Le Visage, Ingmar Bergman (1958)

Ansiktet

Note : 4.5 sur 5.

Le Visage

Titre original : Ansiktet

Année : 1958

Réalisation : Ingmar Bergman

Avec : Max von Sydow, Ingrid Thulin, Gunnar Björnstrand, Naima Wifstrand, Bengt Ekerot, Bibi Andersson, Gertrud Fridh, Lars Ekborg, Erland Josephson

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Ainsi fond, fond, fond, le masque envoûtant des apparences…

Duel quasi ogival entre le visage d’une science miraculeuse et une autre, moderne. Comme le passage en surimpression d’un monde à un autre.

Bergman et son goût pour les troubadours, les escrocs, les masques… Je ne suis pas un grand admirateur de La Nuit des forains, mais on y aurait trouvé la distribution du Visage que ç’aurait peut-être tout changé (avec Max von Sydow en clown notamment). On y trouve là peut-être, en dehors d’Harriet Andersson et de Liv Ullman, tous les meilleurs acteurs du maître suédois. Une concentration de talent exceptionnelle. Bergman et son chef opérateur (le même que celui des Fraises sauvages, de Jeux d’été ou de Sourires d’une nuit d’été, avec cette jolie surexposition champêtre qu’on retrouvera également dans La Source) baignent tout ça dans une atmosphère à la fois mystérieuse et pleine de fantaisie qui manquait peut-être à mon goût pour La Nuit des forains. Sans compter que celui-ci est beaucoup plus concentré, théâtral, car tourné en adoptant quasiment le principe du huis clos (tout se passe dans une grande maison bourgeoise). Des troubadours sédentarisés, c’est bien ça aussi la réussite étrange de cet opus, intense par ailleurs d’un bout à l’autre.

Une tragédie comique basée aussi sur un principe dramaturgique vieux comme le monde : la mise en parallèle de deux lignes dramatiques, l’une générale, contextuelle, avec un objectif défini et annoncé, et l’autre plus intime qui viendra chahuter la première jusqu’à ce qu’elles finissent dans un dénouement par se mêler.


Le Visage, Ingmar Bergman 1958 Ansiktet | Svensk Filmindustri


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Une leçon d’amour, Ingmar Bergman (1954)

Note : 4 sur 5.

Une leçon d’amour

Titre original : Lektion i Karlek

Année : 1954

Réalisation : Ingmar Bergman

Avec : Eva Dahlbeck, Gunnar Björnstrand, Harriet Andersson

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Décidément le couple composé de Eva Dahlbeck et de Gunnar Björnstrand (deux ans après L’Attente des femmes, et leur vaudeville d’ascenseur) fonctionne à merveille sur le mode comédie romantique, tendance, là encore, comédie de remariage. Cette fois, ce n’est plus dans un immeuble, coincés entre deux étages, mais plutôt dans un wagon, entre deux gares.

Comme à son habitude, Bergman multiplie et articule son récit autour de flashbacks. Il faut reconnaître que c’est pratique, on passe du coq à l’âne, d’une époque à une autre, en se passant des transitions ou des tics que le dramaturge hiémal pourrait garder de ses pièces.

Faut-il seulement faire remarquer qu’évidemment les dialogues sont savoureux et qu’il faudrait presque pouvoir les relire au calme pour pouvoir en apprécier tout le sel ?… C’est qu’une comédie de Bergman, ça peut aller vite, et la subtilité de sa repartie peut vite passer à l’as pour des esprits lents comme le mien.

On est l’année qui suit Monika, j’aurais juré, à y voir Harriet Andersson, que c’était tourné avant (j’ai l’esprit mal tourné, j’aurais bien voulu y voir un nouvel exemple de film « sur le couple déchiré » avant le soi-disant pont Monika séparant une période bergmanienne sur les amours naissantes et une autre sur la vie conjugale). Elle y est belle, Harriet, comme dans Cris et Chuchotements. Pas un millimètre de maquillage, pas un poil sur le caillou, on dirait un enfant-bulle à l’orée de son premier printemps leucémique. Le voilà le sex-symbol qui émoustilla ces pervers de cahiersards. Je me serais fait un plaisir de leur montrer cette Harriet-là en garçon manqué, peut-être aussi hargneuse et sauvage que Monika, mais encore enfant, encore bourgeoise, encore soumise malgré ses geignements puérils. Pourtant, son personnage n’est pas forcément moins “révolutionnaire” (elle veut changer de sexe, et on imagine bien que ce n’est pas une option qui passe pour sérieuse aux yeux des futurs novovagualeux). Moins érotique, là, c’est certain. On l’imagine bien, notre Godard national, lancer comme la grand-mère : « Mais quand va-t-elle donc devenir plus féminine ? ».

Si on est bien après Monika, je pourrais peut-être me consoler en imaginant que Bergman s’amuse ici avec le sex-symbol qu’il a créé dans son précédent film (et qui ne l’est pas encore tout à fait, vu que les rédacteurs prépubères des Cahiers découvriront en fait le film qu’un peu plus tard – avant qu’Antoine Doisnel arrache l’affiche dans un cinéma, je rassure ma grand-mère) pour l’envoyer aux orties. C’est lui qui écrit, qui commande, qui dicte, alors son Harriet, il en fait ce qu’il veut (et ce qui se passe hors-champ ne nous regarde pas).

À part mes éternels sarcasmes contre la critique, je n’avais, c’est vrai, et comme à mon habitude, rien à dire. J’aurais pu me contenter de l’essentiel. Voilà un Bergman théâtral, un peu champêtre, pourtant encore très cinématographique (le wagon oblige), et c’est vrai aussi assez peu photogénique (les procédés, l’écriture, font cinéma, mais les décors, qu’ils soient naturels ou des intérieurs, n’ont pas de quoi soulever les masses). Ça n’atteint pas la force visuelle de beaucoup d’autres films de Bergman, en particulier futurs, mais le génie grouille à chaque réplique, l’esquisse cynique des personnages reste d’une force et d’une justesse ordinaires dans l’écriture du Suédois. La constance, à ce niveau au moins, est bien présente. Il faudrait être idiot pour bouder l’immense plaisir qu’une fois encore cet autre pervers arrive à partager avec nous. Je pardonne plus facilement aux artistes de l’être (pervers), qu’à leurs exégètes qui ne font que vomir leurs propres fantasmes en voyant ceux dont c’est un peu le fonds de commerce, de les répandre sur la place publique. D’ailleurs je vais me taire, Monique.


Une leçon d’amour, Ingmar Bergman 1954 Lektion i Karlek | Svensk Filmindustri

L’Attente des femmes, Ingmar Bergman (1952)

Note : 4 sur 5.

L’Attente des femmes

Titre original : Kvinnors Vantan

Année : 1952

Réalisation : Ingmar Bergman

Avec : Anita Björk, Eva Dahlbeck, Maj-Britt Nilsson

La saveur bergmanienne qui s’applique cette fois à un film à sketches, mais comme toujours le Suédois se révèle toujours plus à l’aise à écrire et diriger des rôles de femmes. Gunnar Björnstrand, jouant ici un industriel dans la dernière partie, s’en sort comme à son habitude bien mieux que les autres acteurs masculins enfermés dans des personnages de jeunes premiers contrariés et assez souvent salauds. Lui seul (à moins que ce soit encore Bergman à l’écriture) est capable ici d’apporter suffisamment de fantaisie et de légèreté à son personnage une fois la rugosité habituelle de ce genre de personnages entendue (d’ailleurs, on le voit d’abord dans la seconde partie sans cette fantaisie qui apparaîtra par la suite). Parce qu’en vérité, il n’y aurait pas autant de personnages masculins antipathiques dans ces premiers films qu’ils seraient tous parfaits, déjà concentrés ainsi sur des caractères féminins que Bergman ne cessera jamais d’aussi bien dessiner et diriger (si on excepte celui de Monika).

Monika d’ailleurs, on peut en parler. Le film vient bien après (deux ou trois ans), or pour certains, il est censé avoir révolutionné le cinéma en portant la caméra à l’extérieur et en proposant des séquences estivales à peine écrites, presque, ou en totalité, improvisées. Mais on voit bien ici que Bergman a plus ou moins toujours procédé ainsi. Il tournait invariablement l’été, laissant les saisons moins propices à des tournages en extérieurs pour son travail théâtral, et c’est encore le cas ici. Des maisons au bord de l’eau, des baignades, des soleils radieux, des plans de mers calmes à midi ou en début de soirée, d’autres dans les dunes de sable… La seule révolution suédoise qu’y ont réellement vue ces pervers des Cahiers, c’est Harriet à poil et en sauvageonne telle qu’il en existera des milliers par la suite, révolution sexuelle oblige (du moins celle des hommes). Parce que certes ici, c’est comme toujours bavard, merveilleusement écrit, comme le sera toujours Bergman, mais aussi tous ces petits instants merveilleusement élégiaques dans lesquels le temps semble se suspendre, ils sont déjà là (en particulier lors de la séquence du bain du premier volet précédent la coucherie, et pendant les hallucinations en flashbacks de l’accouchement du second).

Le premier volet est peut-être le moins intéressant. Si le personnage féminin est formidable à avouer tout de go à son mari qu’elle l’a trompé le jour même avec son ami d’enfance, les deux autres (l’amant et le mari) sont pitoyables et constituent même peut-être les deux axes des personnalités les plus antipathiques dans ces Bergman : le goujat beau gosse avec pas la moindre conscience ou remord, et le bourgeois rabaissé en petit garçon immature et mélodramatique.

La deuxième partie propose son lot de détails humoristiques (la sage-femme qui lance en quittant la pièce à sa patiente venue accoucher : « Vous pouvez nous appeler, mais n’oubliez pas que nous sommes très occupées… »). Une jolie description surtout d’une femme qui se pense d’abord en femme libre, prête à partir à Paris sur un coup de tête, s’y enticher d’un soldat quelconque, se laisser engrosser par un artiste suédois fils à papa, et penser un temps élever seule son bambin. À ma connaissance, c’est d’ailleurs la seule fois où Bergman tournera dans la capitale française, avec à la clé les Champs empruntés en calèche au petit matin au mois d’août (ils sont vides), une séquence muette sur les bords du canal Saint-Martin où la future mère regarde tendrement un môme dans sa poussette et qui lui renvoie son regard avant qu’un vieil homme lui prenne la place (détail de mise en scène fabuleux, à la fois amusant et triste) (un canal qu’elle quittera en passant devant un hôtel qui n’est pas l’hôtel du Nord…), et une jolie séquence dans ce qui semble être le bois de Vincennes. À noter un recours permanent dans ce passage aux flashbacks (les sketches en sont déjà) et une séquence rêvée, muette, dans un cabaret parisien où les danseuses montrent plus de jambes et de seins nus qu’Harriet Anderrson ne le fera dans Monika.

Le dernier morceau est le plus réussi, pleinement théâtral, puisqu’au lieu, c’est vrai, de profiter des jolies lumières de l’été boréal, Bergman enferme pour la majeure partie du temps ses protagonistes dans un ascenseur. Pour l’occasion, on pourrait même dire que Bergman invente la comédie du remariage dans un ascenseur. Huis clos amusant dans lequel nos deux mariés quarantenaires réapprennent le désir l’un pour l’autre. On comprend ce que Woody Allen a pu voler au Suédois : on y trouve le même humour cérébral, axé sur le couple, le désir, la psychologie et Dieu (« Aucun mari n’arrive à la hauteur de sa femme », dit approximativement l’un, à quoi répond l’autre « Dieu ne doit pas être marié »). C’est du vaudeville de placard dans lequel aurait tout aussi pu exceller le Sjöström muet.


L’Attente des femmes, Ingmar Bergman 1952 Kvinnors Vantan | Svensk Filmindustri


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Monika, Ingmar Bergman (1953)

Note : 3.5 sur 5.

Monika

Titre original : Sommaren med Monika

Année : 1953

Réalisation : Ingmar Bergman

Avec : Harriet Andersson, Lars Ekborg, Dagmar Ebbesen

J’adore Harriet Andersson, en ingénue, en allumeuse délicate, en gourde érotique, mais cette Monika est une conne. Un personnage, on peut accepter un écart, deux, on l’accepte comme opposant ou comme révélateur des qualités d’un autre personnage plus conséquent, ou bien on attend encore la rédemption, des excuses, un mea-culpa, au moins une mise en doute ou au contraire un gros doigt au spectateur pour lui mettre bien profond et le faire réfléchir sur les questions de (bonnes) distances avec les personnages présentés. Bergman aurait achevé son film sur ce regard caméra mystérieux, sorte de Mona Lisa indéchiffrable, qu’elle soit là pleine de défiance à notre égard ou qu’on y voit au contraire une étincelle de maturité qui lui a fait défaut tout le film, et là parfait, on se serait questionné sur notre propre regard, sauf que le cinéaste retourne voir son personnage masculin, Harry, on perd tout le bénéfice d’un tel épilogue (je me demande même s’il ne la trouve pas avec un autre homme dans le lit après), quel que soit ce qui précède, ç’aurait au moins servi à en atténuer pour moi la pénibilité. Toujours le même principe qui se vérifie visionnage après visionnage : difficile de s’identifier avec un personnage antipathique (son mari ne vaut pas mieux vu qu’il subit et laisse faire, ou dire, cette femme tellement éprise de liberté qu’elle en paraît idiote, laide et égocentrique).

Je n’aime pas non plus le partage trop grossier entre les trois parties. D’habitude Bergman utiliser des flashbacks pour lier le tout ; là il le fait à la fin seulement quand Harry se remémore son été avec sa Monique au lieu de s’en servir pour structurer tout son récit et unir stylistiquement les différentes époques. Sans compter que dramaturgiquement parlant, et même si l’amertume produit tant sur les personnages que chez les spectateurs est le détour dramatique souhaité par le cinéaste, un tel « retour » apparaîtra au mieux pour une maladresse. Les retours ne sont pas interdits, mais pour ponctuer une histoire. Voir le tiers du récit revenir sur ses pas, et avec un tel contraste avec l’acte de la fugue estivale, ça me paraît plutôt malhabile.

Curieux de voir en tout cas cette fameuse séquence sur l’île qui aurait tant fait tourner la tête des critiques des Cahiers et futurs cinéastes de la nouvelle vague. Comme à leur habitude les critiques surinterprètent à la fois la portée historique de certains éléments d’un film, les intentions supposées d’un cinéaste, sa capacité même à agir et influer sur la totalité de son film, ou encore certains « motifs » apparaissant parfois furtivement dans une scène. On peut ainsi supposer que bien souvent ils filent trop vers le contresens ou forcent par une étrange « volonté d’avoir vu » ce qui n’est pas si évident à l’écran (peut-être pour bénéficier, eux, des infinies possibilités rhétoriques et discursives d’une suite d’assertions diverses ou de suppositions traitées comme des propositions évidentes ; la voix de celui qui « voit » ou « a compris » porte toujours plus que celui qui n’a rien vu et rien compris).

On apprend donc que Bergman, suite à la perte de la première semaine de tournage sur l’île à cause de rushs inutilisables car rayés, se serait donc lancé dans une improvisation. À partir de là, les mêmes plans viennent en exemple. Les tenants des Cahiers y ont vu une manière moderne de faire du cinéma, Bergman y aurait sans doute plus vu une légère adaptabilité aux aléas de tournage n’ayant pas forcément tant révolutionné que ça sa « méthode » (il suffit de voir ses films suivant pour voir que non, Bergman n’a pas cessé de filmer du théâtre par la suite, pas plus qu’il ne le filmait avant ; c’est comme souvent, pas si simple). Si au début de sa carrière les scènes en studio sont fréquentes, c’est peut-être aussi plus à cause de contraintes techniques (en particulier sonores) voire d’impératifs de budget. Mais jamais il ne s’était interdit de filmer des extérieurs. Cet état de fait d’ailleurs ne se limite pas qu’au cinéaste suédois : on pourrait trouver de nombreux cinéastes à la même époque ou bien avant filmant dans des décors naturels. Ces critiques-là étaient surtout fortement intoxiqués par leur mépris du cinéma de papa produit alors en France dont ils voulaient se démarquer dans leurs écrits critiques proches de l’idéologie esthétique. Quelques séquences sur une île n’ont servi que de prétexte à justifier leurs préférences, et certitudes, esthétiques. Historiquement, ça ne tient pas la route. Cela dit, on demande rarement à des critiques de jouer les historiens, et ceux-là, c’est vrai, pouvaient se le permettre car ils étaient amenés à devenir eux-mêmes cinéastes : et en matière esthétique, pour un créateur, c’est presque un impératif. C’est toute la différence d’une démarche critique qui se doit d’être un minimum honnête dans son rapport avec les faits, avec le monde tel qu’il est, et la démarche artistique qui a tout les droits de transfigurer le réel.

Quant au caractère supposément « libre » de Monika, pas étonnant encore que celui-ci leur ait monté à la tête. On verra par la suite en effet que Godard et Truffaut avaient pour les personnages antipathiques un attrait certain parfois bien lissé par le talent ou le charme de leurs interprètes. La liberté souvent dans leur cas a été synonyme de n’importe quoi et de rejet du savoir-faire, ce dont je doute qu’on puisse taxer ce génie de Bergman… La liberté dont il est question ici n’est que sexuelle (elle est visuelle au cinéma), et ces mêmes rédacteurs aux Cahiers auront peu de temps avant vu dans le déhanché de Bardot dans Et Dieu créa la femme… la même supposée révolution…

Monika n’est pas pour autant un film raté, mais bien inférieur à nombre de ses films de la même époque. Même si effectivement, on ne peut nier qu’il a inspiré ces cinéastes de la nouvelle vague, qui quoi qu’on en dise, disposeront eux d’une influence historique bien plus certaine. Comme souvent au cinéma, tout n’est qu’histoire de malentendu. La surinterprétation ne sert que celui qui l’exprime. (Je passe tous les délires, déplacés, de la critique française sur les rapports entretenus entre le cinéaste et son interprète principale…)


Monika, Ingmar Bergman (1953) Sommaren med Monika | Svensk Filmindustri (SF)


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Erotikon, Mauritz Stiller (1920)

Erotikon

Erotikon

Année : 1920

Réalisation :

Mauritz Stiller

7/10 IMDb

La fantaisie aurait été plus poussée comme dans les films avec Victor Sjöström et Karin Molander (qui joue toutefois ici la nièce), on se serait éloigné de la petite pièce de marivaudage aujourd’hui assez peu digeste, pour une comédie lubitschesque ou screwballesque. C’est que l’histoire et le développement présentent assez peu d’intérêt, et la fantaisie vient un peu tard.

Reste l’essentiel : on est en 1920 et, avant de se lancer dans ses sagas et une forme probablement inspirée des impressionnistes (Abel Gance en tête), Mauritz Stiller finit de maîtriser sa grammaire (qui deviendra la nôtre, le classicisme) : plans moyens ou américains, quelques gros plans, une caméra toujours placée où il faut pour proposer notamment des champs contrechamps efficaces, et surtout un principe, celui de la nécessité que se passe toujours quelque chose à l’écran, d’où un rythme effréné mais lisible, abandonnant les effets des montages alternés trop nombreux dans certains films (nombreux ici mais que du classique, avec un nombre de situations et de personnages restreints).


 

Erotikon, Mauritz Stiller 1920 | Svensk Filmindustri


Deux Êtres, Carl Th. Dreyer (1945)

Thrilleurre

Två människordeux-etres-1945-carl-theodor-dreyerAnnée : 1945

5/10 IMDb iCM

Réalisation :

Carl Th. Dreyer

Avec :

Georg Rydeberg
Wanda Rothgardt

Adaptation d’une pièce sans grand intérêt. L’aspect théâtral, avec son unité spatiale, est plutôt respecté, mais on n’est pas pour autant dans le Crime était presque parfait.

Ça bavarde sans fin et surtout rien ne tient la route. Le mélange crime/romance manque de punch, Dreyer se fout pas mal du suspense qui pourrait en découler, les décors sont dignes d’une salle d’attente d’un dentiste suédois répandant une vague de suicides chez ses plus tenaces patients, et ses acteurs sont plutôt fades, sans charme, sans génie.

Dreyer semble avoir renié ce film tourné en Suède à la fin de la guerre, voilà un homme qui au moins a du goût.

Toute la question est de savoir si on en apprend un peu plus sur « l’auteur » Dreyer à la vision de cet insipide opus et s’il y a un intérêt, vraiment, à proposer des intégrales dans des cinémathèques ou ailleurs. Jusqu’à un certain point, des films peuvent trouver leur public, même proposer un regard d’ensemble, plus juste car exhaustif, sur un auteur. Il est probable ici qu’on ait dépassé ce point. Dreyer ne semblait lui-même pas bien concerné par son travail.


Deux Êtres, Carl Th. Dreyer 1945 Två människor | Svensk Filmindustri


La Quatrième Alliance de Dame Marguerite, Carl Theodor Dreyer (1920)

L’Illusion pastorale

Prästänkan AKA The Parson's Widow

Note : 5 sur 5.

La Quatrième Alliance de Dame Marguerite

Titre original : Prästänkan

Année : 1920

Réalisation : Carl Theodor Dreyer

Avec : Hildur Carlberg, Einar Röd, Greta Almroth, Mathilde Nielsen

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Une vraie merveille. À lire le résumé, on pouvait s’attendre à un film dur dans lequel la vieille femme de l’ancien pasteur jouerait le rôle d’opposant parfait, à la limite d’être une cruelle et tyrannique marâtre (les préjugés honorent les pléonasmes). Or si le film joue sur les apparences, c’est pour en faire un conte philosophique à la fois tendre, juste et plutôt amusant.

Que l’on me serve un film astucieux capable de casser les préjugés et de terminer par la plus merveilleuse des morales (« Elle m’a appris à être honnête »), et je suis aux anges.

Beaucoup de similitudes avec Ordet, en particulier sur la justesse du jeu (très réaliste, tourné vers la simplicité) et le génie de Dreyer à ne jamais porter un regard négatif sur ses personnages… Car l’écueil (ou la facilité) aurait été de faire du jeune pasteur un véritable Rastignac, tout dans ses agissements devrait nous le rendre antipathique ; or il est comme un enfant qui, chaque fois qu’il se fait prendre en train de fomenter le pire pour sa vieille femme, s’excuse, avant de remettre ça… On ne croit pas une seconde qu’il puisse réellement nuire à Dame Marguerite, c’est comme un jeu, une farce italienne sans conséquence, une joyeuse satire.

Bref, c’est un pur bonheur qui en ferait presque couler quelques larmes.

Ah, et cette fin magnifique… où avant de partir, Dame Marguerite joue de sa réputation et n’oublie pas de recommander à son jeune mari de déjouer le sort et d’interdire sa vieille sorcière de femme de hanter les lieux après sa mort en placardant un fer à cheval au-dessus de la porte du presbytère… On croirait presque du Molière, à taper ainsi sur les usages des bigots, des institutions ou de certaines conventions sociales. Découvrez ces saints que l’on ne sait voir…

L’anti Barbe-bleue. La cruauté n’est qu’apparente. Derrière la peur et les artifices bâtis par le regard des autres, des monstres de bienveillance qui n’ont qu’une leçon à nous laisser avant de s’effacer : « Soyez honnêtes ! » La pudeur d’une certaine noblesse.


À noter la présence de Mathilde Nielsen, qui joue ici la servante, et qui aura l’occasion de développer ses talents comiques cinq ans plus tard dans Le Maître du logis (du même Dreyer) :

mathilde-nielsen-prastankan


La Quatrième Alliance de Dame Marguerite, Carl Theodor Dreyer 1920 Prästänkan | Svensk Filmindustri



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Crise (1946) Ingmar Bergman

Bergman, Opus 1

Crise

Note : 4.5 sur 5.

Titre original : Kris

Année : 1946

Réalisation : Ingmar Bergman

Avec : Inga Landgré, Stig Olin, Marianne Löfgren

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Le premier film de Bergman et déjà un très bon opus. Principale qualité, ses dialogues, qui ont la puissance évocatrice des répliques de théâtre où beaucoup de choses sont dites en peu de temps. Un maximum d’informations est concentré dès les premières répliques qui doivent personnaliser parfaitement les personnages (leur nature, leurs ambitions, leurs aspirations et leur problématique). Rien n’est dit directement, tout est fait dans la suggestion voire le symbole ; si bien qu’une scène de vie quotidienne en révèle beaucoup plus qu’il n’y semble au premier coup d’œil. Bien sûr, on ne le comprend que plus tard.

On retrouve certains personnages traditionnels des pièces de théâtre russes de Tchekhov. Des personnages essentiellement de la petite bourgeoisie, dans le cadre de la famille ou des amis proches.

Ingeborg est une femme célibataire dans une ville perdue de la province suédoise. Elle donne des cours de piano pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa charmante fille tout juste nubile. Une chambre est louée à un homme, discret et humble, amoureux de sa fille Nelly.

Mais Nelly n’est pas la fille naturelle d’Ingeborg. On l’apprend quand sa véritable mère, Jenny, citadine directrice d’un institut de beauté, vient la chercher pour qu’elle travaille à ses côtés. Seulement Ingeborg considère Nelly comme sa véritable fille. Elle est malade, ne lui a pas dit et voudrait l’avoir auprès d’elle. Elles se mettent d’accord pour laisser le choix à leur fille, qui sait depuis le début la vérité. Elle voit là surtout l’occasion de sortir de ce trou perdu et accepte de partir avec sa mère qu’elle connaît à peine.

Entre-temps, elle a fait connaissance de Jack, homme, fantasque, hâbleur, comédien sans le sou, séducteur, manipulateur, passablement suicidaire… Elle se laisse séduire, et se rendra vite compte que sa mère Jenny l’entretient, rendant toute relation avec lui impossible.

On laisse partir Nelly avec sa mère, et l’on reste avec Ingeborg qui vit très mal cette séparation. Elle décide alors au bout de quelques mois de venir saluer sa fille à la capitale. C’est Jenny qui l’accueille : tout laisse penser qu’elles sont toutes les deux heureuses. Ingeborg embrasse sa fille, le cœur serré, et retourne dans sa province…

On reste cette fois avec Nelly, Jenny, et Jack, qui apparaît un soir à l’institut que Nelly s’apprêtait à quitter. Il semble bouleversé, lui dit qu’il ne pourra jamais aimer qui que ce soit parce qu’il est égoïste…, pourtant, il se sert de cette situation pour abuser de la pauvre petite Nelly… Apparaît alors la mère…, et là, C’EST LE DRAME. Scène de dénouement, on comprend tout des relations curieuses de ce « couple ». Jack s’enfuit et meurt tragiquement.

Épilogue : Nelly retrouve sa mère Ingeborg. On se serre, on s’embrasse. Magnifiques instants d’amour entre une mère et sa fille. Nelly pourra peut-être désormais accepter les avances de Ulf, le charmant garçon, discret et sans problèmes que sa mère loge depuis longtemps en espérant que sa fille tombe amoureuse de lui.

Ça peut paraître un peu glauque, le genre de drame intimiste qui a fait la réputation du Suédois. Eh bien, si c’est bien un drame intimiste, ça n’a rien de glauque. Bergman prévient même, un peu à l’image de Tchekhov qui dira jusqu’à la fin que ses pièces étaient des comédies, que ce n’est pas une grande histoire et que « ça pourrait même être une comédie ». Il y a du vrai un peu là-dedans. Il ne faut pas nier que l’histoire soit plutôt tragique (le genre de tragédies courantes qu’on trouve dans toutes les familles), mais il y a beaucoup de légèreté, d’insouciance ou de pure bonté chez les personnages. Les méchants et leurs mauvaises intentions sont absents, et si Jenny peut paraître antipathique, ou au moins un peu cruche et parfaitement égoïste au début, elle se révélera au contraire une femme pleine d’amour pour sa fille. Elle n’a jamais réussi à faire sa vie avec un homme, se faisant chaque fois jeter, donc elle voudrait être avec sa fille et la gâter un peu. Même chose pour Jack, qui a tout au début du goujat manipulateur, bon à séduire les filles pour mieux les jeter par la suite. Il est ainsi, mais il en est conscient et s’en excuse même par la suite. Jamais antipathique, le bonhomme. Il ne veut faire de mal à personne. Il profite de l’argent de Jenny, mais elle aussi y trouve son compte ; il cherche juste à vivre, à prendre du plaisir malgré ses blessures, à cacher ses larmes par des rires et une joie excessive (les Suédois ne sont pas des Slaves, mais la Russie n’est pas loin, du moins dans certaines œuvres de Bergman comme ici, et là ça correspond tout à fait à l’image qu’on se fait d’un Slave). On le voit d’ailleurs mieux quand Jack insiste pour accompagner Ingeborg à la gare : on pourrait croire que toute cette fausse gentillesse cache quelque chose, alors qu’en réalité, si elle paraissait fabriquée c’est qu’il en rajoutait et cachait ses tourments derrière ces excès. Ingeborg comprend qu’il n’est pas là pour lui poser des problèmes : il avait juste besoin de compagnie et de partager quelques moments… Et au final, toutes ces contradictions, tous ces troubles, en font un personnage fascinant et attachant (même s’il faut s’en méfier).

Excellent premier film sur l’amour d’une mère et sa fille. Ce n’est pas si courant comme thème au cinéma…


Crise, Ingmar Bergman 1946 Kris | Svensk Filmindustri (SF)


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La Honte, Ingmar Bergman (1968)

La guerre est nôtre

La Honte

Note : 4 sur 5.

Titre original : Skammen

Année : 1968

Réalisation : Ingmar Bergman

Avec : Liv Ullmann, Max von Sydow, Sigge Fürst

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La guerre transforme nos vies, notre intimité, même quand on cherche à se préserver de toute idée politique, même quand on se retire dans le trou du cul du monde.

L’histoire, si on peut appeler ça une histoire, évolue simplement : Max von Sidow et Liv Ulman se sont retirés à la campagne pour vivre heureux en dehors des tumultes des villes. La guerre civile les rattrape, et les insurgés, se réfugiant, pas loin de chez eux, leur maison se retrouve bientôt au centre de bombardements. Ils ont le choix entre le pouvoir en place (une dictature probablement) et les insurgés (qui ne sont pas des saints non plus). Choisir l’un ou l’autre camp, ça revient finalement à la même chose, les deux amoureux voudraient rester en dehors de tout. Mais la politique est binaire et la désertion idéologique prohibée. Et la guerre civile entre alors dans le lit conjugal (au propre comme au figuré). Après bombardements et exécutions en masse, les deux amants s’en tirent finalement pas trop mal et retournent chez eux.

C’est là que compte mettre en place Bergman son champ de bataille. La guerre change les hommes, et les sépare surtout. Même ceux qui la refusaient.

La Honte, Ingmar Bergman 1968 Skammen | Cinematograph AB, Svensk Filmindustri (SF)

Ils ne s’accordent plus sur l’attitude à adopter, s’il faut rester neutre, et s’il faut prendre le parti de quelqu’un, pour lequel… Les deux camps se serviront de leurs incertitudes, de leurs contradictions, de leurs doutes. Et c’est ainsi que l’indifférence, la peur, le refus de s’engager, engendre la docilité (donc la servitude — et dans d’autres circonstances, la collaboration). À l’égard des deux camps. Dans une guerre, il y a les abrutis qui ont des convictions (et ceux-là décident de s’affronter) ; et les autres, qui parce qu’ils n’en ont aucune, subissent la logique des premiers. La majorité silencieuse, qu’on dit. Elle se prostitue à l’officier qui les a laissés en vie (ce n’est même plus le cas après les désaccords avec son mari) ; ils ont en retour des petits cadeaux. Par ailleurs, les insurgés viennent se servir chez eux (c’est toujours un moindre mal). Jusqu’au jour où militaires et insurgés viennent à se rencontrer chez eux…

Malgré la détestation profonde qu’ils éprouvent désormais l’un pour l’autre, ils continuent de vivre ensemble…

Voilà. Une guerre sans nom, dans un pays sans nom, dans une époque indéfinie, le tout pour mieux mettre en évidence un autre conflit, celui, quotidien, de la vie conjugale. Et encore, malgré les désaccords, les conflits, malgré la fuite du désir et la disparition de l’amour, on reste ensemble, parce qu’on préfère vivre mal avec l’autre, que vivre seul et mourir. Le seul courage, c’est celui de vivre avec l’autre. Vivre, c’est renoncer à ses certitudes, renoncer à les imposer aux autres. La paix, c’est une guerre qu’on renonce à se faire. Et donc la guerre, c’est la lutte permanente pour la paix qu’on a décidé de perdre. Peace and love, docteur Ingmar.

Le début est beau. Jamais Liv Ulman n’aura été aussi belle. Par la suite, ça se gâte évidemment. Quelque chose d’étrange se produit alors. Un peu comme si nous aussi, on commençait à ne plus les supporter et que malgré tout on avait du mal à nous séparer d’eux. Si seulement le monde, la guerre, le chaos, ne les avaient pas rattrapés.

Film curieux. Parce que ce n’est pas un drame. Plutôt une parabole dystopique, une chronique avec des « scènes de la vie conjugale » mises à l’épreuve du temps. Au lieu de chercher à montrer comment un conflit se noue et se dénoue, Bergman préfère l’exposer simplement. Sans début ni fin ; c’est là. Il en ressort une étrange impression d’inachevé où c’est à chacun de tirer les leçons. Bergman explore les étapes de la vie d’un couple, mais son unité se fait sur une base thématique et non dramatique. Le sujet n’est pas un conflit en particulier, mais “le” conflit, donc il peut prendre différentes formes. Le tout est de creuser le même sillon. D’un point de vue dramatique, c’est comme s’il ne s’était rien passé. Parce que l’intérêt est ailleurs. Dans l’analyse personnelle que chacun fera de ces relations (qu’on ne vienne donc pas me dire que je déflore l’histoire…). Et au manque d’objectif défini, nécessaire à tout récit dramatique, s’ajoute la soumission des personnages. Un héros classique prend son destin en main et cherche à être maître de l’environnement qui l’entoure, c’est la pleine puissance de l’homme qu’on célèbre depuis que l’homme raconte des histoires. Ici, c’est le contraire, puisque Bergman rappelle son impuissance, sa volonté de rester en dehors du temps, en dehors de l’histoire, en dehors de la vie et de l’environnement. Au lieu de chercher en dehors, la quête se fait en dedans, on voit ça depuis Œdipe. Les personnages veulent tout sauf être des héros. Bergman s’applique à nous montrer les hommes tels qu’ils sont, non tels qu’ils devraient être ou tels qu’ils ont été racontés selon les légendes. À nous de nous forcer à nous interroger sur nous-mêmes, plutôt que de nous émouvoir et de nous divertir avec le récit captivant de héros embarqués dans des histoires extraordinaires. On a alors le film qu’on mérite : si on est incapable de tirer des leçons de tout ça, les forces évocatrices du film échoueront à trouver un écho en nous. Mais ça n’interdit pas de tirer du plaisir devant une telle démonstration. Comme la limace qui tombe en extase devant son reflet dans une flaque… sans comprendre que c’est son propre reflet qu’elle est en train de voir. C’est beau, on ne sait pas pourquoi, et parfois c’est suffisant. C’est toute la réussite de Bergman comme d’un Tarkovski. Réussir à adopter une posture de distanciation pour forcer le spectateur à se rapprocher de lui-même, sans oublier la poésie. C’est-à-dire la possibilité de s’abandonner à ce qui nous échappe.


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Sourires d’une nuit d’été, Ingmar Bergman (1955)

Comédie érotique d’une nuit d’été

Sourires d’une nuit d’été

Note : 4.5 sur 5.

Titre original : Sommarnattens leende

Année : 1955

Réalisation : Ingmar Bergman

Avec : Ulla Jacobsson, Eva Dahlbeck, Harriet Andersson

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Un vrai bonheur de film. Une comédie légère, une sorte de pièce de Marivaux sous le soleil éternel, doux et frais de l’été suédois. J’imagine que c’était, avant que Bergman l’adapte, une pièce qu’il a montée au théâtre de Malmö. C’est en tout cas structuré comme une pièce de théâtre (comme beaucoup de ses œuvres de toute façon).

Comme chez Marivaux donc, on a les jeunes ingénus qui ne connaissent rien à l’amour, qui sont les proies des vieux… Tout ça flotte dans un grand libertinage, tout le monde badine avec tout le monde, mais ce n’est pas pour autant une invitation dans le lit… On s’amuse. On fait l’amour avec les mots. Tout est futile, léger, il n’y a pas une once de drame dans tout ça. La force du film, c’est ce ton. Léger donc, un peu folâtre (une comédie du bonheur, un peu farce, mais où on n’ira pas jusqu’à se taper sur les cuisses).

Le début est un peu lourd avec le personnage du mari volage, un peu austère, marié à une jeune fleur de trois fois son âge. Dès que le film se tourne sur les personnages féminins, là c’est le grand bonheur. La jeune épouse donc, toujours vierge (« Crois-le ou non, voilà deux ans que je suis marié et ma jeune épouse est encore vierge. Je ne tiens pas à la brusquer. […] Mais elle aime beaucoup ma vieille pipe ») ; elle a la lèvre boudeuse, de jolis poils de paille sous les aisselles ; elle déshabille innocemment le fils de son mari ; il est encore question de pipe, et le fils s’exécute sans rechigner. La servante (un personnage typique du théâtre français, voire italien) qui se plaît « à rouler des hanches » (le cul c’est vulgaire) devant, toujours, le jeune fils du mari (qui déprime de ne pouvoir vivre autant dans le péché que tous ces vieux libertins) ; elle l’allume, mais quand le fils tente de l’embrasser brutalement… : « Non, non, si je t’allume, c’est pour mieux te repousser, mon mignon ». Et enfin, la maîtresse du mari, actrice, volage aussi, à qui on ne la fait plus, qui se laisse convoiter par deux maris et qui a perdu ses illusions de jeunes filles… Comme souvent chez Bergman, ce sont les femmes qui ont le pouvoir.

La troisième partie du film me fait penser à Milou en mai. C’est un peu les chaises musicales dans les couples alors que tout le monde s’est réuni à la campagne. Et bien sûr, c’est la jeunesse qui finit par gagner le combat.

À noter, Sarko dans le rôle du deuxième amant de l’actrice, une sorte de Matamore tout à fait ridicule.

Harriet Anderrson, Eva Dahlbeck et Ulla Jacobsson, c’est tout de même de la belle blonde à mâter. Photo magnifique en noir et blanc, très claire, avec une grande profondeur de champ… En gros plan, on voit les poils blonds des bras d’Ulla Jacobson scintiller en contre-jour, ou les larmes sur ses joues qui brillent comme de minuscules petites loupes. On voudrait presque y mettre la langue, sentir au moins le parfum frais de sa chevelure dans la nuit claire… Des sourires plein les yeux, des poitrines blanches et généreuses (ah, la scène où Harriet Andersson dégrafe son bustier et l’ouvre de cour à jardin pour venir y glisser la main du fils de son mari…), des postures avec un maintien comme on n’en voit plus aujourd’hui.

Rideau. L’automne arrive. Rhabillez-vous. La saison des comédies guillerettes de Bergman vient de s’achever.


Sourires d’une nuit d’été, Ingmar Bergman 1955 | Svensk Filmindustri Sommarnattens leende


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