Fièvre sur Anatahan, Josef von Sternberg (1953)

Fièvre sur Anatahan

Note : 3.5 sur 5.

Fièvre sur Anatahan

Titre original : Anatahan

Année : 1953

Réalisation : Josef von Sternberg

Avec : Akemi Negishi, Tadashi Suganuma

Film étrange, composé habillement de montages-séquences* (avec une définition lâche du procédé). Le défaut des films de Josef von Sternberg a souvent été leur aspect un peu statique, centré autour de décors rares qu’il remplira très vite d’une abondance un peu factice. L’idéal aurait été alors de mettre en scène une pièce de théâtre, mais là encore Josef von Sternberg connaissant probablement ses limites en matière de direction d’acteurs, il s’adapte et fait avec ses moyens. Et c’est précisément ce que réussit à faire le cinéaste ici en inventant presque une forme inédite, en tout cas extrême, pour gommer ses défauts.

L’idée du huis clos “ouvert”, celui d’une île de naufragés, lui permet donc d’utiliser l’espace resserré qui a toujours eu sa préférence, tout en en tirant le meilleur. Au lieu d’adapter une pièce de théâtre, il a l’idée d’utiliser des acteurs japonais dont on ne comprendra jamais un traître mot ; l’opportunité pour Josef von Sternberg de découper ses séquences comme il a toujours su le faire, en y adjoignant un récit en anglais décrivant chaque situation, racontant ainsi une histoire à la manière d’une nouvelle, d’un récit de marins, comme Raoul Ruiz plus tard saura le faire (à la manière aussi d’Une histoire immortelle d’Orson Welles).

On se dit au début que le procédé finira par s’essouffler. La densité nous perd un peu, nous fatigue, on manque de patience parce que les introductions sont nécessaires pour s’identifier aux personnages, et cela ne peut se faire le plus souvent sans prendre le temps, sans passer par les dialogues. Pourtant le récit est tellement ramassé, les personnages si peu nombreux qu’on finit par ne plus faire attention au procédé. Le pari était de taille, et il se révèle payant (il faut noter que le procédé est abondamment utilisé dans les courts métrages, sans que le récit ne mette toujours en scène des situations mais proposant des images pour illustrer un récit, une voix off, qui gère l’ensemble du récit, alors qu’ici, le film est bien plus long et se repose en partie sur des situations). On y trouve également un petit air du film de Cousteau et Malle, Le Monde du silence, tourné trois ans plus tard.

Un récit construit comme celui d’une nouvelle trahirait ses origines si la fin proposée n’était pas à la hauteur. Fièvre sur Anatahan ne déroge pas à la règle. Une première partie avec la scène des cartes postales, et une autre, magnifique, avec le défilé des anciens compagnons, comme autant de rois éphémères d’une civilisation oubliée, en dehors du temps, et du monde. La scène des remises de médailles de la Guerre des étoiles avec un petit air amer, onirique et surréaliste.


Fièvre sur Anatahan, Josef von Sternberg 1953 Anatahan | Daiwa


Sur La Saveur des goûts amers :

Les Indispensables du cinéma 1953

*Article connexe : l’art du montage-séquence

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