Colossus, Le Cerveau d’acier, Joseph Sargent (1970)

Note : 3.5 sur 5.

Le Cerveau d’acier

Titre original : Colossus: The Forbin Project

Année : 1970

Réalisation : Joseph Sargent

Avec : Eric Braeden, Susan Clark, Gordon Pinsent

C’est toujours fascinant de voir les préoccupations illustrées dans la science-fiction sur ce qui, en partie, a fini par prendre forme dans le monde réel. Le roman dont est inspiré le film précède celui d’Arthur C. Clarke, mais on retrouve bien des éléments de 2001, surtout à la fin quand le superordinateur a pris le contrôle de la planète et adopté une voix synthétique. D’autres éléments du film se retrouvent dans pas mal de films suivants et initient, avec Airport, la mode des films apocalyptiques (Point limite, sorti en 1964, était, à sa manière, précurseur, sans déclencher toutefois cette mode qui traversera les années 70). On pense à Wargame, bien sûr (guerre nucléaire « jouée » par un superordinateur), à l’ordinateur de bord, Maman, dans Alien (on y retrouve surtout des codes visuels et sonores qui semblent bien dépassés aujourd’hui), à Terminator (la machine intelligente à qui on a laissé trop de pouvoir et qui finit par prendre le contrôle total de la planète en réduisant l’humanité à l’esclavage), au Syndrome chinois (un bunker surprotégé censé centraliser toutes les commandes servant au contrôle d’un monstre — qu’il soit bien réel et finisse par envahir Manhattan, ou une machine — et qui finit, après une erreur technique ou humaine, par échapper à la vigilance de ses maîtres — le scénariste/adaptateur de Colossus réalisera Le Syndrome chinois).

Parmi les aspects du film qui ont envahi notre quotidien, on peut citer pêle-mêle : une forme primitive d’Internet (avec ses centres de données et son système de communication global), les visioconférences, la vidéosurveillance, les ordinateurs personnels (le système à la voix est assez peu répandu, mais avec l’IA cela va sans doute tendre à se développer) et bien sûr l’IA avec tous les questionnements qui accompagnent son développement. Les interrogations soulevées par le film sont, en ce sens, encore bien actuelles. Dans l’interface de la machine, on en viendrait même à se demander si certains éléments ou propriétés n’ont pas servi de modèle, au moins dans la désignation des choses, aux ordinateurs et aux systèmes d’exploitation futurs. Est-ce que c’est la science-fiction qui s’inspire du réel ou est-ce que c’est le réel qui s’inspire de la science-fiction ?

Le film en lui-même n’est pas mauvais, mais il souffre de la comparaison avec les films du même type qui arriveront après et qui déploieront des moyens plus importants. On entre très vite dans le vif du sujet, avec une défaillance immédiate quand l’ordinateur découvre qu’il dispose d’un double de l’autre côté du rideau de fer. Les quelques minutes qui suivent sont peut-être les plus intéressantes : l’ordinateur se découvre une conscience et des aptitudes nouvelles avant d’imposer ses choix aux deux puissances (on retrouve un côté Premier Contact : on remplace l’altérité extraterrestre avec celle de la machine développant un langage propre). Là où ensuite une production répondant plus clairement aux codes des thrillers apocalyptiques aurait resserré l’intensité et joué sur le suspense, Colossus prend un détour qui peut passer aujourd’hui pour étrange : l’intrigue se resserre sur un couple de techniciens et multiplie les ellipses temporelles avant de se finir sur un finale glaçant, mais assez peu paroxysmique. Cette fin pose au moins une nouvelle question : le prix de la paix et du progrès ne peut-il prendre d’autre formes qu’une dictature ? Elle semble lancer un défi à l’humanité : « Réglez vos problèmes, sinon voyez ce qui nous attend ! » Or, l’humanité en question, il semblerait qu’elle ait décidé de mettre son destin entre les mains d’autres Forbin : toujours fascinés par le culte de l’entrepreneur vaguement scientifique, on se laisse subjuguer par des Musk ou des Bezos au lieu de répondre aux urgences du monde et régler la paix dans le monde, le réchauffement climatique, et tutte le cose.

« Colossus Shrugged », en somme : le pire de la science-fiction n’a pas été imaginé par les maîtres du genre, mais peut-être bien, involontairement, par Ayn Rand pour La Grève… « Qui aurait pu prédire » dans les années 70 que la menace principale en 2020 ne serait pas un superordinateur, mais l’homme prétendument super-intelligent qui l’aurait mis en place ? La première menace, ce ne sont pas les machines, mais bien les hommes que l’on vénère et qui nous vendent des illusions. Dans Frankenstein, le danger, est-ce la créature ou Frankenstein même qui l’incarne le mieux ?

Bref, on fonce droit à la catastrophe. Et elle viendra bien de l’homme, pas de la machine. Colossus n’en est pas encore là, et les films catastrophe à venir traiteront rarement les catastrophes telles qu’on les vit un demi-siècle plus tard. Une occasion manquée : l’âge d’or du genre a eu lieu précisément lors de la décennie de la prise de conscience des effets du réchauffement climatique et de la course irrationnelle vers une croissance infinie (conclusions du Club de Rome et premières mises en garde des climatologues au milieu des années 70).


Le Cerveau d’acier, Joseph Sargent (1970) Colossus: The Forbin Project | Universal Pictures

Everything Everywhere All at Once, Dan Kwan et Daniel Scheinert (2022)

Watrix

Note : 4 sur 5.

Everything Everywhere All at Once

Année : 2022

Réalisation : Dan Kwan, Daniel Scheinert

Avec : Michelle Yeoh, Stephanie Hsu, Jamie Lee Curtis

Mélange plaisant et non subtil entre Scott Pilgrim contre le reste du monde et Matrix. Un Watrix en quelque sorte… Il va bientôt falloir créer un genre particulier pour ce type de films baroques pleins de références, sans règles sinon celles, convenues, de devoir passer par toutes sortes de passages obligés renforçant chez le spectateur l’identification et le plaisir immédiat (du happy end incontournable aux montages-séquences lacrymaux où chacun, comme dans les tragédies antiques, se dévoile, en passant par les séquences d’apprentissage). On y ajoute une bouillabaisse de politiquement correct du moment dans laquelle toutes les inclusivités ethniques et sexuelles, comme dans The Boys ou dans For All Mankind, par exemple, doivent trouver leur place (une vieille Chinoise mère d’une championne multiverselle lesbienne, ça doit être une composition qui compte triple dans le Scrabble des altérités cinématographiques).

Malgré tout ça, je suis bon spectateur, tout simplement parce que c’est drôle. On frise souvent le burlesque et l’absurde, on se rapproche même un peu du nihilisme, et puisque c’est en plus bien exécuté, on digère assez bien cet ensemble baroque qui ose tout. En dehors d’une fin heureuse (passage obligé pour satisfaire tous les publics), le film tient beaucoup mieux ses promesses baroques, voire confusionnantes, qu’un film comme Ready Player One qui, dans mon souvenir, redevenait vite classique une fois l’univers installé (Spielberg oblige).

Là où Scott Pilgrim réunissait sans doute ses dernières forces baroques dans son absurdité crétine et son audace sans limites, Everything Everywhere me semble mieux tenir cette promesse que tout est possible, surtout dans la déconstruction, l’audace, la mise à distance (toujours la bonne alliance entre la distance et l’identification qui m’est chère) au fil du récit. Le finale manque alors peut-être d’une apothéose à la hauteur des promesses jusque-là promises, mais c’est bien le burlesque, pour moi, qui fait la différence sur l’ensemble du film. Affaire de mariage là encore : un peu comme un bon hot-dog, il faut juste assez de moutarde. Trop de burlesque risquerait d’être pénible et lourd. Quelques petites tranches qui pendouillent dans l’univers des mains en hot-dog et je suis comblé.


Everything Everywhere All at Once, Dan Kwan et Daniel Scheinert 2022 | A24, AGBO, Hotdog Hands


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The Boys (2019)

Le Supe Opera qui crache dans la soupe

Note : 3.5 sur 5.

The Boys

Année : 2019

Création : Eric Kripke

Proposition de départ intéressante : dézinguer les super-héros en se demandant ce qu’ils pourraient devenir s’ils disposaient réellement des pouvoirs dont ils sont supposés avoir. Ils en abuseraient allègrement bien sûr : autoritarisme, violence gratuite et sexuelle, mégalomanie, absence d’empathie pour des êtres inférieurs (ou même pour leurs congénères pouvant apparaître comme des rivaux dans un environnement où la popularité garantit certains privilèges et où tout le monde semble vouloir se tirer dans les pattes), tendance au sadisme et à la violence gratuite, l’impression justifiée ou non par leur statut de super-héros qu’ils sont au-dessus des lois ou considérant que la loi c’est eux, etc. Bref, cela ressemblerait à une jolie forme de dictature, les puissants décidant le plus souvent pour le reste des individus qui leur sont inférieurs, et une dérive déjà pas mal questionnée dans X-Men et compagnie.

La manière dont les agressions sexuelles sont mises sur le tapis, notamment, dès le premier épisode, sent bon l’air du temps, mais ça s’assagit trop par la suite avec une volonté assumée, et en contradiction avec l’idée initiale, d’en sauver certains parmi les protagonistes surpuissants en en faisant les victimes d’un système qui les dépasse. Le trash sexuel quand il apparaît par la suite n’est plus qu’anecdotique, alors que la fellation de bizutage inaugurale avait un poids narratif et donnait le ton à la série (audace et mauvais goût), un ton qu’on ne retrouvera jamais aussi bien justifié par la suite. Difficile d’introduire de nouveaux éléments obscènes et “intimes” une fois que tous les personnages et leurs relations sont installés ; c’est peut-être ça aussi le problème, la difficulté d’avancer en se séparant de ses personnages initiaux : la série se sent comme obligée de continuer à suivre en filigrane les péripéties de A-Train et de l’Homme-poison, alors qu’on aurait avancé par exemple en reproduisant saison après saison ce qui fait le sel de la série : son irrévérence, ses agressions obscènes, certainement pas ses personnages qui, une fois qu’on a compris que les rôles sont inversés, n’ont plus rien d’original. On entrevoit le paradoxe : s’attacher à des personnages sur la durée (des saisons) alors que dans un même temps, on sabote leur importance, leur dignité, leur probité, et la sincérité de leur héroïsme supposé. Les « méchants » (ici, agresseur sexuel et meurtrier), il ne faudrait pas avoir de remords à s’en séparer.

On tombe alors peu à peu dans la routine d’un univers devenu trop sage et dichotomique, en suivant tous les clichés des films de super-héros, en particulier celui, mis en évidence au fil des révélations sur la manière dont l’univers s’est construit, de l’existence d’un complot fomenté par une société secrète (ou privée, Vought) au profit d’un groupe restreint d’individus contre l’intérêt général de la société… Malheureusement, si l’idée de départ était séduisante, le ton finit piteusement par reproduire ce qu’il était censé dénoncer ou ridiculiser au départ, du moins tel qu’il était compris au début de la série. Au fil des épisodes, il ne cesse de s’édulcorer, soit par habitude, soit par incompréhension, soit par paresse : on réalise qu’au contraire d’une véritable satire du genre, la série ne fait qu’inverser les rôles. Les super-héros deviennent les méchants, et leurs victimes, sorte d’agence tout risques multiethnique pour contenter les spectateurs de la planète entière, deviennent les héros sur qui retombe la responsabilité de les éliminer ou de les révéler tels qu’ils sont à leur public. On inverse les rôles, et le discours habituel sur les héros (censés être les bons ou les vrais), lui, perdure. Blanc bonnet et bonnet blanc.

La déception au fil des épisodes est telle, qu’on se demande en réalité si la proposition de départ de moquer et de faire une sorte de satire des films de super-héros ne repose pas uniquement sur cette inversion des valeurs et des rôles : on se retrouve au final avec une série reproduisant à l’identique toutes les habituelles recettes du genre auxquelles on avait sans doute pensé à tort qu’elles ne seront pas employées au profit des héros révélés que sont les Boys sans proposer en réalité autre chose pour assaisonner la série que de l’humour trash pour nous maintenir faussement dans l’idée qu’on était face à une satire des films de super-héros. S’il s’agit bien d’une satire, la série tomberait alors dans le piège le plus commun du genre : reproduire ce qu’on dénonce. Et si cet aspect est peut-être plus assumé ou évident dans la BD originale (que je n’ai pas lue), il a en tout cas été vite aspiré, largement édulcoré, par les nécessités et les habitudes de production hollywoodiennes.

Sont exploités alors toutes les facilités, tous les passages obligés qui contenteront sans peine le spectateur, et tous les clichés de la construction des personnages du héros américain traditionnel depuis que le cinéma du XXᵉ siècle en a largement répandu le modèle à travers la planète :

 — recours récurrent à la vengeance (qu’elle soit celle de super-héros ou de super-normaux, le calque est rigoureusement identique et appliqué à tous les personnages).

 — les failles traumatisantes du passé réanimées par le méchant pour faire souffrir le héros (le « boys » ou le gentil « supe »). Passé, identité ou intentions cachées suggérés par petites touches devront ainsi forcément faire l’objet d’une révélation, d’un dévoilement futur…

 — posture du héros qui se sacrifie pour ses comparses lesquels ne sont évidemment pas d’accord. Si les super-héros sont trashs, les « supes gentils » et les « boys » récupèrent bien tous les clichés des personnages auxquels on voudrait nous forcer à nous identifier. Ainsi, ces héros ont tous des vices, mais ces vices sont censés être leur fardeau : stratagème habituel pour les rendre encore plus sympathiques. En réalité, sont interdits tous les éléments de caractère susceptibles de les rendre antipathiques ou problématiques, tous contours troubles forçant notre intelligence ou notre suspension de jugement dans un exercice prohibé dans le divertissement à l’américaine : le doute, le questionnement. Tout ce qui dépasse est supprimé, exactement comme dans n’importe quel autre show. Où est la logique de faire une série pour critiquer aussi ouvertement les super-héros si c’est pour refourguer tout l’arsenal habituel des thématiques héroïques propres aux divertissements us qu’ils soient héros super ou non ? On remarquera d’ailleurs l’importance de l’interprétation des acteurs pour s’assurer que leur personnage, même écrit sans ces aspérités, sont capables de ne jamais exprimer le moindre sentiment les faisant basculer de l’autre côté de la force (pour un acteur : devenir antipathique). Si on regarde Butcher, par exemple, en plus des nombreux vices qui forgent son personnage, malgré son caractère bougon et souvent autoritaire, malgré toutes les couilles qu’il fait à ses partenaires, l’acteur parvient à le rendre sympathique en ne le faisant jamais basculer vers la haine, le mépris ou tout autre sentiment qui casserait ce lien qu’il a crée avec le public. Si son personnage peut ponctuellement ne pas tenir ses promesses par exemple, l’acteur a bien compris l’enjeu pour son personnage de se sacrifier pour ses « amis » ou pour mener à bien sa vengeance personnelle. Garder le cap n’est pas forcément évident, et on peut remarquer le manque d’audace de la production et / ou de l’acteur à chercher en permanence à préserver le capital sympathie du personnage principal de la série… Pas si trash ou irrévérencieux que ça finalement.

 — le nouveau venu qui dans un camp comme dans l’autre questionne (ou fait mine de le faire) la légitimité du groupe qu’il vient d’intégrer (par la force des choses : Hughie ; ou par vocation : Stella). On remarque d’ailleurs que ce principe ne peut s’appliquer qu’aux premiers épisodes de la première saison, car une fois que la série a établi des personnages récurrents et fabriqué de toutes pièces des vedettes (en reproduisant les systèmes sociaux des élites du monde du divertissement que la série « dénonce »), plus question soit de les supprimer (ou au compte-gouttes : un dilemme de distribution, une saison sur l’autre, similaire à celui auquel est confronté n’importe quel soap opera) soit d’en introduire d’autres. Bref, le ronron habituel des séries qui ne savent pas se réinventer ou assumer les pistes pleines d’audace et de promesses entraperçues dès les premières minutes du show.

 — rapport conflictuel à l’autorité et à la force. Est-ce que la puissance est légitime si on pense qu’elle est juste ? mais juste par rapport à qui… ? Dilemme déjà posé dans les récits de super-héros depuis belle lurette, illustré par la fameuse maxime de Spiderman : « de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités », et qui est réemployé dans la série exactement à la même sauce, pas la moindre tentative de proposer le sujet (à défaut de pouvoir en aborder d’autres) sous un angle nouveau.

 — la cupidité. En dehors des profits de la société Vought, une caractéristique essentiellement présente chez les “supes” à travers le thème de la popularité avec l’ambition permanente chez eux d’atteindre les sommets de ce qui est considéré comme le gratin social : les 7. Un vice auquel on oppose la vertu des « boys » : eux ne sont animés que par des ambitions soit perçues comme vertueuses, soit sources de dilemmes internes, comme la vengeance. Même le plus puissant des 7, Homelander, n’agit pas en suivant une idéologie, mais par simple nécessité de légitimer son existence ou d’être tout bonnement aimé, ce qui, dans la logique de son personnage constitue une marque de cupidité (ce sujet sera creusé au fil des saisons en se rapprochant là encore des archétypes du genre : solitude liée à son enfance, méchant capricieux et imprévisible, avec peut-être le seul écart par rapport à ses prédécesseurs en le rapprochant plus d’un Donald Trump que d’un méchant psychopathe calculateur ; ce que Homelander peut pourtant être aussi quand il est à l’origine des « super terroristes », signe que le télescopage entre l’époque où a été écrit la BD et les références contemporaines à un leader surtout caractérisé par son idiotie n’est pas non plus cohérent quand on pense la série dans sa globalité).

La série, malgré ce recours systématique à des recettes qu’on a cru dans un premier temps être dénoncées ou moquées, reste agréable à regarder, mais malheureusement encore, il semblerait que la forme peine très vite à intégrer les promesses des critiques du genre (celle-ci, je le pense, bien réelles) faites dans le scénario à ses débuts ou dans la BD, jusqu’aux saisons suivantes qui perdent de plus en plus de vue ces audaces initiales : un peu comme si, à l’image de For All Mankind, la réalisation et la production ne suivaient pas et utilisaient au premier degré toutes les recettes et mise à distance critique des idées soulevées dans la matière originelle de la série.

En plus d’adopter, à l’insu de son plein gré sans doute, tous les sujets caractéristiques du genre, la série est ainsi structurée pareillement dans sa mise en forme comme n’importe quelle série de super-héros ou même comme une vulgaire série us en en reprenant exactement tous les codes :

 — cliffhanger et climax obligatoires pour chaque fin d’épisode et de saison.

 — effets sonores et musiques d’ambiance qui n’ont pas changé depuis au moins vingt ans et qui interviennent aux mêmes moments cruciaux pour souligner la tension, l’émotion ou ponctuer l’action de l’épisode.

 — recours permanent et même systématique à la fibre sensible. C’est même le propre des divertissements hollywoodiens : chaque pause en parallèle de l’intrigue principale sert à développer les relations passionnelles entre les personnages, et ainsi attirer l’empathie du spectateur. Jamais rien de plus profond, de thématiques non émotionnelles/relationnelles, et surtout les méthodes pour y parvenir sont formatées dans ce moule que pourtant la série semblait vouloir éviter dans ses premiers épisodes. Même pour ce qui est de l’atout principal de la série, l’humour trash, sexuel et sanglant, cela se normalise, car cela touche de plus en plus rarement les personnages principaux et leur évocation est purement cosmétique et décoratif : ils ne sont plus essentiels dans la trame dramatique élaborée pour la saison — ce qui n’était pas le cas dans la première quand le viol initial de Stella constituait un élément essentiel du récit ou quand le traumatisme de son futur amoureux face à la mort brutale et soudaine de son ex pesait encore sur la saison. On enlève le passage obligé du vocabulaire et des petites séquences trash, et on a là le calque parfait d’un film de super-héros dont le principal superpouvoir semble surtout être celui d’être super sympathique, même, et souvent grâce, à ses travers. Il serait certes idiot et peu crédible de reproduire certains traumatismes initiaux afin de pouvoir déclencher des nouvelles boucles narratives dans lesquelles les personnages principaux seraient réellement impliqués, mais cette impossibilité de trop toucher à ces personnages rend d’autant plus inutile et futile la nécessité de multiplier les saisons. Dans le serial, on accepte la possibilité de « nouvelles aventures » par le biais de nouvelles missions ou par l’intervention de nouveaux méchants, mais dans une série qui repose essentiellement sur l’inversion des valeurs et le trash, le contrat peut difficilement être le même.

 — fibre sensible toujours, avec des amourettes obligatoires pour tous les personnages récurrents avec conflit sur les mensonges des uns et des autres pour créer une tension interne sans forcément de rapports ou de conséquences sur la trame principale (avec là encore les mêmes recettes émotionnelles employées sans fin). Écris une histoire ambitieuse, critique de la société, du divertissement, et cette société à qui tu vendras l’adaptation de ces idées pleines d’audace travestira vite ça en « Supe Opera ».

 — conflits toujours et oppositions à l’intérieur du groupe et de la famille qui n’ont pas changé depuis au moins… Alien. On a le même souci dans l’univers Star Wars où à force de vouloir reproduire les mêmes schémas pour chaque relation, on fait vite le tour parmi les personnages principaux, et on en vient à porter son attention jusqu’au moindre personnage d’arrière-plan qui paraissait mystérieux jusque-là justement parce qu’on s’était bien gardé de trouver un sens à sa vie, à lui créer des attaches, une histoire, des sentiments. C’est l’effet Boba Fett : après la tentative de Lucas de faire du chasseur de prime le modèle pour ses clones, Disney se sert à nouveau de son image hiératique, quasiment mutique, pour créer les Mandalorians (et pas qu’une fois d’après ce que je peux voir). À chaque fois avec le même résultat : une coquille vide. On ne sera donc pas étonné si un jour Amazon Prime propose une série à part entière sur Black Noir dont la principale réussite serait de casser et de démystifier (en mal) l’aura que peut encore avoir son personnage après quelques épisodes. Le type est à la fois cool et ridicule justement parce qu’il est impassible et impénétrable ; dès qu’on tente de l’incorporer dans la soupe habituelle du show en en développant l’histoire, il fend l’armure, et son personnage finit d’être drôle ou intriguant (c’est ce qui se passe dans la troisième saison). Etc.

Dans les grandes lignes, reproduire ces recettes, ce serait peut-être pas tant que ça un problème, toutes les séries y ont recours. Mais en réalité, chaque détail et seconde de la série répond au grand cahier des charges du divertissement hollywoodien, et plus particulièrement à celui des films de super-héros. Un comble. Et une déception. Parce qu’au vu des premiers épisodes, on n’en attendait autre chose… Le paradoxe vit mal, et on l’accepte de moins en moins, épisode après épisode. On peut ainsi noter par exemple le symbole et le cynisme presque de voir la série distribuée sur la plateforme de l’une des sociétés internationales les plus en pointe en matière de casse sociale et environnementale… Un modèle typique de multinationales pourtant brandit souvent dans les films de super-héros comme un épouvantail (on retrouve le même paradoxe qui avait fait l’objet d’une ou deux séquences dans le dernier Matrix). Le capitalisme est prêt à avaler n’importe quoi, surtout le plus politiquement incorrect, le plus contestataire, violent, immoral ou indécent pour s’en approprier les caractéristiques ou mérites, y extraire les quelques spécificités afin de séduire son public, avant de le remâcher à sa manière, le répliquer comme on réplique une rente, un dividende, et lui ôter jusqu’à l’absurde ou jusqu’au paradoxe tout ce qui en faisait l’essence. Dénoncez les principes de la société à laquelle vous appartenez, celle-ci arrivera toujours à s’approprier votre critique. Black Hole Noir… Les gros finissent par tout manger, même ceux censés faire leur critique.

Paradoxalement, là où la série réussit peut-être un joli tour de force (du moins dans sa première saison et colle ainsi tout à fait encore à For All Mankind), c’est de voir que pour répondre au politiquement correct général de notre époque, non seulement les femmes se font rarement malmener par les hommes (elles ne se font plus faire, en dehors de l’agression dont est victime Stella lors de son bizutage des 7 : son agresseur se fera lui-même régulièrement tancer, notamment par une femme venant lui fouiller les branchies ; le Frenchie, lui, a une petite amie plutôt du genre tatillonne, et des relations « professionnelles » avec une Russe ne sont pas non plus à son avantage), mais aussi presque la quasi-totalité des postes à responsabilité qui aurait pu tout autant être occupés par des hommes le sont par des femmes : la directrice du FBI, celle qui gère les super-héros et en enfant en bas âge, celle qui avait initié en premier la lutte contre la firme Vought et qui avait constitué ce groupe de bras cassés inspiré de l’Agence tout risque, la politicienne exploseuse de tête, etc. Malheureusement, nombre de ces femmes se feront plus ou moins vite zigouiller (parfois même remplacer par des hommes). Reste que le plus réussi sans doute est que leur autorité n’est pas discutée (tout juste cela fait l’objet d’un léger complexe chez les hommes habitués à se poster comme des protecteurs avec les femmes, ici, plus coriaces qu’eux). Au même poste, elles se révèlent avoir ni plus ni moins les mêmes comportements (vices et autorité) que les hommes.

Ironique de voir que là où la série marche aussi le mieux, c’est précisément dans le politiquement correct…

L’inclusivité marche moins bien, en revanche, avec Frenchie et Kimiko : l’un est essentialisé (par son surnom d’une part, puis par ses talents culinaires, quelle originalité pour un Français ; on remarquera d’ailleurs qu’il est peu probable que l’acteur soit francophone : à en croire ses interventions peu naturelles et sa prononciation par exemple de « mon cœur » assez pénible), l’autre est muette (cliché de l’Asiatique avec qui la communication est impossible, présent dans Lost si je me rappelle, avant que le même personnage retrouve la parole, un peu comme l’indigène dans L’Oiseau de paradis qui apprend peu à peu la langue civilisée des Américains, et un cliché qu’on retrouve encore dans les westerns avec des Indiens). Les deux autres personnages principaux du groupe s’en tirent mieux : le Britannique dans un personnage calqué sur Wolverine, et le Noir robuste mais minutieux et réfléchi. (L’ingénu étant laissé pour une fois à l’Américain : même si on peut considérer que le John Doe, l’Américain moyen, est en soi un archétype assez peu marqué pour son originalité, il y a une logique à l’opposer à l’archétype trumpesque de Superman et à l’inclure dans une série sur les super-héros.)

Après toutes ces promesses non tenues, on en viendrait presque à se demander s’il n’aurait pas mieux valu se contenter de suivre les premiers épisodes en se gardant bien de tomber dans le piège du spectateur devenu attaché aux personnages et soucieux, comme dans n’importe quelle série, du devenir de ses héros… Est-ce que finalement le courage et le sens du sacrifice tant glorifiés dans la série, ce ne serait pas d’arrêter de s’infliger ces conneries quand elles ne font que se répéter ? Allez, j’arrête ? Demain, je mets le costume au placard…

The Boys 2019 | Amazon Studios, Kickstart Entertainment, Kripke Enterprises


Sur La Saveur des goûts amers :

Top des films de science-fiction (non inclus)

Liens externes :


For All Mankind (2019)

Space Soap Opera

Note : 3.5 sur 5.

For All Mankind 

Année : 2019

Création : Ronald D. Moore, Ben Nedivi, Matt Wolpert

Première saison pleine de promesses avec une idée de départ qui vaut le détour : revisiter l’histoire de la conquête spatiale si le premier homme sur la Lune avait été soviétique. À partir de là, on imagine que le bloc soviétique ne se serait pas effondré et que la course à la Lune ne se serait pas arrêtée aux premiers pas (curieusement, le fait que les Soviétiques envoient la première femme sur la Lune est l’occasion d’aborder efficacement l’angle de la féminisation dans la série), ce qui aurait boosté la recherche technologique et l’innovation (la série est distribuée par Apple et dans les saisons suivantes, on voit notamment que la firme à la pomme a pu bénéficier de ces innovations, puisque tous les foyers américains possèdent une sorte de Mac perfectionné — Sony qui la produit est plus discrète, car on en est encore à la saison 3 aux disques à microsillons alors que son lecteur CD est censé avoir déjà été inventé, allez comprendre… ; on parle aussi de voitures électriques et de fusion, alors que la propulsion nucléaire est un enjeu important dans un monde n’ayant pas connu Tchernobyl…). Si la série était partie pour une dizaine de saisons, on aurait pu tout autant appeler ça Uchroniques martiennes…

Sur le principe, en prenant un peu de hauteur, on peut être amenés à se demander, comme je l’avais fait dans cet article, ce qui compte le plus dans la conquête spatiale, et ce qui sera réellement important aux yeux de l’histoire dans des décennies ou des siècles, entre le premier être dans l’espace, celui sur la Lune ou sur Mars… Si aujourd’hui, c’est la Lune qui compte, c’est peut-être aussi parce qu’on n’est pas allés ailleurs et qu’on n’a aucun autre référentiel disponible…

Les deux premiers épisodes, passés la surprise initiale de la proposition qui est au cœur de la série, sont parfois un peu pénibles à voir, mais tout change quand il est question de réintégrer un équipage féminin au projet Apollo (ce qui est l’occasion de mettre en avant certaines réalités de l’histoire, car la série fonctionne le plus souvent de la même manière, non pas en créant de toutes pièces des faits historiques, mais en faisant tomber la pièce du hasard d’un côté plutôt que de l’autre, par exemple on sait que les femmes du programme Mercury ont réellement existé, on sait également qu’il y avait des femmes ingénieurs à la NASA et qu’elles n’y ont probablement pas trouvé les promotions méritées ; on voit encore que la série permute les conséquences des attentats sur Jean-Paul II et sur John Lennon, etc.).

La grande réussite de la série, surtout, au-delà de ses fantaisies historiques, ce sont ses acteurs. Les séries ces vingt dernières années ne se sont pas améliorées non seulement dans l’écriture ou dans la réalisation, mais aussi dans la qualité de leur direction d’acteurs. Ce n’est pas forcément toujours homogène, et la série s’attarde un peu trop à mon goût sur les relations familiales, professionnelles et amicales, alors pour éviter le soap, on ne peut faire l’économie d’acteurs à la hauteur…

C’est malheureusement le grand défaut, aussi, de la série dans la saison 2 : au lieu de commencer un tout nouveau programme en introduisant de nouveaux personnages et en en mettant d’autres, principaux sur la première saison, éventuellement à des rôles subalternes, ils font le choix de reprendre les mêmes personnages et de pousser jusqu’à l’excès certaines relations. On aurait espéré pour cette nouvelle saison dans laquelle il est question de construire une base lunaire et de se disputer un minuscule territoire avec les Soviétiques, que la série tourne au space opéra, au lieu de ça on fonce droit dans le soap opera… (quel intérêt de développer une relation amoureuse entre la femme d’un astronaute et le fils d’un autre ?) Il est probable qu’on veuille dans ce cas-là mettre l’accent sur les acteurs et leurs relations parce que ça coûte moins cher que des séquences d’action sur la Lune, mais au final on finit sans doute aussi par être esclave de ses propres personnages, voire de ces acteurs vedettes à qui il faudra sortir le carnet de chèques pour les maintenir dans une saison nouvelle… Sans compter que vous pouvez faire vieillir de dix ou vingt ans n’importe quel bon acteur, il deviendra ridicule vieilli artificiellement (ils ont aussi le bon goût de faire mourir probablement les deux meilleurs acteurs de la série).

L’autre grand défaut, et à la fois la qualité de la série, c’est qu’elle coche peut-être un peu trop toutes les cases de l’inclusivité. La féminisation de la société à travers les exploits des femmes envoyées sur la Lune, c’était bien ; intégrer dans la série des personnages de couleur qui ne soient pas réduits à des seconds rôles, c’est bien aussi ; faire d’une astronaute un personnage lesbien obligé de masquer sa nature en s’alliant avec un ingénieur lui aussi homosexuel, c’est bien aussi ; mais tout en même temps, il n’y a plus que ça, il n’y a plus de place pour le reste… Parce qu’il y a une autre manière d’être inclusif : donner des rôles à des personnages importants qui se trouvent être des femmes, des personnages de couleur ou des homosexuels, on n’en fait pas des tonnes, et ça passe pour des évidences auxquelles on finit par ne plus prêter attention (alors qu’ici, ces trois sujets proposent trois axes narratifs différents à la série ; ça limite d’autant le nombre d’axes disponibles pour traiter d’autres sujets, et on évite le plus souvent les grossièretés comme le passage des clandestins à la frontière mexicaine…). Trop de soap opera, pas assez de space opera… J’espère qu’ils auront le bon goût pour les saisons suivantes de ne pas réincarner Spock ou JR Ewing quand ils en viendront à la conquête de Titan…

Un autre défaut de la série, c’est qu’on se demande parfois s’il y a un seul pilote dans l’avion. Quand le scénario semble vouloir parler de zones grises, pour reprendre le titre d’un épisode, au niveau politique et international, paradoxalement on n’échappe pas à certaines séquences patriotiques neuneues : quand les Américains attaquent une mine soviétique, si les soldats fredonnent du Wagner, ce n’est pas un problème, c’est pour appuyer le fait que c’est justement eux qui jouent le rôle d’agresseurs, mais quand, à ce moment-là, la musique d’accompagnement et une musique entraînante, c’est à se demander si le réalisateur ou la production qui commande le choix de la musique a compris le sens de la séquence… Une autre séquence au tout début de la série est, elle, encore ridicule en laissant croire que bien que le premier homme sur la Lune ait été soviétique, l’ensemble de la planète manifeste, oui manifeste, pour exprimer leur amour de l’Amérique… Les Américains semblent encore ignorer totalement, que même dans un univers parallèle où ils auraient perdu la course à la Lune, il est assez peu probable que de telles manifestations en leur faveur puissent se faire à travers le monde… Les USA ne sont pas les leaders d’un hypothétique monde libre, ça semble leur être difficile à intégrer. On remarque aussi que si les séries et les films us ont arrêté de laisser aux Noirs les rôles de cadavres utiles, cette fonction est désormais attribuée aux Européens : le Hollandais « volant » de l’ESA s’écrabouille piteusement sur la Lune, forçant « la première Américaine sur la Lune » à venir le secourir (et même se sacrifier), et une fois de retour sur Terre, s’il ne finit pas mort, il choisit de venir bien tranquillement chez lui loin du pays des héros de la Terre, l’Amérique…). L’Europe, cinquième roue du carrosse galactique.

La troisième saison semble continuer vers cette voie un peu ridicule du recyclage des personnages des saisons précédentes (de mauvais effets spéciaux en prime), et traite cette fois de la conquête de Mars avec l’entrée dans le game du new space (avec une sorte de mélange réussi entre SpaceX et Google), voire de la Chine (ou de la Corée du Nord ; sans compter que l’Union soviétique n’a pas été disloquée). On suivra ça, ou pas. Le même constat que d’habitude avec la science-fiction : ce n’est pas forcément toujours bien brillant, mais on regarde par curiosité du lendemain ou des possibles…


For All Mankind | Sony Pictures Television, Tall Ship Productions


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Abre los ojos, Alejandro Amenábar (1997)

Odyssée post-mortem

Note : 4 sur 5.

Ouvre les yeux

Titre original : Abre los ojos

Année : 1997

Réalisation : Alejandro Amenábar

Avec : Eduardo Noriega, Penélope Cruz

Pas bien pressé de le voir. Je suis pourtant un grand amateur de son remake avec Tom Cruise… Et j’aurais sans doute inversé l’ordre de préférence si j’avais vu le film d’Alejandro à sa sortie. Son film marche parfaitement. Un scénario qui semble sorti de la tête d’un Tod Browning sous hypnose. Follement tiré par les cheveux, mais étonnement sans fausses notes.

C’est le genre de scénarios qui sort des essais d’étudiants de cinéma : tous les clichés y passent. On va de twist en twist (très à la mode dans les années 90), de fausses révélations en fausses révélations ; la musique copie ce qui se fait ailleurs pour bien diriger les émotions du spectateur ; on abuse des possibilités narratives et de mise en abîme du rêve ; contexte mal défini et personnages secondaires tout dévoués au premier (et pour cause) ; jeune héritier sans attaches ni travail ; le personnage défiguré dans un accident de voiture (rappelant Le Visage d’un autre qui faisait, lui, le choix d’une approche plus distante et expérimentale) ; le coup de foudre pur et sans arrière-pensée ; le double féminin (positif-négatif) ; la scène du réveil qui n’en est pas un suivi du montage-séquence de préparation au départ du nid ; le portrait dessiné qui servira de planting à un autre moment du récit, etc. Un vrai catalogue des poncifs du genre.

Mais voilà, l’étudiant Amenábar maîtrise son sujet : il fait tout ce qu’il ne faut pas faire, il se tend à lui-même piège sur piège, et pourtant, à l’image de son héros, par sa maîtrise, son bon goût (indispensable dans un thriller psychologique et d’anticipation), il parvient toujours à s’en relever. Le plus surprenant, c’est qu’on y croit. Et cette maîtrise, c’est un ensemble de choses (toujours les mêmes astuces de dissimulation des escrocs ou des magiciens) : le rythme du film, la musique donc aussi qui nous empêche de nous réveiller, une structure narrative capable de relances voire de retours, le recours à ces bons vieux montages-séquences pour nous refiler un peu de somnifères et nous empêcher de penser ou de perdre notre attention, etc.

Souvent aussi, on doit cette maîtrise tout simplement aux acteurs. Vous me mettez Tom Cruise dans n’importe quel film et, j’y suis pour rien, cet escroc pourrait presque me faire croire en la scientologie… Eh bien ici, c’est pareil. Eduardo Noriega est solide, quant à Penélope Cruz, on peut difficilement espérer mieux dans ce rôle. Loin d’être un grand admirateur de l’actrice (contrairement au Cruise), force est de reconnaître qu’il y a dans ce film comme une évidence. Il ne suffit pas d’être jolie, elle a un quelque chose d’impalpable, d’à la fois mystérieux (ou insaisissable) et de poigne, d’autorité qui rejoint pas mal de la force, de l’intelligence et de la conviction de ces actrices qui, repérées très jeunes, peuvent surfer toute une carrière sur ces quelques années de grâce où elles apparaissaient pour la première fois et qui ont eu la chance d’apparaître dans un film dont le personnage qu’elles interprétaient leur correspondait parfaitement. C’est dommage sans doute que des actrices à la fois plus belles ou plus talentueuses n’aient jamais ce petit truc en plus, et c’est peut-être ça qu’on appelle le male gaze, mais leur truc en plus, il est bien là, se situer exactement à une forme d’intersection entre le talent, l’intelligence et la beauté. Juste ce qu’il faut des trois, et c’est là que le spectateur (mâle) ne s’en remet jamais. Des actrices superbes, il y en a des tas, trop, mais parce qu’elles n’ont pas l’intelligence et le talent au même niveau de leur physique, elles font pschitt. D’autres avec un grand talent, n’ont pas non plus ce qu’il faut ailleurs, etc. Et quand on est donc bien pourvu dans ces trois qualités premières sans être au max dans l’une des trois, ça fait les stars imparables qu’on connaît, de Louise Brooks à Barbara Stanwyck, de Ayako Wakao à Jennifer Lawrence, de Isabelle Adjani à Isabelle Huppert, de Sophia Loren à Audrey Hepburn, de Nicole Kidman à Penélope Cruz (en passant par Tom Cruise, what else).

Il n’y a pas forcément de grands secrets pour faire un bon film. On peut suivre tous les meilleurs cours du monde expliquant comment écrire le scénario parfait, définir ce qu’il faut éviter, le talent c’est peut-être aussi d’arriver à nous plonger dans une torpeur proche du rêve, nous enlever une part de notre conscience, de notre jugement, nous faire oublier tout le reste, et nous faire croire aux histoires les plus saugrenues. Le savoir-faire en somme. Celui d’un escroc, d’un magicien, d’un alchimiste, ou d’un artisan touché par la grâce le temps d’un film. Les miracles, ce qu’on peut définir comme événements inexplicables, on ne les rencontre que provoqués par les mains expertes ou chanceuses de quelques artistes. Des rencontres le plus souvent assurément. Des adéquations inespérées intervenant au bon moment avec les bonnes personnes.

Alejandro Amenábar avait vingt-cinq ans en réalisant ce film. Les Autres et Mar adentro suivront très vite. Beaucoup moins convaincants, la grâce du débutant s’estompera plus vite que celle de son actrice qui aura la chance de servir de muse à un autre cinéaste (ou d’avoir été une vedette avant lui)… Comme d’habitude, j’avais commencé par la fin (Tésis encore à voir). Étrange ou non, certaines cinématographies ne peuvent décoller sans acteurs : on connaît l’exemple du cinéma italien qui a cessé d’exister, pas seulement par manque de financements ou par le non-renouvellement de ses auteurs, mais bien à cause sans doute d’un manque d’acteurs de haut niveau. Étrange ou non donc, à travers mon prisme déformé, j’ai comme l’impression que le cinéma italien est mort aux pieds d’Ornella Muti, juste avant que le cinéma espagnol émerge à l’international grâce notamment à Almodovar et à Penélope Cruz.

Sinon, sérieusement, Internet en 1997 ?! Je n’ai eu Internet qu’en 2006. C’est dire si j’ai souvent un train de retard…


 

Abre los ojos, Alejandro Amenábar 1997 | Canal+ España, Las Producciones del Escorpión, Les Films Alain Sarde, Lucky Red, Sogetel


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Wonder Woman, Patty Jenkins (2017)

Pompier de service

Note : 4 sur 5.

Wonder Woman

Année : 2017

Réalisation : Patty Jenkins

Avec : Gal Gadot, Chris Pine, Robin Wright 

Plutôt étonné du résultat. J’avoue que je me pointais devant cette soirée TF1 sans grand enthousiasme. Le début n’est pas si vilain, c’est même beau à voir dans le genre cité insulaire paradisiaque à la Seigneur des anneaux. Guère convaincu au début par le jeu d’actrice de Gal Gadot ; encore moins par celui de Chris Pine qui, chaque fois que je l’ai vu, me fait penser à un sous Matt Damon ; le film réussit en fait à me prendre par les sentiments et à me gagner par son humour résolument… féministe (si tant est que ça veuille dire quelque chose). C’était même une expérience plutôt étrange de ne pas être convaincu par les acteurs et de se bidonner malgré tout des audaces et des gentilles et piquantes trouvailles du scénario de la première heure.

D’autres doutes pointent le bout de leur pique un peu avant les premières batailles sur le « front », et je commence à faire mon rabat-joie (si, si)… Tout de même, n’y aurait-il pas un peu de grossophobie et de laidophobie derrière tout ça ? La « grosse » est forcément pleine d’humour et au service des autres ; et les « laids » (en particulier, la fille magnifique, chimiste du Reich, sévèrement enlaidie pour l’occasion) sont forcément dans le camp du mal. Je suis toujours un peu taquin avec le féminisme (surtout dans un film qui selon moi est le pire moyen pour faire passer aussi ouvertement une morale ou une idéologie — ça passe beaucoup mieux en soft power), alors vous pensez bien qu’un film dont il se raconte qu’il pourrait être féministe (ou pas, selon les interprétations), il fallait bien que je vienne y mettre mon grain de sel…

En ce qui concerne le féminisme supposé du film (tendance « représentation de la femme au cinéma »), franchement, on est loin du compte : il ne fait pas de doute que le message intrinsèque et/ou involontaire véhiculé dans le film, c’est celui que la femme idéale est forcément belle, et accessoirement… toujours une princesse (c’est un piège de toute façon auquel personne ne pourrait échapper avec une telle adaptation : il faut respecter un tant soit peu l’image sculpturale du personnage original). Si l’on regarde le film cette fois sous l’angle de l’égalité des sexes, et si l’on juge par conséquent son refus de tomber dans certains clichés et codes montrant la femme comme évidemment plus faible et à la merci des hommes (ou d’un homme, celui à qui elle plaît et à qui elle se doit alors d’être soumise à ses désirs), on est là encore loin de la perfection. Si Diana montre une certaine audace et indépendance d’esprit vis-à-vis de sa mère, dès qu’un homme entre dans sa vie, elle redevient curieusement une petite fille docile (ce qui, en plus, n’est pas tout à fait conforme à l’idée assez asexuée du personnage original parfaitement rendu dans la série et qui lui donnait une autorité certaine — une sorte de caractère infaillible à la John Wayne — mais c’est vrai aussi que l’humour de la première heure tient dans cette posture contrastée entre petite fille tout émue par l’arrivée de cet homme providentiel et son éducation amazone).

Ce n’est pas tout de balancer quelques répliques qui piquent et chatouillent le patriarcat sous le scrotum et de jouer les dures quand il est question de se battre au milieu de tous ces virilistes en uniforme. Il faudrait peut-être aussi que Diana montre au mâle qui lui plaît, quand vient le moment de le séduire, que contrairement aux femmes pas encore tout à fait émancipées de son époque, l’insoumission totale aux hommes est pour elle une évidente nécessité. Pourquoi devient-elle tout à coup soumise quand ils s’enlacent pour une petite danse, et pourquoi arrivés dans la chambre, elle est clairement en position d’attente vis-à-vis de son amoureux ? L’insoumission réclamée et légitime, elle commence là. Si l’on a des femmes (ou des féministes) qui attendent toujours dans ces circonstances particulières que l’homme fasse le premier pas (signe qu’elles se soumettent à ses désirs au lieu de se mettre, elles, à commencer à prendre l’initiative), il y aura toujours une forme de schizophrénie dans le féminisme de ce siècle. La femme ne doit pas attendre que l’homme guide ou soit le seul moteur des décisions, et cela, dans tous les domaines. Celui (ou donc celle) qui est souvent le plus audacieux, le plus conquérant, c’est parfois celui qui gagne la partie, quitte parfois à imposer ses vues aux autres qui se satisferont de cette position d’attente. Et c’est aussi en ça que les femmes se retrouvent toujours sous-dimensionnées si on peut dire par rapport à certains hommes qui osent toujours tout et tout le temps. S’il y avait une femme qui aurait pu montrer cette voie, cette audace d’action jusque dans l’expression de ses désirs (comme les femmes des pré-code films dans les années 30), c’était bien cette Wonder Woman. Et cela, malgré sa jeunesse. C’est typiquement ce que certains appellent le male gaze, or ces séquences de séduction sont réalisées par une femme. (Oui, c’est un argument de plus pour moi pour dire que cette idée de regard sexué pour un cinéaste n’existe pas.)

Malgré ça, je dois avouer que le film a finalement su me convaincre également à travers ses scènes d’action. C’est stupide, mais j’adore la danse, la chorégraphie pour être plus précis, et il y a dans les batailles ou les scènes d’action, dans certains films parfois, une recherche purement formelle qui peut presque miraculeusement donner quelque chose d’élégant ou tomber inexplicablement à plat (John Woo en est un bon exemple). D’abord, dans un univers aussi gris et sombre, les couleurs bariolées et excentriques, presque kitsches, de Diana, j’avoue que ça fait son petit effet. Ensuite, si j’étais déjà fan de la série, il y a toujours eu une forme d’élégance chez Diana qu’on ne retrouvait pas par exemple dans… Xéna la guerrière. Pourtant, Gal Gadot, au niveau de l’élégance, elle est un poil en dessous de Lynda Carter. Cette manière de se tenir étrangement, les épaules en arrière et la tête en avant comme un vautour, ça n’a pas vraiment grand-chose à voir avec le maintien d’une reine, mais plutôt avec celui d’une adolescente rebelle et fâchée… Là où en revanche Gal Gadot, bien aidée sans doute par les effets spéciaux, fait mieux que Lynda Carter, c’est dans le côté athlétique. La danse acrobatique, c’était une des disciplines de base dans les principes et les cours donnés par Ned Wayburn, le chorégraphe des Ziegfeld Folies. La mise en scène reprend les ralentis apparus depuis Gladiator je crois, mais c’est particulièrement pertinent ici parce que ça met bien en valeur les pirouettes gravitationnelles des Amazones et donc de Diana.

Et puis, j’ai beau pester contre la laidophobie (et donc plus globalement contre une répétition un peu stupide pour un film présenté comme féministe des clichés sur l’indispensabilité de la beauté pour une femme parfaite), ainsi que la posture ou le jeu de Gal Gadot, l’actrice a tout de même… une longueur de jambes, des yeux d’un noir profond et un sourire pas vilain qui, par Zeus…, m’ont fait oublier tout rapport possible au féminisme et rappelé à mes vicieux biais de spectateur mâle privilégié, et ainsi fait goûter à la morale finale bien avant la fin (du film, pas de ma phrase) : « Si les hommes sont capables du pire en matière de violence, ils sont aussi capables d’amour… Ah, l’amour ! L’amour (aveugle), toujours l’amour ! » La société nous permet-elle encore de tomber amoureux des actrices de cinéma ? De fantasmer sur elles jusqu’au point de se surprendre malgré soi à reluquer leurs jambes et leurs courbes avantageuses ?… C’est encore autorisé ? Eh, bien, allons-y alors. Je suis fou de Gal Gadot, et ça, ce n’était pas gagné. (Beau joueur, je la laisserai, elle, se jeter à « lasso » vers moi.)

Une image de synthèse en train de danser. Wonder Woman, Patty Jenkins 2017 | Warner Bros., Atlas Entertainment, Cruel & Unusual Films, DC Entertainment, Dune Entertainment, Tencent Pictures, Wanda Pictures


Pour en finir avec le supposé féminisme du film, j’avoue que ça me fait joyeusement rire (je ne parle pas des petites répliques et situations du début du film), et je repense aux idéologies retournées comme des crêpes dans les films. Mon exemple de référence, c’est Tueurs nés où la confusion entre violence et dénonciation (vaine) de la violence desservait totalement le film. Ici, c’est le contraire. Non seulement je prends un plaisir coupable devant un tel spectacle rococo et pyrotechnique, mais la confusion du message censé être féministe me régale. Et cela, non pas parce que je me réjouirais que le féminisme se vautre wonderfolliquement, mais parce qu’au fond, au-delà du fait que ça fasse malgré tout réfléchir quant à la possibilité ou de la pertinence de mettre aussi ouvertement (ou tragiquement) une idéologie au cœur d’un film, cela montre surtout l’impossibilité de définir ce qui devrait être pro ou antiféministe. Et pas que dans un film. Et que plutôt de mettre au centre du « débat féministe » certains sujets indéfinissables, creux ou eux-mêmes, ironiquement, stigmatisants (le male gaze, le patriarcat, le manspreading, le mansplaining, le manterrupting, la rape culture, la charge mentale, etc.), on aurait tout à gagner à chercher à adopter des comportements « égaux », quelle que soit la personne, et identifier des problèmes d’inégalités bien réelles et bien spécifiques sur lesquels, potentiellement, on a prise. Si un film véhicule malgré lui une certaine idée de la femme, eh bien, j’aurais tendance à dire que c’est un film, on peut (et on doit) certes essayer de viser un changement des comportements à travers le cinéma (tendance soft power toujours), mais difficile de légiférer sur la créativité. En revanche, il serait beaucoup plus facile de le faire dans la publicité et dans les médias (tout comme il ne me semble pas bien compliqué de rendre les protections hygiéniques gratuites, ramener le nombre de jours de congé de paternité à celui des femmes et les rendre obligatoires, pousser pour la parité dans les conseils d’administration, les assemblées, etc.).


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La Lune de Jupiter, Kornél Mundruczó (2017)

Note : 3.5 sur 5.

La Lune de Jupiter

Titre original : Jupiter holdja

Année : 2017

Réalisation : Kornél Mundruczó

Avec : Merab Ninidze, Zsombor Jéger

Après Les Fils de l’homme, voilà Le Fils de Dieu. Si on prend le film pour ce qu’il est avant tout, un film d’action efficace, c’est assez réussi et plutôt divertissant. Faut-il encore éviter de porter un peu trop attention aux significations ou indices religieux qui parsèment ici ou là le récit. Autrement, ça deviendrait franchement lourd.

On en serait resté à une allégorie de l’Europe fermée sur elle-même et réfractaire à l’idée d’accueil d’étrangers forcément poseurs de bombes, sans trop non plus tirer sur les ficelles des évidences, ç’aurait été encore mieux. Parce que l’allégorie, là, religieuse ou biblique, ce n’est vraiment pas finaud.

À côté de ça, le mélange entre film de genre(s) et film « intelligent » est surprenamment bien maîtrisé et pas désagréable à regarder.

Bref, pour de la SF dystopique faite avec les moyens du bord (une Europe alternative, très proche de l’actuelle, nécessitant donc peu de moyens sinon narratifs), connaissant l’extrême difficulté du genre à convaincre, il ne faut pas bouder son plaisir, c’est si rare. On peut ainsi tout particulièrement goûter les scènes en plan-séquence caméra à l’épaule entre Cuarón et László Nemes. En revanche, aucune séquence de lévitation n’est réussie, ou crédible.


 

La Lune de Jupiter, Kornel Mundruczo 2017 Jupiter holdja | Proton Cinema, Match Factory Productions, KNM, ZDF/Arte


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Edge of Tomorrow, Doug Liman (2014)

On a volé les cheat codes de la marmotte…

Note : 4 sur 5.

Edge of Tomorrow

Année : 2014

Réalisation : Doug Liman

Avec : Tom Cruise, Emily Blunt, Bill Paxton

Je ne m’attends pas à ça. Une boucle temporelle à la Un jour sans fin qui marche comme sur des roulettes en donnant au film sa structure répétitive et son rythme, et qui nous oblige à nous maintenir éveillés et attentifs tout du long, histoire de ne pas manquer les avancées ou les incohérences possibles, prendre aussi l’ampleur vertigineuse du morceau (procédé circulaire qui donne l’impression d’un gouffre démesuré en guise de hors-champ). Et même si certains aspects des visiteurs (ces Mimics) me semblent inutilement compliqués, on ne boude pas son plaisir.

Un plaisir qui naît réellement bien plus des ressorts narratifs qui nous obligent une attention constante que de l’action ou des jolies images high-tech. L’histoire d’amour ne prend pas trop le pas sur la ligne principale du récit, comme on peut le craindre à un moment. L’humour léger que rend possible un tel procédé narratif est bien au rendez-vous (Bill Baxton se charge de donner le ton). Le personnage et la performance d’acteur (si, si) de Tom Cruise méritent d’être notés (il faut oser faire de cet officier un lâche : avant que la boucle temporelle ne s’installe, c’est un moteur formidable de l’action – ce qui permet également au film de démarrer de loin pour amener le personnage de Tom Cruise vers une maîtrise toujours plus perfectionnée sur le champ de bataille). Les films de SF sont assez rares, celui-ci rentre direct dans mes préférés.



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iCM  IMDb


Ant-Man, Payton Reed (2015)

Ant-Man, l’homme qui rétrécit les Gilets Jaunes

Ant-Man Année : 2015

7/10 iCM  IMDb

Réalisation :

Payton Reed

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On sent fortement la filiation avec X-Men, Spider-Man et Iron-Man (plus qu’avec Avengers d’ailleurs). Et c’est pas pour me déplaire.

Les entames de séries sont toujours intéressantes quand elles sont réussies, et celle-ci l’est plutôt. Les enjeux dramatiques dans ce genre de compositions n’ont pas grand-intérêt tant ils évoluent quasiment jamais d’un héros à un autre (un psychopathe assoiffé de pouvoir déclare la guerre au genre humain, et c’est là que le héros arrive…), il faut donc se concentrer sur les origines et les fils dramatiques utilisés pour varier (très légèrement chaque fois) l’identité et les ressorts dramatiques (souvent initiatiques) du nouveau venu parmi la jolie brochette de super-héros affiliés à une peluche customisable. Et dans la veine des héros (tous) imparfaits, celui-ci a un parcours particulièrement réussi (le gendre idéal, papa absent, dévoré par une passion plutôt contraignante : le cambriolage de haut vol). Et comme l’acteur principal est une perle, ça me suffit.

Quand les ingrédients sont bons, il peut arriver qu’on s’en contente. Tout le reste, ultra-formaté, viendra alors rarement me poser problème. Et puis, pour les yeux, les scènes d’action donnent un ballet plutôt réussi. Ce n’est pas toujours le cas.


 


Stalker, Andreï Tarkovski (1979)

Stalker

Stalker

Année : 1979

Réalisation :

Andreï Tarkovski

7/10

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IMDb

Revu le : 11 juillet2017

+2 pour la mise en scène à la revoyure.

La quête me laisse toujours aussi froid. Ça paraît trop évident que tout ça mène nulle part, et les pseudos interrogations philostropiques qui arrivent en particulier en bout de chaîne sonnent bien creuses.

Le design post-éboulis dans la gare de fret de Pétaouchnok est toujours aussi moche, je ne m’y ferai jamais.

C’est aussi très, trop, bavard. Des séquences trop longues ou statiques (c’est une habitude chez Tarkovski, mais quand on n’est pas capté par les images, on reste très vite sur le quai et on s’ennuie). Pas de montage, fini les jeux de ralentis ou d’effets que le cinéaste a renié (Cf. Le Temps scellé[1]). Tarkovski qui se fait dévorer par Bresson en quelque sorte, et sa volonté de le rejoindre dans une ascèse minimaliste (jamais bon quand on est un génie de chercher à en copier un autre surtout dans sa plus mauvaise période).

Direction d’acteurs et acteurs exceptionnels cela dit. Manque la présence de personnages féminins tout le long du trajet. Je serais bien resté avec Ouistiti et sa mère à tordre des cuillères et à foutre du lait partout.

Ah, et on dit donc “stallequeur” et non “staukeur”. Le terme est anglophone, mais il est prononcé par des Russes, à la russe. Veri importanchko.


[1] notes et commentaires sur Le Temps scellé : 1, 2, 3

 

Stalker, Andreï Tarkovski 1979 | Mosfilm Vtoroe Tvorcheskoe Obedinenie