
Les Garçons de la bande
Titre original : The Boys In The Band
Année : 1970
Réalisation : William Friedkin
Avec : Kenneth Nelson, Peter White, Leonard Frey, Frederick Combs, Cliff Gorman, Keith Prentice, Reuben Greene, Robert La Tourneaux, Laurence Luckinbill
On peut difficilement imaginer une œuvre plus représentative de ce que pourrait être un film d’auteur… sans que le réalisateur ait quoi que ce soit à voir avec la moindre ligne du script ou avec une grande partie des décisions sur le plateau. Les Garçons de la bande est l’adaptation d’une pièce de Broadway, et son auteur a produit le film. Les acteurs sont par ailleurs tous ceux de la distribution originale. Friedkin (alors inconnu) n’a donc en réalité été choisi justement que parce qu’il ne se mêlerait pas des choses déjà mises en place avant lui.
En revanche (à l’image peut-être un peu d’un Qui a peur de Virginia Woolf ?), l’aspect théâtral finit étrangement par faciliter la mise en œuvre d’un certain nombre d’usages typiques du Nouvel Hollywood. On pense d’abord aux interprètes : scène new-yorkaise oblige, on sent tout de suite la patte réaliste, voire naturaliste, à une époque où à Hollywood on mêlait parfois deux générations d’acteurs. Tout dans le montage, les objectifs, les grosseurs de plan est estampillé « Nouvel Hollywood ». Je travaille actuellement sur ma liste sur les transparences et sur celles des Indispensables, et les films usant de telles pratiques restent assez rares. Bien que l’on ait affaire à une adaptation d’une pièce de Broadway, le film paraît encore bien plus réaliste que nombre de productions lourdingues, chères et grotesques filmées à ce moment-là. Si ces usages ne nous interpellent pas aujourd’hui, c’est qu’ils sont devenus la norme, certains pourraient même nous évoquer les séries télé tournées en studio avec des appartements avec terrasse, etc.
C’est donc un paradoxe : rarement, on pourra concevoir un réalisateur aussi peu concerné par le sujet qu’il traite et pourtant fournir tout le travail attendu d’un « cinéaste », à savoir proposer un regard et illustrer au mieux (ou en suivant les modes de son temps) le scénario qu’on lui demande de réaliser. Reste qu’on aurait un peu tendance à faire passer un cinéaste à la fois pour l’un et pour l’autre : tant à la fois responsable de la mise en image que de l’écriture. Les limites de la politique des auteurs. Jusqu’à l’absurde. Et une nouvelle manière d’invisibiliser les vrais auteurs.
L’auteur du film ici se nomme donc Mart Crowley. Il convient également de citer Robert Moore, le metteur en scène à Broadway. Les acteurs de la pièce d’origine reconduits, on voit mal en quoi Friedkin aurait été habilité à autre chose que de placer sa caméra et de donner quelques indications sans lien avec le jeu des acteurs. Surtout si Crowley a produit le film.
Écriture de haute qualité. Parfois peut-être un peu trop forcée. Mais les difficultés du huis clos sont connues ; et ce registre spécifique se justifie ici à travers l’excuse de la fête d’anniversaire. Les acteurs sont parfaits. Une grosse partie de cette distribution ne survivra malheureusement pas aux premières heures de l’épidémie de sida quand les traitements manquaient et que la communauté homosexuelle américaine était durement touchée.
C’est un jalon important et méconnu dans le cinéma américain, tant au niveau du Nouvel Hollywood que de l’approche de l’homosexualité au cinéma (le sujet avait déjà été assez bien évoqué dans La Rumeur, mais dans un tout autre style, moins direct).
Les Garçons de la bande, William Friedkin (1970), The Boys In The Band | Led Productions, Cinema Center Films
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