Outrage, Ida Lupino (1950)

Note : 2 sur 5.

Outrage

Titre original : Outrage

Année : 1950

Réalisation : Ida Lupino

Avec : Mala Powers, Tod Andrews, Robert Clarke

Lupino a le mérite d’avoir choisi des histoires et des thématiques jusque-là invisibilisées dans des sociétés patriarcales, mais sans s’adjoindre les services d’un ou d’une scénariste de talent, le résultat est consternant.

On ne traite d’un sujet qu’à travers des clichés qui, au lieu d’aider à comprendre une situation, ne servent au contraire qu’à perpétuer de fausses idées. Le film quitte ainsi peut-être le schéma oppressif dans lequel les hommes ont toujours le beau rôle au cinéma à un autre purement social et pauvrophobe. Il respecte en cela parfaitement la logique de l’époque, dominée par le code Hays. Les victimes doivent forcément être de bons petits bourgeois, et leurs agresseurs, être des timbrés de la classe ouvrière. Et les sages petites filles à qui l’on promettait un bonheur radieux et bourgeois se font ainsi agresser par des hommes louches dans des ruelles sombres. Elles finissent par être sauvées par des gurus du petit Jésus dont on sait aujourd’hui qu’ils ne sont pas les anges qu’ils prétendent être (on insiste bien sur les atouts de celui-ci : le bon samaritain joue du piano et joue les Renoir des plaines). Et si les bourgeois (dont la société prend très au sérieux les préjudices) se plaignent alors du manque de moyens de la justice ou du suivi psychiatrique, c’est évidemment parce qu’il arrive qu’ils soient victimes de ces manquements de la société. Si les agresseurs et les victimes étaient des individus de la classe populaire (comme c’est davantage le cas), les bourgeois n’auraient pas à se soucier des carences de la société…

Quelques gueules de cette classe populaire méprisée apparaissent subrepticement à l’écran : des suspects sélectionnés pour les confronter à la victime (aucun d’entre eux n’appartient à la classe bourgeoise) et des ouvrières que l’on voit rapidement à la tâche. Tout respire le dédain pour cette classe.

Ce n’est pas un film féministe, c’est un film de défense de la bourgeoisie contre la classe populaire.

Pour assumer cette propagande pauvrophobe en pleine période maccarthyste, rien de mieux que des mensonges pour travestir la réalité de l’oppression des femmes, (en particulier à travers la réalité sociologique des auteurs de viol). Les risques qu’une femme se fasse agresser dans une ruelle sombre, la nuit, par un déséquilibré présentant une large cicatrice sur le cou sont réels, mais bien moins fréquents que ceux de se faire violer par une personne de son entourage, et ce, quel que soit son milieu (bourgeois compris). Ce risque augmentera d’autant plus que cette personne appartient à la secte du petit Jésus (ou à toute autre secte).

Les acteurs (parfaitement dirigés par la cinéaste) auraient mérité mieux que cette chose vulgaire à défendre… (Sans parler du sujet.) Ida Lupino n’est pas simple réalisatrice de cet objet, elle en est également productrice. Je doute que l’on puisse tout mettre sur le dos du code Hays ou de l’époque. J’admire le talent et la présence de l’actrice, mais de ce que j’ai vu pour l’instant de ses productions, il n’y a pas grand-chose à sauver.


Outrage, Ida Lupino (1950) | The Filmakers


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La Source d’Heghnar, Arman Manaryan (1971)

Note : 3.5 sur 5.

La Source d’Heghnar

Titre original : Heghnar aghbyur / Հեղնար Աղբյուր

Titres anglais alternatifs : Heghnar Spring / The Spring Heghnar

Année : 1971

Réalisation : Arman Manaryan

Avec : Sos Sargsyan

Adaptation d’un texte de ce qui semble être un écrivain arménien soviétique d’importance : Mkrtich Armen. Je reste assez circonspect, ou sur ma faim (pour ne pas dire autre chose).

Le film présente une indéniable singularité, mais il apparaît aussi parfois un peu inabouti ou, par instant, confus et maladroit. Le symbolisme de la fable (on aime bien la fable en Arménie à ce que je vois) n’aide pas à rendre les choses plus claires : j’ai historiquement du mal à percevoir, identifier, déchiffrer les codes quand ils se cachent trop bien à mon attention, et quand mon ignorance ne me facilite pas non plus la tâche.

À première vue, la morale de La Source d’Heghnar pourrait… couler de source, mais trop d’éléments épars échappent encore à une cohérence propre. Et ne pas comprendre a le don de me plonger dans l’inconfort… Parce que certes « la femme est une source à laquelle seul le mari peut boire », je l’ai, tu me laisses deux secondes pour digérer la puissance anti-woke de l’argument, mais ça reste encore limpide. À côté de cet élément, ça devient déjà plus flou. Le film contient une révélation finale qui prend le contre-pied de ce qui précède : l’histoire, alors teintée d’une solennité spirituelle, voire mystique, adopte tout à coup une approche rationaliste toute soviétique. Même si jusque-là l’hypothèse de l’entourloupe charlatanesque avait forcément pu jaillir dans l’esprit du spectateur pour donner un sens à ce « miracle », je ne vois pas bien en quoi ce basculement brutal vers la rationalité éclaire le reste de la fable. Que devient la morale du film ? Entre « méfiez-vous des faux prophètes » et « ma femme m’appartient », deux sujets s’affrontent, et un choix s’impose.

De la même manière, l’histoire ne nous montre pas si le mari a tué sa compagne ou si elle meurt… de honte. Pourquoi faire mystère des circonstances de son décès et euphémiser cet épisode loin d’être anodin en l’évinçant intégralement de la « fable » ? Pourquoi, par ailleurs, le paysan a-t-il pris une telle importance dans le premier tiers du récit ? Tout ce qui présente sous la forme de conte, de fable, de parabole, d’apologue ou de mythe s’encombre rarement d’éléments superflus. Or, notre fable fonctionnerait tout aussi bien sans ce détour malheureux consacré au paysan qui agit comme une fausse piste alors que l’événement prend une place centrale au début du film. L’art du récit consiste pour beaucoup à un art des justes proportions. Peut-être la signification de cet étrange écart m’échappe-t-elle ici… Mais j’ai comme l’idée qu’une introduction doit livrer, en creux ou non, tous les éléments de sa conclusion. Si une fausse piste ou une histoire parallèle se greffe à l’entrée en matière, le récit n’évitera pas la confusion.

C’est d’ailleurs dès l’entame du film que cette confusion s’installe. Elle est certes volontaire parce que le récit a recours à des actions muettes pour nous exposer les enjeux du film, mais mal jaugée, cette confusion noie vite le spectateur. Plusieurs axes narratifs en montage alterné se font face dans cette introduction, et comme on ne sait pas encore qui est qui, le jeu de proportions et de durées qui s’installe échoue à nous faire comprendre que ces éléments vont converger. Un tel procédé hérité des thrillers fonctionne parfaitement… dans les thrillers. Même si la musique instaure un mystère, le montage alterné fait son office dans un contexte qui présente un minimum d’urgence. Les personnages se hâtent, mais la mise en scène et le montage louvoient plus que nécessaire, que ce soit dans la lenteur d’exécution ou dans cet arrêt inopiné à la fontaine durant lequel le paysan voit la femme pour la première fois. Le paysan passe alors pour être un personnage principal du film quand il n’est en fait que secondaire (voire anecdotique). Par la suite, je veux bien que la femme en question ait des yeux charmants, mais n’est-ce pas un peu hors sujet de raconter que le paysan se suicide ? Soit le paysan occupe trop de place dès le début, soit il a comme fonction de stigmatiser la beauté de la femme du maître, faisant de ce fardeau un poison pour qui se laisse séduire. Produire un pendant « naïf » au véritable amant, soit, encore faudrait-il ne pas se limiter à une seule occurrence : au lieu de n’être qu’un homme parmi d’autres pour signifier le fatalisme systématique de la fable, le paysan comme unique alternative donne l’impression de s’inviter à la fête sans que sa présence soit en réalité si indispensable…

Mes réserves concernent également quelques points de mise en scène. La singularité présente l’avantage de l’originalité et… le désavantage de s’établir en dehors des codes habituels. La musique et la lenteur relative du film apportent un cachet étonnant et baroque, entre Mort à Venise (la même année) et un épisode d’Alfred Hitchcock présente. Et comme pour les détours incompréhensibles du récit, certains plans m’interrogent. Je me suis souvent demandé au visionnage si je n’avais pas échappé à un détail ou si tel ou tel plan ne contenait pas une information (forcément symbolique) capable d’éclairer l’histoire ou de lui donner une plus grande logique.

J’ai vu un commentaire sur le film évoquer une comparaison avec le cinéma de Satyajit Ray, c’est vrai que l’on retrouve l’atmosphère (de conte) du cinéaste bengali, mais Ray savait aussi parfois embrumer le spectateur (en tout cas occidental, ignorant à certains égards aux savoirs ou aux symboles de la culture qu’il découvre). Le climat joue également forcément beaucoup, même si l’été arménien me semble beaucoup plus rappeler la disette (jusqu’aux couleurs) baignée de soleil du Uski Roti de Mani Kaul que la chaleur humide de Ray.

Je garde le meilleur pour la fin (parce que ce que je présente comme des singularités offre un certain intérêt au film). En plus des éléments sonores et surtout musicaux, Arman Manaryan propose quelques surimpressions (presque toutes proposées dans la « garçonnière » de madame) d’une rare beauté. La direction d’acteurs n’est peut-être pas optimale à ce moment-là, mais le procédé ravit les yeux. Je garde cette comparaison parce qu’elle traduit assez bien ce que j’ai ressenti pendant le film : un mix entre Mort à Venise et un épisode d’Alfred Hitchcock présente.


La Source d’Heghnar, Arman Manaryan 1971 Heghnar aghbyur / Heghnar Spring |Armenfilm


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Le Temple du démon, Kenji Misumi (1969)

Godot et le démon

Note : 4.5 sur 5.

Le Temple du démon

Titre original : Oni no sumu yakata / 鬼の棲む舘

Année : 1969

Réalisation : Kenji Misumi

Avec : Shintarô Katsu, Hideko Takamine, Michiyo Aratama, Kei Satô

— TOP FILMS —

Quelques notes contextuelles rapides, et deux ou trois réflexions foutraques.

Adaptation fabuleuse d’une pièce de Jun’ichirô Tanizaki (l’auteur du génial Passion de Masumura, de Tatouage, de Miss Oyu, d’une version des Sœurs Makioka déjà avec Hideko Takamine, d’un sympathique Okoto et Sasuke en 1935 ou d’un autre Masumura moins à mon goût, mais adapté apparemment d’un roman majeur du bonhomme : La Chatte japonaise). Kaneto Shindô est chargé de l’adaptation (s’il s’agit d’une pièce, je serais curieux de savoir en quoi consistait précisément son travail, à savoir son niveau d’implication dans le résultat final, notamment savoir si son scénario disposait d’un prédécoupage technique). Enfin, Kazuo Miyagawa, qui avait mis en lumière d’autres adaptations de l’écrivain (L’Étrange Obsession, Miss Oyu, Tatouage), collaborateur habituel de Mizoguchi, Kon Ichikawa, Masahiro Shinoda ou Akira Kurosawa, assure donc la photographie de ce magnifique huis clos crépusculaire. Jolie équipe de rêve pour une sorte de chant du cygne de la Daiei qui disparaîtra deux ans plus tard.

Je n’ai pas souvenir d’autre huis clos réalisé par Misumi, mais après avoir vu ses grands drames, il y a une forme de logique. Misumi a sans doute été choisi pour sa capacité à diriger les acteurs dans un sujet les mettant idéalement à l’honneur (vu que l’on sait désormais que c’était sa mission première dans les productions de la Daiei). En dehors de l’habituel Shintarô Katsu, Kenji Misumi peut compter sur une distribution de prestige pour l’occasion : réunir Michiyo Aratama et Hideko Takamine relève de l’exploit (et du fantasme réalisé). Il est à noter aussi que la carrière adulte de Hideko Takamine explose au moment de la version des Sœurs Makioka (je ne parle que d’elle dans ma critique), ce qui aurait permis, selon la fiche wiki, à l’actrice de devenir amie avec l’écrivain, d’où sa probable présence dans cette adaptation (l’écrivain a disparu quelques années plus tôt).

Le sujet d’abord est assez singulier. L’origine théâtrale n’est pas du tout dénaturée, au contraire. La femme d’un seigneur nihiliste qui l’avait abandonnée quelques années auparavant, exilé dans les montagnes où il s’est changé en voleur cruel, vient retrouver son jules sale et méchant dans un temple abandonné où il vit reclus avec sa maîtresse. Le seigneur voit d’un mauvais œil le retour de cette femme symbole de vertu et de dévouement, assurant qu’il n’a pas changé depuis leur séparation : démoralisé par les luttes incessantes couvant dans le monde, il a pris le parti de s’en écarter tout en profitant sans honte de tous les vices possibles. Le vol donc (il n’hésite pas à faire des raids dans les villages alentour), mais aussi la passion charnelle, ici symbolisée par une seule personne : le personnage du « démon », sa maîtresse, au discours assez peu équivoque (c’est une lutte symbolique du Bien contre le Mal, il ne faut pas y voir la moindre once de psychologie), incarnée par la magnifique Michiyo Aratama dans un de ses derniers rôles. Le triangle amoureux est bientôt rejoint par un moine errant. On devine l’opposition mise en œuvre par la suite… La lutte entre la tentation et la foi.

On reconnaît bien les sujets tordus et sexuels de Passion et de Tatouage (voire de L’Étrange Obsession dont je n’ai aucun souvenir). Dans ces quelques histoires, se faisait déjà ressentir une passion de l’écrivain pour les histoires ramassées tendant vers le huis clos ; ici, ce n’est plus une tendance, on y plonge à pieds joints. Huis clos nihiliste, apocalyptique et sensuel (des plans magnifiques sur la peau blanche et les seins de la doublure de Michiyo Aratama, que fait la police ?). J’ai songé à un moment à un mix improbable entre l’univers de Samuel Beckett et celui d’Oshima (celui de L’Empire des sens et des Plaisirs de la chair). Le sujet, c’est une chose ; l’exécution en est une autre.

Misumi assure parfaitement sa partition. Il ralentit le rythme et s’abstrait de tout réalisme dans sa direction d’acteur, comme à son habitude. La première séquence donne le ton : si on a vu le goût du metteur en scène pour les gestes lents et précis, ici, on frôle la lenteur pesante et l’hiératisme hypnotisant (on n’est pas loin de ce que proposera bientôt Kubrick dans Barry Lyndon). On songe peut-être au début de L’Intendant Sansho ou à Rashômon (deux films sur lesquels Kazuo Miyagawa a travaillé), à la lenteur encore de certaines séquences du Guépard, ou à celle de Tarkovski sur L’Enfance d’Ivan et Andreï Roublev. Pour les références japonaises et la lenteur (ainsi que le goût pour le huis clos), je ne peux qu’évoquer Yoru no tsuzumi, la couleur en moins, les films de Shirô Toyoda, et puis surtout des films de la nouvelle vague beaucoup plus propices à ce genre d’expérimentations comme L’Île nue (les dialogues en moins et le traitement du temps complètement différent ; quelques séquences d’Onibaba jouent aussi parfaitement sur la lenteur), Fleur pâle (et sans aller vers la lenteur, la recherche formelle et l’incommunicabilité de Yoshida), L’Approche de l’ombre de la nuit ou Kwaidan.

C’est donc ce qui est surprenant avec ce film tardif. 1969, on sent poindre la crise des studios (je le rappelle, la Daiei fera faillite deux ans plus tard), et au lieu de verser dans l’exploitation, la Daiei limite les moyens avec un huis clos tout en assurant l’essentiel (sujet, photo et acteurs). Il n’est jamais trop tard pour se rallier aux avancées permises par la nouvelle vague sans renier pour autant son identité : on reste dans un jidaigeki, on limite les effets trop expérimentaux, mais on adopte une forme lente adaptée à un public dit « exigeant ». On l’a vu dans les quelques drames réalisés par Misumi : loin de l’idée qu’on peut se faire de lui en maître de l’esbroufe, son génie, il a été, même dans ses films populaires, à diriger les séquences dialoguées (est-ce qu’on mesure à quel point Zatoïchi, c’est loin d’être une vulgaire série de joueur errant ? on y papote pas mal). Il faut voir comment Misumi ralentissait le rythme pour jouer sur la tension sexuelle entre deux amoureux qui ne peuvent se toucher dans Komako, fille unique de la maison Shiroko. Cette capacité à ralentir le rythme, Misumi semble toujours l’avoir eue. C’était des petites notes de nouvelle vague dans des chambara au sein d’un studio qui s’était fait connaître avant les années 60 pour sa capacité à proposer des jidaigeki sine katana remarqués dans les festivals en Europe. Pas forcément si étonnant de voir donc Misumi si habile ici à diriger ces acteurs dans un huis clos étouffant. Le plus triste, ce serait surtout de le voir attendre la quasi-faillite du studio pour se consacrer complètement à une forme que l’on pourrait croire éloignée de ses capacités premières. Simple regret de spectateur frustré : ce n’est pas Baby Cart qu’il aurait fallu réaliser par la suite, à la demande probable de Shintarô Katsu, mais des films lents, intimistes, théâtraux dans la lancée de ce Temple du démon, de ses drames en costumes avec Ayako Wakao ou avec Fujiko Yamamoto, et des chefs-d’œuvre moins serial des années 50 de la Daiei. Mais peut-être justement que face à la concurrence de la télévision, l’exploitation était la seule solution envisageable pour éviter la faillite… Ce serait triste de voir qu’un tel chef-d’œuvre aurait participé à la fin du studio.

Quoi qu’il en soit, je reste pantois devant ce film qui ne ressemble à aucun autre dans la carrière de Misumi. Un peu in extremis, en réunissant les meilleurs éléments du studio, à l’image du film avec son esprit fin de siècle/du monde, tout semblait réuni pour en faire un grand film. À ce titre, il serait injuste de ne pas évoquer la musique d’Akira Ifukube. Tiens donc, il avait composé la musique du très similaire Yoru no tsuzumi, déjà précité, ou de La Bête blanche de Naruse (un des rares films de Naruse jouant sur la lenteur et la tension sexuelle) et de nombreux autres grands films (Le Duel silencieux, Zatoïchi, Les Enfants d’Hiroshima, Dobu, Une femme de meiji, L’Enfant favori de la bonne, La Harpe de Birmanie, les Miyamoto Musashi d’Uchida, Les Onze Guerriers du devoir, ainsi que le dernier grand film de Misumi : Les Derniers Samouraïs). La musique contribue à l’étrangeté de l’atmosphère du film. Contrairement à ce que l’on pourrait s’attendre pour un jidaigeki d’inspiration classique (la pièce est certes — contrairement à nombre d’autres pièces issues du répertoire kabuki ou bunraku — moderne), le style est d’inspiration occidentale, une sorte de musique de chambre lancinante, minimaliste et macabre mêlant notes au clavecin et un riff à la Goldorak. Musique qui a la qualité, non pas de sautiller en cœur avec la situation, mais d’insister, comme un murmure moral et omniscient, sur la nature tragique et fataliste de la fable.

Un nouveau chef-d’œuvre dramatique pour Misumi en somme.


Le Temple du démon, Kenji Misumi (1969) Oni no sumu yakata | Daiei

Le Rouge et le Noir, Claude Autant-Lara (1954)

Note : 4 sur 5.

Le Rouge et le Noir

Année : 1954

Réalisation : Claude Autant-Lara

Avec : Gérard Philipe, Danielle Darrieux, Antonella Lualdi, Jean Martinelli, Antoine Balpêtré, Jean Mercure

Travail admirable de direction d’acteurs. J’avais cru longtemps que Claude Autant-Lara n’avait qu’une formation de décorateur, c’était en tout cas la réputation qui l’accompagnait. Et je viens d’apprendre que sa mère avait été à la Comédie-Française avant de se faire remarquer pour ses opinions antimilitaristes et d’en être exclue (ce qui explique beaucoup de choses, comme le sujet de Tu ne tueras point). Ce n’est évidemment pas dans des écoles d’art que le bonhomme a appris à diriger ainsi ses acteurs. La Comédie-Française, c’est peut-être la vieille école, celle du théâtre, mais c’est la mienne (mon prisme), et tous (quand ils ne sont pas doublés) sont remarquables. Je n’avais par exemple jamais vu quelques-uns des acteurs officiants dans certains rôles secondaires, Autant-Lara les a probablement dénichés au théâtre, mais bon sang qu’ils sont bons… Quant aux deux rôles principaux (je mets à part Antonella Lualdi qui joue Mathilde et qui, bien que francophone, semble doublée), c’est peut-être ce qui se fait de mieux à l’époque, même si Darrieux et Philipe ne sont pas de la même génération (au moins, la différence d’âge des protagonistes semble respectée).

Caustique comme il faut. L’église, la bourgeoisie, les arrivistes, les amoureux romantiques (même les filles à papa séduites par le seul fait de s’enticher d’un pauvre), tout le monde en prend pour son grade, et on sent que le misanthrope Autant-Lara s’en donne à cœur joie.

Faute de moyens sans doute, l’ancien spécialiste de la décoration trouve un subterfuge assez convaincant pour se passer de grandioses reconstitutions : des murs unis en gris (vous excuserez mon sens des couleurs limité) un peu partout ; et des extérieurs limités qui semblent tout droit sortir d’un film de Tati. La mode est aux décors nus au théâtre (dont Gérard Philipe est un habitué du côté du TNP, mais ne jouer qu’avec des rideaux comme seul élément scénographique n’aurait pas plu à la vedette), ce sera bientôt celle de l’espace vide, on y est presque déjà un peu. C’est esthétiquement ignoble, presque conceptuel, mais ça reflète merveilleusement bien la nature du cœur de Sorel. Juste ce qu’il faut pour refréner toutes les envolées romantiques qui pourraient encore en tromper certains. On hésite entre un gigolo avant l’heure ou un arriviste qui sera pris à son propre jeu (il y a un côté Baby Face, 1933, là encore avant l’heure : l’ascension sociale par l’entremise des femmes). On pourrait y voir également une forme plus affirmée de personnage à la Emma Bovary : cette volonté de s’affranchir de sa condition pour s’élever parmi les grands de ce monde avant de se rendre compte qu’ils ne feront jamais illusion face à une classe qui interdit et remarque tout de suite ceux qui ne sont pas de leur rang… Je crois avoir rarement aussi bien vu reproduite, d’ailleurs, l’idée des pensées en voix off dans un film. Un procédé indispensable pour illustrer l’ambivalence des personnages principaux : les errements moraux de Julien entre son ambition (ou son hypocrisie, voire son opportuniste, alors qu’il ne montre d’abord aucune volonté de séduire Mathilde) et sa naïveté (ou sa jeunesse) romantique.

À une ou deux reprises, le film tourne aussi parfois à la comédie, et bien sûr les dialoguistes habituels du cinéaste s’amusent autant que d’habitude à distribuer les bons mots (je doute qu’ils soient de Stendhal).

Évidemment, le film fut démoli à sa sortie par les réactionnaires des Cahiers. On est pourtant loin de la prétendue « qualité française » puisque, comme dit plus haut, la reconstitution a été passablement sabordée. De « qualité », il faudra se contenter de celle qu’eux, futurs réalisateurs, seront un jour incapables de reproduire à l’écran (et pour cause, ils n’étaient ni décorateurs ni fils d’une actrice du Français) : celle qui consiste à placer et diriger des acteurs (oui, c’est un métier qui ne s’improvise pas).

Parce que pour ce qui est de la causticité du roman de Stendhal, on est servi : le classicisme, il aurait rendu tout ça fade et se serait rangé à n’en pas douter du côté des bourgeois (ou du romantisme). Il n’y a rien de romantique dans cette histoire : c’est une fable sociale et cruelle (pour ceux qui croient en l’amour et à l’idéal qui n’était déjà plus républicain). Honte aux historiens et aux futurs critiques de ne jamais avoir réhabilité ce film (comme une large partie des films de Claude Autant-Lara — il semblerait qu’il n’y ait qu’en matière d’agressions sexuelles que certains oublient de séparer l’homme de l’artiste — on peut être un connard et avoir réalisé d’excellents films).


Le Rouge et le Noir, Claude Autant-Lara 1954 | Documento Films, Franco-London Films


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Tu ne tueras point, Claude Autant-Lara (1961)

Note : 4 sur 5.

Tu ne tueras point

Année : 1961

Réalisation : Claude Autant-Lara

Avec : Laurent Terzieff, Suzanne Flon, Horst Frank

Les films démonstratifs ont souvent (et à raison) mauvaise presse. Personne n’aime qu’on leur force la main, qu’on leur prémâche un travail moral qui devrait être réservé au spectateur. Il arrive cependant que des sujets soient tellement en phase avec ce que l’on pense, avec les questions que l’on se pose, qu’on peut accepter qu’un film tire un peu trop la ficelle en notre direction (c’est peut-être aussi le cas avec les films que je ne supporte pas, sans doute pour leur côté réactionnaire et faussement concerné par victimes, comme Hope).

C’est donc bien le cas ici. On ne peut pas dire que la structure du film ou que la mise en scène envoie du lourd, mais peut-être aussi, finalement, faut-il se placer du côté d’une lecture brechtienne du spectacle pour apprécier la démonstration.

Claude Autant-Lara et son duo de scénaristes, Jean Aurenche et Pierre Bost, seraient des disciples de Brecht ?… Bon. Peut-être pas. Et pourtant. Manquerait plus qu’une voix off qui ferait office de chœur, sinon, la construction en séquence, c’est évidemment celle des tableaux de Brecht. Plus encore, l’aspect idéologique, politique, moral, voire philosophique, ce n’est pas du tout ce qu’on réclame d’un film, d’un drame, qui se doit d’être avant tout un spectacle. Car en dehors des quelques séquences mélodramatiques avec la mère de l’objecteur de conscience (pas bien passionnantes d’ailleurs), il s’agit bien d’une démonstration, la démonstration d’une société absurde qui punit les honnêtes personnes et qui relaxe les assassins (dont le seul crime aurait été d’obéir aux ordres). La démonstration va jusqu’à opposer deux extrêmes (le catholique mais pas trop qui refuse de porter une arme ; et le curé assassin n’ayant lui pas pu faire selon sa conscience). L’Église en prend pour son grade. Et l’armée, paradoxalement (en un seul mot), pas tant que ça : lors du délibéré, des officiers du tribunal militaire posent le doigt sur les aberrations de condamner un homme qui revendique son droit à croire encore à un monde sans guerre, surtout après le jugement rendu précédent.

Le film aurait été plus dramatique et moins didactique, le cas de conscience du jeune homme l’aurait fait rentrer en conflit avec ses proches, des histoires se seraient liées en prison, il aurait eu peut-être une amoureuse. Rien de tout cela. Le récit est sec, et ne s’applique donc qu’à faire la démonstration des absurdités de la guerre, à démontrer la nécessité morale de disposer d’un véritable droit pour les objecteurs de conscience (condamnés de fait — du moins tel que c’est présenté dans le film — à perpétuité) et à mettre tout ça en lumière avec un cas similaire à travers lequel on nous invite à jouer au jeu des sept erreurs.

Comme c’est souvent le cas avec les films qui dérangent de l’époque, on apprend après-coup que les autorités françaises avaient encore le pouvoir de censurer la création, au point de rendre sa production d’abord impossible, puis d’en limiter l’impact dans les festivals où il figurait (Rauger, à la présentation du film, affirme que le gouvernement aurait acheté des places en demandant aux gens de ne pas s’y rendre, et on suspecte — comme c’était d’usage quand les prix se décidaient ailleurs que dans les jurys — que le film n’ait remporté ainsi qu’un prix d’interprétation à Venise). Pire encore, le film aurait été descendu par la critique, mais les saloperies de ces petits truands des Cahiers ne sont plus à démontrer (surtout quand il était question de tirer sur Claude Autant-Lara et sur ses scénaristes). On se demande qui était « Le Petit Soldat » pour le coup : le vieux qui propose un film humaniste dont le film trop subversif pour les autorités est censuré ou les petits soldats qui en disent du mal ? (Curieuse symétrie des époques où on reconnaît aujourd’hui une même presse aux ordres capables de s’offusquer de tout sauf des crimes de leurs amis.)

Ce n’est certes pas un grand film, mais c’est un film utile qui aurait encore pu poser le débat à l’époque des Dossiers de l’écran par exemple. Fort heureusement, la question ne se pose plus telle qu’elle était posée à l’époque du film et longtemps après encore : j’ai été de la génération qui a connu les 4 jours (journée de découverte avant accession au service militaire), mais qui n’a pas eu à faire son service quand Chirac a décidé de le supprimer. Cette pression, cette obligation imposée aux jeunes hommes d’une époque est peut-être dure à concevoir aujourd’hui, mais pour le coup, le film pourrait avoir une résonance particulière dans des pays où la population doit faire face à des conscriptions obligatoires ou à la guerre (Russie, Ukraine, Israël, Corée du Sud pour ne nommer que les plus évidents aujourd’hui).

Curieux hasard, j’avais fini ma précédente critique avec une évocation pleine de respect à Laurent Terzieff. Je rappelais qu’il n’avait pas eu « la chance » de tourner avec des cinéastes de la nouvelle vague qui lui aurait permis d’être plus reconnu qu’il ne l’est aujourd’hui. Vu le traitement qu’ils faisaient des films de la (prétendue) qualité française (ceux des réalisateurs dont ils voulaient prendre la place en somme), on se doute bien que Terzieff n’avait pas tiré la bonne carte (le film aurait été descendu par Douchet — peut-être le pire de tous). Tant pis pour eux, leur sectarisme leur a privé d’un des meilleurs acteurs de sa génération. Il le démontre encore ici.


Tu ne tueras point, Claude Autant-Lara 1961 | Columbia, Loveen Films, Gold Film Anstalt


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L’Inquisition, Arturo Ripstein (1974)

Note : 4 sur 5.

L’Inquisition

Titre original : El santo oficio

Année : 1974

Réalisation : Arturo Ripstein

Avec : Jorge Luke, Diana Bracho, Claudio Brook

Excellente reconstitution, même si je doute que la toute jeune Mexico ressemblait à la fin du XVIᵉ à ce qui nous est présenté. Mais j’en demande peut-être beaucoup.

Les chuchotements permanents donnent le cachet du film, son ambiance, ce qui fait qu’on peut y croire et mesurer le degré de peur, de persécution et de suspicion à l’égard des juifs en pleine période épidémique. (C’est malheureusement aussi pas mal d’actualité, le thème des sacrifices humains opérés par les juifs ayant été récemment réactivés…)

Le film souffre un peu d’une baisse de rythme à la sortie de prison : difficile de rester sur un tel rythme tout en développant un nouveau départ, mais il faut respecter le ton du film. L’absence de musique n’aide pas, mais elle aurait pu tout aussi bien tout gâcher et en faire un Grand Inquisiteur bis. Les acteurs et la mise en scène sont assez remarquables, mais c’est une habitude, j’ai l’impression dans le cinéma mexicain. Mes films préférés de Buñuel sont mexicains, il doit y avoir toute une production restant encore largement sous les radars… Il me faudra un jour notamment explorer le cinéma mexicain des années 30, 40, 50 qui s’annonce remarquable. D’autres perles se cachent sans aucun doute derrière La perla, d’Emilio Fernandez.


L’Inquisition, Arturo Ripstein 1974 El santo oficio | Cinematográfica Marco Polo S.A., Estudios Churubusco Azteca S.A.


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L’obscurité de Lim

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Le Temple des oies sauvages, Yûzô Kawashima (1962)

Le nœud coulant

Note : 3 sur 5.

Le Temple des oies sauvages

Titre original : Gan no tera / 雁の寺

Année : 1962

Réalisation : Yûzô Kawashima

Avec : Ayako Wakao, Masao Mishima, Kuniichi Takami, Isao Kimura

Ce serait intéressant de voir une autre adaptation de ce qui semble être le roman le plus notable de l’auteur du Détroit de la faim (adapté par Tomu Uchida), d’Orine la proscrite et des Poupées de bambou Echizen (adapté avec plus de succès dès l’année suivante et avec la même Ayako Wakao par Kôzaburô Yoshimura), parce que malgré une photographie magnifique et une interprétation impeccable, le récit me semble curieusement construit dans cette adaptation. Ça commence dès le prologue avec une séquence hors de rythme qui lance à mon sens assez mal les enjeux du film : le ton est très naturaliste, Kawashima ne semble pas savoir où il va et quoi montrer. Quelques notes de musique du générique annoncent la tonalité tragique du film, mais les séquences suivantes (malgré la mort du peintre) continuent d’échouer à sortir de ce rythme étrange et de cette absence de perspective.

Je suppose que le roman donne autant d’importance au moine, à sa maîtresse et à l’apprenti, voire à ces deux derniers. Le problème, c’est qu’ici, l’apprenti est sans doute un peu trop mis sur la touche : traité d’abord comme un rôle secondaire, il prend peu à peu plus de place jusqu’à devenir central sans pour autant interagir comme il devrait avec la maîtresse (il fuit). Aucune connivence réelle ne se crée entre ces deux « prisonniers du temple » : un type de rapports pourtant nécessaire pour qu’une opposition (claire pour le spectateur ; larvée entre les personnages) puisse se faire, car l’un d’eux (le moine) ignore la relation qui se tisse entre les deux autres. Le secret et l’interdit devraient vite devenir les moteurs de l’intrigue. Au lieu de ça, le récit multiplie les séquences alternées sans donner un poids assez fort à ce qui devrait les opposer : le nœud coulant de l’intrigue aurait tendance à se relâcher plutôt qu’à se resserrer autour (du cou) des personnages. Le sujet est pourtant en or, pas loin de ceux qu’interprète Ayako Wakao à l’époque sous la direction de Masumura. Mais la tension ne monte jamais. Au lieu de montrer la tension frontalement dans des séquences où les personnages se mettent en danger, au lieu d’exposer les conflits qui les animent ou au contraire les liens qui les attirent, au lieu de créer une affinité bien plus tendancieuse et problématique qu’elle ne l’est ici (en jouant sur la confusion : elle a pitié de lui, se montre presque maternelle, et lui interprète mal les signes d’affection qu’elle lui donne), le récit relate au contraire des événements sans donner l’impression d’en saisir la portée tragique.

Rien dans la mise en scène et dans le rythme du film ne concourt non plus à mettre en relief l’évolution psychologique des personnages ou à insister sur les enjeux personnels de chacun avant d’entrer en conflit et devenir ainsi le moteur de leurs actions (et de leurs fautes). Avant la tournure criminelle du récit, aucun plan rapproché, aucun ralentissement de l’action utile à insister sur un détail, une incertitude psychologique, aucune expression ne venant jouer le contrepoint des séquences naturalistes, aucune musique d’accompagnement pour guider le spectateur dans sa compréhension des conflits sous-jacents. D’ailleurs, si la musique avait été présente au tout début pour donner le ton, elle n’apparaît par la suite que timidement pour installer une ambiance avec trois notes de violoncelle (la pesanteur des silences nocturnes n’arrive pas plus à faire monter la tension). Ce n’est qu’à la fin que la musique se fait légèrement plus tragique et lyrique.

J’ai le souvenir à l’époque, par exemple, des séquences bien plus convaincantes pour exposer des enjeux communs mais sources aussi de conflits internes dans Une femme confesse entre le personnage de Ayako Wakao et l’étudiant. Ce n’est pas le tout de choisir l’actrice parfaite pour le rôle ; encore faut-il lui trouver un partenaire qui fasse le poids et qui soit mis en valeur par le récit et la mise en scène. Ici, c’est comme si le film avait presque honte de voir l’apprenti manger un peu trop la pellicule au détriment de la maîtresse. Ce n’est pas servir l’intrigue que de saboter son principal moteur : l’apprenti. Et ce n’est pas le meilleur moyen non plus de mettre en valeur une actrice comme Ayako Wakao en lui choisissant des acteurs transparents ou en limitant la portée des séquences devant servir à illustrer une relation forte (le récit préfère multiplier les séquences compassionnelles entre les deux personnages plutôt qu’entrer rapidement dans le dur : par exemple, la nuit où la maîtresse le rejoint dans sa chambre, rien en réalité ne se passe, c’est traité comme un non-événement alors que ça devrait être le point de bascule du film). Dans Une femme confesse, Ayako Wakao était opposée à l’acteur des Baisers, Hiroshi Kawaguchi… Les Baisers et ce Temple des oies sauvages ayant été écrit et adapté par le même scénariste, Kazuo Funahashi, il aurait été bien inspiré de souffler le nom de l’acteur à la production (on se console comme on peut).

À la manière des idiots qu’il ne faut pas faire jouer par des idiots, on ne choisit pas un acteur quelconque pour jouer un personnage censé être un peu trop idiot et serviable : pour cet apprenti, il fallait un jeune premier, peut-être avec un physique ingrat, jeune, mais il fallait surtout lui faire confiance en le mettant très vite au centre de l’intrigue en le montrant moins résigné et au centre des attentions (maternelles) de la maîtresse. Difficile de jouer les personnages de victime qui se révoltent sur le tard — et manifestement, difficile de trouver l’angle pour les aborder au cinéma. Le récit préfère insister sur sa science de l’évitement (école buissonnière, refus de s’opposer au moine, fuite face aux avances de la maîtresse), seulement, c’est souvent répétitif et rarement bien cinématographique. Je n’ai pas lu le roman, mais probable que l’intérêt de celui-ci réside dans la description du trouble de l’apprenti : plus que sur l’évitement, il aurait été plus judicieux d’insister sur la pression psychologique et sur les refoulements divers à l’origine de son basculement vers le crime. La perversion du moine, elle est évidente mais évolue peu, et puisque sa maîtresse a besoin de cette relation pour survivre, le conflit à exposer n’est pas là : la perversion au cœur du récit, c’était bien celle de l’apprenti (voyeurisme, jalousie, frustration sexuelle, vengeance criminelle, etc.). Le principe d’un film, c’est de mettre en valeur une histoire à laquelle on croit, pas d’en saborder certains aspects parce qu’on les trouverait peu convaincants. Le rôle de la mise en scène (et d’une adaptation), il est bien de mettre en évidence ces enjeux. Et à mon sens, elle se trompe ici en mettant ainsi bien trop souvent au premier plan la maîtresse auprès du moine, au lieu de la montrer auprès de l’apprenti. Le « second rôle », on devrait même tout de suite l’identifier comme étant celui du moine. Par exemple, dans mon souvenir, on a un peu ce même type de relation triangulaire au profit d’abord des amants dans un film comme Le Sorgho rouge.

Possible que Kawashima ait été un peu frileux à jouer tout de suite sur la relation trouble entre la maîtresse et l’apprenti : un Imamura ou un Oshima auraient sans doute beaucoup mieux identifié les enjeux malsains et possiblement criminels de cette relation. Pas assez vicieux ou pas assez l’esprit mal tourné le Kawashima. (Heureusement, Masumura, saura, lui, enfoncer le clou en ayant parfaitement identifié le potentiel d’Ayako Wakao dans ce type d’emploi de femme convoitée mais fatale après Une femme confesse — un emploi que l’actrice avait déjà bien tenu dans La Rue de la honte.)

Seules consolations : le noir et blanc, les décors et la composition magnifique des plans. Hiroshi Murai est le directeur de la photographie notamment du Faux Étudiant, du Sabre du mal, de Samouraï ou des Femmes naissent deux fois… Une constante dans la composition de plans de haut niveau.


Le Temple des oies sauvages, Yûzô Kawashima 1962 Gan no tera | Daiei


Liens externes :


Une vie cachée, Terrence Malick (2019)

Illustrationnisme malickien

Note : 2.5 sur 5.

Une vie cachée

Titre original : A Hidden Life

Année : 2019

Réalisation : Terrence Malick

Avec : August Diehl, Valerie Pachner, Maria Simon, Bruno Ganz

Une nouvelle fois, c’est désespérant, le cinéma de Terrence Malick fait pschitt avec moi. J’avais entendu dire qu’il revenait aux choses sérieuses, mais qu’a-t-il pu réaliser ces dernières années pendant que j’avais le dos tourné pour qu’on parle ainsi de retour ? Parce qu’on est d’accord : s’il est question de retour, c’est un retour vers le cinéma de The Tree of Life, pas celui de La Moisson du ciel et de La Balade sauvage. Parce que celui-là, éclipsé de longues années on ne sait où et réapparut avec La Ligne rouge, il semble bien égaré, loin des sphères créatives de notre siècle. Non pas que je regrette qu’il ne puisse plus nous proposer d’autres chefs-d’œuvre de cette trempe (quoi que), mais les films sont réalisés de manière si différente qu’on pourrait presque penser qu’il y a un cinéaste différent derrière la caméra. Changer de style, c’est une chose, surtout après plusieurs décennies de mutisme ; il se trouve que celui-là, affirmé depuis The Tree of Life avec palmes et lauriers qui vont avec, par son systématisme, et son outrance aussi, ne me touche pas.

Trois heures, c’est assez long quand on s’ennuie, alors puisque j’ai été très tôt laissé sur le quai, j’ai essayé de comprendre ce qui distinguait ce style malickien du nouveau siècle et pourquoi j’en étais si étranger.

Il se trouve qu’avant que commence le nouveau siècle, à peine avant que Malick revienne aux affaires, un autre cinéaste, avec un film en particulier, propose une manière originale de réaliser des films. J’étais jeune, probablement influençable, et c’est à cette époque que mes goûts et ma cinéphilie se sont forgés, et chaque nouveau devient un événement, une découverte. Ce cinéaste, c’est Lars von Trier. Après des années de recherches formelles déjà souvent remarquées lors des festivals ou ailleurs, il décide de monter avec d’autres cinéastes, le dogme 95. Une proposition de cinéma radicale qui remettait un peu au goût du jour les alternatives ou les vagues des années 60. Réussite plus ou moins convaincante, les films du dogme respectant les principes prônés sont rares, et le mouvement ne compte probablement qu’un grand film, Festen. Pourtant le mouvement aura une influence, à mon sens, importante sur la manière de faire et de regarder des films.

Comme souvent avec les contraintes sont nées des idées pour essayer de les contourner. C’était peut-être la seule bonne idée du dogme : transgresser des règles trop strictes devenait un impératif pour arriver à proposer des projets qui tiennent la route. Lars von Trier s’en est probablement très vite rendu compte, et c’est dans ce contexte que Breaking the Waves apparaît. C’est une claque pour beaucoup de monde, le film fait sensation à Cannes, et il fait un peu office (déjà), si le dogme 95 était une réforme, de contre-réforme. (On n’est jamais aussi bien contredit que par soi-même.) De la contrainte technique de départ ne reste plus grand-chose, mais Lars von Trier en ressort avec un film beaucoup plus réaliste que d’avant le dogme (il ne s’interdisait pas de tourner en studio, avec des ambiances, des cadrages, des éclairages travaillés), donc d’une certaine manière, épuré de son vernis expérimental. Les sujets semblent toujours un prétexte à de multiples expérimentations, mais un peu comme s’il avait été tout ce temps prisonnier de son studio, de son cadre, le voilà qu’il redécouvre les vertus du tournage en extérieur et que le monde a probablement plus d’idées à montrer que lui pourrait jamais en faire sortir de son imagination. À l’occasion également, dans certains films si je me rappelle bien (notamment Europa), l’outrance ou le sentimentalisme hystérique pouvaient déjà être de mises. Et cela, il l’a mis au cœur de son « système » pour établir le style de Breaking the Waves. Il l’a même laissé éclater cette outrance, au point qu’on parlait à l’époque de mélodrame. Tout cela, grâce à la performance d’Emily Watson notamment (et plus tard sur le même principe avec Björk). S’il semble encore si peu s’intéresser aux histoires, au moins Lars von Trier comprend qu’il peut déléguer la chose à des acteurs qui, un peu à l’image d’une Falconetti dans La Passion de Jeanne d’Arc, arriveront à capter tout l’intérêt et la sympathie du spectateur, chose qu’il n’aura alors donc plus à faire ; mais des acteurs, aussi, appréciant tout comme lui verser dans l’extrême, la passion, l’exubérance… À tel point qu’on pourrait même presque non plus parler de mélodrame réaliste, mais carrément de naturalisme (presque : parce que ce serait ignorer le désintérêt pour le cinéaste pour le réel, paradoxalement, le naturel ici est employé comme un effet, une pâte, un rendu, à tel point que personnellement j’irais même jusqu’à qualifier ce cinéma d’expressionniste). Quand chacun s’applique à essayer de définir un style à travers des termes en isme, c’est que quelque chose se passe. On ne sait pas qui a raison, mais tout le monde est d’accord pour parler la même langue, ou du moins le même mode : l’interrogatif.

Le cinéaste danois avait fini de tâtonner : il avait trouvé un style qui faisait mouche. Or comme souvent, quand un film atteint son public, autrement dit s’il arrive à toucher une grande variété de spectateurs, ça relève un peu du miracle ou du hasard. Quand on ne croit ni à l’un ou à l’autre, on parle élégamment de sérendipité. Un phénomène auquel les artistes ne sont pas étrangers : Lars a tellement expérimenté jusqu’à Breaking the Waves, qu’il a trouvé un style, certes qui lui est (ou lui était) propre, mais qui tout d’un coup a convaincu tout le monde. Quand on cherche, on trouve. Pas forcément ce dont on cherchait au départ, mais voilà : tout d’un coup, il se passait quelque chose. D’à la fois novateur et de rigoureusement traditionnel (ça pourrait être la définition d’un chef-d’œuvre vu qu’aucune de ces œuvres majeures n’a en réalité été inventée à partir de rien).

Pourquoi est-ce que j’évoque pendant tout ce temps Lars von Trier et Breaking the Waves ? On m’a sans doute vu venir : on trouve dans les films de Terrence Malick de nombreuses correspondances avec ce cinéma qui avait tant réveillé les spectateurs et la manière de faire des films. Je crois l’avoir déjà dit en d’autres circonstances : on ne fait plus des films de la même manière depuis Breaking the Waves. (Peut-être même que ce cinéma-là a été inspiré par la télévision : Urgences, notamment).

Aujourd’hui, ce qui reste dans la manière de filmer, c’est surtout une chose : la caméra est mobile. Elle ne glisse même plus comme avec un steadicam : il faut que l’image bouge comme si la scène était filmée au caméscope (les jeunes ne savent plus ce que c’est). Il faut rappeler qu’avant ça, les années 80 étaient encore marquées par l’influence dans le cinéma hollywoodien des cadres propres, néoclassiques, imposés par Lucas à toute une génération de cinéphile, puis d’un Ozu pour beaucoup de cinéastes moins « commerciaux ». Si un Tarantino par exemple ne s’est jamais aventuré là-dedans*, une grosse partie de la production à la fin du siècle s’est mise à proposer des cadres filmés à la Parkinson. C’est encore une constante aujourd’hui, et pour tous les types de cinéma (peut-être même plus pour le cinéma commercial, paradoxalement).

*

D’autres propositions techniques lancées ou réexploitées par Lars von Trier ont fait leur trou dans le style (ou la mode) nouveau qui était en train de se normaliser pour les années à venir. Parmi elles, le jump cut. C’est étonnant de voir à quel point un procédé utilisé à l’origine par Godard servant, à mon sens, beaucoup plus comme un effet de distanciation sur le public (parce que le spectateur se sent sortir tout d’un coup de la continuité invisible du film) est devenu un passage obligé pour dynamiser un montage, abreuver le spectateur d’images, et ainsi le noyer derrière elles (ce qui hypothèque toute possibilité de mise à distance de l’image et donc de la situation, du sujet ou du film). Lars von Trier avait eu l’idée de monter ainsi des plans parfois improvisés par les acteurs sans se soucier de la continuité et des soucis de faux raccords parce qu’avec une caméra mobile, d’une part, c’était devenu impossible à régler sur un « plateau » (souvent en extérieur), et d’autre part parce qu’il s’est très vite rendu compte qu’une fois passé le souci de continuité (quand on fait jump cut sur jump cut, on est obligé de ne plus s’en étonner), le procédé pouvait s’apparenter à une ellipse. Voilà comment une contrainte technique est devenue une proposition, puis une norme narrative. Lors du montage se posait alors beaucoup moins la question du raccord (mouvement, temporalité) que la quantité d’informations, d’expressions, d’actions pouvant être délivrées ainsi au regard du spectateur dans une même séquence. Les personnages n’ont plus à arriver ou sortir des pièces, traverser des couloirs, faire quelques pas pour rejoindre un partenaire : on taille dans le gras, on ne garde que des plans où l’interaction est franche et immédiate (une action, une émotion, une ou deux répliques tout au plus : on est revenu au bon vieux « une idée un plan » d’Abel Gance). On gagnait alors en densité, c’est vrai, mais on perdait à mon avis en élégance, et surtout ça laissait beaucoup moins le temps à l’imagination et à la réflexion du spectateur de se développer (j’y reviendrai plus tard).

Globalement dans ce cinéma, on n’a plus le temps de voir. On subit plus qu’on ne regarde. C’est bien pourquoi c’est avant tout le cinéma commercial qui s’est emparé du filon (avouez que c’est amusant : Godard influençait un demi-siècle plus tard le cinéma commercial — après une parenthèse timide parmi les cinéastes du Nouvel Hollywood sur ce procédé seul — à confirmer).

Une vie cachée, Terrence Malick (2019) | Fox Searchlight Pictures, TSG Entertainment, Elizabeth Bay Productions

L’un des autres éléments techniques, stylistiques, et, il faut bien le concéder, narratifs, qui s’est fait en réaction, ou en complément, avec le cinéma de Lars von Trier, c’est l’utilisation quasi systématique de la musique d’accompagnement. Et pas n’importe quelle musique. Quand les trois quarts de la durée d’un film sont accompagnés pour prendre le spectateur par la main, ce n’est plus du cinéma, c’est de l’opéra d’ascenseur. Rarement, bien sûr, il n’était, au départ, question de musique narrative : il est plus question de musique comme son nom l’indique « d’accompagnement », servant à illustrer, souvent de manière invisible, une séquence, et ainsi diriger émotionnellement le spectateur. Mais force est de constater que quand tout un film est orchestré, malgré la pauvreté de la musique proposée, elle finit par diriger la structure du récit, peut-être même plus qu’un découpage. Quand on utilise une musique spécifique (pas une musique d’ambiance, mais une identifiable parmi d’autres, une qu’on remarque) pour ralentir, accélérer le rythme, illustrer un état émotionnel ou une avancée dramatique par l’intermédiaire d’un montage-séquence (presque toujours accompagné musicalement), cela a un sens narratif ; quand on ne fait plus que ça tout du long avec de la musique d’ascenseur (ou d’ambiance), quel sens narratif cela peut-il avoir ? On se croirait parfois retourné au temps du muet quand les séquences « dialoguées » se faisaient par l’intermédiaire des cartons : moins il y en avait, plus c’était parfois vu comme une qualité. Plus question d’ailleurs de « morceaux », mais bien de musiques d’accompagnement, d’ambiance, sans grande structure, étirée sur deux ou trois notes. Ce que j’appelle « musique de sèche-cheveux » ou comme ça m’est arrivé pour Dunkirk, « musique de broyeur sanitaire ».

Que reste-t-il de tout ça dans le style de Terrence Malick ? Eh bien à peu près tout. Tout cela ou presque était déjà présent dans La Ligne rouge (postérieur à Breaking the Waves), mais à ce moment, il était encore contraint de suivre les codes, non pas du dogme 95, mais des studios et donc de leurs impératifs commerciaux : si le style et le traitement changeaient, le sujet était résolument « commercial ». Malick préférant filmer les nuages et les petits oiseaux, pas sûr que ses manières aient plu à Hollywood, mais un tel cinéaste, appréciant tout comme Lars von Trier, aussi (en plus de la pluie) les acteurs excessifs, ce n’était pas difficile pour lui de trouver des acteurs pour ses prochains films (surtout compte tenu de l’aura qui était alors la sienne après plus de deux décennies retirées dans sa grotte). Malick devint ainsi un cinéaste de festival et le chéri des cinéphiles en quête de nouveaux héros (comme je l’avais été quinze ans plus tôt). Beaucoup sans doute pour les nouveaux sujets abordés dans ses films, peut-être moins pour sa capacité à sentir l’air du temps en matière de style, à se l’approprier, jusqu’à en faire un style bien établi, à la fois héritier de Lars von Trier donc, mais aussi de beaucoup d’artifices (désolé de le dire ainsi mais c’est comme ça que beaucoup de ses procédés m’apparaissent) si bien utilisé à notre époque, tant dans le cinéma commercial qu’indépendant.

Qu’est-ce qui caractérise finalement le style malickien ? Un style qui s’appuie encore sur des mouvements de caméra à l’épaule ; mouvements qui ne peuvent toutefois être trop violents parce que du fait des optiques à grande profondeur de champ, les distorsions de l’image seraient trop grandes si le cadre embrassait trop de décors dans un même mouvement. Et la nausée est évitée grâce aux jump cuts, assez fréquents. Donc le cadre est mouvant, libre, en permanence, mais si on va de droite à gauche ou de bas en haut sans problème, on suit rarement un même mouvement dans sa continuité (tout au plus on verra deux ou trois mouvements, ensuite, on coupe). Ça donne certes une impression de liberté au cadre, plutôt appréciable, et le montage rapide permet de passer très vite à autre chose. C’est ainsi que Malick use prioritairement de plans rapides (2 ou trois secondes en moyenne, je dirais), et il peut ralentir le rythme quand il lance un chapitre nouveau, une séquence importante faisant avancer « l’intrigue » (ici, ce qui fait avancer le simple devenir de notre personnage principal face à son idée fixe : ne pas faire allégeance à Hitler et refuser de se faire soldat). Ce qui change diamétralement avec 1996, c’est donc l’usage intensif de la musique : elle va s’intégrer rapidement à la séquence pour déclencher un autre niveau de narration qui est presque toujours un montage-séquence.

Je le dis souvent, je préfère de loin le montage-séquence au plan-séquence. Il est pour moi plus inventif, et permet beaucoup plus de possibilités narratives assez proches de celles de la littérature. Seulement, avec des réalisateurs comme Coppola ou Scorsese, spécialistes du procédé, et vénérés par la génération des réalisateurs du nouveau siècle, on a assisté à une inflation du temps octroyé aux montages-séquences dans les films. Le procédé est traditionnellement utile pour ponctuer un film, le faire respirer, passer d’un chapitre à l’autre ou au contraire pour servir de climax opératique dans un finale (Coppola l’utilise souvent ainsi). C’est une inflation remarquable principalement dans le cinéma américain : David Fincher, Sofia Coppola, Aronosky, sont des habitués du procédé.

Là où la sensibilité du spectateur que je suis commence à se montrer susceptible, c’est quand des cinéastes ne semblent faire plus que des montages-séquences. Et parmi ceux-là, Malick.

Le système de Malick est rodé. Pratiquement chaque séquence obéit à la même logique : pour commencer, le rythme est lent, on s’installe dans un décor (souvent un paysage), puis un personnage (secondaire souvent) vient faire avancer l’action, des dialogues se mettent alors timidement en marche, on est encore là dans du Lars von Trier de 1996, parfois avec la même fougue sentimentalo-spirituelle et la même poésie ; et puis tout d’un coup, comme si Malick ne faisait pas confiance au propre rythme de la scène, à sa force évocatrice, dramatique, il commence à y intégrer de la musique ; une musique venant très vite lancer à son tour une première gorgée de montage-séquence, parfois en flashback (par exemple pour suggérer qu’un personnage repense à des événements passés et heureux), parfois en montage alterné (pour mettre en parallèle les situations du mari, puis de la femme, une fois séparés), et cela ne s’arrête plus jusqu’à la fin de ce qu’il faut bien appeler un « chapitre », généralement identifiable par un noir. Le noir fini, on tourne la page, et on repart pour une séquence : nouvelle entrée en matière lente, plusieurs plans situant les décors, une situation qui sera bientôt altérée par un élément perturbateur, etc., et presque toujours Malick refuse de s’installer dans la scène, lance l’artillerie grinçante des violons et le montage-séquence. Cela ne devient plus qu’un cinéma de montage-séquence dictant presque à chaque seconde par le montage dense et la musique directrice (plus que de contrepoint) ce que le spectateur doit voir, penser et ressentir. Il y a des variations à tout cela bien sûr, mais globalement, c’est ainsi que s’articulent les séquences de Terrence Malick.

De ce que j’en comprends, ce n’est pas le côté systématique de la méthode qui me gêne, au contraire, j’aime bien les schémas circulaires, le recours à des techniques ou procédés récurrents… Non, ce qui me gêne, et me laisse sur le carreau dans ce système, c’est qu’on n’entre jamais dans le cœur du sujet, et qu’au lieu de proposer un cinéma dramatique (basé sur l’action, les conflits, la contradiction, l’opposition, comme un bras de fer permanent entre différentes forces et protagonistes), Malick ne propose plus qu’un cinéma illustratif.

Je m’explique. Pour développer une intrigue, un conflit, un problème, une opposition, dans un film ou une histoire toute simple, ça passe par des scènes. À l’intérieur de scènes, on y trouve des dialogues, souvent des échanges de regards, des silences, pour essayer de comprendre l’un ou l’autre personnage. Des personnages qui se tournent autour, s’évitent, se touchent (de la mise en scène, quoi, celle avec des acteurs, pas des caméras). Chaque histoire procède de cette manière, avec des scènes qui se développent, puis une ellipse, et une autre qui commence, etc. Quand toutes les séquences, ou presque, ont vocation à devenir des montages-séquences, tout l’intérêt dramatique, toute la tension créée par les acteurs autour des enjeux particuliers de leur personnage et de conflits plus ou moins explicités, tout le cheminement « naturel » d’une séquence pour arriver à une conclusion, puis forcer un noir de transition pour passer à une autre séquence obéissant à ces mêmes principes, eh bien, tout cela n’existe plus. Que devient la matière dramatique proposée par Malick à chaque nouvelle entrée en matière ? Elle s’évanouit peu à peu derrière une suite d’images illustrant une situation sans jamais la faire avancer : cette matière dramatique reposant traditionnellement sur l’avancée dramatique de la séquence, toute cette dramaturgie du conflit verbalisé, frontal, entre deux forces (qu’elles s’opposent ou qu’elles s’allient pour faire corps contre une autre force hors champ) se faisant face dans un même espace, ce que pardon, on peut littéralement traduire par « mise en scène », eh bien presque tout ça chez Malick se fige d’un coup dès que la musique est lancée. Tout ne devient plus alors qu’illustration et expressions faciales.

Et sur ce dernier point, il est peut-être important de rappeler qu’une expression ne provoque pas toujours une émotion : l’émotion, c’est au spectateur de la ressentir, pas à l’acteur, surtout quand il ne dispose que d’à peine quelques secondes pour exprimer, expurger presque, quelques émotions rarement bien finaudes. Prenons l’idée d’une bombe : montrer une bombe, puis une autre, et encore une autre dans une surenchère de répétitions absurdes, ne provoquera pas plus de peur chez le spectateur. Ce qui émeut, c’est de savoir d’où elle vient, où elle va et à qui elle est destinée, ainsi que les probabilités qu’elle explose. La surenchère « substantive » de diverses émotions répliquées dans un montage-séquence de quelques dizaines de secondes n’augmente pas l’émotion chez le spectateur, il la noie.

Quelques exemples. Imaginons que l’enjeu dramatique d’une séquence soit de « mettre en scène » l’humiliation d’un personnage (il y en a beaucoup dans le film : la femme qui finit par être une pestiférée dans le village ; l’homme maltraité par ses gardes, etc.). Dans une mise en scène classique, on va s’évertuer à développer une scène dans sa continuité, avec des rapports de force allant parfois crescendo basés sur des principes simples d’action-réaction (tension entre deux personnages, l’un dit à l’autre de s’asseoir sur une chaise, par exemple, l’autre s’assied, puis le premier enlève la chaise, l’autre tombe, puis se relève, humilié, nouvelle tension, jeu de regard, de corps, etc.). Que fera Malick avec la même situation de départ ? Il va la filmer cinquante fois (le plus souvent probablement avec de l’improvisation en demandant aux acteurs de proposer chaque fois quelque chose de différent) et se retrouvera ainsi avec assez de matière au montage pour proposer une séquence courte, souvent répétitive (avec des variantes de lieux et de personnages par exemple, comme quand Malick décrit les relations de la femme avec les villageois par une suite de situations très courtes, humiliantes, mais répétitives parce qu’elles illustrent une même idée), et usera de pas mal de jump cuts pour remédier aux soucis des raccords et capables d’illustrer en une succession de mini-situations identiques une situation plus générale…

On pourrait, à ce stade, parler de densité. C’est vrai, c’est dense. Mais la répétition d’une même image (ou même situation censée illustrer la même émotion) apporte-t-elle chaque quelque chose de plus significatif pour un récit ? N’est-ce pas plutôt une densité de façade ou au mieux une simple collection d’illustrations identiques ? Quand je fais des énumérations, quand je multiplie les phrases nominales, les virgules, les paraphrases, est-ce que je raconte une histoire ou est-ce que je m’enlise ?

Mon problème, il est là avec le style de Malick. Il monte un film (plus qu’il ne le met en scène) comme moi j’écris des commentaires de films.

On entend souvent dire par ailleurs, depuis vingt ans, que Malick propose un cinéma contemplatif. Contemplatif parce qu’il filme les nuages, la pluie, les chenilles ou les bambins dans les bras de leur papa ? Est-ce que regarder cinquante images par minute sur Instagram, c’est contempler ces images ? À ce rythme, on ne contemple pas. On subit. Et on like.

Beaucoup de jolies images dans son film, c’est vrai. Mais la contemplation n’est-ce pas avoir le temps de regarder ? Je n’ai rien contre la vitesse, il faut de la densité pour raconter une histoire, mais il faut aussi un temps pour apprécier la pesanteur d’un regard, d’un paysage si, à ce moment de l’histoire, il dit quelque chose sur l’état d’esprit du personnage. Si tout est rapide, même quand on illustre cent choses lentes, plus rien ne l’est. Si on ne nous laisse pas libre de regarder, on ne voit rien, et ce qui reste ce sont des images imposées. Un paradoxe. Malick, cinéaste de la contemplation ? Quand dans son cinéma nous laisse-t-il le temps de profiter des images, d’une ambiance ? Qu’il laisse notre esprit vagabonder dans son film, bon sang ! essayer de percer les secrets de ses personnages, assister à leur doute, à leur colère !… Qu’il nous laisse notre part de spectacle, celle qui fait intervenir l’imagination. L’imagination, elle ne naît pas en multipliant les images à la place du spectateur, mais au contraire en le laissant libre de regarder, de se perdre dans le cadre, libre de se laisser émouvoir par un regard qui dure plus de deux secondes ! C’est un peu comme dans le montage (raté) de Luc Besson dans Le Cinquième Élément quand son personnage principal regarde sur un écran une suite de catastrophes, d’images d’archives émouvantes, d’enfants en pleurs ou de champignons nucléaires… On ne ressent rien dans le film : on voit juste un personnage l’être, mais ces images, à nous, lancées à une telle rapidité, ne peuvent pas nous émouvoir. L’émotion, elle se fait sur la durée. Si on la commande, cela devient une injonction. C’est bien pourquoi certains ramènent Malick à la publicité. Pas à cause des jolies images, mais parce que ses montages-séquences (les publicités en sont pratiquement toujours) au lieu de provoquer de l’émotion ne sont que des injonctions émotionnelles : « Pleure ! », « Indigne-toi ! », « Aie pitié ! » « Ressens la joie ! »…

Ben, non.

Et cela, je serais d’autant moins susceptible de l’accepter qu’il y a une autre particularité dans ce style malickien qui me jette totalement hors de ses films. Outre « l’illustrationnisme impératif » de son style, c’est également son « néo-expressionnisme » qui me gêne. Pas un expressionnisme dans lequel les décors serviraient à illustrer (toujours) l’état d’esprit psychologique d’un personnage, mais un expressionnisme qui serait une recherche permanente de l’excès émotionnel de ses acteurs. Je le dis plus haut, c’est précisément la voie vers laquelle Lars von Trier s’engouffrera après quelques expérimentations. Pourtant, dans Breaking the Waves, les excès me paraissaient justifiés, et c’était peut-être d’autant plus efficace pour moi que le personnage principal masculin étant physiquement entravé dans ses mouvements, les excès de jeu d’Emily Watson me paraissaient être une réponse logique face à la frustration que son personnage et son partenaire pouvaient ressentir. C’est souvent la contrainte qui légitime les excès…

Quelles sont les contraintes exposées dans Une vie cachée ? Bien sûr, le personnage principal refuse de s’engager dans l’armée, mais est-ce que c’est une contrainte assez forte, ou assez bien exposée, pour créer une frustration qui sera elle-même suivie d’excès émotionnel ? Comme si Malick se moquait d’exposer les contraintes de départ provoquant une frustration, qui elle-même justifierait des excès, et que son seul objectif était d’illustrer les excès émotionnels de ses personnages sans en montrer la cause (ce qui pourrait être une révision extrême du principe bressionnien selon lequel il faut montrer les conséquences, mais les causes). Comment adhérer à ça ? Pour qu’il y ait « pitié », au sens quasi aristotélicien, sympathie et identification avec les personnages, il faut qu’on comprenne l’origine, le cheminement, justifiant leurs excès. Montrer un personnage qui pleure sans me montrer pourquoi il pleure ne me fera pas participer à son émotion. Le voir hurler pour je ne sais quelle raison ne me fera pas partager ce qu’il ressent…

Mais nous ne sommes peut-être pas tous égaux en tant que spectateurs. Comme nous ne le sommes pas en tant qu’acteurs… Je vais évoquer brièvement mon expérience d’acteur. Dix ans de théâtre amateur, j’ai pu remarquer certaines différences d’appréhension du métier parmi les acteurs. Pour faire court, il y a les acteurs réfléchis (froids) et les sentimentaux (les excessifs). Les deux s’entendent rarement. On pourra le deviner, j’étais classé parmi les acteurs froids. Et je n’ai pas beaucoup de respect pour les acteurs excessifs. Parce que, pour eux tout, est paradoxalement facile : il suffit d’en faire toujours trop et le tour est joué. La question de la justesse ne se pose jamais. Pas plus de celle de l’efficacité sur le public, de la cohérence avec le personnage ou la pièce jouée. Seul compte, l’émotion (même pour dire : « passe-moi le sel »). Or, une bonne partie des acteurs (et des spectateurs qui les suivent, puisqu’une grande partie de ces acteurs ne sont rien de plus que des spectateurs qui s’émeuvent à leur place) sont des acteurs excessifs. Je me suis prêté une fois à l’exercice, afin d’aller dans leur sens (moi aussi, j’aime expérimenter) : j’ai fait n’importe quoi, mais je m’étais amusé à « ressentir » le plus possible (en réalité, on ne ressent rien, on fait semblant, et plus gros c’est, plus ça passe), et là les compliments avaient commencé à pleuvoir. On se serait cru dans un film de Lars. Bref, tout ça pour dire que ces acteurs non seulement m’insupportent, mais les mauvais metteurs en scène qui les laissent faire ou les encouragent encore plus. Surtout, je les trouve dangereux. À regarder de loin comme ça des acteurs qui hurlent, ça peut paraître anodin. Mais si les émotions peuvent se fabriquer, jouer avec son corps comme d’un instrument auquel on ne prend pas soin, peut réserver quelques mauvaises surprises. Le problème, c’est que bien souvent ces acteurs, dans leurs excès, sont physiquement incontrôlables. Parfois, ils se blessent ou blessent les autres. Quand je vois par exemple l’actrice dans Une vie cachée s’acharner sur une pauvre clôture en bois après avoir raclé de ses mains la terre de rage…, à aucun moment, je n’entre dans son jeu ou ne suis ému. Je me demande juste ironiquement si comme Joaquin Phoenix, la chance de se blesser dans sa furie ne lui permettra pas de glaner un prix d’interprétation quelque part… Non, je n’aimais déjà pas beaucoup ces manières en tant qu’acteur, je ne les cautionne pas beaucoup plus en tant que spectateur. Quelqu’un qui perd son sang-froid, à l’écran ou dans la vie, on le regarde avec distance, pas avec compassion. C’est d’ailleurs tout l’effet que me laisse le cinéma de Malick : une grande et permanente mise à distance. Involontaire cela dit. Je suis bien persuadé que Malick est convaincu que tous ses procédés sont immersifs pour son public. Et sans doute pour certains l’est-il. Pas pour moi.

J’en reste là. Désolé pour l’écriture en montage-séquence. Pas la force de revoir tout ça au montage. Vous auriez mis une petite musique d’accompagnement par James Newton Howard ou Hans Zimmer, et ç’aurait été sans doute une épreuve moins difficile (ou peut-être pas).


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Peppino et Violetta, Maurice Cloche (1951)

Note : 2.5 sur 5.

Peppino et Violetta

Titre original : Peppino e Violetta

aka : Never Take No for an Answer

Année : 1951

Réalisation : Maurice Cloche

Le cahier des charges respecté à la lettre pour une soirée en famille (catholique). Pas beaucoup de cinéma, beaucoup de bons sentiments. Un orphelin vagabond qui vit seul avec son ânesse en gagnant sa croûte en proposant ses services et ses sourires de garçons bien élevés dans la ville où il habite (Assise), mais qui a l’idée d’aller voir le pape après que son ânesse tombe malade… Et c’est une jolie histoire qui commence, parce qu’on se doute bien qu’avec un peu de volonté et de foi, les petits garçons serviables arrivent toujours à gagner les faveurs des pédophiles. Pire qu’une heure de catéchisme.

Les films montés avec des financements épars européens suite à un succès d’estime outre-Atlantique ne datent pas d’hier. Maurice Cloche tourne de festival en festival avec Monsieur Vincent en 1947, jusqu’en Amérique où son film participe à quelques événements de la critique américaine (voir les nominations sur la page IMDb du film), et manifestement, ça crée des liens pour concrétiser ses prochains projets (les méthodes de la politique des auteurs ouvrant grand les portes des festivals et des productions « indépendantes » ne datent pas d’hier). Donc celui-ci (de projet) est financé et réalisé en Italie (Monsieur Vincent aura sans doute aidé à tourner au Vatican pour celui-ci) et se retrouve également avec des financements britanniques (et un acteur irlandais dans un rôle principal). Les historiens du cinéma et critiques de l’époque préfèrent fermer les yeux, et à juste titre. C’est digne d’une bonne soirée à l’ORTF.


Peppino et Violetta, Maurice Cloche 1951 | Constellation Entertainment, Excelsa Film

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Conjuring : Les Dossiers Warren, James Wan (2013)

Baptisez-vous mécréants !

Note : 1 sur 5.

Conjuring : Les Dossiers Warren

Titre original : The Conjuring

Année : 2013

Réalisation : James Wan

Le film d’épouvante a de particulier qu’il obéit en général à la même trame qu’un film de boules. Toutes les scènes de cul, ou d’épouvante, sont intercalées de séquences explicatives qui n’ont qu’un seul but : nous faire entrer dans un nouveau décor, une nouvelle situation, jusqu’à ce que les vêtements tombent ou les portes claquent. Et puis, plus ça va, moins on s’embarrasse avec une situation, on va direct à l’essentiel, jusqu’à une longue scène finale, ici d’épouvante, sorte de méga partouze avec le diable. On joue le jeu, chacun sait pourquoi il vient, parce qu’en réalité, on ne vient jamais… pour l’histoire.

Les problèmes commencent quand on vient nous expliquer qu’une histoire, il y en a une. Pire, qu’elle est vraie (enfin, racontée par des mythomanes qui ont fait leur blé sur la crédulité des gens fragiles — non, je ne parle pas de Hollywood). On voit ça ironiquement évoqué dans The Nice Guys que je n’ai pas commenté, mais où, grosso modo, des professionnels du porno prennent prétexte de faire un film de boules dans le but de faire passer un message autrement plus politique… Personne ne peut prendre ça au sérieux. Pourtant, si, dans The Conjuring, on se prend tellement au sérieux qu’on nous rappelle en introduction, et en conclusion, que tout cela est vrai. Même, cerise sur le gâteau, que Dieu et le diable existent (peut-être bien qu’ils ont vu le film ensemble d’ailleurs, relaxes sur le canapé). Des démons, j’en n’ai jamais rencontrés, en revanche, des escrocs qui prétendent en avoir vu, ça existe, et je pourrais (con)jurer sur la Bible qu’on en trouve une bonne pelletée derrière ce film.

C’est du cinéma, ça ne fera peur qu’aux enfants et aux personnes fragiles. Les autres hausseront les épaules et continueront leur chemin, lentement, vers le cimetière d’où ils auront la certitude de ne jamais revenir. Et de ne plus emmerder qui que ce soit. Seuls hantent nos villes, les escrocs de passage qui tapent à la porte et spéculent sur nos peurs. Fuyez, diable !



 

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