce temps, le jeune et le vieux se déchirent. Au milieu le neveu de Hud, tout juste sorti de la puberté, est à la fois soucieux de préserver les valeurs de son grand-père et idolâtre son oncle, incarnation parfaite du mâle à qui tout réussit. On apprendra plus tard les circonstances de la mort du père du gamin, dont Hud est pleinement responsable. Hud n’en éprouve aucun remords, mais son père lui dit aussi qu’il a fait longtemps le deuil de son fils et que s’il ne l’aime pas parce qu’il lui reproche la mort de son frère…

On n’est pas chez Tenessee Williams, même si parfois, surtout avec la présence de Newman, on y pense, mais les relations entre les personnages ne sont pas aussi poussées, pas aussi verbalisées, pas aussi tendues autour d’une ou deux scènes fortes et d’un unique lieu. Au contraire, on s’échappe, on fuit le conflit pendant tout le film. Les conflits sont suggérés, et les oppositions éclatent à travers la question si délicate des valeurs. Vers la fin du film, quand on sait qu’il s’agit de la fièvre aphteuse et qu’ils vont perdre toutes leurs bêtes, on leur conseille de se lancer dans le pétrole, mais le grand-père n’est pas intéressé, l’occasion pour lui de prouver son attachement à la terre et à ses bêtes : « On ne tourne pas autour d’un puits de pétrole comme on le fait autour d’un troupeau »… Hud au contraire y voit une occasion de s’enrichir.

Curieusement le film me fait un peu penser aux films de Naruse sur la transmission douloureuse d’une culture à une génération nouvelle qui se tourne plus vers la modernité et la vie facile.

Le film est un peu bancal, parce qu’il aurait pu traiter ce sujet en se fixant sur la double opposition entre le père et le fils, au niveau des valeurs, face à une situation de crise, et au niveau de l’histoire commune traversée par le drame de l’autre fils. Au lieu de cela, il fuit la plupart du temps ces conflits en ne faisant que les survoler, mais surtout il se croit obligé d’ajouter à cette histoire une femme. Les froufrous c’est bien, ça fait joli, c’est séduisant, mais là on se demande bien ce que vient faire le personnage de Patricia Neal dans ce traquenard rural (même si je l’adore, et même si sa seule présence évoque, certes, la ville, la sophistication, la modernité mangeant peu à peu l’ancien monde). Sa présence moite, indomptable, comme une sorte de Stan Kowalski au féminin, est très utile pour illustrer le désir du fils et du neveu, leur différent traitement des femmes…, mais à part ça, c’est une bonne avec son histoire à elle, rien ne la relie au sujet du film. Un peu étrange.


Le Plus Sauvage d’entre tous (Hud), Martin Ritt 1963 | Salem-Dover Productions