
Introduction, principes et index
< Les Indispensables du cinéma 1926 | Les Indispensables du cinéma 1928 >
Les 5 films de l’année 1927 :
- Metropolis, Fritz Lang
- L’Aurore, F.W. Murnau
- Napoléon, Abel Gance
- L’Inconnu, Tod Browning
- L’Heure suprême, Frank Borzage
Au programme :
Murnau arrive à Hollywood, et la Fox lui réserve ses meilleurs acteurs : habitués des films de Ford, parfois au sein d’un même film, George O’Brien et Janet Gaynor forment le couple inoubliable de L’Aurore. La même année, Frank Borzage dirige lui aussi Janet Gaynor dans un autre sommet du cinéma muet : L’Heure suprême. Quand, en 1929, seront décernés les premiers Oscars, Janet Gaynor sera récompensée pour ses prestations dans trois films des deux dernières années : L’Heure suprême, L’Aurore, ainsi que pour Street Angel. Frank Borzage gagnera la première statuette décernée à un réalisateur pour L’Heure suprême. L’Aurore gagnera d’autres récompenses dont celle du meilleur film (un des deux Oscars décernés pour la « production », l’autre statuette étant attribuée aux Ailes de William A. Wellman).
1927 n’est pas seulement l’année de Janet Gaynor, c’est un peu aussi celle de Clara Bow qui, en plus de tenir le rôle principal féminin d’un des deux meilleurs films de l’année (Les Ailes), apparaît aussi dans l’adaptation d’un ouvrage populaire de l’époque, It (traduit par Coup de foudre), écrit par Elinor Glyn, et où Clara Bow incarne le concept de la It girl. Elle est également à l’affiche dans Hula, de Victor Fleming. Par la suite, Clara Bow apparaîtra dans d’autres films de la Paramount, réalisés par Dorothy Arzner, avant que le parlant interrompe sa carrière comme celle de Janet Gaynor et de bien d’autres.
C’est également à la Paramount que Josef von Sternberg réalise son premier chef-d’œuvre, Les Nuits de Chicago : une plongée dans le monde obscur et criminel de la ville. Naissance d’un genre, le film de gangsters, et d’une esthétique en partie héritée de l’expressionnisme. C’est aussi le premier d’une longue série de films écrits par Ben Hecht, récompensé lui aussi en 1929 par un Oscar pour ce film.
Le mercato de la Paramount en cette année 1927 est de qualité : Mauritz Stiller, en froid avec la MGM, est embauché et dirige Pola Negri dans Hotel Imperial. Le film est également le premier à Hollywood du producteur à succès de la UFA qui sort tout juste de Metropolis, Erich Pommer.
D’autres acteurs majeurs de la firme allemande rejoignent au même moment l’Amérique : Paul Leni réalise pour Universal La Volonté du mort ; et Conrad Veidt est opposé à John Barrymore dans L’Étrange Aventure du vagabond poète, réalisé par un certain Alan Crosland, auteur d’un film qui changera la face du monde cinématographique…
La Warner ne compte pas encore parmi les principales majors, alors pour agiter le monde des grands studios qui pourrait commencer à prendre racine, elle poursuit ses essais sonores déjà entamés l’année précédente avec Don Juan grâce au procédé Vitaphone et aux ingénieurs de la Western Electric. Le succès arrive enfin quand Alan Crosland va tourner à New York Le Chanteur de jazz avec des parties chantées par Al Jolson. C’est une révolution qui fait prendre conscience aux studios concurrents de la nécessité de passer au parlant. L’année suivante, la Warner récidivera en produisant ce qui sera longtemps un des plus grands succès au box-office, Le Fou chantant. (Étrange ironie de l’histoire : les studios, alors tournés vers le muet, se développèrent au soleil de Californie, et c’est en se tournant vers Broadway qu’une firme alors en difficulté imposa sa loi à toutes les autres. Si les tournages ne se feront plus sur la côte est, pas plus à Broadway qu’à Fort Lee, les pièces montées à Broadway serviront d’inspiration sans fin au nouveau cinéma parlant.)
Ernst Lubitsch, qui a été l’une de seules réussites de la Warner avant ce pari du parlant, quitte le studio des frères Warner après quelques films, et c’est à la MGM qu’il réalise Vieil Heidelberg avec Norma Shearer.
La MGM mise sur quelques paires gagnantes. D’abord, Tod Browning et Lon Chaney. Dans L’Inconnu, Lon Chaney rêve de prendre dans ses bras la belle Joan Crawford pour qui c’est le premier rôle marquant. Browning réalise par ailleurs avec une autre vedette de la MGM, John Gilbert, La Morsure. Autre paire gagnante de la MGM, un couple d’acteurs glamours : John Gilbert et Greta Garbo, dirigés par Edmund Goulding dans Anna Karenine.
La MGM s’associe également à la Cosmopolitan toute dédiée à Marion Davies qui joue dans pas moins de quatre films en 1927, dont The Red Mill. Le film est adapté pour l’écran par l’inévitable Frances Marion et mis en scène par Roscoe Arbuckle sous le pseudonyme de William Goodrich. Ironie ou pas, Roscoe Arbuckle, autrefois injustement malmené par la presse à scandale imprimée par William Randolph Hearst, se trouve ici comme réhabilité par le studio de ce dernier pour qu’il participe à la gloire de sa maîtresse au cinéma…
Loin des scandales sexuels (ou presque) qui émaillent l’industrie du cinéma des années folles, DeMille poursuit son petit bonhomme de chemin sur la voie des films bibliques en compagnie de sa partenaire de toujours au scénario (et pionnière à Hollywood à l’époque où elle était actrice pour Griffith), Jeanie Macpherson (Forfaiture et Jeanne d’Arc notamment dès 1915), en réalisant Le Roi des rois. Cecil B. DeMille et Jeanie Macpherson auront une collaboration qui s’étalera sur près de trois décennies.
Après un retour amorcé avec Les Moineaux, Mary Pickford produit et joue dans La Petite Vendeuse. Après ce dernier succès, elle aura la mauvaise idée… de croire et de s’essayer au parlant.
En Allemagne, l’année 1927 célèbre la ville : dans Berlin, symphonie d’une grande ville, et surtout dans le Metropolis de Fritz Lang (Karl Freund participe aux deux films, à la fois à l’écriture et à la photographie pour l’un, et en tant que directeur de la photographie pour l’autre — l’histoire de Metropolis étant tout droit sortie de l’imagination de Thea von Harbou). Brigitte Helm est révélée par le film et tourne la même année sous la direction de Pabst dans L’Amour de Jeanne Ney.
En France, c’est toujours le temps des avant-gardes : Jean Epstein réalise La Glace à trois faces, et l’artiste américain Man Ray réalise Emak Bakia. Raymond Bernard, beaucoup plus classique (mais non pas moins amateur de séquences « impressionnistes »), réalise Le Joueur d’échecs, tandis qu’Abel Gance réalise son monumental Napoléon.
En Grande-Bretagne, au milieu d’une industrie du cinéma moribonde, c’est la quasi-naissance d’un cinéaste amené à devenir le plus populaire entre tous, et ce pour plusieurs décennies : Alfred Hitchcock. Tout Hitchcock est déjà dans Les Cheveux d’or/The Lodger. Notons tout de même également, un autre film remarqué, Hindle Wakes.
En Union soviétique, Vladimir Fogel continue d’être l’acteur le plus en vue en apparaissant dans La Fin de Saint-Pétersbourg de Poudovkine, dans La Jeune Fille au carton à chapeau de Boris Barnet (qui révèle surtout les talents comiques d’Anna Sten) et dans Trois dans un sous-sol d’Abram Room.
*Indice de notoriété

Metropolis, Fritz Lang
7 673 018*

L’Aurore, F.W. Murnau
3 928 292

Napoléon, Abel Gance
334 400

L’Inconnu, Tod Browning
131 644

L’Heure suprême, Frank Borzage
110 580

Les Ailes, William A. Wellman
107 250

Les Cheveux d’or / The Lodger, Alfred Hitchcock
102 784

Berlin, symphonie d’une grande ville, Walter Ruttmann
90 896

Les Nuits de Chicago / Underworld, Josef von Sternberg
83 980

Le Chanteur de jazz, Alan Crosland
65 455

It / Le Coup de foudre, Clarence G. Badger
50 370

La Volonté du mort, Paul Leni
19 809

Trois dans un sous-sol, Abram Room
18 900

Sportif par amour, James W. Horne et Buster Keaton
13 064

La Fin de Saint-Pétersbourg, Mikhail Doller et Vsevolod Poudovkine
10 731

Vieil Heidelberg, Ernst Lubitsch
10 260

Le Roi des Rois, Cecil B. Demille
5 472

L’Amour de Jeanne Ney, Georg Wilhelm Pabst
4 745

La Glace à trois faces, Jean Epstein
4 620

La Jeune Fille au carton à chapeau, Boris Barnet
3 744

Chang, Merian C. Cooper, Ernest B. Schoedsack
3 105

Emak-Bakia, Man Ray
3 080

Anna Karenine / Love, Edmund Goulding
2 800

La Petite Vendeuse, Sam Taylor pour Mary Pickford
2 516

Hindle Wakes, Maurice Elvey
2 304

Hotel Imperial, Mauritz Stiller
1 980

Le Village du péché, Ivan Pravov, Olga Preobrazhenskaya
1 065

Le Joueur d’échecs, Raymond Bernard
680

Hula, Victor Fleming
640

La Morsure, Tod Browning
552

Sa dernière culotte, Frank Capra
378

L’Étrange Aventure du vagabond poète, Alan Crosland
207
Les Indispensables commentés de 1927 :