Kenji Misumi
Filmographie & genres :
Drames féminins et amoureux :
Heptalogie des larmes (ère Meiji – contemporain) :
- La Lignée d’une femme (1962)
- La Famille matrilinéaire (1963)
- L’Homme au pousse-pousse (1965)
- La Vision de la vierge (1966)
- Brassard noir dans la neige (1967)
- La Rivière des larmes (1967)
- Deux Sœurs mélancoliques à Kyoto (1967)
Drames amoureux et tragédies en costumes (ère Edo et antérieures) :
- Gompachi au chapeau (1956)
- Le Fantôme de Yotsuya (1959)
- Komako, fille unique de la maison Shiroko (1960)
- Le Palais de la princesse Sen (1960)
- La Courtisane et l’Assassin (1963)
- Le Temple du démon (1969)
Biopic :
- Bouddha (1961)
- Ōkuma Shigenobu le grand (1963)
Satire et farce contemporaine :
- Les Combinards des pompes funèbres (1968)
Polar contemporain :
- Un flic hors-la-loi (1973)
Film de yakuzas :
- L’Épée errante (1970)
Jidaigeki à monstres :
- Le Retour de Majin (1966, série)
Chambaras :
Trilogie du sabre :
- Tuer ! (1962)
- Le Sabre (1964)
- La Lame diabolique (1965)
Séries populaires à lames :
- Zatôichi
- Baby Cart
- Hanzo the Razor
- Le Combat de Kyōshirō Nemuri (à partir du 2)
- Le Passage du Grand Bouddha (nouvelle adaptation)
- Les Nouvelles Aventures de la joueuse / The Woman Gambler (un seul épisode)
Intrigues politiques, enquêtes et katanas :
- L’Inspecteur du Shôgun (1959)
- Le Démon du château de Sendai (1962)
- Shinsengumi Chronicles (1963)
- Les Derniers Samouraïs (1974)
Aventures vagabondes, contes populaires et comédies en costumes :
- Momotarō le samouraï (1957)
- Les Carnets de route de Mito Kômon (1958)
- La Princesse aveugle (1959)
- Les Carnets secrets de Senbazuru (1959)
- Sur la route à jamais (1964)
- Jirōkichi le rat (1965)
- Les Deux Gardes du corps (1968)
- La Saga de Magoichi (1969)
- L’Enfant renard (1971)
Après la rétrospective à la Cinémathèque française, commence à se dessiner le parcours du bonhomme. On peut supposer qu’à la disparition de Mizoguchi au milieu des années 50, la Daiei a cherché des successeurs au maître du jidaigeki. Dans ce cadre, Misumi aurait pu être promu à la réalisation grâce à sa capacité à diriger les acteurs. Il sera par la suite indissociable de deux partenaires privilégiés mais non exclusifs au cours de sa carrière : le directeur de la photographie Chikashi Makiura (parfois avec Hiroshi Imai) et le directeur artistique Akira Naito. Les trois principaux collaborateurs de Mizoguchi travaillant encore pour le studio, Yoshihide Yoda pour le scénario, Matsutarô Kawaguchi pour les sujets et Kazuo Miyagawa à la photographie, il n’est pas rare d’avoir vu Misumi travailler avec eux, souvent pour des drames. Mais on peut aussi associer la carrière de Misumi à celle de deux acteurs : Raizô Ichikawa et Shintarô Katsu (voire à un autre, Saburo Date, toujours dans l’ombre, souvent dans des rôles de méchant, mais ayant participé à 33 réalisations avec Misumi depuis leur première rencontre sur le tournage de La Porte de l’enfer sur lequel Misumi était assistant).
Dès son premier film disponible, Gompachi au chapeau (1956, déjà avec Raizo Ichikawa), on trouve des éléments parfaitement maîtrisés, à l’exception de l’humour, qui se retrouveront tout au long de la carrière de Misumi : un récit de vagabondage avec le katana en guise de boussole et une histoire d’amour impossible (pour tous les amateurs de psychanalyse et de politique des auteurs : Kenji Misumi est le fils d’une geisha et d’un marchand qu’il a à peine connus — il a été élevé par sa tante). La même année, il commence sa collaboration avec Shintarô Katsu, mais le film est indisponible.
En 1957, Misumi poursuit son aventure avec Raizo Ichikawa dans un nouveau récit de vagabondage (à l’histoire tirée par les cheveux) : Momotarô le samouraï. L’année suivante, il reste sur le récit de vagabondage, mais on oublie le romantisme de Gombachi, et on passe au registre de la comédie avec Les Carnets de route de Mito Kômon. En 1959, le vagabondage est toujours de la partie avec La Princesse aveugle ; le film marie idéalement romantisme et comédie. Mais Misumi diversifie aussi sa palette en adaptant un classique du théâtre, Le Fantôme de Yotsuya, dans une version très mizoguchienne assez peu tournée vers le cinéma de genre (plus respectueuse de la pièce d’origine sans doute que d’autres versions).
En 1960, il met de côté ses récits de vagabondage pour raconter des drames amoureux à l’époque Edo (Misumi semble n’avoir encore réalisé aucun film situé dans une époque plus tardive) : Komako, fille unique de la maison Shiroko et Le Palais de la princesse Sen. La même année, il commence sa version de l’adaptation du Passage du grand bouddha. Et l’année suivante, la Daiei change de dimension en confiant au réalisateur le monumental Bouddha.
En 1962, Misumi joue sur tous les tableaux : il réalise ce qui pourrait être son premier grand mélo, La Lignée d’une femme, puis il entame sa trilogie du sabre avec Tuer et lance la série des Zatoïchi. Il poursuit dans cet éclectisme l’année suivante puisqu’il tourne une satire, peut-être son premier film contemporain (La Famille matrilinéaire), un magnifique drame amoureux (La Courtisane et l’Assassin) et une hagiographie (Ôkuma Shigenobu le grand). Et ce sera comme ça encore quelques années…
Malheureusement, une grande part de ces films (souvent de valeur égale, les chefs-d’œuvre invisibilisés étant bien plus nombreux que les mauvais films) reste aujourd’hui indisponible.
Classement :
10/10
9/10
- Tuer ! (1962)
- Les Derniers Samouraïs (1974)
- Brassard noir dans la neige (1967)
- Komako, fille unique de la maison Shiroko (1960)
- Le Palais de la princesse Sen (1960)
- Le Temple du démon (1969)
- La Lignée d’une femme (1962)
8/10
- Zatôichi, le masseur aveugle (1962)
- La Légende de Zatoïchi : Les Tambours de la colère (1968)
- La Légende de Zatoichi : Voyage meurtrier (1964)
- Hanzo the Razor 1 : L’Épée de la justice Goyôkiba (1972)
- La Rivière des larmes (1967)
- Baby Cart : Le Territoire des démons (1973)
- Le Fantôme de Yotsuya (1959)
- Les Carnets de route de Mito Kômon (1958)
- Les Deux Gardes du corps (1968)
- Le Passage du Grand Bouddha I (1960)
- La Famille matrilinéaire (1963)
- L’Homme au pousse-pousse (1965)
- Deux Sœurs mélancoliques à Kyoto (1967)
- Gompachi au chapeau (1956)
7/10
- La Légende de Zatoïchi : Route sanglante (1967)
- La Légende de Zatoichi : Le Shogun de l’ombre (1970)
- La Légende de Zatoïchi : Voyage en enfer (1967)
- Le Sabre (1964)
- Baby Cart : Dans la terre de l’ombre (1972)
- Baby Cart : L’Enfant massacre (1972)
- Baby Cart : Le Sabre de la vengeance (1972)
- Shinsengumi Chronicles (1963)
- La Vision de la vierge (1966)
- Momotarō le samouraï (1957)
- Le Passage du Grand Bouddha II (1960)
- Les Carnets secrets de Senbazuru (1959)
- La Courtisane et l’Assassin (1963)
- L’Enfant renard (1971)
- La Princesse aveugle (1959)
6/10
- La Lame diabolique (1965)
- Sur la route à jamais (1964)
- Le Démon du château de Sendai (1962)
- Le Combat de Kyōshirō Nemuri (Nemuri Kyoshiro 2: Shôbu) (1964)
- La Saga de Magoichi (1969)
- Les Combinards des pompes funèbres (1968)
- Jirōkichi le rat (1965)
- L’Inspecteur du Shôgun (1959)
- The Woman Gambler 17 (1971)
- Ōkuma Shigenobu le grand (1963)
5/10
- Shogun Assassin (1980)
4/10
- Un flic hors-la-loi (1973)
3/10
Films commentés (articles) :
Courts articles :
Listes :
commentaires simples :
The Woman Gambler 17 (1971)
Vu par curiosité. N’ayant vu aucun des… 16 premiers épisodes, il fallait s’attendre à pas y comprendre grand-chose. Amateur des opusculaires de La Pivoine rouge (Lady Yakuza) dont cette joueuse semble être une sorte de sœur cadette, je me suis laissé tenté. Un des derniers films produits par la Daiei. La pauvre, elle produit des séries depuis des années, mais elle fera faillite avant de pouvoir participer à la vague d’exploitation des années 70. Quitte à faire des films avec trois bouts de ficelles, il aurait été peut-être plus judicieux de miser sur l’expérimental. Parce que le film reste encore très académique, on ne tombe jamais dans les excès de violence qui n’ont jamais caractérisés la mise en scène de Misumi, mais c’est sacrément fauché. Les salles de jeu, c’est pratique, on a jamais à montrer l’extérieur… Des extérieurs, il y en a quelques-uns, des terrains vagues (on y voit une jolie scène « d’amour » d’ailleurs). Et le finale se déroule dans une très jolie maison traditionnel, mais on n’est plus à l’époque où on peut découper les shojis en origami lors des grandes bastons : on se bat, oui, mais on met plus l’accent sur la chorégraphie que sur la destruction du décor (le propriétaire ne serait pas content). Le récit est bien construit, mais sans capacité à proposer une histoire qui sorte de l’ordinaire, l’équipe est condamnée à jouer sur des sujets vus cent fois (le tricheur repenti qui finit par être trompé, puis assassiné, la joueuse qui s’exile quelque temps pour se faire oublier, le jeu qui s’invite malgré elle, la rencontre heureuse avec l’alter ego qu’on aime avant même de savoir qu’il existe, les guerres de clans, les parties à quitte ou double, l’honneur perdu du clan, le revirement inattendu et la révélation d’identité). Je suis venu, j’ai vu, j’ai perdu. C’est triste de voir le cinéma japonais agoniser sur la pellicule.
Ōkuma Shigenobu le grand (1963)
Après la vie de Bouddha, c’est donc celle d’un illustre politicien japonais, Shigenobu Ôkuma, une des figures du développement académique et industriel du pays à l’ère Meiji tout de suite après son ouverture, qui est confié à Misumi… Au-delà de l’aspect historique (période très rarement montrée au cinéma sinon sous l’angle des films de yakuzas, et par conséquent, plutôt inconnue pour moi), pas grand-chose à signaler sinon une profusion de moyens déployés pour cette hagiographie et un acteur principal loin d’être convaincant. Informatif, rien de plus. Et un peu barbant (comme tous les biopic).
Notes à part :
Sorti des limbes du site (resté en privé) d’un échange avec l’ami oso concernant l’opposition entre Misumi et Gosha. Commentaire qui date un peu, mais assez curieux à lire à la lumière des derniers films vus : Le duel Kenji Misumu face à Hideo Gosha.
Le Combat de Kyôshirô Nemuri (Nemuri Kyoshiro 2: Shôbu) 1964
J’ai dû revoir des images du premier volet pour me remémorer le contexte de la saga, mais cela ne semblait pas si nécessaire en fait. C’est vrai que dans ce genre de film, le principe est presque celui des séries TV où à chaque épisode, on repart presque avec une nouvelle histoire : on garde le héros principal, de nouveaux personnages apparaissent et par conséquent une nouvelle mission. C’est joliment fait. Du récit populaire (genre sur lequel le cinéma français aurait dû capitaliser en multipliant les films de cape et d’épée, mais le public a vite été subjugué par les récits populaires venus d’ailleurs) qui tient surtout pour la botte secrète que les opposants au héros semblent tous pouvoir déjouer. La suite au programme, mais ça me paraît déjà un peu en deçà du précédent.
La Saga de Magoichi 1969
Kinnosuke Nakamura qui avait été autrefois peut-être le Miyamoto Musashi le plus convaincant sous les ordres d’Uchida est loin de son meilleur. On y retrouve également le jeune premier d’autrefois, boule à zéro, Kôjirô Hongô, qui était formidable dans Les Deux Gardes du corps par exemple. Shintarô Katsu joue le méchant dans l’histoire. Vulgaire western qui ravira les amateurs de films de guerre en costume. Le seul intérêt du film tient de l’obstination fétichiste que porte le héros pour un grand amour dont il n’a vu que les pieds. C’est cocasse, mais aussi totalement hors du ton général du film (même si toute la troupe de Musimi essaie de faire passer ça pour une comédie). On approche la fin des heures de gloires du cinéma nippon, et à l’image du cinéma italien à la même période, cela se fait d’abord par un vieillissement remarquable de sa distribution. C’est assez pathétique ici : tous les héros vaillants du début de la décennie sont réunis et semblent avoir passé leur soirée à boire de l’alcool (ils ont tous la gueule bouffie et le geste lourd des gros buveurs). La gueule de bois commence pour le cinéma japonais. Même l’image commence à s’enlaidir.
Les Combinards des pompes funèbres 1968
Farce contemporaine et satire capitaliste bien construite et bien interprétée, mais cela a méchamment vieilli, et l’humour noir sur une heure et demie de film, ça use. Shintarô Katsu est toujours parfait en crétin naïf et volontaire. Le film vaut peut-être juste le coup d’œil pour la performance du Michel Simon nippon, Yûnosuke Itô, en chirurgien plastique désabusé, tripoteur de fesses et bilingue.
Le Démon du château de Sendai 1962
— Bonjour Monsieur Kubrick. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi avoir réalisé La Grand Sommeil ?
— J’ai toujours apprécié le travail de William Faulkner.
— Avez-vous conscience que le public sera un peu perdu ?
— Vous l’étiez ?
— Honnêtement, oui.
— Vous n’avez rien compris ?
— Honnêtement ? Rien.
— Intéressant. Qu’avez-vous retenu d’autre ?
— Vous êtes le plus grand réalisateur sur terre.
— Je le savais déjà. Mais il y en a un autre.
— Ah oui ?
— Devinez.
— Howard Hawks ?
— Qu’est-ce que vous racontez ? Je vous ai demandé de deviner, pas de raconter n’importe quoi.
— Pardon, c’est que je suis encore troublé par votre film.
— Un homme a réalisé un film tout à fait fascinant, le public occidental se plaignait n’y avoir rien compris, mais tout le monde était unanime pour dire que le travail de la production, des décors, la photographie, jusqu’aux acteur, et bien sûr ce qui nous intéresse ici, la réalisation, pour dire donc que ce travail était admirable. Du jamais vu. D’ailleurs, en réalité, dans le monde réel, personne ici ne l’a vu. Vous ne voyez toujours pas de qui je veux parler ?
— J’avoue que…
— Kenji Misumi.
— Ah.
— Vous ne voyez pas qui c’est ?
— J’avoue que…
— Zatoïchi.
— Ah. Oui. Bien sûr.
— Vous ne voyez pas. En quelle année somme nous ?
— 2024.
— Tout s’explique.
— Si vous le dites. Moi, je suis perdu.
— Je reviens de la Cinémathèque française… Vous connaissez la Cinémathèque française ?…
— Pas personnellement.
— Peu importe. Je reviens donc de la Cinémathèque française où j’ai vu un film intitulé Le Démon du château de Sendai.
— Un film d’horreur.
— Pas du tout.
— Evidemment.
— Enfin, peut-être pas. Je n’y ai rien entendu.
— Vous, Monsieur Kubrick, vous n’avez rien compris ?
— J’ai réalisé 2001 : Odyssée de l’espace, je vous rappelle…
— Bien sûr. Non, en fait, je n’en savais rien. Zatoïchi, c’est qui déjà ?
— En 2024, personne ne se rappelle de mon 2001 ?
— Plaît-il ?
— Bref, j’en reviens à mon film.
— 2001 ?
— Le Démon du château de Sendai.
— Bien sûr…
— Eh bien, il a été réalisé par Kenji Misumi.
— Je ne l’aurais jamais cru.
— Et le film est très bon. Vous devriez le voir.
— Avec plaisir, ça parle de quoi ?
— Je n’en ai absolument aucune idée !
— Tout un programme. Monsieur… quel est votre nom déjà ?
— Kubrick.
— Voilà. Eh bien, je crois que je vais aller me reposer. Un grand sommeil s’impose.
Bref, c’est foutrement joli, mais je n’ai rien compris. Rien. Godzilla aurait très bien pu apparaître dans une scène que je n’y aurais vu que du feu.
Le Passage du Grand Bouddha, 1960
Plus de souvenirs du tout de la version d’Uchida tournée trois ans auparavant (mais bien notée), et pas beaucoup plus de l’unique premier volet préservé d’Inagaki sorti, lui, trente ans avant. Mais j’avais déjà relevé un style de récit éclaté pas forcément à mon goût. J’aime bien les histoires écrites en tableaux, mais essentiellement quand le récit est centré sur un seul personnage et la trajectoire d’un destin unique. Ici, ça part parfois dans des telles ellipses qu’on a du mal à savoir de quoi il en retourne. Faut croire que c’est propre au roman parce qu’on retrouve ce style dans toutes les versions. Là où le film se montre bluffant en revanche, c’est dans la maîtrise formelle de Misumi. Sa composition est somptueuse. Il arrive bien à marier les plans tournés en extérieurs et ceux en studio (même de forêt) et moi qui suis loin d’être fan de Raizô Ichikawa, reconnaissons qu’il offre à son personnage une gravité folle dans les deux premiers épisodes. La Daiei a dû se dire que pour le troisième volet, le public concerné irait de toute façon dans les salles, donc ils étaient en mode balec, et un autre réal friand de mouvements de caméra intempestifs s’est chargé de conclure l’aventure. En dehors d’une jolie séquence finale prise dans un typhon, cette dernière partie peine à retrouver l’élan initié par Misumi.
Un flic hors-la-loi (1973)
Défilé de plans en téléobjectif avec flous et couleurs crado. Misumi s’amuse, faute de pouvoir filmer autre chose que des décors bien dégueux, mais on est loin de l’énergie d’un Fukasaku (Combat sans code d’honneur, c’est la même année). Et pourtant, c’est peut-être la seule chose à garder. Tout le reste est vilain comme c’est pas permis : pas de rythme, une histoire stupide voire grotesque (le finale est tellement mélodramatique que ça pourrait être du John Woo, par exemple, mais Misumi est clairement dépassé dans ces années 70 fauchées), pas d’action digne de ce nom, pas de tension crédible. Et le pire peut-être de tout : des séquences de torture répétitives sans fin et sans but. Quand Hanzo torture sexuellement ses victimes, on est dans l’outrance absolue, on s’en amuse, et c’est souvent très créatif. Ici, on torture gratuitement ; cela se veut sans doute amusant, mais c’est loin de l’être. Le pire film de Misumi jusque-là. Mais on le pardonne, ils y sont tous passés dans cette décennie d’agonie.
Momotarō le samouraï 1957
Réalisation encore plus précoce que Le Fantôme de Yotsuya. Déjà avec Raizō Ichikawa, qui assure ici un double rôle. On est dans le récit bien populaire avec toute une série de stéréotypes du genre : l’arrivée d’un étranger en ville ; la femme secourue ; la rencontre avec le fidèle zozo voleur à ses heures perdues ; celle (plus fortuite) avec la future aimée ; et bien sûr, le tour de force narratif à la limite du mélodrame, la ressemblance remarquable entre l’étranger avec un jeune seigneur devant faire face à un complot. Tout cela est bien opportun, mais on s’amuse comme des fous. Misumi n’en est pas encore à faire joujou avec l’écran large ; les couleurs rappellent celles des Inagaki des années 50 ; mais certaines prouesses techniques sont déjà du Misumi dans le texte : de nombreux travellings latéraux ou dans la profondeur en chœur avec la musique pour relever un effet narratif et une transition, une contre-plongée audacieuse plus que rare à l’époque, des gros plans introductifs contraires à l’habitude classique d’alors, et déjà, dans les batailles, une préférence à tourner l’axe de la caméra sur les bretteurs en plan rapproché, là où d’autres font l’erreur de tourner leur caméra sur la rencontre entre les deux sabres (ce qui n’empêche pas Misumi de tirer admirablement parti du talent de ses deux sabreurs dans un magnifique finale joliment chorégraphié).
Sur la route à jamais (1964)
Assez mineur. Un scénario basé sur une enquête et une recherche du père qui n’a rien de bien trépidant. On se croirait dans un roman russe à ne jamais savoir qui est qui. Et ça tombe bien parce que, badaboum, il s’avère que la personne recherchée n’est pas celle que l’on croyait… Les acteurs ne semblent pas bien convaincus non plus. Pas plus que Misumi qui se concentre comme il peut avec le joli écran large et la couleur qu’on lui a prêtés pour faire joujou au bord de la mer. Ce dernier aspect n’a d’ailleurs pas grand-chose pour me séduire : comme pour les westerns dans la boue, j’avoue une certaine aversion, presque physique, pour les chambaras balnéaires (Goyokin en tête). On note aussi énormément de connexions, sans doute inexplicables, entre les films d’exploitation (ou ce qu’on n’appelle pas encore ainsi) italiens et japonais. Si certaines influences sont mutuelles et avérées ou avouées, d’autres me paraissent improbables. Ici, par exemple, j’y vois un côté Django avec ce village semblant sortir du néant (aucun voyage possible, aucune nouvelle du dehors, il n’y a jamais que les voyageurs que l’on suit capables de venir chahuter le repos relatif de ce petit monde corrompu vivant en vase clos).
Pour ce qui est de la réalisation donc (puisque Misumi se fout joyeusement de donner des indications à ses acteurs afin qu’ils y comprennent quelque chose ou adoptent une humeur conforme à une ambiance attendue à tel ou tel moment du récit), c’est assez brillant. Misumi (ou son chef opérateur) profite du grand écran pour multiplier les gros plans, et de la couleur, pour exposer les peaux moites et luisantes sous le soleil de plomb. Ce n’était pas le tournage à avoir une poussée d’acné. Comme à son habitude, il joue également énormément sur la profondeur de champ. Composition des plans époustouflante. On devrait appeler cette maîtrise « l’effet Misumi ». En dehors de ça, rien à retenir. Foutez-lui un bon scénario entre les mains à ce garçon.
La Vision de la vierge (1966)
Les petites bassesses du clergé bouddhiste avec un premier viol d’une violence inattendue (perpétré par l’acteur de Baby Cart sur Ayako Wakao, donc bonjour le choc), mais un déroulé de l’intrigue bien trop vite expédié (à l’image de la vengeance finale), et cela malgré une maîtrise impressionnante de Misumi (utilisation parfaite de l’écran large et du noir et blanc), et de ses interprètes.
Diaporamas :
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