Parade d’amour, Ernst Lubitsch (1929)

Note : 3.5 sur 5.

Parade d’amour

Titre original : Love Parade

Année : 1929

Réalisation : Ernst Lubitsch

Avec : Maurice Chevalier, Jeanette MacDonald, Lupino Lane, Lillian Roth

Peut-être le premier film entièrement parlant parfaitement abouti. Une qualité suffisante pour donner le ton à dix ans de comédies musicales et de screwball comedies (en particulier la comédie de remariage).

La même année, Hallelujah de King Vidor peut encore intégrer des aspects de « feu » le cinéma muet. Ainsi, l’un donne le ton pour la suite ; l’autre est une singularité « champêtre » et populaire au milieu de productions en studio, dédiées au public blanc. Le reste des productions est encore massivement muet : L’Isolé et La Femme au corbeau, de Frank Borzage, Queen Kelly, d’Erich von Stroheim. Et la Paramount compte sur le parlant et la scène de Broadway pour faire face à la crise : les Marx Brothers apparaissent pour la première fois dans le « all talking-singing musical comedy hit » Noix de coco. Et le premier Broadway Melody de la franchise est un désastre pour la MGM parce que si un « talking movie » se doit d’être musical, Harry Beaumont n’a aucune idée de comment réaliser un film sonore. Ce qui paraît aujourd’hui évident ne l’était pas. Sauf peut-être quand on regardait l’efficacité déjà bien aboutie et la transparence des réalisations des films burlesques (c’est d’ailleurs un peu eux, déjà, avec Chaplin, qui avaient dicté les codes). On peut retrouver certains de mes commentaires concernant ce passage délicat du cinéma muet au cinéma parlant à travers cette étiquette.

La technique au point, c’est une chose de faire appel au music-hall, comptant un certain nombre de codes en commun avec le cinéma burlesque (si Groucho Marx peut se permettre les regards caméra — l’équivalent d’un aparté sur la scène —, c’est que le burlesque l’autorisait, comme chez Laurel et Hardy), c’en est une autre d’oser adapter à l’écran le style de l’opérette. Si les séquences dialoguées à l’écran offre une expérience nouvelle aux spectateurs et réclament un coup à prendre pour les metteurs en scène (surtout au niveau du rythme ; le cinéma muet mêlait déjà des champs-contrechamps tout en ayant recours aux répliques sur « carton »), rien ne dit que la spécificité de l’opérette qui est de passer tout à coup au chant soit adaptée à ce nouveau cinéma sonore.

Après tout, le cinéma n’avait eu de cesse depuis vingt ans de prendre ses distances avec tout ce qui ressemblait de près ou de loin au théâtre.

Ce sont de nouveaux codes qui doivent émerger. L’opérette se rapproche effectivement du théâtre, voire de l’opéra, s’impose alors une évidence : alors qu’une partie de l’efficacité du cinéma reposait depuis quinze ans sur le montage, sur le montage alterné plus spécifiquement, avec une opérette, on en revient à des séquences inspirées de la scène avec ses entrées et ses sorties. Quel retour en arrière ! (Même si tout l’art consistera aussi à intégrer des éléments de montage alterné pour casser le ronron de l’espace-temps hérité du théâtre.)

Le cinéma muet était en 1929 à l’apogée de son art avec cette capacité à structurer le temps et l’espace à la manière presque désormais de la littérature. Certains pouvaient même rêver de voir ce langage imposer une forme de communication universelle ! Un petit homme avec une moustache rectangulaire allait-il réunir la planète après la boucherie de la Grande Guerre ?… Non. Chaplin s’accrochera encore un certain temps au muet (même si ses films n’ont en réalité jamais été spécifiquement « muet ») et un autre petit homme avec une moustache ridicule rêvera de répondre à sa manière à la Première Guerre mondiale… (En en faisant une seconde.)

Seul le cinéma burlesque obéissait donc encore à ces principes d’un langage théâtral. Et c’est peut-être parce que Lubitsch vient de cette culture qu’il a compris le potentiel d’un retour à un cinéma moins basé sur le montage, plus parlant, plus chanté, dans lequel le quatrième mur pouvait être allègrement traversé (ironiquement, on en reviendrait même au temps des Grecs quand un chœur ou un coryphée pouvaient ponctuer « l’action »). L’opérette sera crédible avec ses passages incessants entre parlant et chant parce qu’elle l’a toujours été sur scène.

Les bons mots, les froufrous et les moulures au plafond vont remplacer les décors pompiers, les surimpressions et les mouvements sophistiqués de caméra. L’âge d’or du cinéma classique à Hollywood est lancé. Et paradoxalement, Broadway lui servira de source principale.

La réalisation de Lubitsch passe par une grande simplicité. Comme certains acteurs du muet ont très vite montré leurs limites à l’arrivée du son, j’ai déjà évoqué ici certaines difficultés de certains réalisateurs à trouver le bon angle et la bonne distance avec les nouveaux usages, plus simples, plus directs, du cinéma sonore (je renvoie une nouvelle fois à cette étiquette).

Lubitsch a compris tout de suite de quoi « il en retournait ». Mais se contenter de quelques champs-contrechamps ou de panoramiques d’accompagnement en plans rapprochés ne vous aidera pas pour autant à réaliser un bon film : hé oui, désormais, ces satanés acteurs, il va falloir les diriger !

Fini la pantomime ! fini les répétitions ou les temps morts qu’on arrive à récupérer au montage ou en foutant un carton ! Les acteurs doivent non seulement trouver le ton juste, comprendre la situation, adopter les mimiques adéquates, être à l’écoute de leur partenaire, trouver un volume sonore adapté au cinéma. Tout cela ne s’improvise pas. Tricher avec des astuces du cinéma muet ? N’y passez pas, la voix trahira les mauvais acteurs, quoi que vous puissiez inventer pour les diriger ou tromper le public.

Pour une opérette comme celle-ci, c’est des semaines de répétitions. Cinéma ou pas, on ne peut pas se reposer sur la possibilité du montage pour diriger en direct un acteur, couper, et refaire. Champs-contrechamps ou pas, il faut respecter un certain rythme, une continuité temporelle et de ton. Plus difficile encore, il faut inventer tout un travail visuel de sous-texte que seuls les acteurs de théâtre (ou de music-hall) sont capables d’offrir (tout en l’adaptant à la distance de la caméra). On chante, on parle, mais plus étonnant déjà : on murmure, on parle naturellement. La révolution n’est pas « parlante », elle est « murmurante » !

Imaginez l’effet sur le public d’un Français qui lui murmure aux oreilles ! » Oh, Maurice ! Oui, Maurice ! Susurre-moi encore ces mots doux, ces mots de tous les jours et ça m’fait quelque chose… » (Wrong track.)

L’année suivante, la MGM assurera la publicité du premier film parlant avec Greta Garbo avec le slogan « Garbo talks ». La Paramount aurait tout aussi bien pu lancer l’ère des comédies musicales avec le slogan « His name is Maurice. He sings, he oui-spurs! ». Des murmures qui sont autant d’éperons dans le cœur de ces dames… « Touché! »

« Oui-oui. »

Plus que jamais, celui qui dirige cela doit connaître le travail avec les acteurs… de théâtre. Et un peu comme chez Shakespeare, la trame romanesque principale se trouve rehaussée et mise en relief par une seconde : celle des domestiques. Si le jeu entre Maurice Chevalier et Jeanette MacDonald se révèle typique de l’opérette, avec une pointe de théâtre de boulevard, le jeu des deux domestiques, en revanche, relève bien plus du music-hall dans un mélange typique, cette fois, du Broadway des revues de Ziegfeld, supervisées et théorisées par Ned Waybur.

La spécificité de ce duo de domestiques (rappelant le couple Béatrice/Bénédict de Beaucoup de bruit pour rien dans sa manière d’imiter le couple principal de la pièce), c’est qu’il allie techniques de danse, humour et acrobatie. Le couple présente une différence de taille, en faveur de la domestique, et cela ajoute au ridicule de leurs silhouettes quand elles s’animent. Maintenant que Hollywood se tourne vers le sonore, c’est tout naturellement qu’il pillera les usages de la scène de Broadway. Dans beaucoup de comédies musicales à venir, on retrouvera ce principe, l’alliance de l’humour et du glamour. La comédie musicale intégrera soit des éléments burlesques (et acrobatiques), soit des éléments de danse de salon (soit les deux). Les deux personnages principaux, de leur côté, ne dansent pas comme plus tard Astaire et Rogers pour la RKO, mais ils auraient pu. Eux restent dans le registre de l’opérette.

Pour ce qui est du fond de l’affaire (l’histoire), la première séquence est un bijou ; les premiers échanges entre les deux futurs époux royaux prolongent un peu le plaisir ; la suite s’essouffle vite, et la fin est consternante. En épousant la reine, le futur prince consort accepte de se mettre à ses ordres. Plutôt progressiste, pourrait-on penser. Mais le prince s’ennuie et veut bientôt reprendre les « reines » du couple. Et la reine cède. C’est maintenant lui qui commandera.


Parade d’amour, Ernst Lubitsch 1929 The Love Parade | Paramount


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Les Indispensables du cinéma 1929

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Wonder Bar, Lloyd Bacon (1934)

Note : 3.5 sur 5.

Wonder Bar

Année : 1934

Réalisation : Lloyd Bacon

Avec : Al Jolson, Kay Francis, Dolores del Rio, Dick Powell, Guy Kibbee

Comédie musicale sans grandes prétentions tournée juste après la trilogie à succès de la Warner des Gold Diggers. On profite des chorégraphies kaléidoscopiques de Busby Berkeley, mais bien plus encore des pitreries chantées d’Al Jolson, l’interprète du Chanteur de jazz. Ses numéros de cabaret, typiques du music-hall de l’époque, consistent à proposer différentes vignettes chantées et dansées des cultures du monde (le bar en question possède une enseigne lumineuse écrite en plusieurs langues, ça donne le ton cosmopolite du film).

À noter quelques sketches en russe pleins de jeux de mots malheureusement incompréhensibles (un côté Marx Brothers), un duo sadomasochiste de domination du mâle sur la femme où Dolores del Rio danse et se soumet au fouet avant de poignarder son amoureux… Et surtout un finale où Al Jolson reprend son numéro qui l’a rendu célèbre, dit-on, celui du blackface : les visionneurs contemporains qui ne comprennent rien à cette représentation positive (c’est souvent le cas au cinéma) des Noirs du sud pourront être scandalisés parce qu’on y trouve un numéro rempli de centaines de blackfaces façon Busby Berkeley (disponible ici).

En réalité, ces artistes, dès l’époque du ragtime, puis avec le jazz, n’ont jamais cessé de servir de ponts entre les cultures. Si certains minstrel shows dans le Sud étaient clairement racistes, ragtime et jazz étaient dans un autre registre et ont définitivement cassé les barrières culturelles d’alors : chacun empruntait aux autres pour ne finalement plus constituer qu’une culture commune, qu’une histoire commune. Celle des artistes.

Sur d’autres extraits, Jolson reprend les gants blancs rapportés aux grooms ou aux gentlemen, costume repris quelques années après par Eleanor Powell, puis des années après par Michael Jackson, qui poursuivra et finira d’achever cette tradition de passerelles entre les cultures pour ne constituer qu’une seule communauté, celle des artistes.

Sacré interprète que cet Al Jolson : un formidable chanteur, une autorité certaine.


Wonder Bar, Lloyd Bacon 1934 | First National Pictures


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Le rehearsal movies

The Matinee Idol, Frank Capra

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Irene Cara et la fame éphémère ou miraculeuse

Théâtre

SUJETS & DÉBATS

Hommage à Irene Cara.


Irene Cara dans Fame, Alan Parker (Metro-Goldwyn-Mayer) 1980 chantant Out Here On My Own de Michael Gore et Lesley Gore (RSO Metrocolor Records)


Talent sous-exploité ou miraculeux comme des milliers d’autres, en plus des deux ou trois chansons de génériques chefs-d’œuvre des glorieuses années disco, Irene Cara apparaissait surtout dans ce grand moment « mièvre » au piano dans une des meilleures séquences de Fame :

Fabuleuse capacité d’Hollywood à ne pas exploiter des talents quand ils apparaissent. Irene Cara sera assimilée à deux grands films disco, mais si elle dansait dans Fame (et assumait un rôle de danseuse avant que les producteurs ne décèlent ses talents de chanteuse) avait plutôt un corps fait pour la danse classique, loin des standards athlétiques et mégarythmiques des années 80. Son exploitation future était sans doute prémonitoire dans cette séquence où elle joue devant une salle vide.

Fame est le film d’une jeunesse agitée, assoiffée de reconnaissance, et certaines séquences comme celle-ci servent de contrepoint à toute cette agitation.

J’avais vu ça dans les cours et écoles de théâtre à l’époque. Comme dans Fame, tous les talents s’expriment à leur manière et les élèves touchent à tout sans connaître forcément leurs points forts : on y découvre tout à coup des élèves patauds doués avec leur corps, des timides nuls dans tout trouver leur “voix” au détour d’un exercice de chant, des acteurs qu’on pensait établis dans un registre ou des seconds rôles qui se révèlent meilleurs que les autres en en abordant un autre, etc.

Dans Fame, musiciens, danseurs, chanteurs se heurtent à une pression et une concurrence féroce. Irene Cara aussi veut réussir, mais elle touche à tout sans véritablement exceller dans un art en particulier : piètre actrice (en vrai, elle a une jolie bouille, mais elle peine à convaincre dans ses quelques séquences dialoguées), corps frêle, manque d’assurance, elle finit par écrabouiller la concurrence dans cette séquence en jouant sur ces faiblesses quand justement personne ou presque ne la regarde et s’excuse même pour finir de chanter quelque chose de mièvre. Ce sont toutes ces différences et ces paradoxes qui sont parfaitement exploités dans cette séquence qui révèlent la véritable nature des métiers de la représentation.

Malheureusement, comme on le voit dans la série et le film, ces instants de grâce ne durent jamais : si le film exploite et illustre parfaitement ces moments rares appelés à ne pas se répéter, tout comme la cruauté du métier, c’est la norme dans la réalité où personne n’est là pour immortaliser ces miracles éphémères et où les réussites sont le fruit de persistance, de chance, de piston ou de malentendus. Pour que ces miracles éphémères n’en soient plus, il faut des metteurs en scène et des auteurs trouvant chez ces acteurs les parfaits messagers de leurs idées. Or, chacun travaille de son côté et les acteurs qu’on présente à l’écran seront souvent les plus réguliers, les plus volontaires, les plus agressifs, les plus prétentieux, les plus socialement établis, rarement les plus talentueux ou les plus prometteurs. On remerciera donc les producteurs et créateurs du film d’avoir su modifier la conception première du film qu’ils voulaient faire pour s’adapter à un petit miracle qui venait de prendre corps et grâce sous leurs yeux.

Deux ou trois petits tours de chant devant une salle vide et puis s’en vont… C’est aussi pour ça que cette séquence était admirable. Au milieu de l’agitation de tout le reste, elle révélait la nature profonde et paradoxale des métiers de la scène. Merci à Irene Cara d’avoir au moins incarné, un peu trop bien, à l’écran (et donc en dehors), ce paradoxe. Derrière son succès tout relatif à elle, fait comme tous les succès de malentendus et de chance, il y a tous les éclairs de génie, les petits miracles éphémères, que le public ne verra jamais. Trois ans après Fame, Irene Cara écrira et interprétera un autre monument de la musique pop pour le finale de Flashdanse, mais elle n’apparaîtra déjà plus à l’écran, Jennifer Beals jouant le premier rôle et Marine Jahan exécutant les non moins célèbres séquences dansées du film. Un petit tour et puis s’en va.



Articles cinéma :


La Danseuse des Folies Ziegfeld, Robert Z. Leonard (1941)

Trois femmes

Note : 4 sur 5.

La Danseuse des Folies Ziegfeld

Titre original : Ziegfeld Girl

Année : 1941

Réalisation : Robert Z. Leonard

Avec : Hedy Lamarr, Judy Garland, Lana Turner, James Stewart

Énième variation sur les déboires des artistes du music-hall estampillés Ziegfeld. La trame est toujours identique : on réunit une poignée de stars autour de personnages cherchant la gloire, on les met en conflit avec leur entourage, certains échouent, d’autres réussissent, etc. L’intérêt est souvent ailleurs : l’exécution et la qualité des numéros, le plaisir de suivre un rehearsal qui joue les montagnes russes et la diversité, une bonne musique, et surtout des dialogues qui font mouche. On y retrouve également quelques stars de la MGM : Judy Garland, Hedy Lamarr et Lana Turner, auxquelles vient s’ajouter James Stewart (qui n’est pas un produit du cru, mais qui sort d’Indiscrétions, comédie tout aussi typique de l’esthétique de la firme au lion).

À la manière de Stage Door, le film comporte certains accents finaux dramatiques grâce aux écarts du personnage de Lana Turner pour qui cela semble être le premier grand rôle (des écarts qui annoncent un peu ceux — toujours plus fantaisistes — des années 60). Cette noirceur attachée à son personnage, surtout, c’est un peu la saveur noire de femme fatale qu’on lui connaîtra par la suite. Mais au lieu d’être par la suite fatale aux hommes qui tombent sous son charme, c’est d’abord pour elle qu’elle sera fatale. Tout est déjà là chez la future actrice du Mirage de la vie : Lana Turner commence le film en ingénue, tout à fait délicieuse, puis, comme c’est un peu la règle à l’âge du code Hays, l’alcool sert de catalyseur pour pervertir un peu plus les filles de mauvaise vie, et c’est là qu’on aperçoit les prémices des personnages de femmes froides et inaccessibles qu’elle interprétera par la suite (dès Johnny, roi des gangsters, sorti quelques mois plus tard).

Des trois actrices principales, c’est sans doute celle qui tire peut-être le plus la couverture à elle : Judy Garland est désormais une jeune adulte, le talent inouï de la star au chant fait plaisir à voir, mais son personnage reste comme toujours assez lisse. Quant à Hedy Lamarr, il suffit qu’elle parle avec les yeux, et son numéro n’a pas besoin de s’agrémenter d’autre chose, mais son personnage n’est pas aussi bien exploité que celui de Lana Turner.


La Danseuse des Folies Ziegfeld, Robert Z. Leonard 1941 Ziegfeld Girl | MGM


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Les Indispensables du cinéma 1941

Le rehearsal movie

Listes sur IMDb : 

MyMovies : A-C+

Lim’s favorite musicals

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Pique-Nique en pyjama, Stanley Donen (1957)

The Company

Note : 3 sur 5.

Pique-Nique en pyjama

Titre original : The Pajama Game

Année : 1957

Réalisation : Stanley Donen

Avec : Doris Day, John Raitt, Carol Haney

Quel dommage de voir Doris Day si mal entourée… Ça ne devrait pas être permis de l’entourer ainsi d’un tel bellâtre sans charme dans un rôle principal. Il manque singulièrement de fantaisie, de malice et de simplicité, ce bonhomme (des types qui se prennent au sérieux, dans une comédie musicale encore plus qu’ailleurs, le spectateur ne peut pas les piffer).

L’amourette est donc ce qui plombe le plus le film, mais l’univers manufacturé proposé, je dois l’avouer, n’est pas beaucoup plus réjouissant. On notera toutefois quelques numéros dansés (chorégraphiés par Bob Fosse) de haute qualité : celui notamment où les deux amoureux proposent une sorte de parodie des chants et danses folkloriques du Far West.

Le plus remarquable dans ces numéros, c’est encore ceux proposés par Carol Haney dans un style loufoque et acrobatique très « années 30 » : une précision remarquable, grande inventivité, incroyable précision dans ses gestes malgré des segments hors normes, et pour le coup une fantaisie bien présente avec des mimiques à la Pépé le putois de Tex Avery. Des excès toonesques parfaits pour la scène de Broadway, mais malheureusement pas du tout adaptés pour le cinéma (elle est impressionnante dans ses numéros dansés, mais insupportable dans ses passages « comiques » : à moins de s’appeler James Carey, le jeu excessif à la Tex Avery est loin d’être conseillé au cinéma…).


Pique-Nique en pyjama, Stanley Donen 1957 |Warner Bros.


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La La Land, Damien Chazelle (2016)

Et la dansité, alors…

Note : 3.5 sur 5.

La La Land

Année : 2016

Réalisation : Damien Chazelle 

Avec : Ryan Gosling, Emma Stone

En général, l’histoire dans une comédie musicale n’a souvent que peu d’intérêt ; elle sert de prétexte, comme point de départ, à des numéros chantés ou dansés ; c’est un habillage qui se contente de peu de subtilités. Or, le problème ici, c’est justement que le film ne tend pas suffisamment à mon goût vers la comédie musicale. Pendant tout le développement du film, et ce pendant au moins une heure, des chansonnettes, deux petits tours au piano électronique sans grand intérêt, tout le reste, c’est la mise en scène d’une amourette tout ce qu’il y a de plus banal pour une comédie musicale. Et pour une comédie musicale, le nombre de numéros proposés pour nous mettre en émoi se compte en un claquement de doigts.

L’ascension dans les coulisses de Los Angeles se prête sans doute moins à la photogénie que celle tournée dans des films à Broadway. Honorer le jazz peut toujours se faire à l’écran en jouant du jazz… Alors qu’honorer le Vieil Hollywood comme semble vouloir le faire Damien Chazelle, une fois que l’on a rejoué un classique à la manière d’une comédie musicale, difficile d’illustrer la passion du personnage féminin (qui est probablement celle aussi du réalisateur) autrement qu’à travers des pièces underground, des castings ou un film à succès dont on ne verra jamais rien. La cinéphilie, ou son versant professionnel, l’amour de la comédie, à Los Angeles, est moins ma tasse de thé qu’un même sujet autour du monde du spectacle situé à New York (à moins d’en montrer un aspect bien particulier : Boogie Nights, Boulevard du crépuscule, et quelques crans en dessous : Ed Wood, ou récemment Il était une fois Hollywood…).

Peut-être aussi est-ce le problème de se concentrer sur une relation sentimentale un peu unidimensionnelle… Comme quoi, si l’histoire n’est qu’un prétexte, encore faut-il y apporter tous les éléments habituels du genre : où sont donc passés les personnages secondaires ? Existe-t-il seulement des exemples de films où une intrigue si resserrée autour de deux personnages principaux qui seraient une réussite ? Même dans un musical ? Hors comédies musicales, que ce soit par exemple dans les films de Cassavetes ou de Woody Allen, je n’ai pas le souvenir qu’ils y aient totalement gommé cette présence nécessaire de personnages en en faisant de vulgaires accessoires… Mais peut-être ai-je aussi simplement du mal à mettre le doigt sur ce petit détail qui peine à me convaincre. Des contre-exemples, j’en trouverai toujours.

Revenons-en à La La Land : j’insiste, un plus grand foisonnement de danses et de chants aurait pu compenser un tel déficit dramatique. On accepte en général les faiblesses de l’un (déficit dramatique) si on nous garantit les petits plaisirs nécessaires de l’autre (les séquences musicales). Peut-être, Chazelle faisait-il plus confiance à l’émotion entretenue par ses deux acteurs entre les séquences que par l’intrigue (même très mince) avec ce désir d’en savoir plus à la scène qui suit, avec la peur, au contraire, de ce qui pourrait advenir. Espérait-il encore que le plaisir sans cesse renouvelé de voir des séquences dansées ou chantées suffise à combler le public… Mystère.

Bref, même si j’ai du mal à l’expliquer, il manque bien un petit quelque chose incapable de satisfaire mes attentes, et le résultat c’est une impression de gnangnan, de vide et de profonde insatisfaction.

Chazelle m’incite à me laisser convaincre par ses acteurs ? Soit. Je l’avoue, je suis toujours aussi passionnément fasciné par le talent de Emma Stone. Un œil, une intelligence, une vivacité, de la dérision, de l’imagination, et une justesse folle qui lui permet de reproduire en un regard une situation qu’on pourrait deviner rien qu’en la regardant jouer (en la regardant le plus souvent écouter, pour être précis). Elle possède aussi ce sourire rare que certains ont dans les yeux, ce sourire qui s’illumine d’un coup, souvent par politesse ou par intelligence sociale, et que l’on exprime pour montrer sa surprise (feinte ou non) de voir quelqu’un, ou de comprendre ce que veut dire l’autre en lui proposant ainsi, par les yeux, une connivence polie. Parce qu’il y a, chez certains, cette noblesse d’âme qui quand ils en regardent d’autres (que quelques-uns considéreraient avec une condescendance à peine voilée) les font sentir plus importants qu’ils ne le sont. Un bon acteur, c’est un acteur qui sait mettre en avant son partenaire, celui qui sait le laisser parler en donnant vie, par l’écoute et le regard, à son discours. Il en va de même pour les individus : monter l’estime qu’ont certains d’eux-mêmes et qui ont peu le loisir de se sentir à leur place dans le monde, c’est se grandir soi-même, montrer une estime discrète par son écoute et un sourire poli à la moindre personne qui vous fait face quel que soit son statut, sa position ou son charme propre, c’est se montrer soi-même civilisé, donc digne d’être aimé. C’est une forme de tatemae à l’occidentale : nul besoin de savoir si l’on est sincère quand on montre du respect à l’autre, montrer la voie, ne pas brusquer l’autre, c’est triste de l’admettre, mais c’est un bon moyen, aussi, pour gagner une certaine forme de paix sociale. Qu’on appelle cela la classe, le charme ou l’intelligence, peu importe, Emma Stone le montre à chacun de ses films… Et moi qui serais sans doute plus une sorte de troll aussi aimable qu’un agent du fisc ou un inspecteur des travaux finis, bref un sauvage à l’intelligence sociale très limitée, ça m’en bouche un coin. J’aurais presque l’impression face à un tel personnage d’être la créature de Frankenstein qui rencontre la petite au bord du lac et qui lui tend ses fleurs… Gare à toi, Emma, à ne pas être trop aimable avec les monstres qui pourraient innocemment te faire du mal.

Quant à Ryan Gosling, (on va troller monsieur, mais on va commencer par les fleurs), je suis loin d’être tout aussi fan de ces interprétations droopiesques, ou de sa personnalité en général, l’acteur est surtout convaincant comme danseur. Si la vase…, la valse pardon, ce n’est pas encore tout à fait ça, la maîtrise qu’il montre dans sa première scène dansée (et pas loin d’être la seule, d’où ma frustration) avec Emma Stone impressionne. Le problème est bien là, pour une fois que j’apprécie l’acteur à l’écran, on ne m’en donne pas assez pour mon argent. Une intrigue un peu faible, trop de sentimentalisme (chanté pour le coup), trop de piano, et pas assez de comédie musicale. Pas assez de danse, de swing, de tap, de peps, de rock s’entend. Imagine-t-on West Side Story sans les Sharks et les Jets ?!… Imagine-t-on un film avec Eleanor Powell sans numéros de claquettes ?!… Fred, sans Astaire ?!… Le Général sans la France ?… Où est le beat, l’attaque en rafales, la nuance, le contrepoint, le coup de coude dans les côtes ?!…

Reste que si le modèle de Damien Chazelle, c’est Jacques Demy, je m’avoue vaincu : si son idéal, c’est laisser Gene Kelly dans un coin et chanter que les papiers bonbons sont jolis pendant une heure, alors oui, je ne mange pas de ce pain-là. Et j’attendrai l’inspiration suivante. Après tout, les tentatives pour ranimer le genre existent : Swing Kids, de Kang Hyeong-Cheol, par exemple, était une belle réussite.


 

Land, Damien Chazelle 2016 | Summit Entertainment, Black Label Media, TIK Films


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Dracula: Pages From a Virgin’s Diary, Guy Maddin (2002)

Note : 2.5 sur 5.

Dracula, pages tirées du journal d’une vierge

Titre original : Dracula: Pages From a Virgin’s Diary

Année : 2002

Réalisation : Guy Maddin

L’alliance « Dracula + ballet + film muet » était ambitieuse, mais tout l’éventail d’effets de scénographie déployé avec emphase se révèle assez peu cinématographique.

On retrouve la même volonté de renouer avec le cinéma muet des frères Quay (tout ce petit monde est d’ailleurs distribué en France par ED distribution), doublé en plus ici d’une autre gageure relevant de l’impossible : filmer un art qui, à ma connaissance, n’a jamais été bien rendu à l’écran, le ballet (en dehors, peut-être, de West Side Story).

Le résultat est plutôt déconcertant et se révèle surtout assez peu cinématographique. Guy Maddin s’y prend comme un manche pour réaliser le ballet allant le plus souvent jusqu’à user de plans américains pour montrer les danseurs en action et, surtout, multiplie bien trop souvent les changements de caméra ou d’inserts pour faire oublier qu’il est en train de filmer un ballet. On a le plus souvent l’impression d’assister à une captation télévisée rehaussée d’effets « faisant cinéma », et plus spécifiquement cinéma muet, afin de faire oublier l’origine, ou la nature, du film.

En dehors de ces problèmes stylistiques inhérents au caractère protéiforme du film, on assiste sur l’écran à tout ce qui pose problème quand on vient à retranscrire un ballet par des images et du son : l’absence de réelle direction d’acteurs ; des acteurs certes très bons danseurs mais qui n’expriment pas grand-chose ou autrement que par leur gestuelle ; un montage un peu perdu qui coupe dans la choucroute (ou les gousses d’ail), et surtout une musique (Mahler pourtant) purement décorative semblant venir en dernier recours sur les images un peu comme dans un programme de danse sur glace.

Il faut toutefois remarquer le travail exceptionnel des danseurs, une scénographie magnifique, et surtout un sujet qui se prêtait parfaitement au ballet (et supposément au cinéma muet). L’idée par ailleurs de prendre un Asiatique pour le rôle principal a cela d’étrange qu’on a parfois l’impression de suivre une adaptation de… Mister Butterfly plutôt que de Dracula


 

 


 

 

 

 

 

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Les Sept Femmes de Barbe-Rousse, Stanley Donen (1954)

Note : 3.5 sur 5.

Les Sept Femmes de Barbe-Rousse

Titre original : Seven Brides for Seven Brothers

Année : 1954

Réalisation : Stanley Donen

Avec : Jane Powell, Howard Keel, Jeff Richards

La mélodie du bonheur conjugal… Du Broadway typique avec ce qui fait encore le sel des comédies musicales des années 50, à savoir un goût pompier pas encore insupportable.

La fable est un peu grossière, même si on a du mal à la juger aujourd’hui : elle joue habilement sur les stéréotypes conservateurs, voire barbares (mais pour une fois, les rustres ne sont ni mandarins, ni arabes, ni gitans, mais les sept nains grand format), pour affirmer une morale civilisée, donc féministe pour l’époque, mais qui passerait pour rétrograde aujourd’hui. En revanche, cet aspect western, adapté comme toujours aux fables les plus simples et les plus efficaces, pointe du doigt une réalité bien vue : sans les femmes, les hommes resteraient probablement des êtres primitifs et violents, incapables de structurer une société digne de ce nom.

Voilà pour la fable. L’intérêt est peut-être plus dans la performance, parfois acrobatique, des acteurs. L’acteur principal à voix de stentor en impose alors que le passage des dialogues vers le chant paraît parfois un brin ridicule (la comédie musicale des années 50, jusque dans les années 70, avec par exemple Un violon sur le toit, ne s’embarrasse plus des précautions des débuts préférant mettre en scène des « films de coulisses »), pourtant il garde toute son autorité grâce à une retenue impressionnante. Les batailles dansées (et pas seulement) sont une véritable réjouissance pour les yeux. Typique de Broadway encore, qui depuis les revues de Ned Wayburn tend à s’écarter toujours plus de l’esprit ballet pour créer des numéros basés sur des personnalités, de l’inventivité et de l’acrobatie.

Beau spectacle.


Les Sept Femmes de Barbe-Rousse, Stanley Donen 1954 Seven Brides for Seven Brothers | Metro-Goldwyn-Mayer


Sur La Saveur des goûts amers :

Les Indispensables du cinéma 1954

Listes sur IMDb : 

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Lim’s favorite musicals

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Trois Places pour le 26, Jacques Demy (1988)

Trois Places pour le 26

5/10 IMDb

Réalisation : Jacques Demy

Une histoire du cinéma français

« De Montand on pouvait niquer sa fille sans que ça pose aucun problème… »

Voilà comment pourrait être sous-titré le film. La légèreté douteuse de Jacques Demy… En somme, c’est Peau d’âne + Œdipe que Demy tente de nous faire passer pour quelque chose de fun… L’inceste est un vrai sujet de film qui ne peut être accessoire autour d’une vieille histoire d’amour et d’un film sur l’ambition (ou sur l’arrivisme). Traité par-dessus la jambe, ça devient vulgaire. Surtout quand la trame est ainsi cousue de fil blanc, quand on voit le truc consternant arriver bien avant, et quand on y fonce droit. Des petits cris quand les masques tombent, et là où commence Œdipe, Demy lui finit son spectacle d’un haussement d’épaules :

« Mais voyons, c’est pas grave : c’est fou ce que tu ressembles à ta mère. »

Sinon, (mauvais) hommage aux rehearsal movies de l’âge d’or. On n’aura finalement qu’une confrontation entre Montand et Françoise Fabian (Dieu qu’elle est belle), pas assez pour créer une tension, évoquer les souvenirs, les problèmes, se moquer de l’autre, etc. Quant à la partition purement rehearsal, c’est complètement raté : la fille remplace au pied levé la comédienne prévue, et peu alors de rebondissements suivent.

Exploitation lisse et maladroite. C’est vrai aussi que ce qui est apprécié chez Jacques Demy, c’est son amateurisme, sa naïveté. On y retrouve d’ailleurs pas mal de Golden Eighties tourné deux ans plus tôt par Chantal Akerman.


Trois Places pour le 26, Jacques Demy 1988 | Renn Productions


L’Accordéon, Igor Savchenko (1934)

L’Accordéon

Garmon/ Гармонь Année : 1934

3/10 IMDb

Réalisation :

Igor Savchenko

Avec :

Zoya Fyodorova, Pyotr Savin, Igor Savchenko

Stupide comédie musicale qui fait semblant d’apporter au milieu de son néant un peu de subversif en moquant le zèle d’un secrétaire d’une coopérative agricole. Mais il n’y a finalement pas grand-chose à sauver sinon l’intérêt folklorique de la chose.

Si on ne juge que l’aspect musical, c’est bien pauvre. L’aspect visuel passe encore, mais la postsynchronisation des chevaux, des pas, ou pire des routines de danse, alors là bravo.

J’ai cru comprendre qu’on réalisait ce même genre de comédies musicales champêtres en Corée du Nord. Le vide absolu. La consensualité mièvre avec le pouvoir à travers l’exaltation de valeurs faussement populaires.


L’Accordéon, Igor Savchenko 1934 Garmon /Гармонь | Mezhrabpomfilm