La Servante, Kim Ki-joung (1960)

La Maison des otages

La Servante

Hanyo

Note : 4 sur 5.

Titre original : Hanyo

Année : 1960

Réalisation : Kim Ki-young

Le garçon apprécie Hitchcock et… les travellings. Pas un plan sans un mouvement de caméra, et c’est toujours très bien fait ; probablement un des aspects du film (pas si fréquent à l’époque) qui laisse penser en le voyant qu’on a affaire à un film plus récent.

On sent la science du montage, un souci de donner du rythme, de remplir l’espace et le temps. On retrouve la même idée dans le décor, celui de la maison familiale. Les murs sont garnis d’une espèce de crépis grisâtre constellé de cellules donnant l’impression qu’on se trouve dans une membrane, une sorte de placenta. Limite du Giger. Les effets font parfois un peu datés, avec un jeu théâtral, expressif, mais qui rajoute encore du rythme (et oui avant le cinéma, c’était l’acteur qui donnait le rythme par son interprétation).

L’histoire est légèrement tirée par les cheveux, et on frôle la série B (effets de tonnerre, pluie, musique hermanienne grinçante et répétitive), mais on est loin du grotesque. C’est parfaitement exécuté. Les dialogues passent très bien, et on évite le sang, donc ça reste tout de même mesuré. Ce décor avec ces murs, ces portes coulissantes à carreaux semi-opaques, cette terrasse au 1ᵉʳ et cette baie vitrée avec laquelle la mise en scène n’en finit plus de jouer, travellings après travellings, c’est quand même quelque chose.

À signaler un remake médiocre tourné en 2010.


La Servante, Kim Ki-joung 1960 Hanyo | Hanguk Munye Yeonghwa, Kim Ki-Young Production


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The Chaser, Hong-jin Na (2008)

Rien ne sert de courir

The Chaser

Note : 4 sur 5.

Titre original : Chugyeokja 

Année : 2008

Réalisation : Hong-jin Na

Avec : Kim Yoon-seok, Ha Jung-woo, Seo Yeong-hie

Comme quoi, il faut toujours insister, jamais s’arrêter aux premières minutes d’un film…

J’avais essayé de m’y coller, il y a quelques mois et j’avais arrêté, épuisé par une histoire sans queue ni tête, une situation difficile à comprendre. Il faut dire qu’il y aurait beaucoup à jeter dans ce début. On s’attarde par exemple sur une des call-girls alors que ça ne sert à rien pour le reste du récit. Mais une fois que l’autre fille (celle que son mac va s’évertuer à rechercher pendant tout le film) est prise dans les griffes du Hannibal Lecter local, on ne peut plus décrocher ses yeux de l’écran ! On est au cœur d’un des meilleurs thrillers de ces trente dernières années. Entre Le Silence des agneaux et Seven (même si pour le coup, une scène, celle où le mac retrouve un ancien appart’ du maboul, est un peu ratée : on ne voit rien).

Le film commence donc avec la disparition d’une ou deux prostituées (je n’ai toujours pas bien compris). Leur mac retrouve leur voiture dans une ruelle du centre-ville. On apprend qu’il est un ancien flic, ce qui va lui permettre de se lancer à leur recherche et à faire jouer son maigre carnet d’adresses. Malheureusement, les « affaires » doivent continuer et il envoie une autre call-girl vers un rendez-vous qui se trouvera être le serial killer sanglant qui enlève toutes ses putes. Il le découvre tardivement. Il arrive à joindre sa call-girl une dernière fois pour lui demander de l’appeler une fois qu’elle aura l’adresse du tueur. Manque de pot, la pute cherche à le joindre, mais il n’y a pas de réseaux dans l’appartement… Là, le guignol va commencer à la charcuter… jusqu’à ce qu’on sonne à la porte. La fille est passablement amochée, enlacée comme une truie. Il va à la porte. Par un jeu croisé de situations on est amené à croire que c’est le mec. Bien sûr, ce ne sont que deux vieux qui cherchent un ami… Le gars ne trouve rien de mieux pour s’en débarrasser que de les tuer. C’est là que le film devient un poil meilleur avec un petit air de Seven. Le serial killer s’en va éloigner la voiture des vieux, mais il a un accrochage avec le mac qui rôde dans les parages en espérant retrouvant l’adresse du mec. Voyant qu’il avait du sang sur sa chemise, il imagine qu’il peut être son homme et en a le cœur net quand il fait son numéro de portable ! Il se bagarre, et ils sont emmenés tous les deux au commissariat…

Le film s’emballe. Non seulement l’action n’arrêtera plus jusqu’à la fin, avec un seul objectif : trouver la fille, car on sait qu’elle est vivante. Mais en plus, on a plutôt des personnages inédits dans des situations similaires. Si le tout est assez prévisible et dans la bonne tradition du thriller, les personnages eux sont assez originaux et pas pour autant moins crédibles.

Le mac est donc un ancien flic reconverti sur le marché de la prostitution. Pourtant, si sa situation peut laisser croire à une brute épaisse et antipathique, c’est plutôt un homme qui sait ce qu’il veut, un patron, qui met toutes ses forces dans la recherche de sa fille. C’est sûr, faire d’un mac un héros et en plus le montrer sympathique, ce n’est pas très correct, mais depuis Dexter on sait qu’on peut faire bien pire dans l’identification à un monstre. On ne juge pas ce qu’il fait, à la limite, ça ne nous regarde pas, et ce n’est pas le sujet. Ce qui compte, c’est sa quête. Et peu importe si certains voient ça comme une manière de se racheter sa situation. Ce n’est pas du tout ça. Sincèrement, on sent que le mac veut retrouver cette fille, non pas parce qu’il perdrait de l’argent, non pas parce qu’il l’aimerait plus qu’une autre, mais parce que c’est dans sa nature de ne pas se laisser marcher sur les pieds (oui on se surprend à penser « mais il a raison ce mac de pas se laisser faire !… heu, qu’est-ce que je suis en train de dire… »). Difficile à croire et pourtant tout est crédible de bout en bout.

La fille n’a rien de la prostituée de mauvaise famille, décérébrée. C’est une jeune mère qui élève seule sa gamine de cinq ou six ans. Pas vraiment un cliché de vouloir montrer la pute dévouée, formidable : on peut très bien imaginer qu’une femme vivant seule doive en passer par la prostitution pour gagner sa vie. Pour accentuer deux effets, sa vulnérabilité et le « ça aurait pu être une autre », le récit a la très bonne idée de nous la montrer fiévreuse. Astuce géniale.

Le personnage du serial killer est tout aussi original mais pas moins crédible. Le film adapte en fait les archétypes du thriller à sa société. On imagine bien qu’un malade mental en Corée puisse être un jeune garçon, solitaire, impuissant et manipulateur, mais loin d’être un génie comme on peut en trouver dans certains polars ricains (c’est toujours mieux de penser que seuls des génies peuvent mettre en place de tels systèmes pour éviter de se faire pincer). Le mec est juste dérangé, ordinaire, ni plus ni moins intelligent qu’un autre. Et il a l’insolence de son âge. Il connaît les rouages de la justice pour s’en sortir au mieux. Passer pour un fou en donnant des versions contradictoires, jouant tour à tour les victimes ou jouant parfaitement le rôle du monstre par provocation.

Le film est une réussite, un coup de maître pour un premier film. L’action est très resserrée : sur une ou deux journées (tellement resserrée que le mac trouve le temps de manger deux fois avec la gamine en pleine nuit et qu’elle montre à peine des signes de fatigue). Étonnant cinéma coréen, capable de nous proposer une telle diversité et une telle qualité. En partant de rien, comme la tortue dans la fable de La Fontaine…


The Chaser, Hong-jin Na 2008 Chugyeokja | Big House, Vantage Holdings, Showbox Entertainment

 

La Chanteuse de pansori, Im Kwon-taek (1993)

C’était le temps des troubadours

La Chanteuse de pansori

Seopyeonje

Note : 5 sur 5.

Titre original : Seopyeonje

Année : 1993

Réalisation : Im Kwon-taek

— TOP FILMS

J’avais un excellent souvenir de ce film quand je l’avais vu il y a une quinzaine d’années. Pour autant, j’avais très peu de souvenirs précis du film. Une histoire d’initiation, un récit parfaitement tendu, terriblement efficace. J’ai donc revu le film avec un regard neuf, doutant même au début du film qu’il s’agissait bien du film que j’avais adoré autrefois. Et puis très vite, j’étais pris par cette histoire d’un récitant raté qui entraîne avec lui sa fille et son fils adoptif pour leur apprendre son art alors que de son côté, il a de moins en moins de succès, son art étant voué à la disparition. Tout le film repose sur ce principe : plus les personnages s’enfonceront dans la misère et la tragédie, plus le personnage principal de la jeune chanteuse fera des progrès. Des progrès vains, parce que le pansori n’est plus populaire. Il y a un côté fin d’époque là-dedans, comme un refus de se laisser emporter par les nécessités du monde et rester attaché viscéralement à son art.

En ça, le film d’Im Kwon-taek n’est pas si différent des films de Naruse qui décrit la même transformation d’une culture pour disparaître au profit d’une autre occidentalisée, mondialisée. Le film aura au moins la vertu d’avoir popularisé à nouveau cet art récitatif et musical en Corée. Il est frappant de remarquer que le pansori ne disparaît pas seulement à cause de l’invasion des musiques ou des usages occidentaux, mais surtout parce qu’un monde qui a atteint un certain niveau d’industrialisation n’a plus besoin de cet art, presque primitif. Il faut comprendre ce qu’est le pansori, l’équivalent de nos troubadours au Moyen Âge ou si on remonte encore plus loin aux bardes, aux rhapsodes ou aux aèdes. Il ne reste de ces arts anciens que les textes, devenus poésies, mais à l’origine, il s’agit bien de chants, de récits chantés, et nul ne peut dire aujourd’hui à quoi ressemblaient ces arts. La technique de chant du sori (le chanteur du pansori) a une technique très particulière dans le film et au-delà des récits contés, il possède son propre intérêt. Alors qui sait si on n’a pas réellement perdu un art précieux avec la disparition de ces techniques de représentation en Europe. Et c’est pourquoi le pansori aujourd’hui est si précieux (il est désormais inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO). Parce que ce n’est pas du chant, ce n’est pas de la poésie, c’est bien du récit chanté : un art produit par des itinérants jusqu’au siècle dernier en Corée. Et c’est malheureusement ce caractère hybride qui est sa faiblesse dans le monde moderne où on n’a guère besoin de récitants dans les rues pour nous raconter des histoires…

La Chanteuse de pansori, Im Kwon-taek 1993 Seopyeonje | Taehung Pictures

Pour revenir au film, celui-ci est construit un peu à la manière d’un film noir : en flashback. Ou comme un bon mélo. On suit le frère à la recherche de sa sœur, chanteuse, qu’il a quittée à l’orée de sa vie d’adulte parce qu’il ne supportait plus l’enseignement de leur père (lui jouait du tambourin, l’instrument accompagnant la voix du récitant). Le procédé rappelle aussi un peu celui employé dans Docteur Jivago ou dans la Comtesse aux pieds nus : ça permet de prendre faussement de la distance avec le récit et d’accentuer l’impression d’histoire racontée avec un temps passé et un temps présent, et de créer une atmosphère nostalgique.

Finalement, après s’être fait raconter tous les événements qui ont suivi leur séparation (notamment la perte de la vue de sa sœur), il la retrouve dans une séquence déchirante où ils ne se disent pas grand-chose, préférant laisser leur art parler pour eux. Peu importe si on a peine à croire qu’ils ne se reconnaissent pas, on est pris par l’émotion de les retrouver ensemble. Et on se place au niveau du frère qui tout à coup voit l’art de sa sœur qui a atteint une plénitude totale.

C’est sur le plan artistique aussi que le film est fascinant : c’est dans cette dernière scène qu’on mesure la force de cet art. La quête que poursuit la chanteuse, avec l’enseignement de son père, c’est de trouver à conjuguer force et tristesse dans son chant. C’est d’ailleurs l’une des raisons principales pour lesquelles il lui a ôté la vue : pour lui, la souffrance doit précéder toute forme d’expression, doit être en quelque sorte le tapis sur lequel s’assoit l’artiste. Ensuite, il doit faire preuve de suffisamment de force et de « joie » pour surmonter cette tristesse. On n’apprend rien d’autre de plus aux acteurs aujourd’hui ; je traduis : il est plus émouvant de voir un acteur qui se retient de pleurer qu’un acteur qui pleure ; la plainte n’émeut pas, au contraire du courage de celui qui fait face et reste digne. C’est ce qui se passe dans cette scène finale. Rarement j’aurais vu une performance d’acteur (ou de récitant…) aussi parfaite, aussi émouvante. Le réalisateur expliquera qu’il voulait faire le film depuis longtemps mais qu’il lui manquait l’actrice pour interpréter le rôle… C’est sûr, là, on ne peut pas avoir mieux et ce choix paraît comme une évidence. Doubler son sori aurait été une catastrophe. Tout est dans la retenue contrôlée de son art. Du reste, le scénario dans cette fin ne fait rien de différent : pas d’embrassade réjouissante après une longue séparation. Les personnages se sont reconnus, mais ils ne se sont rien dit, et chacun est parti de son côté.

Le film serait le plus gros succès en Corée (ça l’était à l’époque du moins). Parfaitement mérité ; un succès qui s’explique sans doute par le fait que le pansori représente parfaitement l’identité nationale.

Le film a connu une suite en 2008 : Souvenirs, beaucoup moins intéressant.


Des films sur nos troubadours, on en a fait combien en France ? Aucun. Même les films de cape et d’épées, c’est ringard. Donc j’aime quand les autres mettent à l’honneur leurs troubadours, et plus encore, quand ça traite de leur disparition. Les cultures en voient de disparition, un peu que ça me plaît…, j’aime chialer. La hausse des océans, ce n’est pas que le réchauffement climatique, c’est aussi les larmes des hommes qui ruissellent sur un monde qui s’effrite.


Locataires, Kim Ki-duk (2004)

… … …

Bin-jip Année : 2004

Réalisation :

Kim Ki-duk

8/10  IMDb

Vu en août 2009

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(Puisque je n’avais plus de mot après la vision de ce film, je partage les commentaires de ma petite sœur Titi. Son enthousiasme est un peu plus communicatif que le mien.)

Oh yoïyoï !…

Alors, si ça c’est pas un film magnifique ! C’est pas du Im Kwon-taek, c’est encore moins bavard…

Ah nan, purée c’est trop bon un truc comme ça, ça donne envie de se taire et de respirer le silence qu’il y a entre les touches de mon clavier.

……

AHHHHHHHHHHHHHH ! J’ai envie de pleurer tellement c’est bô !

Le plus grand film muet de tous les temps !

Ah, la, la… ce réalisateur coréen, il a un jardin japonais dans le cœur…

Pff, alors des films comme ça en France, depuis la fin de Bresson, j’attends toujours… On aime bien blablater parce que, vexés de ne pas avoir inventé le cinéma parlant, il a fallu qu’on invente le cinéma blabla… pfff… Eh ben voilà, le cinéma maintenant, celui des images, des actions, des mythes, ça fait quinze ans qu’il est en Asie.

À partir de maintenant je m’appelle Lim Gwoan-Taek !

(rah, cette chute !… bon d’accord, je n’ai pas de petite sœur Titi, mais parfois, on a envie de serrer les coudes et de trépigner comme un idiot.)


Locataires, Kim Ki-duk 2004 Bin-jip | Kim Ki-Duk Film, Cineclick Asia, Happinet Pictures


Secret Sunshine, Lee Chang-Dong (2007)

sans récit le fait est plus fol

Secret Sunshine

Note : 4.5 sur 5.

Titre original : Milyang

Année : 2007

Réalisation : Lee Chang-dong

Avec : Do-yeon Jeon, Kang-ho Song, Yeong-jin Jo

— TOP FILMS

Excellent. Comme parfois, la longueur du film (2 h 15) permet au spectateur de s’affranchir de ses repères. D’autant que là, il y a peu de ressorts conventionnels et la structure nous oblige à forcer notre regard, car elle n’offre rien de ce qu’on pourrait attendre. Il s’agit d’une chronique sans enjeux, sans problématique définie, sinon le fait pour un personnage de chercher à résoudre ses problèmes présents. Ce n’est pas pour autant que le film manque d’unité dramatique. Au contraire. Le personnage principal du film, Shin-ae, est au centre de tout, pas une scène où elle n’apparaît pas. On la suit en train de surmonter les drames qui la touchent, interférer avec les autres personnages. Placés ainsi en dehors des conceptions conventionnelles du récit, on est forcés de nous interroger et de comprendre.

D’abord, Shin-ae arrive de Séoul avec son fils de sept ou huit ans dans le village où son mari décédé a vécu. Pourquoi ? On n’en sait rien, peu importe. Le film est descriptif, pas explicatif. On n’est pas obligé de tout comprendre, de tout savoir, car il n’y a pas de dénouement, de révélation, à prévoir, on est placé dans la position du voyeur forcé d’imaginer les vies entre les lignes. Malgré le drame « secret », c’est une histoire banale, à ranger dans les colonnes des faits divers d’un journal (si l’on ne retient que le drame en lui-même, car le film montre ce qui précède et ce qui suit).

(À noter qu’un village en Corée, c’est quelque chose comme 5 000 habitants…)

Secret Sunshine, Lee Chang-Dong 2007 | CJ Entertainment, Cinema Service, Pine House Film

La jeune mère vient donc refaire sa vie en province avec son fils (on ne saura rien de la première, en dehors du fait que son mari est mort : le récit est réduit au minimum, comme s’il n’y avait aucune intention dans la volonté de présenter cette « histoire » ou de la distiller avec parcimonie). Sur la route qui la mène à ce village dont le nom signifie en chinois « ensoleillement secret », elle se perd et sa voiture tombe en panne. Un garagiste vient la chercher. C’est le début d’un intérêt pas du tout réciproque : le garagiste lui faisant presque la cour pendant tout le film, restant toujours courtois, amical, attentif, mais elle n’y prête pas attention et semble même souvent agacée de cette présence qui s’impose à elle.

Elle s’installe dans le village, fait la connaissance des personnages locaux. La pharmacienne dévote qui cherche à la mener vers la foi divine, le professeur de déclamation de son fils et toujours ce garagiste… Son frère vient un moment l’aider à investir dans un terrain, mais c’est surtout pour elle une manière de se faire remarquer, respecter sans doute, comme elle le dira plus tard, mais le plus souvent, elle est avec son gamin.

Arrive alors le point de basculement du récit. Le petit est kidnappé. On lui demande une rançon.

Son fils est identifié quelque temps plus tard dans un étang et le coupable sera rapidement trouvé. C’était le professeur. La jeune femme se retrouve seule et tombe dans un premier temps dans une détresse profonde. La pharmacienne insiste pour qu’elle vienne assister à une séance au temple. Shin-ae est incrédule, mais ne sachant pas quoi faire d’autre pour calmer sa peine, elle se décide, accompagnée de son étrange protecteur, le garagiste. Elle crie sa douleur, se libère. Et dans la scène suivante, on la voit souriante, parlant à des amis de sa foi, de son bonheur recouvré grâce à Dieu…

J’ai un peu peur de voir dans quelle voie le film nous embarque. La description de cette Église paraissant aux yeux d’un Occidental tout à fait ridicule. On se dit à ce moment qu’elle était tombée dans les mains de cette secte comme elle aurait pu l’être dans n’importe quelle autre qui prétend ramener la paix intérieure ou la promesse d’un monde meilleur, ailleurs. On se dit, après tout, pourquoi pas, si ça l’aide à surmonter sa douleur. Mais en fait, dès qu’elle est seule chez elle, le masque tombe et elle est tout aussi déprimée qu’avant. On commence à sentir l’ironie sur cette pratique religieuse somme toute assez folklorique et singulière (c’est peut-être une interprétation personnelle étant donné que le récit, en lui-même, garde toujours une distance avec les événements présentés).

Elle décide de pardonner à l’homme qui a assassiné son fils. Elle vient le voir en prison comme le préconise la religion. Et elle prend soudain conscience que s’il y a un Dieu, il n’est pas juste. Elle pensait rencontrer un fou ou au moins un homme qui vivait avec le poids de la mort de son fils sur la conscience, et en dehors de ça, le professeur se révèle être tout à fait bien…, car lui aussi aurait trouvé la foi en prison et le comble de l’incompréhension et de l’inacceptable pour cette mère, il lui dit que « Dieu lui a pardonné ». Elle se détourne de la religion alors que les gens qu’elle fréquente, y compris le garagiste, sont en rapport avec son Église. Elle va se révolter à sa manière, cherchant à faire payer tous ces joyeux dévots.

Après quelques actes insensés (plus ceux d’une femme en détresse que d’une réelle folle), on l’envoie à l’hôpital. Le garagiste, pour qui elle n’aura jusqu’à la fin aucune sympathie particulière, vient la chercher. Et le film se termine là-dessus.

Pourquoi arrêter là ? On ne sait pas si elle va rester dans ce village, si elle va retrouver une vie normale, si le garagiste parviendra à prendre une place près d’elle. Rien, c’est comme une tranche de vie sur les malheurs d’une femme, le malheur presque exclusif de la disparition d’un enfant, un encart tragique dans un journal : le film commence alors qu’elle a déjà perdu son mari, ce n’est pas le sujet et ça ne le sera jamais, et il se termine ainsi quand on a fait le tour de ce malheur, comme si c’était un film qui ouvrait les yeux sur un paysage en mouvement lors d’un voyage en train et qui les refermait aussitôt. Ce qu’on a vu ? L’acceptation et la difficulté du deuil. Rien d’autre. Pas le temps de nous arrêter. On était là, on a vu, on est parti. Le film traduit très bien le spectacle de nos vies ou du film qu’on se fait de celle des autres : on n’en voit que des bribes, pourtant, de ce spectacle parfois tragique, on se plaît à prétendre tout savoir. Parce qu’une part de nos vies est dédiée au commentaire, aux commérages, de la vie des autres. On se charge souvent d’en faire un récit en remplissant les vides, en nous chargeant d’y implanter des explications, des intentions, une logique dans ce qui n’en a aucune. En nous offrant ainsi la vie crue affranchie du modelage trompeur du récit, le film nous ramène à nos petits réflexes de commentateurs astucieux. Un film se doit en général de contenter cette faim d’indiscrétions qui nous anime, et ici la sécheresse du récit tend à inverser les rôles et à nous confronter à notre médisance : sans récit, que sait-on ? Et qu’est-ce que le récit sinon le tricotage d’éléments d’une histoire ? On tricote des liens, des rapports, une cohérence, mais au fond dans la vie, rien n’est construit et prémédité, tout est lâchement agencé, incertain, perdu, flou, indécis, et incompréhensible. Et comme on ne peut concevoir un monde sans logique, qui échappe à notre compréhension…, on tricote, on tricote. Les secrets sont des boîtes faciles à remplir : on peut tout y ranger.

Si les interprètes sont donc aussi dans la salle, ceux qu’on y trouve dans le film sont excellents. Jeon Do-yeon a reçu le prix d’interprétation à Cannes en 2007 pour son travail. Rarement, une récompense aura été tant méritée. D’habitude, je suis plutôt agacé face aux performances d’acteurs, aux rôles qui semblent écrits pour ces prix. Là, on est au-dessus de tout ça. C’est d’abord un film. Et il se trouve que le sujet du film c’est un personnage central, omniprésent ; le sujet, c’est l’évolution progressive des états psychologiques d’une mère qui vient de perdre son mari, qui va perdre son enfant et qui devra apprendre à vivre seule dans une ville où elle ne connaît finalement personne. La performance, elle découle naturellement du film ; la finalité, ça reste le film, mais on ne peut évidemment que s’émouvoir du talent de cette actrice capable de tout jouer avec une précision et une conviction étonnante. Elle en fait des tonnes, mais elle reste toujours juste : ce sont les situations extrêmes, à travers lesquelles passe son personnage, qui l’obligent à adapter son jeu à la situation. Il n’y a sans doute pas de peine plus grande que celle d’une mère qui perd un gamin assassiné et qui se retrouver, seule, comme un adulte orphelin. Je ne crois pas avoir souvent vu, par exemple, une actrice « simuler » des crises d’angoisse. On croit en ce que l’on voit, tout un sachant qu’elle joue, mais en l’oubliant la plupart du temps (on se dit bien sûr parfois que c’est fabuleux ce qu’elle arrive à faire, et le plus souvent on est pris par la situation qui reste toujours au centre du film). Bref, il y a une gamme d’expressions, de situations, d’humeurs, autour de la déprime, du chagrin, qui est tout à fait hallucinant. Elle donne l’impression qu’aucune scène n’est jouée comme une autre ; c’est la situation, la disposition du moment du personnage qui dicte son interprétation ; il n’y a pas d’humeur générique pour exprimer la peine immense de la perte d’un enfant. C’est une alchimie insaisissable noyée dans les mystères des situations jouées. Jeon Do-Yeon exprime toujours l’humeur adéquate. Elle sait parfaitement se fondre dans une situation en en comprenant tous les enjeux. Le réalisateur y est-il pour quelque chose ? Sans doute oui, quand on voit l’excellence de l’ensemble des acteurs. Et cela jusqu’au moindre élève de piano qui n’a pas appris sa leçon et qui ne veut pas l’avouer, mais dont on perçoit pourtant dans le regard et l’attitude la gêne laborieusement dissimulée de celui qui ment avec honte : il n’y a rien de plus difficile que de jouer ce que l’on ne veut pas dévoiler. Il est facile de jouer celui qui ment effrontément, mais jouer celui qui ment et qui se retient de ne pas laisser paraître de gêne liée à la honte de mentir (ou encore jouer celui qui se retient de pleurer quand il est déjà souvent parfois assez compliqué de pleurer…), là alors, ça devient impossible. Pourtant, un enfant y arrive. C’est donc que le réalisateur a lui aussi son secret…

L’acteur qui joue cet étrange garagiste, cet ange gardien repoussé et pas loin d’être un clown à l’insu de son plein gré, c’est Song Kang-ho, qui apparaissait dans Memories of murder.



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2 Sœurs, Kim Jee-Woon (2003)

La cerise-est

2 Sœurs

Janghwa, Hongryeo

Note : 4 sur 5.

Titre original : Janghwa, Hongryeo

Année : 2003

Réalisation : Kim Jee-woon

Il n’y a pas que les Japonais qui aiment les histoires de fantômes. Les Coréens aussi.

Bon, alors je n’ai pas tout compris… C’est un peu dur de remettre toutes les pièces du puzzle dans l’ordre, surtout tard dans la nuit. De toute façon il reste plein de détails incompréhensibles… C’est presque l’éloge de l’absconcitude, un peu comme si en traversant la frontière, le confucianisme était devenu le confusionnisme… Mais c’est bien parfois de ne pas tout comprendre. Un esprit aussi peu futé que le mien peut en tout cas bien s’en satisfaire, de temps en temps. Je peux apprécier quand un cinéaste nous laisse avec toutes les bobines des fils de l’intrigue encore complètement emmêlées et qu’on essaye d’y mettre de l’ordre. On n’est plus spectateur abruti ; le cinéaste nous fait la fête, il part, et c’est à nous de tout ranger. (Sauf chez Nolan où cet art de laisser le soin à l’autre de tout faire est pathologique.)

En dehors du récit, « un peu » incompréhensible, il y a aussi et surtout le talent, voire le génie de ses acteurs. Les trois rôles féminins, sont hallucinants. On voit rarement une telle efficacité dans un film de genre dans la direction d’acteur, l’interprétation. Le détail des jeux de regard qui révèlent les intentions infimes, éphémères des personnages, les attitudes, le rythme…, c’est presque parfait ça ! Une seule scène révèle à elle seule la qualité des actrices du film. Quand la fille comprend qu’elle « joue » le rôle de sa belle-mère dans une sorte de dédoublement presque incestueux de la personnalité, et donc quand la mise en scène doit nous faire transparaître sur la même image cette idée de dualité, de trouble, de la personnalité de la fille, on voit l’actrice qui joue le personnage de la belle-mère, habituellement dans le registre femme austère, autoritaire, digne, suggère ici par son interprétation qu’elle est en « réalité » sa belle-fille… Elle emprunte la même expression de visage que l’actrice qui interprète ce rôle de la gamine. C’est fait de manière subtile pour qu’on ne se dise pas « ah, ouais, là, elle joue la gamine… » : on s’approche de son écran, les yeux grands ouverts et on se pince presque pour être sûr de ce que l’on voit, si on n’est pas fou. L’actrice est excellente, alors qu’elle l’était un peu moins dans la scène du repas où elle doit avoir un fou rire (le genre de truc impossible à jouer).

2 Sœurs, Kim Jee-Woon 2003 | B.O.M. Film Productions Co., Masulpiri Films, iPictures

À noter encore une actrice sublime (toujours la même), avec une voix cristalline, des décors à l’européenne (style classique, mais… neuf, propre, bien rangé), une langue agréable à écouter (très proche du japonais à mon avis, bien plus que du chinois) et une mort stupide comme on peut en voir parfois racontée sur le Net ou ailleurs : la mère se pend dans l’armoire de la chambre de sa fille cadette, cette dernière la découvre et, en tentant de la détacher, fait basculer l’armoire en avant, sur elle donc ; s’ensuit une lente agonie, écrasée par le poids de l’armoire et sans doute en panique de rester enfermée avec sa mère… Faut oser.



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Windstruck, Kwak Jae-yong (2004)

Ressassée Girl

Windstruck

Note : 3 sur 5.

Titre original : Nae yeojachingureul sogae habnida

Année : 2004

Réalisation : Kwak Jae-yong

Dans Windstruck, Kwak Jae-young oublie le cœur de ce qui faisait le succès de My Sassy Girl : le mélange de genres. C’est assez casse-gueule, il faut de l’audace, et un vrai savoir-faire dans la mise en proportion de chacun des éléments. Et quand ça marche, ça fait souvent mouche. Quand on essaie, sans maîtrise, ça fait plutôt pschitt.

Or, ici, on n’a rien de plus qu’un film sentimentaliste. Il y a bien sûr des passages comiques, il en faut bien dans ce genre de films, mais c’est loin des scènes déjantées, burlesques de My Sassy Girl. Le petit côté Et si c’était vrai ou Ghost qui pue le gnangnan.

Et puis en voyant cette fin, on se rend compte que dans My Sassy Girl, ce n’était pas seulement la fille qui faisait la réussite du film, mais bien également l’acteur, qui n’a rien (tout comme elle, c’est le moins qu’on puisse dire, pourtant, c’est la même actrice) d’un personnage de mélo. Il avait la tête dans la lune, pas franchement beau, et avait l’air toujours étonné voire stupide. C’est ce qui était rafraîchissant et original dans ce film… Là, on dirait que ça a été passé au broyeur du politiquement correct.

Windstruck, Kwak Jae-yong (2004) | Edko Films, Surprises Ltd., i Film Co. Ltd

Même la fille paraît moins jolie. Quand elle est triste, on se met à remarquer le petit grain de beauté qu’elle a sur le nez et ça la fait loucher ─ et nous aussi (on lorgne son visage tour à tour souriant et timide, faussement méchant et franchement ému mais pas mièvre, de My Sassy Girl). Or, à l’instar d’un film comme Love Exposure, ou d’un manga comme GTO, ce qui plaît, c’est le côté rock’n’roll, potache, voire franchement décérébré, excessif, ou obsessionnel des personnages. Des personnages qui seraient insupportables dans la vraie vie, mais qui parce qu’ils représentent des monstres, des bêtes curieuses au cinéma, sont plaisants à voir évoluer. On ne sait jamais ce qu’ils iront inventer encore de stupide. Le contrepoint parfait à toute la guimauve habituelle d’un mélo.

Le fait d’en faire une policière n’est pas une bonne idée. Un peu ton sur ton. Kwak Jae-young voulait sans doute faire un hommage à son personnage de Sassy Girl en reprenant son côté autoritaire et insolent, mais justement, elle y perd tout son charme. On pouvait y croire parce qu’elle était fragilisée dans My Sassy Girl, au bord de la rupture ; et cette agressivité était compréhensible. Comme un appel à l’aide. Une nouvelle fois, la clé devait être ici dans le mélange des genres. Faire d’un flic un personnage autoritaire, où est l’audace ? Où est le relief ? Il n’a retenu du premier, formidable mélo, que la fille avait une certaine autorité, mais qu’elle était aussi vulgaire.

Kwak Jae-young a trop bien entendu les critiques. Et à mon sens, elles n’étaient pas légitimes. Preuve sans doute que ce premier opus était un de ces films à succès qui doivent tout au hasard. Une alchimie sans contrôle. En entendant les critiques, Kwak Jae-young n’a pas saisi ce qui faisait le charme de son film pour ceux qui n’émettaient aucune critique à son égard. Les excès étaient une force, un exutoire cathartique. Ce qu’on se refuse à faire ou à admirer dans la vraie vie, on se plaisait à le voir. Mieux, quand on commence une relation de la pire des manières, on ne peut tomber plus bas, et le film ne cessait d’élever son niveau, et notre plaisir avec, jusqu’à ce final inattendu. C’est une chose bien connue : les liens ne se resserrent jamais que dans les situations les plus extrêmes. Je ne dis pas que chacun rêve de tomber sur une fille lui ayant vomi dessus et passant les premières heures à meugler, mais au moins au cinéma, si on arrive à ne pas rendre antipathique les personnages, si on arrive à mettre en évidence une faille qui déclenchera notre pitié ou notre sympathie, tout le reste quand il faudra remonter la pente, n’est que du bonheur. Parce qu’on a déjà vu les personnages dans les pires situations possibles, et c’est en général ce qui nous permet de nous attacher à eux. Quand on donne au contraire tous les éléments en main au spectateur dès le début, quand les situations sont presque statiques, que les personnages sont rigides et sans faille, sans défaut, on peine à trouver du plaisir.

Dans Sassy Girl, le rapport ambigu entre les deux personnages (ensemble sans être ensemble) apportait un plus dans le développement du récit. Il y avait comme un suspense, une attente. On cherchait à comprendre ce qui pouvait clocher maintenant qu’ils semblaient sortir de ce début épouvantable. Or dans ce « Wind-suck », au bout d’un quart d’heure, ils sont ensemble… Ça tue toute magie.

Le mélange de genres, je l’ai déjà dit, est assez casse-gueule. Un film burlesque sentimental, ça peut passer, parce que ce n’est que le grossissement de quelque chose qui existe déjà (la comédie sentimentale — dont la screwball était déjà une variante poussée). Mais le polar sentimental ?… Rien que de le dire, ça fait sourire. Le grand écart est trop grand.

Le fait de vouloir faire sans cesse référence à My Sassy Girl, c’est déjà un aveu d’échec. Ça expose à des critiques comme celle-ci. C’est déjà dire qu’il ne fera pas mieux. Un film de fan qui ne parvient pas à s’émanciper de l’influence de son grand frère… De fan oui. Un peu comme l’enfant qui produit malgré lui un lazzi qui fait sourire les adultes, et qui s’amuse, sans pourtant comprendre les raisons de cet amusement, à reproduire ce lazzi à l’infini en espérant contenter les adultes. On a aimé ce que j’ai fait, je n’ai aucune idée de ce que ça peut être, mais puisque ça a plu, je vais le reproduire… Oui allez, au pot Jae-Jae ! (c’est d’ailleurs ce qu’il semble avoir fait avec ses autres films…)



Liens externes :


My Sassy Girl, Kwak Jae-yong (2001)

L’Amour vache

My Sassy Girl

Note : 4.5 sur 5.

Titre original : Yeopgijeogin geunyeo

Année : 2001

Réalisation : Kwak Jae-young

— TOP FILMS

J’avoue, je suis tout émoustillé par ce film.

On navigue entre la comédie sentimentale et le burlesque. Il y a dans le film deux parties bien distinctes. L’une traditionnelle où on nous raconte l’histoire de deux personnages qui vont finir par se rencontrer, s’accepter, et la seconde nous montre ce qu’on voit rarement : l’après. Un peu comme si on nous montrait ce qu’il se passait dans un conte. Après le « ils se marièrent et eurent plein d’enfants insupportables ». Or là, ç’a un sens : la relation des personnages principaux, si elle a eu un dénouement dans la première partie du film, on peut dire qu’ils n’ont pas conclu. C’est ce qui fait l’originalité de cette histoire : avec un personnage aussi imprévisible que celui de la fille, pas étonnant qu’on soit un peu perdus. Ils sortent ensemble, mais comme des amis…

My Sassy Girl, Kwak Jae-yong (2001) | Shin Cine Communications

Les traditionnelles unités d’action et de ton sont loin d’être respectées. Ça va dans tous les sens, comme dans la vie en fait. Le mélange des genres surprend au début, surtout dans la première partie, mais dans la seconde, quand la comédie sentimentale gagne en profondeur, le film devient irrésistible. C’est parfois grossier, mal fait, mais c’est un peu le burlesque qui veut ça (c’est un style, somme toute, qui a disparu et qui manque de code aujourd’hui).

De fait, puisqu’il n’y a pas d’unité d’action et de ton, chaque scène devient une sorte de saynète qui se suffit à elle-même. On peut alors avoir le pire comme le meilleur.

Le plus intéressant dans le film, c’est ce rapport entre les deux personnages, particulièrement contemporains dans son traitement, et que personnellement je ne me rappelle pas avoir vu traité au cinéma. Les nouveaux rapports d’égalité entre les hommes et les femmes imposent une nouvelle donne : les femmes peuvent être moins coincées et être plus entreprenantes, voire vulgaires. On est dans l’amour vache. Un rapport sado-maso irrésistible source de nombreuses scènes comiques et une opposition réelle motrice entre les personnages. La fille apparaît, au premier contact, plutôt insupportable, vulgaire, violente, insolente, mais tout comme le personnage du garçon, on s’y fait, et on se laisserait bien botter le cul par un si parfait tyran.

Quand ils vont sur une montagne pour admirer le paysage et que la fille demande (commande plutôt) à son ami d’aller grimper sur la montagne d’en face pour voir s’il l’entend crier, il s’exécute. Il ne l’entend pas, et là, la fille en profite pour lui dire ce qu’elle a sur le cœur… Bien trouvé et très émouvant.

J’ai revu deux fois la seconde partie du film, c’est dire si ça m’a plu. Ça m’a permis de comprendre que j’étais passé à côté de l’identité d’un personnage secondaire, trop attaché sans doute à la première vision au duo principal, et ému. Les allusions finales sur l’ironie du destin m’avaient échappé, et elles ne rendaient que plus intéressant le film.

On rit, on est ému, on tombe un peu amoureux de la fille (et pourtant elle ne fait pas envie au début du film), que demander de plus ?



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Liens externes :


Im Kwon-taek

crédit Im Kwon-taek
Commentaire :

10/10

  • La Chanteuse de pansori (1993)

9/10

  • Ivre de femmes et de peinture (2002)
  • Le Chant de la fidèle Chunhyang (2000)

8/10

  • La Mère porteuse (1987)
  • Le Village dans la brume (1983)

7/10

6/10

  • Souvenir (2007)
  • Adada (1987)

5/10

  • Naeil ddo naeil (1979)

*Films commentés (articles) :

Simples notes :
 
La Mère porteuse (1987)

Un sujet en or pour une exécution sans faille. Un cinéma d’ambiance rappelant Yimou, Tsui Hark ou déjà La Chanteuse de pansori. Et La Mère porteuse les précède tous. Une esthétique très HK80’s avec téléobjectif, montage-séquences, musique ronflante… C’est d’une beauté…

 

Im Kwon-taek