Un couple, Mikio Naruse (1953)

Fûfu, La Dînette, le préquel

Un couple

Note : 4 sur 5.

Titre original : Fûfu

Année : 1953

Réalisation : Mikio Naruse

Avec : Ken Uehara, Yôko Sugi, Rentarô Mikuni, Keiju Kobayashi, Mariko Okada, Kamatari Fujiwara, Chieko Nakakita

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Il ne faut pas s’y tromper, si Naruse est le cinéaste du couple et du mélo, il y a dans ce film un humour léger qui affleure à chaque scène. Pour lui sans doute, décrire les détails amusants d’une relation comme les événements les plus tragiques, c’est la même chose. Parce qu’il a le goût de l’absurde. Il comprend la vie et sait qu’elle n’est rien d’autre qu’absurde, futile et éphémère. Tout y est léger. Le film est à cheval entre les films sans prétention de « gosses de Tokyo » (comédies pince-sans-rire qu’on associe plus volontiers à Ozu, mais Bon courage larbin, son premier film qui a survécu en est un exemple ; d’ailleurs Ozu aura plus tard ce même goût des détails futiles et absurdes) et les films plus tardifs plongés plus franchement dans le mélo (ceux écrits par Matsyuama notamment).

Le film a été réalisé trois ans après Le Repas (il reprend le même acteur, Ken Uehara, et le même scénariste, Toshirô Ide), pourtant il y a ce petit quelque chose dans le ton qui le relie à l’absurdité plus affirmée des Acteurs ambulants (on y retrouve l’acteur principal dans le rôle du père faussement méprisant et désintéressé), et donc à ces comédies des années 30, pas si lointaines. Un ton difficile à trouver, entre comédie et drame, qui est aussi la caractéristique d’un auteur comme Tchekhov. La fin y ressemble : une sorte de mélo doux amer comme quand, au milieu du gué, on lance « le roi est mort, vive le roi » (si, ça arrive plus qu’on ne le croit).

Un couple, Mikio Naruse 1953 Fûfu | Toho Company

Pour suggérer cet humour, il fallait un acteur capable d’assumer ce rôle de perturbateur indolent. Et Rentarô Mikuni est parfait dans ce registre. Le fait de le revoir dans ses nombreux films futurs est peut-être trompeur, mais il a quand même une gueule et des mimiques qui ne trompent pas. Le personnage a sans doute été écrit ainsi. Veuf, il est indifférent à tout jusqu’à ce que ce jeune couple vienne partager sa petite maison. Mikuni a toujours cet air ahuri qui laisse penser qu’il vient de se réveiller ou qu’il pense à autre chose. Parfait pour jouer les idiots, ou pas. Parce qu’il est (et sera toujours) sur un fil, ne tombant jamais dans le grotesque. Ici par exemple, on le voit s’épiler les poils des narines. Un détail, mais qui fait tout. Quand il dévoile ses sous-vêtements ridicules, les deux autres se marrent comme des gosses, et lui ne comprend pas ce qu’il y a de si drôle, d’autant plus que c’est sa défunte femme qui les lui avait confectionnés pendant le rationnement… Humour doux amer. C’est d’ailleurs la seule fois où on verra le couple rire, et être sur la même tonalité.

Les trois sont comme des enfants, ils le disent assez. Insouciance à tous les compartiments, spontanéité, naïveté… Il faut attendre la fin pour les voir se comporter enfin comme des adultes. Avant cela, certains comportements sont présentés volontairement comme puérils : le mari passe son temps à bouder, il ne sait probablement pas lui-même pourquoi ; et elle ne se sépare jamais de son sourire amusé. Plus qu’un jeune couple, on dirait un petit garçon et une fille qu’on oblige à s’asseoir à la même table à l’école. Même pas mal. Alors quand on y invite un garçon, celui-ci peut bien perturber le couple, ce n’est jamais grave. « Tu aimes ma femme ? » « Oui. » « Ah. » Et on repart comme si rien ne s’était passé. On rentre ensemble et on continue de jouer.

Les enfants sont partout et nulle part. Souvent pris en référence comme quand ils reçoivent le frère et sa jeune femme à la fin pour leur expliquer (eux les vieux de la vieille, les grands, parce qu’ils ont peut-être deux ans de mariage, comme les grands chez les enfants qui sont ceux qui ont dix ans) que les maris aiment être traités comme de grands enfants… (parce qu’une femme japonaise doit être à la fois la maman, la bonniche, la nounou, la secrétaire, et accessoirement, la maîtresse). Des enfants, ils n’en ont pas encore. Amusante scène d’ailleurs quand, à la fin, juste après avoir donné ces conseils aux jeunes mariés, ils visitent une maison à louer et qu’on leur dit qu’ils ne veulent absolument pas de couple avec des enfants à cause du bruit. Non, des enfants, ils n’en ont pas, et pour cause, c’est encore eux les enfants…

Encore une petite perle de Naruse. Deux ans après Le Repas, il nous en propose le préquel en quelque sorte. Même volonté de coller à la réalité d’un couple, même précision, même concision, mêmes décors (très restreints d’ailleurs). Seule différence, le ton du film, plus léger, plus insouciant. Le perturbateur du couple, en dehors de l’ennui et de la déception de se retrouver ensemble (avoir tiré le mauvais numéro, comme il le dit justement), il est là, dans la maison. Il a un nom, un visage, donc on peut en rire. On voit qu’il ne fait pas si peur que ça. On ne se sépare pas encore, on fuit ensemble, croyant que c’est encore possible.

À noter la présence de Mariko Okada, qui aura le temps de dépasser son quota de sourire (chez Naruse entre autres) avant de se marier avec Yoshishige Yoshida et de ne plus tirer dans ses films que d’atroces tronches bouffées par la sinistrose.



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La Bête blanche, Mikio Naruse (1950)

« L’Étranger à l’intérieur d’une femme »

La Bête blanche

Note : 5 sur 5.

Titre original : Shiroi yajû / White Beast

Année : 1950

Réalisation : Mikio Naruse

Avec : Mitsuko Miura, Sô Yamamura, Eiji Okada, Chieko Nakakita, Mayuri Mokushô, Noriko Sengoku

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Magnifique huis clos « carcéral ».

Habituellement, Mikio Naruse montre la société des femmes dans les bordels ou les bars. Ici, c’est la face sombre des quartiers des plaisirs. On est avant l’interdiction de la prostitution, et sans que cela soit bien expliqué pour des questions de décence compréhensible, on regroupe dans cet institut tenu à l’écart de la société des anciennes prostituées (je vous laisse imaginer ce que représente la bête blanche du titre). Elles doivent accepter d’y travailler un an sans quoi elles iront en prison (la vraie, cette fois).

L’une d’elles prétend ne pas avoir fait le tapin, mais avoir fait ça pour le plaisir… nymphomane. Menteuse ou non, arrogance probable ou dignité refoulée, peu importe, on la voit arriver de loin, et on va la suivre jusqu’à la fin. Éduquée et pouvant passer pour une femme du monde sans son insolence de fille des rues, elle tranche avec les autres pensionnaires, et très vite, comme pour convaincre le personnel traitant de la réalité de sa nymphomanie, va vouloir séduire à la fois le directeur et le docteur (qui est en fait une jeune femme).

La Bête blanche, Mikio Naruse 1950 Shiroi yajû / White Beast | Tanaka Productions

Le récit décrit les autres personnages de cette prison pas comme les autres, et on découvre au fur et à mesure leur histoire. Une des plus jeunes, atteinte de syphilis comme beaucoup, se découvre enceinte et se trouve en face d’une décision délicate quand il faut décider de garder l’enfant. Une autre, elle aussi atteinte de syphilis, voit son ancien prétendant revenir de la guerre, ignorant que sa famille a été tuée et qu’elle a dû se prostituer pour survivre. C’est peut-être dans ces retrouvailles que se situent les scènes les plus remarquables du film, avec une musique pesante et un rythme lourd, comme un thriller ou une scène d’enterrement. Bien sûr ici le dilemme est que l’homme est totalement naïf et qu’elle n’a aucune envie de lui révéler sa condition…

Un chef-d’œuvre à part dans la filmographie du maître japonais, mal compris, peut-être, mal aimé et méconnu, sans doute plus.

(Audie Bock précise que le film était pratiquement achevé en 1947 quand la grève des employés du studio a commencé. L’actrice principale en a donc profité pour se barrer aux États-Unis, et le film n’a été achevé que deux ans plus tard.)


L’Éclair, Mikio Naruse (1952)

L’Éclair

Inazuma Année : 1952

Réalisation :

Mikio Naruse

6,5/10 IMDb   iCM
Listes :

Les Indispensables du cinéma 1952

Avec :

Hideko Takamine
Mitsuko Miura
Kyôko Kagawa
Chieko Murata
Chieko Nakakita

Je n’ai pas compris le film.

Je devais être un peu distrait par la beauté d’Hideko Takamine, mais je me suis embrouillé à suivre l’histoire. Ça ressemble en fait aux débuts des films de Naruse : on apprend toujours à connaître des personnages, mais d’habitude, après il y a un truc qui se passe, là non, la fin arrive vite, je n’ai pas percuté. On a droit à un dénouement entre le personnage de la fille et de la mère, pourtant, je n’avais pas l’impression que ça semblait être le thème du film. J’attendais l’histoire d’amour, le mélo et on s’en tire avec un film psychologique sur la réconciliation entre une fille et sa mère…

J’ai dû rater une bobine en me focalisant sur celle d’Hideko.


L’Éclair, Mikio Naruse 1952 Inazuma | Daiei production