Pixote – La Loi du plus faible, Héctor Babenco (1980)

Note : 4 sur 5.

Pixote – La Loi du plus faible

Titre original : Pixote: A Lei do Mais Fraco

Année : 1980

Réalisation : Héctor Babenco

Avec : Fernando Ramos da Silva, Jorge Julião, Gilberto Moura, Marília Pêra

Dans le genre chronique de l’adolescence et de la misère, le film coche pas mal de cases. De Los olvidados à La Petite Marchande de roses, en passant par le tout récent film vu Les Enfants de la crise, le sujet de l’enfance martyrisée laisse rarement indifférent.

Le jeu des acteurs fluctue au gré des séquences : les adultes (en particulier la prostituée) s’en sortent généralement mieux que les enfants (Babenco n’emploie pas, ou peu, l’improvisation, et les enfants jongleront souvent maladroitement avec des mots qui ne sont pas les leurs). Mais l’inconfort généré à l’oreille par un texte appris par cœur disparaît, rapidement gommé par la principale qualité du film : sa densité.

Une séquence vaut une nouvelle situation. L’ellipse permet d’avancer par sauts successifs sans avoir à tout expliquer. Et le tout est vite expédié. On comprend vaguement quelques enjeux liés aux conditions d’incarcération de la bande de jeunes. Les conséquences hors champ, les manipulations, la corruption de l’administration et de la police, tout ça jaillit d’un coup dans la vie de ces délinquants après souvent s’être manifesté dans l’ombre. Le premier d’entre eux (le plus jeune, celui qui donne le titre au film) s’impose au centre du récit plus parce qu’il est témoin et acteur malgré lui d’événements qui lui échappent, et avant de finir comme le dernier survivant d’une succession de tragédies.

Si le récit se fait d’abord purement descriptif et ne s’attarde pas sur les diverses étapes expliquant les conflits, c’est que le plus important est ailleurs : la trajectoire chaotique et criminelle que vont emprunter ces survivants d’une « maison de correction » violente et corrompue va poser les bases d’une morale radicale antiautoritaire. Loin d’être aidés dans ce centre, les jeunes délinquants doivent se serrer les coudes pour survivre ou au contraire se défendre face à des agressions pouvant jaillir à n’importe quel moment et de la part de n’importe qui (surtout les autorités pénitentiaires ou policières).

C’est alors tout naturellement qu’une poignée d’entre eux finit par se faire la malle et par n’avoir d’autre choix, d’autres perspectives, d’autres repères, que le crime pour survivre. Si le titre de film se focalise sur un seul de ces paumés, c’est que le film ne se contente pas d’être un film sur la misère et sur l’adolescence : le film à élimination sert à traduire la brutalité et l’urgence de vivre (jusqu’à l’absurde, ce qui pousse le groupe à adopter des comportements de desperado comme lorsqu’ils s’unissent avec une prostituée pour agresser, chez elle, ses clients) qui est le quotidien de ces jeunes en fuite.

Ni misérabilisme ni sensationnalisme. Le format de la chronique autorise donc une distance capable d’imposer au spectateur une morale largement politique (voire critique envers la société décrite) : comment la société (et un tribunal) jugerait-elle Pixote dans la vraie vie ? Certainement pas comme nous le jugeons. Situation après situation, le spectateur doit admettre qu’au-delà de l’excuse de minorité, le garçon est la victime d’un environnement dans lequel la société toute entière est pointée du doigt (et cela, quels que soient ses crimes).

La mise en situation d’événements tragiques au cinéma, une nouvelle fois, donne des outils à la société pour mieux comprendre les enjeux impliquant toutes ces formes de violence liées à la pauvreté : les individus, avec leur libre arbitre, sont peu de choses face aux forces destructrices qui agitent toute une société, tout un environnement. Ces violences sont directement générées par la misère souvent organisée par la corruption et l’appropriation des richesses d’une partie de la société au détriment d’une autre. Ce sont nos sociétés qui mériteraient d’être mises au banc des accusés, non ces tristes misérables qui en sont souvent à la fois les seuls coupables désignés et les premières victimes. La société qu’ils n’ont pas créée est une jungle dans laquelle ils n’occupent que le bas de la chaîne alimentaire. Ils sont les derniers servis dans le clan.

Le film est une mise en garde contre toute forme d’autoritarisme. Au début des années 80, le Brésil était en pleine dictature, et c’est presque étonnant que le film ait pu s’y faire tant la morale ne souffre d’aucune ambigüité. La leçon s’applique à toutes les époques et à tous les types de sociétés tentées par le mirage des autoritarismes… Les violences de la base sont le fruit de violences institutionnelles. Qui est responsable de ces violences institutionnelles ? Les élites. Celles que l’on ne voit pas dans le film, mais que l’on imagine hors champ.


Pixote – La Loi du plus faible, Héctor Babenco (1980), Pixote: A Lei do Mais Fraco | HB Filmes, Embrafilme


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Triptyque, Ali Khamraev (1980)

Note : 3.5 sur 5.

Triptyque

Titre original : Triptikh

Année : 1980

Réalisation : Ali Khamraev

Avec : Dilorom Kambarova, Gulya Tashbayeva

Insaisissable le Ali. Je rêve d’une rétrospective où l’on pourrait voir l’ensemble des films de ce cinéaste. Après Le Jardin des désirs, j’en viens donc à ce film publié sur YouTube par le cinéaste ou ses ayants droit (ou un fan). Le moins que l’on puisse dire, c’est que quelques années avant Le Jardin des désirs, Khamraev jouait déjà avec des récits éclatés à peine compréhensibles et y préférait la force des images, des évocations, des ambiances (à l’image peut-être d’un Tarkovski ou d’un Sokourov) à tout autre chose liée à l’histoire.

L’histoire a finalement assez peu d’intérêt. À peine y comprend-on qu’on y oppose le destin de deux femmes : l’une est belle, riche, responsable locale amoureuse d’un maître d’école qui prend un peu plaisir à l’éconduire (tous deux s’échangent des lettres, ce qui est l’occasion de jouer sur les voix off) ; l’autre est ouvrière, délaissée par son mari, violée par un villageois, qui se met en tête de finir la maison que son grand courageux de mari n’a même pas pris le temps de commencer. J’y vois plus un diptyque qu’un triptyque, mais je ne m’étonne plus de ne jamais rien comprendre à certaines histoires…

Tout cela est surtout l’occasion de suivre l’art assez remarquable de mise en scène (et narratif) de Khamraev. Voix off, donc, mais assez souvent aussi des voix dont on cherche à saisir l’origine, voix diégétiques ou non, tant le cinéaste se plaît à montrer autre chose pendant que les personnages « conversent ». J’ai même cru à un moment qu’il faisait télescoper dialogues et voix off (cette dernière s’adressant à un personnage comme s’il pouvait l’entendre en lui disant bonjour…).

Les films soviétiques intégralement postsynchronisés participent au confusionnisme. La caméra tourne souvent sur son axe pour dévoiler divers objets ou sujets de l’espace scénique, voire en travelling ; le tout pour montrer souvent autre chose ou pour dévoiler à contretemps les événements qui se jouent dans la scène, qu’on entend, mais qu’on ne saisit pas forcément plein cadre, ce qui donne une impression de présence subjective, narrative et contemplative, assistant aux événements sans en prendre part. Un procédé de distanciation assez commun dans le cinéma de l’Est, mais le cinéaste se révèle particulièrement habile dans ces compositions.

Le travail sur la photographie est également à noter (malgré une copie un peu terne et des contre-jours qui contrarient la lecture des sous-titres) avec une poignée d’images saisissantes, comme des images arrêtées, des tableaux en (léger) mouvement.

Khamraev a fait une vingtaine de films, il y a probablement de quoi découvrir de jolies choses…


Triptyque, Ali Khamraev (1980) Triptikh | Uzbekfilm


La Mort en direct, Bertrand Tavernier (1980)

Vallée de l’étrange

Note : 3 sur 5.

La Mort en direct

Année : 1980

Réalisation : Bertrand Tavernier

Avec : Romy Schneider, Harvey Keitel, Harry Dean Stanton, Max von Sydow

C’est beau comme du Stephen King : une bonne idée de départ qui appâte et qui se révèle très vite stérile.

Deux vérités ici. Contradictoires. Celle d’abord qu’on peut parfaitement réaliser des films de science-fiction avec peu de moyens, et celle qu’il est extrêmement difficile de convaincre en SF sans tout un attirail high-tech, décoratif voire contemplatif (d’un futur fantasmé prenant forme de manière crédible dans un film) au service d’un sujet qui, il faut se l’avouer, nous laissait alors indifférents.

On est peut-être entre Le Prix du danger et La Honte (avec le même Max von Sydow). Le côté apocalyptique fait froid dans le dos, et la satire sur les médias est déjà cruelle. Même prémonitoire : ce qui est dit sur les programmes auquel le public n’adhère pas tout en les regardant vaudra pour la TV poubelle des années 90 jusqu’à l’avènement de la téléréalité, voire pour l’explosion des chaînes privées devant fournir pour légitimer leur antenne du contenu toujours plus racoleur (ça vaut par exemple aujourd’hui pour les chaînes d’info en continu qui taisent l’information et le décryptage au profit des bavardages de remplissage et de mise en lumière d’éditorialistes spécialistes de rien mais sûrs de tout).

Le problème, comme avec tous les films de SF, c’est qu’on pourra nourrir autant qu’on veut les personnages, leurs relations, c’est comme si le sujet, et surtout le monde parallèle ou futur proposé, finissait toujours par accaparer l’essentiel de notre attention. Un peu comme une fable de La Fontaine dont on ne saurait au juste si le plus important ce serait d’y voir une morale à l’histoire ou s’il faut se laisser amuser comme une sorte de conte… Ça me semble être un écueil difficile à surmonter pour les cinéastes qui osent s’attaquer à la SF et qui n’ont plus qu’à espérer en un miracle pour avoir la chance de réaliser un bon film… On sait qu’ils existent en SF, invoquer Harry Dean Stanton ici est peut-être une manière d’ailleurs de s’attirer les faveurs des dieux du genre. La SF, parfois, se résume à être tenté par deux cornets de glace dont on nous dit que l’un d’eux est empoisonné. Choisir le bon, c’est peut-être la garantie de s’en sortir et de se faire plaisir, mais même si on échappe à la mort immédiate, on risque encore la lapidation par le public.

D’ailleurs, si le film s’essouffle aussi assez vite, au-delà de cet embarrassant « effet Stephen King » qui fait que la proposition de départ contient en elle tout le ressort dramatique (et stérile) du film, toutes les diverses propositions dramatiques secondaires nécessaires à achever l’histoire font gentiment sourire ou hausser les épaules. J’ai peur que sans le maquillage high-tech et décoratif habituel du genre, et en dehors de très rares occasions (ces fameux miracles de la SF), ces défauts finissent toujours par nous sauter à la figure. Dans La Mort en direct comme dans n’importe quel film d’anticipation. Une sorte de vallée de l’étrange non pas appliquée à la supposée ressemblance d’un robot humanoïde avec un humain, mais appliquée à la ressemblance d’un monde parallèle et futuriste avec la réalité (ou la crédibilité) du monde qu’on connaît. C’est amusant un robot, mais moins on y croit plus on prend plaisir à sa présence ; faites-en un objet un peu trop ressemblant à ses créateurs, et ces derniers nourrissent pour lui un rejet immédiat. Eh bien, l’univers SF, ce serait un peu pareil : si ça ressemble un peu trop à notre réalité et que seuls quelques éléments nous rappellent qu’on n’est pas dans notre monde, et l’étrangeté devient trop malaisante pour qu’on y adhère. Ce qui reviendrait à la contradiction évoquée en début de commentaire : certes, il suffit d’un rien pour embarquer le spectateur dans un univers fictionnel parallèle ou futur, mais cette vallée de l’étrange nous obligerait à être attirés bien plus par les propositions de SF à haute valeur ajoutée high-tech plus que par des univers ressemblants. (Même si on peut imaginer au moins deux contre-exemples des années 2000 : Les Fils de l’homme et The Man from Earth.) Un rapport compliqué avec une certaine forme de réalité altérée qui n’est pas sans rappeler les difficultés de la satire : une satire révèle des réalités qu’on est peut-être tout à fait prêts à accepter quand elles visent « les autres », mais si elles nous révèlent quelque chose de nous-mêmes, et on préfère détourner les yeux.

Ça reste un Tavernier, jamais de chefs-d’œuvre ni de francs navets. En revanche, Romy Schneider, à l’image d’une Marlene Dietrich — et je ne pense pas que ç’ait un rapport avec leur nationalité —, j’avoue faire partie de ce public qu’elle a toujours laissé indifférent. Ce qui peut être utile dans des rôles à fonction, à pouvoir, mais justement, le plus souvent, l’actrice joue sur la corde sensible, l’apitoiement, et j’avoue n’être jamais rentré en empathie avec une telle systématisation des sentiments… Autre vallée de l’étrange : voir que certaines actrices arrivent toujours plus à toucher un public féminin que masculin.


 

La Mort en direct, Bertrand Tavernier 1980 | Films A2, Gaumont International, Little Bear


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Spetters, Paul Verhoeven (1980)

Le funambule au volant

Note : 4 sur 5.

Spetters

Année : 1980

Réalisation : Paul Verhoeven

Avec : Hans van Tongeren, Renée Soutendijk, Toon Agterberg, Rutger Hauer

On comprend avec Spetters comment Paulo a pu finir à Hollywood. Tout dans l’écriture et dans sa mise en scène copie les codes de films de studios américains. On pense notamment à American Grafitti, à The Wanderers ou à la série de films bons aujourd’hui pour un karaoké dont tous ceux avec la star, largement épinglée au mur ici : John Travolta. Le film de jeunes adultes concentrés sur une poignée de personnages d’une même bande amenés à vivre des événements tragiques qui auront des répercussions lourdes (et un sens initiatique quasi symbolique) sur leur vie future représente un genre en soi à Hollywood. Le tout, pour Paulo, consiste à rester subversif sans toutefois égratigner la bonne conscience conservatrice du spectateur lassé des outrances libérales des années 70 (les limites ici sont moins repoussées que dans Turkish Delight par exemple, même si certains morceaux restent difficiles à avaler).

Le film est ainsi très nerveux. Dans ses transitions, souvent accompagnées par la musique et quelques brefs mouvements de caméra descriptifs, Verhoeven reproduit ces codes américains bien plus que ce qui se pratique en Europe avec des respirations plus lâches, moins systématiques, et moins stéréotypées. C’est parfaitement exécuté, et le cinéaste, avec son acolyte au scénario, arrive surtout à donner au genre une plus-value libertaire et sexuelle impossible à Hollywood (mais avec les limites décrites plus haut). Un travail d’équilibriste rare qui ne pouvait qu’attirer l’attention de l’autre côté de l’Atlantique.

La direction d’acteurs est de qualité : Paulo sait comment acquérir l’expression souhaitée tout en répondant aux exigences du rythme (et aux codes hollywoodiens où il est censé toujours se passer quelque chose à l’écran). Cela commence souvent par le choix des acteurs : on le verra par la suite avec Showgirl, se planter dans la distribution hypothèque largement la réussite d’un film. Ici, on a beau chercher, tous sont à la fois remarquables et idéaux dans leur rôle respectif.

Paulo, le funambule, lorgne presque toujours vers la satire, au risque de tomber dans le foirage complet. Or, dans une satire, les acteurs, c’est parfois ce qui peut faire basculer le film d’un côté ou de l’autre. Seuls des acteurs suffisamment charismatiques peuvent inciter le public à suivre, malgré leurs travers, des personnages aussi antipathiques. Cela constitue un des intérêts principaux de ce genre de satire : ces personnages imbuvables offrent dans un film une des clés expliquant les raisons qui, dans la vie, poussent certains suiveurs à fermer les yeux sur des leaders ou des personnes dont ils peuvent être conscients de leur perversité, mais dont ils se révèlent incapables de se démarquer ou de condamner les actions. Grâce au travail d’identification, le film illustre une adhésion qui nous serait par ailleurs incompréhensible.

Parvenir à garder cette touche sociale et psychologique au milieu d’une matière ou d’une forme essentiellement rigide, réussir à faire cohabiter ces éléments souvent contradictoires dans un film, c’est ce que Paulo fait ici, et qui n’est pas loin de rappeler la maîtrise de ses glorieux aînés dans quelques-uns des grands films hollywoodiens de la belle époque. À l’époque où déjà, à Hollywood, on devait composer entre volonté d’apporter le sens de ses valeurs européennes et obligation de se conformer à des codes naissants indispensables pour parler à l’ensemble des publics de l’Amérique de la première moitié du XXᵉ siècle (et avant que ces codes finissent par être étouffés par un autre, unique). Peut-être le meilleur film de Verhoeven de sa première période européenne.


 

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Brubaker, Stuart Rosenberg (1980)

Brubaker

Brubaker Année : 1980

4/10 IMDb

Réalisation :

Stuart Rosenberg

Avec :

Robert Redford, Yaphet Kotto, Morgan Freeman

Tiré, défait, par les cheveux. C’est pas le tout d’avoir une histoire tirée de faits réels, encore faut-il se garder d’en adapter une trop grande part pour « faire cinéma ». Certaines incohérences lourdes heurtent franchement la crédibilité du récit. Que le futur directeur de prison se fasse d’abord passer pour un détenu, passe encore, ça ressemble à du mauvais Samuel Fuller (je fais pas dans le pléonasme, c’est pour dire que c’est vraiment très très mauvais), mais le directeur de prison qui fait chercher des fosses communes sur le terrain de la prison par ses détenus ou qui chasse un “trustee” (sorte de kapo de pénitencier) l’arme à la main avec l’aide d’autres trustees (donc des prévenus) jusque dans la ville voisine, et tout ça sans jamais prévenir ni la police ni l’institution judiciaire, je veux bien qu’on puisse respecter à la lettre les principes de Hitchcock pour plonger le spectateur dans une tension permanente (ne jamais appeler la police), là, les ficelles deviennent si grossières qu’on ne peut faire autre chose que hausser les épaules… ou rire.

(Le spectacle serait plutôt ailleurs : Bruno Nuytten nous expliquant les bisbilles entre Bob Redford et Bob Rafelson quand ce dernier voulait raser la tête du premier. Rafelson sera remplacé. On touche pas à Bob, Bob.)


 

Brubaker, Stuart Rosenberg 1980 | Twentieth Century Fox


The Long Good Friday, John Mackenzie (1980)

Gangster plumé, gangster plombé

Note : 4 sur 5.

Racket

Titre original : The Long Good Friday

Année : 1980

Réalisation : John Mackenzie

Avec : Bob Hoskins, Helen Mirren

— TOP FILMS

Excellent film qui rappelle par certains aspects les films de Hong-Kong qu’on pouvait produire à la même époque…, les scènes d’action en moins (on trouve les références qu’on peut). On pourrait le rapprocher également du Petit César avec Edward G. Robinson, mais seulement pour la stature de l’acteur principal et les activités mafieuses. Parce qu’autrement, The Long Good Friday possède une formidable idée de scénario qui en fait autre chose qu’un film de gangsters : alors qu’il s’apprête à passer un deal avec une grosse pointure américaine, le boss interprété par Bob Hoskins se retrouve dans la position de l’arroseur arrosé puisque coup sur coup il voit ses sbires disparaître dans des d’attentats ou des assassinats, le tout perpétré en moins de quarante-huit heures, sans possibilité de répliquer puisqu’il ne voit pas d’où lui viennent ces attaques.

L’idée est simple et particulièrement efficace puisqu’on saura finalement assez peu de choses de cette étrange organisation perpétrant ces meurtres et qu’elle se rapproche ainsi de manière inéluctable du boss qui doit mener pratiquement seul son enquête et semblera au bout de compte s’agiter comme un dément entre les mains du diable. On évite les confrontations fumeuses avec les “opposants”, et on ne le voit plus que s’agiter contre les siens. Une trajectoire presque tragique donc. Quelque chose de Vanishing Point : ça file droit à la mort, on le sait et ça arrive vite, et c’est ça qui fascine. Aucune échappatoire, on n’essaie pas de nous faire croire le contraire. Qu’est-ce qui pèse plus lourd entre un gangster mort et un chef de gangster mort ? Bah, ça pèse pareil et ça tombe même tout aussi vite. Ce qui change, c’est que le boss, lui, est aux premières loges pour assister à sa propre chute, et on le gratifie même parfois d’un faire-part.

L’autre aspect particulièrement réussi du film, c’est l’interprétation exceptionnelle de Bob Hoskins. Une justesse, une précision, une autorité rarement vues. Jouer un chef gangster, tous les acteurs en rêvent, et le piège est de trop en faire ou de ne pas être à la hauteur. Hoskins, non seulement, adopte toujours la parfaite mesure, mais surtout il comprend la situation et parvient du coup à interpréter une foule de détails qui rendent sa présence crédible et enrichissent l’aspect hors cadre du film. On parle parfois du talent d’un metteur en scène à capter tout ce qui n’apparaît pas à l’écran mais participe à l’aura d’un film, mais il arrive aussi que ce travail d’imagination, ce soit les acteurs qui le produisent. Helen Mirren est d’ailleurs parfaite dans son rôle, avec quelques éclairs de génie, mais on voit encore l’actrice avec ses approximations ou ses artifices. Hoskins, jamais. Pas une fausse note. L’impression qu’il improvise en permanence et qu’il en garde toujours sous la pédale. Certains acteurs parfois ont des intentions floues et se contentent d’être là et de s’appuyer sur un texte qui définira mieux qu’ils ne le font leur personnage. Hoskins capte tout, mieux, il donne à voir quelque chose en plus, autrement dit, il comprend le personnage, respecte à la lettre l’écriture et l’évolution de la situation et tout ce qu’il propose en plus va dans ce sens (alors que beaucoup d’acteurs proposeront des idées pour les mettre en valeur et peu importe si ça les écarte du personnage et de la situation). Impressionnant.


The Long Good Friday, John Mackenzie 1980 Racket | Black Lion Films, Calendar Productions, HandMade Films


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Cosmos, Carl Sagan (1980)

Étalon cosmique

Cosmos

Note : 5 sur 5.

Année : 1980

Réalisation : Carl Sagan

Carl Sagan est un célèbre astronome, exobiologiste, ufologue sceptique, romancier (dont est tiré le film Contact) et donc créateur de cette série qui fera date dans l’histoire de la vulgarisation scientifique, sa méthode, son style tenant lieu de référence absolue dans le genre du documentaire scientifique.

Sagan nous invite dans son vaisseau spatial et treize heures durant nous conte les beautés de l’univers, nous fait partager son goût pour la physique et pour l’histoire des sciences. Il sait se montrer émerveillé devant la nature, les mystères de la vie ou de l’univers, tout en nous mettant en garde contre l’obscurantisme, en nous expliquant comment des mythes peuvent naître de mauvaises interprétations, de la perte des savoirs. Il ne se borne pas à présenter la vision scientifique sur le monde. Une fois qu’il en dévoile les secrets ou les mystères (sans jamais prétendre que la science a réponse à tout, au contraire), il va plus loin et cherche à comprendre ce que cela implique (ou ce que cela a impliqué dans l’histoire) pour les sociétés. Il prend de la hauteur et aborde des thèmes comme l’opposition entre rationalité et mysticisme, les enjeux de l’humanité, les probabilités de l’existence d’une vie intelligente, d’une rencontre avec civilisation extraterrestre. De nombreux concepts sont expliqués pour donner les clés à un public non initié de comprendre la méthode scientifique, son rôle, ses exigences, tout en ne cachant rien de ses erreurs ou de ses dérives. Parce que Sagan est avant tout un humaniste : il voit la science comme un instrument de l’homme pour apprivoiser et comprendre le monde.

Le documentaire est si vieux (1980), et l’évolution des connaissances scientifiques si rapides à la fin du XXᵉ siècle, que Sagan l’a retouché une première fois pour faire part au spectateur de nombreuses avancées dans les thèmes abordés à chaque épisode. Après sa mort, la série a été une nouvelle fois remise à jour… Certains sujets abordés sont encore d’actualité, d’autres ont évolué de manière inattendue. En trente ans, le chemin parcouru est ainsi à peine croyable. Les thèmes abordés sont tellement vastes, et au cœur souvent des recherches actuelles, que c’est tous les mois qu’il faudrait faire des mises à jour.

Reste l’essentiel : son charme humble et discret, son ton pédagogique, sa poésie, son enthousiasme, son sourire, et sa précision, tout ce qui vous fait presque regretter de ne pas vous être plus souvent intéressé à l’école à ces intellos binoclards cloués au premier rang. Maladroits, renfermés, prêtant peu d’importance à tout ce qui gravite à cet âge en général autour des autres adolescents, ceux-là avaient peut-être un petit quelque chose de Carl Sagan. La même passion du savoir à faire partager, le même amour pour les hommes et leur histoire.

Carl Sagan est mort seulement à 62 ans. Son regard sur le monde, sa sagesse, manque assurément.


Cosmos, Carl Sagan (1980) | KCET, Carl Sagan Productions, Polytel International,  BBC


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American Gigolo, Paul Schrader (1980)

American Redemption

American Gigolo

Note : 3.5 sur 5.

Année : 1980

Réalisation : Paul Schrader

Avec : Richard Gere, Lauren Hutton

Pourquoi ce film a-t-il si mauvaise réputation ? Ce n’est sans doute pas un chef-d’œuvre, mais c’est Schrader, et ce n’est pas mal du tout.

Assez simple, parfaitement construit et mis en scène, idem pour l’interprétation de Richard Gere. Les 80’s seront pleines de films bien plus mauvais. On pourrait croire que c’est un film racoleur, mais c’est loin d’être le cas. Surtout quand on pense au film qui a servi de modèle à Schrader… Pickpocket. On est dans le minimalisme et la sobriété. Peut-être qu’il faut apprécier le film de Bresson (et c’est bien sûr mon cas) pour en faire autant avec celui-ci. Si je viens de m’amuser à trouver les ressemblances et les influences d’un film comme Yakuza, écrit par Schrader, avec Blade Runner, on peut aisément le faire tout autant entre celui-ci et Pickpocket.

Schrader suit la qualité première selon moi du film de Bresson, ce que j’appelais « le cinéma de l’obstination ». À savoir prendre un métier, une activité, un contexte, et s’attacher à décrire un processus intérieur en en décrivant toutes les évolutions. Au niveau de l’unité d’action, c’est presque d’une pureté sans faille. Bien sûr, il faut y ajouter l’élément féminin qui est la seule voie possible de rédemption pour le personnage, son seul avocat, lui qui a tout contre lui (un peu moins dans American Gigolo où il est victime d’un coup monté) ; sinon ce serait terriblement austère (oui, on pourrait faire encore plus désincarné que ne l’a déjà fait Bresson dans ses films…). Je prenais à l’époque comme exemple Taxi Driver, en ignorant que Schrader avait la même fascination pour ce film de Bresson.

Ce qui change dans American Gigolo, c’est qu’on n’est plus dans la description comme on peut l’être dans Pickpocket : on tombe réellement dans un film policier. Ce sera le virage que prendra essentiellement Schrader en écrivant des thrillers. D’ailleurs, le début de Pickpocket commence par une mise en garde « ceci n’est pas un film policier ». Pour faire passer la rampe, un Bresson, le faire accepter du grand public, il fallait bien l’avilir en le faisant passer du côté obscur. Cette seconde partie du film où Richard Gere est victime d’un coup monté et cherche à s’en sortir n’est pas bien inintéressante : on arrête le film descriptif et celui de la romance (qui restera le fil rouge jusqu’au bout) pour un thriller à la After Hours. Le film n’est finalement ni un film à la Pickpocket, ni une romance, ni un véritable thriller (pas assez poussé dans le ton, c’est seulement la seconde partie du film qui le devient et sans jamais multiplier des situations tendues propres au genre). Sans doute la raison pour laquelle le film n’est pas apprécié… (autre possibilité, j’ai des goûts de chiottes ou je suis secrètement envoûté par le charme de Richard Gere)

Pourtant, le thème du solitaire qui reste dans son coin à faire un doigt à la société prenant l’argent où il est, aimé de personne (le mac noir lui fait bien comprendre) et qui finalement sera sauvé par la femme la plus improbable qui soit… ça reste fascinant comme histoire. C’est le mythe de La Belle et la Bête revisité, l’homme sauvé par la femme… Les hommes aussi ont le droit de rêver à leur princesse charmante !

Schrader a poussé la ressemblance jusqu’à inverser les noms des personnages : Michel, devient Michelle, et Jeanne devient Julian. Petit vicieux… Et une petite musique de Mozart à la fin rend hommage une dernière fois à Bresson (qui n’employait pas que du Mozart, mais souvent ce genre de musique de salon très pète-cul).

Certains se contenteront du générique chanté par Blondie, Calle me, Oh yeah !

Et si en plus ça ne suffit pas, il faut parler du producteur qui n’est autre que le très vénérable et talentueux Jerry Bruckheimer. (Grand silence).


Bel exemple dans le film de montage-séquence.


American Gigolo, Paul Schrader 1980 | Paramount Pictures, Freddie Fields Productions


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Flash Gordon, Mike Hodges (1980)

Strass War et saut ventral

Flash GordonFlash Gordon, Mike Hodges (1981)Année : 1980

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Réalisateur : Mike Hodges

Avec  : Sam J. Jones, Melody Anderson, Max von Sydow

5/10

Vu le : 25 mars 1997

Il faut le voir pour le comprendre. S’il y a des films qui influencent toute l’histoire du cinéma, vingt ou trente ans après flotte sur eux comme un nuage d’évidence, mais quand on a le nez dessus, il peut arriver qu’on ne comprenne pas tout de suite ce qui vient de se jouer sous nos yeux. Certains événements rendent tout ce qui précède illusoire et daté, mais c’est aussi ce qui se joue après qui permet de mesurer l’importance de ces événements dans l’histoire. Quand Fosbury concourt avec son saut atypique dans les années 60, tout le monde en rit, avant de le voir gagner le titre olympique à Mexico. Si aucun sauteur aujourd’hui n’oserait utiliser le saut ventral, un bon sauteur arrivera toujours à battre un mauvais sauteur en utilisant la vieille technique de papa. Le procédé, l’idée, est révolutionnaire, mais si derrière il n’y a qu’un athlète médiocre, il n’arrivera à rien. Il ne suffit pas d’être original pour prétendre révolutionner le monde. Fosbury a permis de faire progresser sa discipline de quelques centimètres qui lui ont permis avec du travail de changer complètement la technique de son sport, mais ce n’est pas la technique, seule et par son originalité, qui lui a permis de renverser les usages de sa discipline.

Flash Gordon, Mike Hodges (1980) | Starling Films, Dino De Laurentiis Company, Famous Films

George Lucas a fait la même chose avec Star Wars. Il avait compris que le public en avait assez des films sans fantaisie et qu’il serait prêt à venir en nombre pour voir de la science-fiction qui ne les prenait pas pour des imbéciles. Bien sûr, personne ne l’a pris au sérieux au début avec sa technique qui prenait tout le monde à contre-pied, et même après l’immense succès du film (encore aujourd’hui où il ne passe parfois que pour un amuseur), ceux qui riaient de lui ont tenté leur chance pensant pouvoir faire recette avec la même idée, quelques prétentions d’originalités… et rien d’autre. De la fantaisie, comme on en faisant dans les années 30 ou 40, pour un public jeune et stupide. Ceux-là n’ont pas compris la réussite (plus que le succès) de Star Wars, car comme le Fosbury, Star Wars s’était imposé certes grâce à une idée, un concept, mais le tout reposait sur une cohérence propre et solide, tout ce qu’il y avait de plus traditionnel et de conventionnel.

Si un film peut être vu comme l’alliance de plusieurs talents (devant se battre contre l’empire des studios, la facilité, le doute, la tentation du plus offrant…), la cohérence du tout, c’est la vision d’un seul homme. Il faut certes des conditions favorables, une sorte de vision personnelle, couillue et un peu chanceuse, mais ce travail-là, George Lucas était aussi capable de le fournir (et de la forcer, pour ce qui est de la chance). Son premier talent était donc de concevoir un de ces « sauts » (dans l’hyperespace), possédant assez d’innovation, d’originalité, d’audace, de folie, pour supplanter et ringardiser ceux qui l’avaient précédé, mais avec aussi assez de lucidité, de fluidité, pour « maintenir [son projet] dans un tout unique et cohérent ». Sa Force. Ce qu’on peut aujourd’hui appeler génie, c’est l’idée de s’affranchir totalement du monde dans lequel on vit. La science-fiction a rarement su aller dans ce sens, c’était plus souvent un principe laissé au merveilleux ou à la fantasy. Ce qui est une évidence pour ceux qui apprécient la saga ne l’est pas forcément pour ceux qui veulent s’en inspirer pour en récolter les fruits faciles et en reproduire le succès : pour eux Star Wars n’est qu’un vulgaire film de science-fiction, pour les autres, c’est autre chose. En 1968, le saut arrière était ridicule, laid. Et puis au fil des perfectionnements, il est devenu plus gracieux en même temps qu’il restait efficace. Ceux qui l’imitaient dans leur jardin s’y cassaient sans doute plus le cou que ceux qui reproduisaient sans génie mais sans risque le saut ventral…

L’un des choix les plus payants, et « non-originaux » pour Lucas, a été celui de faire appel à John Williams. Peut-être le plus important. Parce que c’était ce qui donnait le plus la couleur à son histoire, lui donnait une stature épique, monumentale, et non quelque chose de bricolée, de faussement moderne. Le film classique capable d’employer une musique rock, avec une partition chantée, n’a pas encore été fait. Il y a des domaines où il vaut mieux se fondre dans la tradition, plutôt que chercher par tous les moyens à paraître innovant et moderne. Il ne serait pas venu à l’idée de Fosbury d’entamer sa course d’élan sur les mains sous prétexte que ça ne s’était jamais fait (la comparaison commence à rancir, mais j’en garde sous l’aisselle). Ceux qui ne le croyaient pas capables de gagner une médaille auraient sans doute apprécié le spectacle.

Oups. La Guerre des étoiles, George Lucas (1977) | Lucasfilm, Twentieth Century Fox

Voilà donc ce qui ferait entrer Flash Gordon plutôt dans le panthéon du cirque cinématographique que dans celui de l’histoire du cinéma. Le film, s’il restera en mémoire, le sera surtout pour être un bedonnant et bidonnant ratage. Flash Gordon demeure le même héros insipide qu’il soit des années 80 ou des années 40. On ne change pas de la merde en or. Et on n’emploie pas un groupe de musique, tout génial soit-il par ailleurs, pour composer la musique d’un film. Il n’y a que les cons qui osent, audiardit-on ; et les futés font semblant d’avoir de l’audace. Quand ils en ont, il n’est question que deux ou trois idées sur lesquelles repose le « saut » tout entier.

Flash Gordon est un éclair dans le ciel qui jaillit comme un pet ridicule. Star Wars est au firmament des étoiles, au-delà des lumières de la voie lactée, dans un espace qui n’est plus qu’évidence et magie. Comme tout le monde dans les années 80, Flash Gordon ne faisait que jouer avec les figurines créées par Lucas. Mais Lucas, lui, avait comme inventé une matière impalpable, invisible de tous, incompréhensible, et pourtant, aujourd’hui, chacun peut encore en sentir et en voir les effets. Une religion presque, comme le souligne Coppola, sincèrement dépité de voir le public se tourner vers une histoire qu’il juge un peu niaise ; il n’avait pas compris ce que Star Wars allait changer.

N’évoquez donc plus le mystère de la matière noire, car pour le prophète elle a un autre nom : le côté obscur. Une force qu’aucune lumière, aucun éclair, ne saurait apprivoiser. Surtout pas celle de Flash. Star Wars reste Star Wars, Flash, un nobody ventripotent exhibé dans les cirques. L’un était né déjà tout rabougri ; l’autre avait été conçu comme un miracle, un événement qui ne cesserait alors de se réinventer à travers les yeux et l’imagination des générations amenées à le prendre comme référence.

C’est souvent après que l’on comprend. Lucas nous a retournés comme des crêpes, et depuis, notre suspension n’a jamais cessé.


Flash, je suis… ton…


Sur La Saveur des goûts amers :

Top des films de science-fiction (non inclus)


Gloria, John Cassavetes (1980)

GloriaGloria, John Cassavetes (1980) Année : 1980

IMDb  iCM

Réalisateur : John Cassavetes

Avec  : Gena Rowlands

6/10

Lien interne :

Cent ans de cinéma Télérama

 

Un film en dehors des normes. Je m’attendais à autre chose, et en fin de compte, je pense préférer le résultat de ce à quoi je m’attendais.

Le film est dense en actions comme dans les meilleurs romans. Et la construction dramatique parvient à laisser suffisamment de place à la mise en scène pour qu’elle donne à chaque scène son identité et son impact.

L’histoire est là bien sûr (le livre, la poursuite, etc.), mais le travail sur l’ambiance, sur les détails relationnels, dans la mise en scène est tout à fait passionnant et permet de développer des thèmes qu’on peut difficilement manier avec des événements seuls : et ce thème principal, c’est cet amour entre une femme et un enfant que tout oppose. Ainsi, tout dans la mise en scène semble focalisé sur le jeu, la relation : les silences, l’émotion retenue, ou au contraire celle qui explose et qui laisse toujours apercevoir autre chose derrière les mots et les réactions commandées par les événements.

Photographie et réalisation [en 1996, « réalisation » concernait pour moi tout ce qui était lié à la caméra, au montage, quand la mise en scène était ce qui était lié à ce qui se passait devant, le jeu] sont épatantes. Un Technicolor si particulier du début des années 80. La réalisation est sobre, à la juste distance, sobre. Par exemple, Cassavetes sait quand il va falloir montrer plus le gamin en gros plan alors que le sens, les dialogues viennent de la femme. Le dilemme éternel du montage en champ-contrechamp : action ou réaction ? Les très gros plans sont superbes. Toujours justes. Superbe.

28 novembre 1996