Antipathy for Mr. Vengeance

J’ai rencontré le diable
Titre original : Ang-ma-reul bo-at-da
Année : 2010
Réalisation : Kim Jee-woon
Avec : Lee Byung-hun, Choi Min-sik, Jeon Gook-hwan
Ce n’est toujours pas ce film qui me réconciliera avec les outrances des films coréens…
Le cinéma n’a pas à être moral, soit, il faut en revanche que le spectateur (en tout cas, c’est mon cas) puisse se raccrocher à un personnage. Ce n’est d’ailleurs pas forcément une question d’identification parce que je suppose qu’on peut imaginer, dans un tel film, une opposition sadique, criminelle, entre deux monstres. En particulier dans le thriller ou dans l’horreur (ce que le film n’est pas tout à fait au-delà des aspects gores du film), une partie du plaisir du spectateur tient dans son dégoût du monstre décrit. On dit alors qu’on aime détester le méchant…
Le problème dans J’ai rencontré le diable, ce n’est pas le traitement du méchant, sadique comme il faut, mais bien celui du mari victime, membre des renseignements, et qui décide de se faire justice lui-même.
À ce stade, tout va bien ou presque, on sent d’ailleurs dans le scénario cette volonté de mettre en relief l’absurdité de la situation et même de l’aspect illusoire, voire macabre, de cette vengeance, parce qu’elle engendre une multitude de victimes supplémentaires. Non, le problème tient surtout dans la volonté du metteur en scène ou de l’acteur à sauver ce nouveau monstre né à l’occasion de sa vengeance, ce qui a pour conséquence pour nous spectateurs de nous le rendre inhumain.
Le cinéma, toujours, n’a rien de moral, en revanche, quand on essaye de faire d’un monstre un saint, une sorte d’homme idéal, image presque de réussite à la coréenne, et que cette réussite passe par la vengeance, en tant que spectateur on peut se poser des questions… Que la situation tragique du film permette à un monstre nouveau de se dévoiler, c’est parfaitement admissible, mais qu’on fasse de ce monstre un homme parfait, sensible, droit, là, oui ça pose problème, parce qu’il y a un manque d’adéquation entre les actions du personnage et la manière dont on le présente.
Et au mieux, il y a inadéquation entre les volontés affichées du scénariste et la traduction qu’en fait le réalisateur (une discordance qui ne doit pas être si rare dans le fonctionnement du cinéma coréen ; à une autre époque on avait connu le même type de désagréments quand les scénarios de Quentin Tarantino étaient mis en scène par d’autres : Cf. Tueurs nés ou True Romance). Kim Jee-woon étant crédité d’une « adaptation », on pourrait même dire qu’il serait doublement coupable, puisqu’il avait tous les éléments en main pour éviter ces impardonnables fautes de goût.
C’est même criant à la toute fin du film qui voit ce personnage du mari, après avoir agi froidement et par préméditation comme un véritable monstre, fondre en larmes… Qu’est-ce que c’est sinon une volonté du réalisateur de proposer une réhabilitation ou une justification des actes criminels du personnage ? Il n’est pas interdit pour autant de montrer un criminel pleurer, en revanche il faut adopter avec lui une certaine distance et s’assurer que la fonction (policier), le statut (victime) ou le passé du personnage ne justifient et ne légitiment pas ses crimes. Peut-être plus qu’une question de morale, c’est une question de mesure, de ton et de distance. Ce qu’il y a de plus difficile à trouver au cinéma. En particulier dans les films dits de genre.
Le pire dans cette histoire, c’est que les répliques les plus sensées du film sortent de la bouche du principal criminel… C’est pour le moins confusionnant.
Au-delà de ça, jolie mise en scène, et bonne interprétation, là, de l’acteur incarnant le serial killer : la mise à distance nécessaire dans ce genre de films avec un monstre est bien là, alors qu’avec le mari, on est à fond dans le premier degré problématique.
Il y a bien longtemps, Kim Jee-woon avait su mieux me séduire avec ses 2 Sœurs… Aucun souvenir si on y retrouvait un même souci moral et d’empathie envers les personnages principaux. Probablement pas. Le fantastique est probablement moins soumis aux écueils moraux des films policiers.
J’ai rencontré le diable, Kim Jee-woon 2010 Ang-ma-reul bo-at-da | Softbank Ventures, Showbox-Mediaplex, Peppermint & Company