Les Complexés, Dino Risi, Franco Rossi, Luigi Filippo D’Amico (1965)

La peste soit de l’audacie et des audacieux

Note : 4 sur 5.

Les Complexés

Titre original : I complessi

Année : 1965

Réalisation : Dino Risi, Franco Rossi, Luigi Filippo D’Amico

Avec : Nino Manfredi, Ilaria Occhini, Riccardo Garrone, Alberto Sordi, Claudie Lange, Ugo Tognazzi

Le premier volet réalisé par Dino Risi est de loin le meilleur. Une comédie grinçante et tendre à rapprocher d’Une vie difficile où un grand timide tente de dire à la femme qu’il aime ce qu’il éprouve pour elle. Sans doute le rôle le plus accompli vu jusqu’à présent de Nino Manfredi (dans un emploi similaire, il n’était pas vraiment à son avantage dans un autre Risi, Il gaucho, vu récemment).

Aucune pitrerie ici. On rit surtout des maladresses et beaucoup de la lâcheté édifiante (et touchante jusqu’à un certain point) de son personnage. Comme toujours dans ces comédies de l’attachement et de la misère sentimentale, le choix de l’actrice importe plus que le reste. Celui d’Ilaria Occhini se révèle ainsi judicieux. Si l’on peut difficilement croire en leur amour (au moins, il y a intérêt mutuel), si le trait est un peu forcé en exagérant les défauts de l’un pour accentuer les atours de l’autre, c’est bien parce qu’il faut que le spectateur puisse être virtuellement capable de tomber amoureux en une seconde de cette femme et pester contre cet idiot qui ne s’y prend pas comme il faut (nous, nous saurions y faire, et nous saurions d’autant plus y faire qu’il se prend mal avant nous, et qu’un spectateur, masculin, prend toujours ses désirs, même de spectateur, pour la réalité).

Risi ne tombe pas dans le grotesque. Et Ugo Tognazzi a le bon goût de ne pas remplir ce rôle de mariolle excessif (Tognazzi, spécialiste des écarts de mauvais goût au cinéma, apparaît dans la partie, forcément moins réussie, réalisée par Franco Rossi). Manfredi, tout en discrétion, correspond parfaitement au rôle et joue habilement des lunettes (au contraire de son comparse du second volet). Un Alberto Sordi, tout en subtilité, aurait tout aussi bien pu faire l’affaire. L’acteur d’Il boom ou du Veuf l’est beaucoup moins (subtile) dans le dernier sketch, mais l’épisode reste savoureux. Il le doit pour une bonne part à son génie loufoque (comme à son habitude, il est le roi dès qu’il faut proposer, même deux secondes, un regard mort et idiot, de quoi apporter à sa performance d’équilibriste comique, ici, une savante nuance, car son personnage n’a rien de mort ou d’idiot, c’est le moins que l’on puisse dire).

La réussite de cette histoire d’une journée (je reviens au premier sketch), c’est donc de nous montrer assez rapidement que la demoiselle courtisée par le personnage de Nino Manfredi n’est pas insensible au charme timide de son collègue de travail… L’astuce est là, comme souvent dans le cinéma italien, les femmes belles et bien éduquées (représentations de l’idéal féminin du nord de l’Italie, rien à voir avec la grâce plus rebondie des femmes du Sud qu’incarnent Sophia Loren ou Gina Lollobrigida) peuvent s’enticher de ces hommes sérieux, besogneux, un peu sévères et loin du stéréotype du bellâtre ou du macho domestique. Une sorte de variante du mythe de la Girl next door.

L’intérêt réel qu’elle porte pour son collègue ne fait aucun doute pour le spectateur (beaucoup moins pour cet idiot de Nino), et l’on s’amuse donc d’un des plus vieux procédés comiques connus de la péninsule : le quiproquo. On sait, ils ne savent pas. Ugo Tognazzi dirait qu’ils se reniflent. Plus que d’être réellement comique, la situation fait sourire, comme on sourit de l’amour qu’éprouve Lea Massari dans Une vie difficile pour son imbécile de mari : l’indulgence de l’amour, préfigurant bientôt, ou déjà, le renoncement, la résignation, d’un amour contrarié et douloureux.

Ainsi, puisqu’ils s’aiment, le découvrent, et se le disent, tout devrait bien se passer. Seulement…, c’était sans compter sur le complexé Nino Manfredi quand il devra faire face à un collègue, amant lourd et possessif de sa belle, qui lui demande l’impossible : lui assurer que tout est définitivement fini entre elle et lui. Sans quoi, il continuera de la harceler de ses soupirs…

« Assurer », c’est bien le hic pour ce genre de personnages « complexés ». Jamais ils n’assurent. Ainsi, on ne sourit plus amusé, mais jaune, dépité. Car la chance, elle, sourit aux audacieux, aux ingrats et aux machos. Et plus encore, quand cette chance prend les traits d’une femme, elle sourira alors plus volontiers… à des hommes mariés (l’homme marié italien, archétype du goujat entrepreneur dans la comédie italienne). Le sketch sur la télévision avec Alberto Sordi montre que ce n’est pas limité aux histoires sentimentales d’ailleurs : aussi et surtout en affaire, il faut avoir les dents longues.


 

Les Complexés, Dino Risi, Franco Rossi, Luigi Filippo D’Amico 1965 I complessi | Documento Film


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