Alberto Lattuada

crédit Lattuada

Découvert à l’occasion de la rétrospective qui lui a été dédiée à la Cinémathèque en février 2019. Je ne connaissais alors que Mafioso. Adepte d’un cinéma à la fois académique dans sa forme et souvent incisif voire brûlant surtout quand il est question de mœurs dans ses sujets. Assisté à ses débuts et pendant une demi-douzaine d’années au scénario par Fellini, ce dernier finira par coréaliser avec lui Les Feux du musical-hall dans lequel on retrouve certaines habitudes des deux cinéastes (pour l’un, les femmes aux beautés modernes, pour l’autre, l’amour des coulisses et des femmes moins jolies mais plus généreuses). Pour le reste, il semblerait que les deux cinéastes aient pu jouir jusqu’au début des années 60 d’une même réputation avant que Fellini explose avec des films de festival et mette en scène ses délires visuels alors que la fin des années 60 jusqu’à la fin, la carrière de Lattuada est moins… brillante, avec pourtant des sujets souvent osés mais loin de la qualité de ses films du milieu des années 50 ou début des années 60. Son classicisme, sa rigueur, n’étaient paradoxalement peut-être pas faits pour des sujets aussi épineux, voire vulgaires. Et on pourrait difficilement le rapprocher d’un courant, lui qui pouvait passer du film noir à la comédie ou à la satire bourgeoise. Pas vraiment de logique de politique d’auteur donc, d’autant plus qu’à l’instar des films de la même époque estampillés « qualité française », il pouvait adapter aussi bien des romans de campagne italiens ou des classiques russes. Pourtant, auteur, scénariste, Lattuada l’était bien. Il y a du Hollywood chez Lattuada, par sa transparence, sa direction d’acteurs, son rythme ; pour le meilleur, mais aussi pour le pire (des excès vains au tournant des années 60-70).

Jolie régularité dans les notes : aucun grand chef-d’œuvre, mais aucun film noté en dessous de 5 non plus.

Classement :

8/10

  • Les Adolescentes (1960) 
  • Le Manteau (1952)
  • La freccia nel fianco (1945) 
  • Venez donc prendre le café chez nous (1970)
  • Guendalina (1957) 
  • Mafioso (1962)
  • Le Crime de Giovanni Episcopo (1947)
  • La Steppe (1962)

7/10

  • Anna (1951)
  • Giacomo l’idéaliste (1943) 
  • La Pensionnaire (1954)
  • Le Moulin du Pô (1949)
  • La Louve de Calabre (1953)
  • L’Amour à la ville (1953)
  • La Fille (1978)
  • Les Feux du music-hall (1950)
  • Le Bandit (1946)

6/10

  • La Cigale / La cicala (1980)
  • La Novice (1960)
  • La Mandragore (1965)
  • La Tempête (1958)
  • Sans pitié (1948)
  • L’Imprévu (1961)

5/10

  • La nostra guerra (1945)
  • La Bambina (1974)
  • L’amica (1969)
  • Fraulein Doktor (1969)

Films commentés (articles) :

Films commentés (courts articles) :


Commentaires simples :

Le Manteau

S’offrir une pelisse trop belle pour soi quand on marche loin de ses pompes… Funèbre intention qui refermera sur vous le manteau de la mort…

Formidable adaptation de Gogol, transposée dans les limbes de l’administration d’une ville de nord de L’Italie. Ça pourrait être une sorte d’Umberto D plus classique (un peu comme quand Visconti adapte Les Nuits blanches), mais c’est à la fois, à mon goût, plus drôle (Renato Rascel a les mimiques qu’il faut, mais les autres acteurs sont tout aussi parfaits, on sent l’héritage des comédies d’archétypes de la commedia dell’arte) et plus attachant (plus que la misère qui y est décrite, c’est l’injustice de toute une société riant d’un homme à côté de ses pompes, fier de porter une pelisse un peu trop belle pour lui, qui émeut). La fin fantaisiste, en revanche, est peut-être de trop.

Venez donc prendre le café chez nous

À regretter peut-être que Lattuada ne se soit pas lancé tant que ça dans la franche comédie. Enfin franche… On ne se tape pas sur les cuisses, ce serait plutôt une satire loufoque profitant d’une distribution sachant manier l’humour visuel basé sur des lazzis et se rapprochant ainsi plus du cinéma burlesque muet ou bien sûr de la commedia dell’arte. Bien plus savoureux (ou à mon goût) que ce que pouvait proposer à la même époque un Tomas Milian, par exemple, avec ses grimaces et ses regards en coin. L’humour pète-cul en somme.

Le Crime de Giovanni Episcopo

Entre néoréalisme et qualité “italienne”, entre La Rue rouge et Le Manteau. Une interprétation exceptionnelle d’Aldo Fabrizi. (Dès la seconde bobine le son m’a explosé aux tympans…)

La Steppe

Magnifique et longue épopée vécue presque d’une traite sans réel nœud dramatique sinon la nécessité pour notre petit bonhomme de passer d’un point A où il quitte sa mère pour un point B où il en retrouvera une autre de substitution afin de pouvoir suivre ses études. Entre les deux, diverses aventures certes, mais surtout l’expérience d’une traversée difficile, allégorie du passage de la vie adulte, ou d’une classe à une autre à peine plus élevée mais promesse d’un avenir meilleur.

L’exécution est parfaite. On est plus proche d’un David Lean que d’un western italo-yougoslave dont l’esthétique pourrait se rapprocher, mais la subtilité de Lattuada et son refus du grotesque leonien pour tendre plutôt vers la noirceur muette d’un Goya le rend toujours difficile à classer parmi ses contemporains italiens.

Anna

Silvana Mangano en nymphomane impulsive soufflant à l’oreille de son tentateur, le beau Vittorio : « Nonne e vero, nonne e vero… » Et puis, une danse érotique antérieure à l’érotisme de Monika ou de BB. La critique française n’a rien vu.

La Pensionnaire

On reste dans la satire bourgeoise. C’est beaucoup plus noir qu’il y paraît, à l’image de cette fin dans laquelle Martine Carol doit se résoudre à ne pouvoir recevoir l’aide aimable du maire, mais celle plutôt du roi des escrocs. Il n’y a, semble-t-il, dans ce monde que très peu de place aux gens honnêtes : soit on est un parvenu corruptible à souhait, soit on cesse de se mentir, on accepte que le monde soit fait d’apparences et de saloperies, et on s’efforce, au contraire des autres qui en sont esclaves, de s’en rendre maîtres. Les autres, pour faire bonne tenue, jouent avec les limites de la bienséance et de la moralité à l’image de leurs aventures adultérines, alors que pour les maîtres du jeu, les apparences importent peu : à partir du moment où on ne se fait pas prendre et qu’on tire profit des règles d’un monde pourri dont on se défend d’en avoir écrit les règles, la question essentielle qui demeure est : choisis-tu d’être l’esclave ou le maître ? Est-on ainsi prêt à forcer les autres à se mettre en position de nous devoir quelque chose plutôt que le contraire ? Fait-on le choix de ne jamais dépendre d’un service rendu et forcer les autres à toujours dépendre de nous ? Très très noir.

La Louve de Calabre / La lupa

La Carmen de Bizet et le Saint-Esprit ont une fille ; cette fille se marie avec Stanley Kowalski. Qui Stanley rejoint-il la nuit en allant se coucher ? (Une louve nommée Désir.) Lattuada, cinéaste des désirs refoulés de la femme.

L’Amour à la ville, collectif de réalisateurs du néoréalisme

L’habit d’arlequin du néoréalisme. Des sketches cousus de fil Rouch. Parfois amusant, souvent tragique, toujours très ancré dans le réel.

De mémoire, le dernier fragment est le plus poignant. Unique réalisation de Zavattini.

Le Bandit

Le film noir à l’italienne. Un peu de comédie, de néoréalisme, de tragédie familiale, de robin des bois, de mélo. Efficace et bien tourné.

La Cigale

À force de s’être rincé l’œil pendant une heure sur les générosités italiennes, les larmes me manquent pour pleurer un finale grotesque. Ce vieux routier de Lattuada en roue libre.  (La cicala amorce la merveilleuse décennie du Cavaliere.)

La Novice

Seul petit bonheur de tout ce prêchi-prêcha faussement scandaleux : la présence saugrenue d’un jeune Bébel qui, avec ses airs populos, n’essaie même pas d’être crédible en jeune aristo indolent et aux fulgurances existentielles. Lattuada en directeur d’acteurs remarquable a tout compris : cette personnalité étrange qu’est Belmondo, pleine de vie et de spontanéité, vaudra toujours mieux que n’importe quel jeune premier collant parfaitement au rôle. Il faut parfois, quand on a affaire à de tels animaux, passer au-delà de la logique des emplois. Pour le reste, un crime passionnel et rien de bien passionnant.

La Mandragore

Toute l’intrigue repose en une seule obsession (violer la plus belle femme de Florence dans son propre lit) et sur un unique stratagème afin d’y parvenir (gagner le consentement du mari grâce à l’appui de la mère et d’un moine corrompu). Une farce bien maigre et idiote en somme. Heureusement que Lattuada fait le job. Un rythme bien mené de bout en bout, trop peut-être d’ailleurs, parce qu’on ne s’attarde en fait jamais sur l’un ou l’autre personnage, et voilà aussi un des autres points faibles de cette pièce de Machiavel : le passage incessant d’un personnage à l’autre sans véritable personnage central (on y trouve dans un même style, mais cette fois plus dramatique, le même principe dans Le Marchand de Venise — l’air de la Renaissance sans doute). L’interprétation comme d’habitude chez Lattuada, malgré l’emploi d’acteurs de diverses nationalités, est remarquable.

Sans pitié

Lattuada, période film noir. Pas la même réussite que Le Bandit, faute à un duo attachant, car viscéralement honnête, mais dont on peine à croire l’idylle internationale. Certaines affinités avec des films japonais de la même époque traitant de la présence américaine après la guerre. Le savoir-faire classique de Lattuada (aidé de Fellini ici) est là, mais ça manque de cœur, d’osmose, pour qu’on puisse s’attacher pleinement au devenir de ces deux personnages principaux. Déjà une certitude : Lattuada est de ceux incapables de proposer un navet. Une certaine élégance dans l’écriture malgré des sujets parfois scabreux, surtout on l’imagine dans une Italie puritaine et catholique ; et puis une direction d’acteurs assez exceptionnelle (je n’ai jamais vu pour l’instant un mauvais acteur dans aucun de ses films).

L’Imprévu

Rencontre de la qualité française et italienne (même si le film est tourné en décors naturels) pour un thriller crapuleux bien dirigé, aux répliques parfois amusantes, mais sans envergure et au finale grand-guignolesque. Les têtes de con, ce n’est jamais bien photogénique. Anouk Aimée en fait parfois un peu trop, mais quelle beauté… Pas grand-chose de lattuadesque là-dedans, à peine une petite critique du cynisme capitaliste, mais guère convaincant.

La Bambina

Détournement de mineur : leçon № 3… Et illustration de la sexualité infantile des hommes. On retourne le même film avec une avocate et un adolescent débile profond susurrant « Viens me baiser, maman ! » ? Il y a donc pire que la femme-objet, l’handicapée-mentale-objet. 1974, on est d’accord. (Salle complètement bondée : les lundis à la Cinémathèque, c’est difficile de trouver sa place. On nous infligerait des intégrales Andy Warhol que la salle Franju ne suffirait toujours pas.)

L’amica

Les petits drames de la bourgeoisie milanaise, ses coucheries, ses vengeances, et finalement sa petite morale du saint retour au bercail. Intérêt surtout décoratif avec comme souvent chez Lattuada des appartements bourgeois et en particulier ici des vues sur le lac de Côme qui valent le coup d’œil. Le reste, on le vit un peu comme le personnage principal féminin qui se force à coucher à droite ou à gauche (ou plus précisément de haut en bas en regardant l’arbre généalogique) : à la fin de son périple adultérin, elle semble se dire et nous avec : « Tout ça pour ça… ». Lattuada et le désir, cette fois forcé, féminin, mais encore aussi les relations intergénérationnelles. Détournement de mineur : leçon № 2 (en 69, le chef-d’œuvre du genre reste Ce merveilleux automne).

Fraulein Doktor

Une unité d’action en lambeaux, un personnage principal qu’on suit en pointillés… et un doublage calamiteux. Il faut aimer voir Dino De Laurentiis balancer l’argent par les fenêtres.


Les Adolescentes, I dolci inganni, Alberto Lattuada 1960 Titanus, Laetitia Film, Les Films Marceau-Cocinor 7

Les Adolescentes, I dolci inganni, Alberto Lattuada 1960 | Titanus, Laetitia Film, Les Films Marceau-Cocinor

Alberto Lattuada

Mario Monicelli

Classement : 

10/10

  • Le Pigeon (1958) 

9/10

8/10

  • La Grande Guerre (1959)
  • Pères et Fils (1957)
  • Dans les coulisses (1950)

7/10

  • Larmes de joie (1960)
  • Boccace 70 (1962) 
  • Un héros de notre temps (1955)
  • Gendarmes et Voleurs (1951)
  • La Fille au pistolet (1968)
  • Mes chers amis (1975)
  • Une famille formidable (1992)

6/10

  • Les Camarades (1963)
  • L’Armée Brancaleone (1966)

5/10

  • Drôles de couples (1970)
  • Caprice à l’italienne (1968)
  • Les Nouveaux Monstres (1977)

4/10

  • Un bourgeois tout petit, petit (1977)
  • Pourvu que ce soit une fille (1986)

3/10

Films commentés (articles) :

Simples notes :

Gendarmes et Voleurs (1951)

Première demi-heure un peu répétitive (la même course poursuite s’étire et n’en finit pas), puis quasiment une heure de mise en place pour en arriver à ce qui représente le cœur de la comédie italienne : un sens populaire certain, de la fraternité (on devine ici entre qui) et la comédie qui se mue en mélodrame. Tous les ingrédients qui feront les meilleurs films de Monicelli ou de Risi (par exemple avec Une vie difficile). Tout tient évidemment grâce aux acteurs, malheureusement, tous géniaux qu’ils sont, ils ne peuvent que ramer pendant une bonne partie du film. Loin d’être mauvais, mais assez décevant au bout du compte, compte tenu de la réputation du film.

Mario Monicelli

Mario Camerini

Classement : 

8/10

  • Il signor Max (1937)  
  • Rails (1929) 

7/10

  • Les hommes, quels mufles ! (1932) 
  • Je donnerai un million (1935)
  • I grandi magazzini / Grands Magasins (1939)

6/10

  • Ulysse (1954)

5/10

  • Par-Dessus les moulins (1955) 

Films commentés (articles) :

commentaires simples

Les Grands Magasins (1939)

Comme beaucoup de comédies de Camerini des années 30 avec les mêmes acteurs (De Sica et Assia Noris en têtes d’affiche), une forte influence de la comédie romantique américaine. Beaucoup moins slapstick et plus romantique, à quoi s’ajoute ici une intrigue criminelle sur fond de vol organisé. C’est parfois un peu baroque, mais Camerini a un vrai sens du rythme et un parfait savoir-faire en matière de cadrage et de mise en place de ses acteurs. Nul doute que De Sica n’en a pas perdu une miette ; il sera toujours tout aussi efficace et transparent dans sa mise en scène.


Mario Camerini

Luigi Comencini

crédit Luigi Comencini

Classement : 

10/10

  • L’Incompris (1967)

9/10

8/10

  • Le Grand Embouteillage (1979)
  • Pain, Amour et Fantaisie (1953)
  • Les Poupées (1965)

7/10

  • La mia signora (1964)

6/10

  • Casanova, un adolescent à Venise (1969)
  • La Grande Pagaille (1960)
  • Un vrai crime d’amour (1974)
  • La Femme du dimanche (1975)

5/10

Notes simples :

La Femme du dimanche (1975)

La satire de la société italienne est tout à fait savoureuse. Tout le monde en prend pour son grade : les aristos qui méprisent leurs domestiques, les domestiques qui se ruent à la police pour dénoncer leurs employeurs, la police qui ne trouverait pas la lune dans le ciel, les bureaucrates voyeuristes, les « boomers » obscènes, le flic désinvolte qui laisse les suspects faire les questions et les réponses, les artisans grossiers, les homosexuels entretenus qui cherchent à prouver leur valeur, les vieilles filles riches, grasses et nunuches, les prostituées avec la langue bien pendue… Ça pique beaucoup et c’est plutôt bien vu. En revanche, le mélange des genres avec le thriller qui s’invite tout à coup à la fête, et même l’intrigue très agathachristique, pour reprendre une interjection idiote d’un vendeur de disques aux puces : « Boh ! ».

La mia signora, Comencini, Bolognini, Brass (1964)

Énième film à sketches produit par Dino pour la sua signora. Mangano et Sordi s’en donnent à cœur joie interprétant mille et un visages du couple (pas toujours légitime). Interprétation bluffante, du populo au privilégié. Le plus réussi (et aussi le plus long) est celui où Sordi court après un ministre jusqu’à son yacht pour lui proposer on ne sait quel projet et qui, quiproquo oblige (avec une petite pique au théâtre de Ionesco au détour d’une discussion sur le théâtre dans laquelle Courteline, et donc le vaudeville, l’emporterait…), se trouve soudain assisté dans son approche par une prostituée que le ministre prend pour sa femme.


L'Incompris, Luigi Comencini 1966 Incompreso Rizzoli Film, Istituto Luce

L’Incompris, Luigi Comencini 1966 Incompreso | Rizzoli Film, Istituto Luce

Luigi Comencini

Bernardo Bertolucci

crédit Bernardo Bertolucci

Classement : 

10/10

9/10

  • Le Dernier Empereur (1987)

8/10

  • 1900 (1976)
  • Le Dernier Tango à Paris (1972)

7/10

  • Le Conformiste (1970)

6/10

  • Les Recrues (1962)
  • La luna (1979)
  • Innocents (2003)
  • Prima della rivoluzione (1964)

5/10

  • Little Buddha (1993)

4/10

  • Beauté volée (1996)
  • Partner. (1968) **


Listes :


**Simples notes :

Partner

Bertolucci qui se prend pour Carmelo Bene… L’esprit de 68 encore et toujours mis à l’honneur lors de la première de la Quinzaine des réalisateurs. Pas pour le meilleur.

Bernardo Bertolucci

Valerio Zurlini

Classement : 

8/10

  • Été violent (1959) 
  • Le Professeur / La prima notte di quiete (1972)
  • Des filles pour l’armée (1965) 

7/10

  • La Fille à la valise (1961)

6/10

  • Journal intime (1962)

  • Les Jeunes Filles de San Frediano (1954)

  • Le Désert des Tartares (1976)

5/10

Films commentés (articles) :

Simples notes : 

Les Jeunes Filles de San Frediano (1954)

Je crois avoir rarement éprouvé autant d’antipathie pour autant de personnages dans un même film. Le bellâtre pour être un escroc à la gueule d’ange à qui on pardonne tout. Et ses victimes, toujours assez sottes pour se ruer la tête la première dans la gueule de l’ange… On est certes dans la satire, mais séduire autant de femmes en même temps, soi-disant, par inadvertance, on a peine à y croire.

Le casting est bien joli (on s’en doute) et Zurlini fait le taff à tous les niveaux. On remarque déjà son talent à jouer avec les regards, autant pour les rendre expressifs que pour leur faire dire à partir de montage ce qu’aucun dialogue ne dira jamais.

Valerio Zurlini

Damiano Damiani

Classement : 

10/10

9/10

  • Les Femmes des autres (1963)

8/10

  • Un génie, deux associés, une cloche (1975)

7/10

  • Confession d’un commissaire de police au procureur de la république (1971)

6/10

  • L’Ennui et sa diversion l’érotisme (1963)
  • El chuncho (1966)

5/10

  • Nous sommes tous en liberté provisoire (1971)
  • Jeux précoces (1960)
  • La mafia fait la loi (1968)

*Films commentés (articles) :


Listes :

Simples notes :
La mafia fait la loi (1968)

La morale finale est radicale, mais le film est jusque-là terriblement ennuyeux, car composé essentiellement de scènes dialoguées : souvent des interrogatoires, quelques confrontations entre personnages opposés qui font pschitt.

Pas d’action, très peu de séquences capables de nous faire sortir du train-train habituel des séquences. Une étrange impression que ça n’avance pas : les opposants restent ou retournent dans leur « QG » et se regardent avec des jumelles : rien de pire pour créer la tension. C’est statique, mais c’est souvent aussi incompréhensible : l’enquête est basée encore une fois sur le verbe plus que sur l’action, plus sur les éléments passés du récit, plus que sur les enjeux et les prises de décision, les actions, présents.

Seul aspect relativement mieux maîtrisé que dans les films précédents que j’ai vus de Damiano Damiani : l’emploi parcimonieux de la musique.

(Les traducteurs employés par les boîtes de distribution de films ne se foulent pas trop : on chope un fichier RT de sous-titres sur le net, et on retraduit le morceau… Le problème, c’est que le travail est à moitié fait : certaines phrases, ici en espagnol, sont laissées en l’état, aucun correcteur ne passe après et les fautes sont nombreuses et affolantes, les coquilles parfois risibles, « tête de moule » pour « tête de mule »…)

Jeux précoces

Thriller réaliste assez mal fichu. L’idée de faire intervenir une fillette pour adopter une approche plus ludique pourrait rappeler certains films noirs (anglais notamment, ou des polars français des années 30 ou 40), mais si l’approche est intéressante, je trouve que le récit s’étale trop dans la longueur : il faut faire un choix, soit il faut mettre au centre du récit la relation entre l’assassin et la fillette, soit il faut vite s’en détourner et revenir très tôt à l’enquête. Au contraire de ça, le personnage de Pietro Germi, l’enquêteur, arrive trop sur le tard. Le revirement du comportement du meurtrier est alors bien trop antipathique pour qu’on puisse y apporter un quelconque intérêt, et les avancées vers la résolution du crime sont lentes et trop peu convaincantes. Le choix d’un acteur différent aurait peut-être aussi changé la donne.

Damiano Damiani

Pier Paolo Pasolini

crédit Pier Paolo Pasolini

Classement : 

10/10

9/10

  • L’Évangile selon saint Matthieu (1964)

8/10

7/10

6/10

  • Théorème (1968)
  • Salo ou les 120 Journées de Sodome (1975)
  • Mamma Roma (1962)
  • Accatone (1961)

5/10

  • Les Mille et Une Nuits (1974)
  • Les Contes de Canterbury (1972)
  • Des oiseaux, petits et gros (1966)

4/10

  • Carnet de notes pour une Orestie africaine (1970) 

Article divers :


Simples notes :

Carnet de notes pour une Orestie africaine (1970)

Pasolini rend en images ce qui très généralement n’est jamais rendu public : les notes d’intention d’un film. Au-delà de l’exercice de transparence qui pourrait s’assimiler à une forme archaïque et chaotique de making of, ces notes d’intentions filmées révèlent surtout tout le malentendu qui flotte comme un brouillard que personne ne veut voir entre les auteurs et ceux qui sont amenés à commenter leur travail. Ce film existerait, chacun y irait de son interprétation parce que de ces intentions premières, il n’en resterait plus grand-chose dans le film. Les notes ont au moins le mérite d’être claires : désireux de s’aventurer dans une quête un peu vaine d’émancipation à la modernité, le cinéaste italien s’essaie à un rapprochement hasardeux entre le monde de la Grèce antique et le monde africain, y voyant, forcément, une même forme d’authenticité encore préservée du capitalisme. Mais presque intuitif, ce rapprochement révèle surtout les maladresses de l’étranger venant dans un pays avec ses préjugés et cherchant à les consolider en les mettant à l’épreuve des habitants. Le résultat, pour un œil contemporain habitué à se méfier de ces facilités culturelles, ressemble plus au comportement d’un amant éconduit venant chercher chez d’autres femmes choisies pour leur vague ressemblance avec cette ancienne conquête perdue en leur expliquant comment se comporter pour se conformer à l’image de son fantôme. Voir de la Grèce antique partout en Afrique, c’est le meilleur moyen d’invisibiliser l’Afrique, ne pas la voir, lui refuser le droit d’exister. La rencontre organisée par le cinéaste avec quelques étudiants parlant sa langue illustre cette déconnexion entre les attentes d’un homme bercé d’illusions antiques et une population semblant agiter leurs mains devant ses yeux pour lui faire comprendre qu’il divague et qu’il serait temps qu’il les regarde enfin. Une Orestie africaine ? Et pourquoi pas un récit authentiquement africain ?

Quelques années auparavant, Pasolini avait réalisé son chef-d’œuvre : L’Évangile selon saint Matthieu. Si le rapprochement de la vie du Christ dans le sud de l’Italie avait un sens, c’est que depuis deux mille ans, l’Europe nourrit sa population d’une appropriation du récit et de l’imaginaire chrétien.

Pier Paolo Pasolini